Mémoire jetable?

On pensait que la numérisation des données permettrait de les conserver éternellement. Une étude américaine établit qu'elles ne restent consultables en moyenne que quinze ans. Non seulement les supports se dégradent mais encore les instruments qui permettent de les lire disparaissent dès qu'ils sont obsolètes.

    Qui n'a jamais montré à ses amis ses vidéos de vacances? Regardez-les bien, car dans une bonne dizaine d'années, cela ne sera plus possible! La bande magnétique sera dégradée et nous n'aurons plus la technologie idoine pour la visionner. On nous avait pourtant dit que le stockage électronique, numérique ou non, des informations était la voie royale pour conserver, traiter et difuser la mémoire de notre société. Rien n'est moins vrai. Au JPL (Jet propuIsion Laboratory) en Californie, 20% des images prises par les sondes martiennes Viking en 1976 et stockées sur support magnétique sont déjà inexploitables. 75% des documents fédéraux américains enregistrés l'année prochaine sous forme électronique ne pourront plus être lus dans 10 ans, prévient le magazine américain Newsweek.

Le software n'est pas seul concerné. Les nouvelles technologies de stockage d'informations changeant tous les 15 ans environ, nous ne sommes plus assurés d'avoir les dispositifs pour lire les documents électroniques, à moins de constituer de gigantesques conservatoires technologiques. Les films enregistrés par des caméras bétamax 8 pistes sont déjà devenus pour la plupart inexploitables.

Le transfert d'un support à l'autre avec transcodage, ne constitue pas la solution car il s'accompagne toujours d'une perte d'information. La FDA (Food and Drug Administration) en a fait récemment les frais: des essais thérapeutiques transcodés d'Unix à Windows NT se sont révélés inutilisables, des données capitales ayant été transcrites de manière fantaisiste. «Plus nous sommes technologiquement avancés, et plus fragiles nous devenons», constate Abby Smith, président du Council on library and Information resources (conseil américain des bibliothèques et sources d'information).

Alors que faire? Pour l'instant, personne ne possède la réponse. Notre société est condamnée à être touchée par une amnésie insidieuse.
A moins de découvertes fondamentales.

Editorial de Science et Vie No 984, septembre 1999