2021 • IRSN

AVIS IRSN N° 2021-00159 - Réacteurs électronucléaires EDF – Tous paliers
Instruction des suites du GP relatif aux critères de tenue du combustible – Premier avis

Extraits de l’avis :

« 2. CRITERES RELATIFS A L’IMPG [Interaction mécanique pastille-gaine] RETENUS POUR L’ETUDE D’EDG [Éjection de grappe]

L’étude du transitoire accidentel d’EDG à puissance nulle [1] vise à s’assurer du respect de plusieurs critères techniques d’acceptation, notamment le critère en variation d’enthalpie [2].

Dans le cadre de la préparation du GP critères, EDF a défini, pour chaque type de combustible (UO2 ou MOX) et de matériau de gainage (M5, ZIRLO et ZIRLO Optimisé), des critères en variation d’enthalpie associés à des valeurs limites de largeur de pulse [3] et de teneur en hydrogène [4]. La justification de ces critères nécessitait des compléments qui ont été apportés par EDF après le GP critères ou au cours de la présente expertise.

(...)

 5. CONCLUSION

Dans le présent avis, l’IRSN a analysé les compléments apportés par EDF à la suite du GP critères concernant les critères techniques d’acceptation relatifs à la corrosion des gaines et le risque de rupture de gaine par interaction mécanique entre la pastille et la gaine.

Concernant le risque de rupture de gaine par ImPG, l’IRSN estime satisfaisants les critères en variation d’enthalpie, à vérifier dans les études d’EDG, afin de garantir l’absence de ce risque.

(...).

Concernant les critères relatifs à la corrosion des gaines pour les accidents de catégories 3 et 4 (hors APRP), l’IRSN estime acceptable le critère en ECR [Equivalent cladding reacted ou taux d’oxydation] défini pour les crayons ballonnés et le maintien du critère historique pour les crayons non ballonnés dans le cas d’une crise d’ébullition inférieure à 17 secondes. Pour ce qui concerne le cas des crayons non ballonnés pour les transitoires présentant une crise d’ébullition de durée supérieure à 17 secondes, l’IRSN estime qu’EDF devrait consolider le critère en ECR retenu par des résultats d’essais complémentaires sur les gainages représentatifs des gestions de combustible actuelles, ce qui fait l’objet d’une observation ».

[1] L’étude est réalisée sur l’accident d’EDG initié à puissance nulle dans la mesure où c’est le cas le plus pénalisant.

[2] Les autres critères vérifiés dans les études de l’accident d’EDG (comme par exemple la pression maximale du circuit primaire ou le nombre de crayons rentrant en crise d’ébullition) ont déjà fait l’objet d’une expertise et ne font pas l’objet du présent avis.

[3] L’accident d’EDG est un transitoire de réactivité rapide au cours duquel une grappe de commande est éjectée en environ 0,1 seconde (temps considéré dans les études). Lorsque cette EDG se produit à puissance nulle, le cœur peut devenir temporairement prompt critique et la puissance du cœur augmente alors très rapidement avant d’être freinée naturellement par les contre-réactions neutroniques du cœur. Cette phase du transitoire est appelée « pulse de puissance ».

[4] En fonctionnement normal, les gaines des crayons de combustible s’oxydent naturellement. Cette corrosion se traduit notamment par une prise d’hydrogène dans la gaine qui doit toutefois rester limitée et maîtrisée puisqu’elle est de nature à fragiliser sa tenue mécanique.

Annexe - Observation de l’IRSN

L’IRSN estime qu’EDF devrait réaliser des essais complémentaires d’assèchement sur des gainages M5, ZIRLO et ZIRLO Optimisé afin de consolider le critère technique d’acceptation, dépendant du taux d’oxydation (ECR) et de la température maximale atteinte par la gaine, appliqué aux crayons de combustible non ballonnés et à vérifier dans les étude des conditions de fonctionnement de dimensionnement de catégories 3 et 4 (hors APRP) au cours desquelles une crise d’ébullition supérieure à 17 secondes est attendue » [IRSN, 24/09/21].

Précision du GSIEN sur l’accident d’éjection de grappe à l’aide de la thèse soutenue par M. Zouari en 2020 « réalisée au Laboratoire de Comportement Mécanique des matériaux Irradiés du CEA ».

