Décembre 2023 •

RIS 900 – Corrosion sous contrainte
ou corrosion sans contrôle ?

Penchons-nous avec attention sur les lignes RIS du CPY (900 MWe). L’injection de sécurité, par l’intermédiaire de tuyauterie de diamètre 6’’, se fait par la bâche PTR via les pompes RIS (BP) ou RCV (HP). On peut injecter en branche froide, c’est le RIS BF ou en branche chaude (RIS BC).

Il y a une troisième possibilité d’injection directement par les accumulateurs RIS sous pression d’azote (dénommé RIS Accu ou AQ) par l’intermédiaire cette fois d’une tuyauterie en 12’’ ; autour des soudures de ces tuyauteries en 12’’, des contrôles par sondage ont été réalisés sur quelques tranches et ils n’ont pas révélé de défaut.

Dans les différentes présentations d’EDF sur l’état des lieux de ses installations on trouve des exemples de design des lignes RIS selon les différents paliers (Cf. Tableau page 22). Cependant, les schémas de l’isométrie des lignes RIS BF et RIS AQ 900 présentés par EDF au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN le 22/10/22) par exemple, montrent seulement des schémas de lignes RIS Accu en 12’’. Aucun schéma de RIS 900 en 6’’ n’est présenté comme si EDF n’avait réalisé aucun examen pour lever le doute avant de reclasser ces circuits comme non sensibles en 2023 alors qu’elles étaient supposées peu ou très peu sensibles en 2022...

A partir de quelles analyses ou expertises ce classement a-t-il été réalisé ? C’est dans un courrier de l’ASN adressé à EDF en mars 2023 que l’on trouve la réponse : « A ce jour aucune analyse spécifique n’a été réalisée pour évaluer la sensibilité à la corrosion sous contrainte des lignes de diamètre inférieur ou égal à 6 pouces. Vous avez cependant indiqué que l’analyse d’expertises antérieures n’a pas révélé de corrosion sous contrainte » [ASN, 30/03/23].

Les expertises antérieures sur les circuits RIS n’ont pas pu révéler de CSC car elle n’était pas recherchée... comme le confirme l’Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire et la Radioprotection du groupe EDF (Rapport IGSNR 2022) : « Les contrôles des VD [Visite décennale] n’étaient pas jusqu’à présent destinés à détecter de la CSC mais d’éventuelles fissures de fatigue thermique » [IGSNR, 2022].

Reprenons le propos de l’ASN sur le RIS des tranches de 900 MWe : « Sur les réacteurs CP0 et CPY, l’injection de sécurité [RIS] haute pression et basse pression est assurée par des lignes de diamètre 6 pouces qui présentent donc un intérêt particulier au regard de la sûreté du réacteur. (...) Vous indiquez qu’une adaptation du procédé de contrôle par ultrason amélioré est en cours pour les tuyauteries de diamètre 6 pouces et devrait être disponible en septembre 2023. Des procédés de contrôle par radiographie et par courant de Foucault sont également en cours de déve-loppement pour les tuyauteries de faibles diamètres avec l’objectif d’une disponibilité d’ici fin 2023.

Bien que certains dispositifs puissent être disponibles dès 2023, vous ne prévoyez pas de les déployer avant 2025.

Demande 16 : Achever dans les meilleurs délais le développement des nouveaux moyens de contrôle non destructif.

Intégrer, dans le programme d’investigation prévu d’ici le 31 août 2023, la réalisation de contrôles avant 2025 [ASN, 30/03/23]. Contacté par le GSIEN fin septembre, l’ASN nous a indiqué avoir reçu le nouveau programme d’investigation d’EDF et être en train d’instruire le dossier. Quant à connaitre la date et la tranche 900 concernée par le premier contrôle de CSC d’une tuyauterie RIS en 6’’, l’ASN n’a pas souhaité nous le révéler.

Nous avons d’autre part demandé communication d’un schéma isométrique des lignes en 6’’ afin de pouvoir évaluer le risque de stratification thermique. L’ASN n’a pas répondu favorablement à notre demande, les plans en sa possession étant la propriété d’EDF.

Depuis la découverte du phénomène de CSC sur les circuits auxiliaires en 2021, EDF a donc fait l’impasse sur les contrôles des circuits d’injection en 6’’ du RIS 900. Il vrai que l’entreprise n’est pas en capacité industrielle de contrôler à court terme tous les circuits de sauvegarde concernés par la fissuration par CSC de son parc. Il a fallu définir des priorités et réaliser quelques contrôles par sondage afin de cerner l’ampleur du problème. Mais reporter tous les examens des circuits RIS en 6’’ à 2025, sans même avoir procédé à des contrôles témoins sur quelques tranches, est un pari hasardeux.