Janvier 2023 • GSIEN

AVIS IRSN Palier P’4 et N4 - Fuite BR en accident grave :

Commentaire et analyse GSIEN :

Le revêtement posé, sera-t-il efficace le jour de l’accident ? Sachant que : « les revêtements se doivent de tenir à la sous-pression (notamment lorsque l’enceinte est sous pression), les risques de fuites par contournement des zones revêtues sont élevés », selon un doc interne d’EDF.

Mais pourquoi ce risque de fuites au niveau du dôme des enceintes de type P’4 et N4 n’apparait-il qu’aujourd’hui ? Tout simplement parce que le scénario d’accident grave retenu par l’IRSN va au-delà des conditions de dimensionnement en pression et en température dans l’enceinte, soit respectivement 5,2 bar (P’4) et 5,3 bar (N4) pour 140°C de température maximale (tous paliers).

Ce qui n’est pas mentionné dans l’avis, c’est que « pour cette étude, EDF retient des profils de montée très rapide en pression et température jusqu’à respectivement 5 bar et 140°C, avant l’atteinte progressive d’un pic à 6 bar et 155°C à 24 heures, puis une décroissance lente pour revenir à 5 bar et 140°C à 14 jours [Cf. figure 1]. Sur la base de sa propre connaissance de la variété des conditions d’accidents graves, l’IRSN a jugé ces profils « raisonnablement enveloppes » des conditions d’accident grave au niveau des dômes des réacteurs des paliers P’4 et N4 », comme l’IRSN l’a confié au GSIEN (1).

En début d’année, nous avions questionné l’IRSN sur l’évolution de certains paramètres en conditions accidentelles retenus par EDF :

  • Évolution de la pression et de la température enceinte dans le temps à partir de l’ouverture de la brèche ;

  • Évolution de la température du gainage afin de situer le début de la phase d’oxydation et de son emballement ;

  • Taux de gaines oxydées ;

  • Quantité d’hydrogène produite lors de la phase d’oxydation du zirconium ;

  • Évolution de la température du combustible dans le temps avec l’estimation du début de fusion et de sa relocalisation ;

  • Taux de fusion du cœur ;

  • Quantité d’hydrogène produite lors de l’interaction corium/béton.

Seule la première interrogation a reçu réponse ce qui est déjà un grand pas de fait par EDF pour enfin envisager l’impact d’un accident hors dimensionnement dans une de ses centrales.


Figure 1 - Chargement thermique et en pression
considéré par EDF lors de l'accident grave

Source, IRSN (2)

Nous avons donc questionné à nouveau l’IRSN pour tenter d’obtenir les réponses sur le comportement du combustible lors de l’accident. L’Institut a alors proposé au GSIEN une réunion téléphonique (24/02/22) pour échanger sur le sujet. En amont de cette réunion, l’IRSN a fait parvenir au GSIEN un « mémo support » d’où est extraite la figure ci-dessus qui rappelle le chargement de l’enceinte en situation d’accidents graves retenu par EDF.

Pour cette réunion téléphonique, l’IRSN avait mobilisé la "grosse artillerie" :

- Didier Vola, responsable du service des accidents majeurs,

- Frédérique Pichereau, adjointe au directeur de l’expertise de sûreté,

- Karine Herviou, directrice générale adjointe chargée du pôle sûreté nucléaire,

- Véronique Leroyer, chargée de mission ouverture à la Société.