« Description du scénario

Pour les REP, le scénario le plus sévère retenu pour de l’accident d’insertion de réactivité (RIA) postule une éjection d’une grappe de commande expulsée par la différence de pression existant entre le circuit primaire (155 bar) et l’enceinte de confinement, suite à une défaillance du mécanisme de grappe. Une grappe de commande est composée de crayons qui absorbent des neutrons, qui en fonction de leur insertion dans le cœur du réacteur, permettent de contrôler la réaction nucléaire. Cette éjection de grappe conduit donc à une augmentation brutale et locale de la réactivité.

Les essais intégraux ont démontré que l’éjection des barres de commande engendre une augmentation brutale et locale de la réactivité. La figure ci-après montre l’évolution de la puissance et de l’énergie déposée lors d’un accident de réactivité en fonction du temps. La largeur du pic de puissance est généralement de quelques millisecondes et dépend des conditions de fonctionnement du réacteur notamment du taux de combustion. Lors de ce transitoire, la puissance nominale de fonctionnement peut être multipliée par un facteur de 200.


Évolution de la puissance et de l’énergie éjectée lors d’un accident de réactivité

Le transitoire de puissance est néanmoins intrinsèquement limité grâce à l’intervention de l’effet Doppler neutronique. L’effet de Doppler résulte de l’augmentation de l’absorbation neutronique du combustible lorsque sa température augmente. L’accident RIA induit donc un pic (augmentation puis diminution) de puissance. Pour une conception de cœur donnée, il est caractérisé par la hauteur et la durée du pic de puissance. Pour une même énergie déposée dans la pastille (intégrale sous le pic de puissance), l'accident sera d'autant plus sévère pour le gainage que le pic est court.

Après l’éjection de cette grappe, plusieurs scénarios sont possibles. L’augmentation locale de la puissance provoque une augmentation de la température des pastilles, ce qui entraine leur expansion. Ce phénomène peut être accéléré également par les gaz de fission cumulés dans les joints de grains (White, 2004), (Hastings et al., 1986). Cette dilatation thermique peut entrainer la fermeture du jeu entre la pastille et la gaine s'il n'est pas déjà fermé. Une fois fermé, une forte interaction mécanique pastille-gaine (IMPG) ou Pellet-Clad Mechanical Interaction (PCMI) va se produire qui aura pour conséquence un chargement thermomécanique sur la gaine. Ce chargement représente la première phase de l’accident. Pendant cette phase, la gaine s’échauffe par conduction grâce à la forte interaction avec le combustible et peut atteindre 800 °C sur la paroi interne et reste proche de la température du fluide caloporteur sur la paroi externe. Cette phase se caractérise par un fort gonflement des pastilles sous l’effet de leur dilatation thermique et du gonflement gazeux des produits de fissions qu’elles contiennent. La dilatation de la pastille dans les directions circonférentielle et axiale provoque une forte interaction pastille-gaine.

Étant donné que l'hydrogène migre vers les zones froides et y précipite, durant leurs séjours dans le réacteur, les gaines peuvent être fragilisées par une couche externe dense en hydrure à cause de la présence d'un gradient thermique dans l'épaisseur. La présence de ces hydrures provoque des pré-fissures radiales sur la paroi externe de la gaine et mène à une rupture en PCMI, quand la gaine n'a pas eu le temps de beaucoup chauffer (rupture partiellement fragile). La rupture en phase de PCMI a généralement pour origine un amorçage de fissure dans ces défauts localisés en surface externe, suivi d’une propagation ductile dans l’épaisseur de la gaine, et enfin d’une propagation axiale le long de la gaine. En cas de rupture de gaine, lors de cette phase initiale, une éjection de petits fragments de combustible, peut conduire à la vaporisation brutale de l’eau entourant le crayon, avec risque d’explosion vapeur et dégradation des crayons combustibles voisins.

Si la gaine reste intacte après la phase de PCMI et que suffisamment d’énergie est injectée, la seconde phase du RIA est la phase de crise d’ébullition ou post-DNB (Departure from Nucleate Boiling).

Cette seconde phase est caractérisée par l’ébullition du fluide caloporteur qui se traduit par la perte de refroidissement par le fluide caloporteur et une augmentation de la température du crayon combustible.

La diminution de la limite d’élasticité du matériau facilite la prise de contrôle de chargement de la gaine par les gaz du remplissage. Il en résulte un risque de rupture de la gaine par ballonnement en pression interne » [Thèse A. Zouari, 2020].