28 décembre 2021 • BBC News Afrique

Armes nucléaires : comment l'Afrique du sud a volontairement détruit son programme

Le 24 mars 1993, le président sud-africain de l'époque, Frederik Willem de Klerk, a confirmé ce qui était une forte rumeur depuis des années : son pays avait développé un projet secret qui en faisait un État doté de l'arme nucléaire.

Dans un discours au parlement, il a déclaré que l'Afrique du Sud avait construit six bombes atomiques complètes.

Il a affirmé qu'elles avaient été démantelées, ainsi que l'ensemble de l'armement nucléaire, avant que l'Afrique du Sud ne rejoigne le traité de non-prolifération nucléaire des Nations unies (TNP) en juillet 1991.

De Klerk a également accordé à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) un accès total au pays pour inspecter directement les sites du programme nucléaire et vérifier ses affirmations.

Avec cet aveu, le président a réussi, en un seul discours, à faire entrer l'Afrique du Sud dans le petit groupe des pays du monde qui ont eu des armes nucléaires et à la placer dans une position unique en tant que seul État au monde qui, après avoir développé ses propres armes nucléaires, y a volontairement renoncé avant d'adhérer au TNP.

L'Ukraine a également accepté dans les années 1990 de détruire ses armes atomiques, mais celles-ci faisaient partie de l'arsenal dont elle avait hérité lorsqu'elle faisait partie de l'URSS.

Mais comment l'Afrique du Sud a-t-elle acquis des armes nucléaires et pourquoi a-t-elle décidé de s'en débarrasser ?

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Les raisons, selon de Klerk, résident dans l'évolution de la situation politique internationale à la fin des années 1980.

Dans son discours au parlement, l'ancien président a mentionné le cessez-le-feu en Angola, l'accord tripartite sur l'indépendance de la Namibie et le retrait de 50 000 soldats cubains d'Angola, ainsi que la chute du mur de Berlin, la fin de la guerre froide et le démembrement progressif du bloc soviétique.

"Les perspectives étaient bonnes pour passer d'une relation de confrontation avec la communauté internationale en général, et avec nos voisins africains en particulier, à une relation de coopération et de développement. Dans ces circonstances, la dissuasion nucléaire est devenue non seulement superflue, mais en fait un obstacle au développement des relations internationales de l'Afrique du Sud", a-t-il déclaré.

Dans une interview accordée en 2017 au magazine The Atlantic, l'ancien dirigeant sud-africain a détaillé les raisons pour lesquelles il s'opposait à la possession de la bombe.

"J'estimais qu'il était inutile d'utiliser une telle bombe dans ce qui était essentiellement une guerre rurale, qu'il était effrayant de penser que nous pouvions détruire une ville dans l'un de nos pays voisins de quelque manière que ce soit. Dès le début, à mon avis, je l'ai vu comme une corde autour de notre cou", a-t-il argué. "Vous avez quelque chose que vous n'avez jamais l'intention d'utiliser, qui est en fait horrible à utiliser, dont l'utilisation serait moralement indéfendable."

C'est ainsi qu'après l'arrivée au pouvoir de De Klerk en 1989, l'arrêt du programme nucléaire a été mis en route, avec la destruction des bombes, la fermeture des usines nucléaires où était produit l'uranium hautement enrichi et le déclassement de l'uranium, afin qu'il ne puisse pas être utilisé dans des armes.

Parallèlement, le gouvernement a entamé le processus d'adhésion au TNP et mis en route les réformes politiques internes qui allaient conduire à la fin de l'apartheid et à la transition politique, laquelle a abouti à l'élection de Nelson Mandela à la présidence.

[BBC, 28/12/21]