Le GSIEN voulait évaluer le risque d’explosion d’hydrogène dans l’enceinte de confinement, un risque identifié par l’IRSN dans l’espace entre les deux enceintes. Comme l’hydrogène est émise dans le cœur pendant les premières heures de l’accident lors de la phase d’oxydation du zirconium des gaines (en présence de vapeur d’eau), l’hydrogène va se répandre dans l’enceinte interne avant d’atteindre l’espace entre enceinte. Connaitre le taux d’oxydation des gaines du combustible et la quantité d’hydrogène produite dans le temps nous semblait intéressant afin d’estimer le risque de combustion, voire d’explosion, dans l’enceinte au début du transitoire accidentel. De manière rassurante, l’IRSN a déclaré prendre en compte ce risque et a donné des explications très techniques au GSIEN, sur les cinétiques de production d’hydrogène dans le cœur et de recombinaison de cet hydrogène par les Recombineurs autocatalytiques passifs, dits RAP. Sans donner le moindre chiffre sur la quantité d’hydrogène produite dans le temps en regard des capacités de recombinaison des RAP.

Nous avons alors cité en exemple des estimations de production d’hydrogène d’un réacteur de 1300 MWe. Elles seraient de l’ordre de 300 à 900 kg lors des deux premières heures après le début l’accident (Cf. figure 2), selon les divers scénarii accidentels retenus par EDF dans un document interne. Concernant le « Risque de déflagration rapide », EDF note :

« Le dimensionnement du système de RAP permet de limiter la quantité globale d’hydrogène dans l’enceinte, évitant ainsi la perte de confinement par combustion laminaire d’H2.

La considération de la masse totale n’est cependant pas suffisante, car le risque de perte de confinement est aussi lié à l’occurrence de phénomène dynamique tels l’accélération de flamme, voire transition déflagration-détonation, dus à la présence éventuelle de poche à forte concentration d’hydrogène.

La cinétique de production de l’ordre de (1000 à 10 000 kg/h) étant bien plus importante que la cinétique de recombinaison d’H2 (de l’ordre de 100 kg/h), l’apparition de telles poches pendant le pic de production est inévitable.

Après le pic de production, un brassage par EAS, ou par convection naturelle (moins efficace), de l’atmosphère de l’enceinte, permet de réduire les gradients de concentration en moins d’une heure.

Cependant, tant que l’atmosphère n’est pas homogénéisée, le risque de combustion rapide d’hydrogène demeure » (3).

En clair le risque d’explosion d’hydrogène dans l’enceinte de confinement est possible comme l’a convenu l’IRSN lors de la réunion téléphonique du 24 février. En fonction de l’énergie dégagée par la combustion rapide d’hydrogène, une surpression de l’enceinte est inévitable ce qui peut conduire à sa ruine.

Lors d’un « Accident de fusion du cœur », l’IRSN a étudié le « Comportement mécanique des enceintes » à simple paroi des tranches de 900 MWe : « la valeur de la pression limite conduisant à la défaillance du confinement est de l’ordre de 10 bars absolus (2 fois la pression de dimensionnement de l’enceinte de confinement) » [IRSN, 2013 (Cf. § 6.3.2.3.2)].

Ce même rapport de l’IRSN, par contre, ne donnait aucune valeur quant au comportement des enceintes à double paroi équipant les tranches de 1300 et de 1500 MWe en cas d’accident grave. Le GSIEN a donc demandé à l’IRSN qu’elle serait, à son avis, la tenue ultime d’une enceinte à double paroi. Réponse : « 6 à 7 bar »...

Réf. (1) Réponse de l’IRSN à la demande d’informations du GSIEN sur l’avis sur le comportement du dôme des enceintes de confinement des réacteurs du palier P’4 et du palier N4 (avis 2001-00075 du 7 mai 2021) - Janvier 2022

(2) Mémo support à la réunion d’échanges techniques entre le GSIEN et l’IRSN du 24/2/2022

(3) Trousse à outils papier pour le palier N4 - Risque hydrogène - EDF, 28/11/2007


Figure 2 - Masses d’hydrogène produites par type de scénario pour le palier 1300 MWe

Légende
Le « pouce » (2,54 cm) représente le diamètre de la brèche lors d’un accident de perte de réfrigérant primaire
H2 : perte totale de l’eau alimentaire des GV
H3 : perte totale des alimentations électriques

Source, EDF (3)