Août 2022 • GSIEN

Dossier GSIEN - Occlusion "combustinale "
Analyse du GSIEN
sur les trois parades à l’occlusion envisagées par les exploitants (EDF et ORANO).

2-Entreposage à sec

L’ASN évoque le développement d’un concept pour ce type d’entreposage comme il en existe aux USA, par exemple, avec ORANO qui y a développé un « procédé d’entreposage à sec » : « NUHOMS® ». D’autres solutions ont également été mises en œuvre à l’étranger.

Penchons-nous sur le procédé NUHOMS® que Bernard Laponche avait déjà détaillé sur le blog de Mediapart en 2018.

Extrait de la communication bien léchée affichée sur le site Internet d’ORANO : « Éprouvé depuis plus de 20 ans aux Etats-Unis, ce système combine des emballages en acier inoxydable et des modules d’entreposage en béton horizontaux pour le blindage. Les emballages sont conçus pour le stockage sur site, mais peuvent être transportés vers un site centralisé si nécessaire en utilisant un conteneur de transport.

NUHOMS® vient de connaitre une évolution majeure avec MATRIX, un système à la configuration unique – horizontale à deux niveaux et modulaire – qui réduit de 45 % la surface au sol occupée par l’installation d’entreposage. Avec un coût de construction réduit, une capacité optimisée, la possibilité d’entreposer des emballages de différentes tailles et de nouveaux dispositifs pour un contrôle complet du vieillissement de l’emballage, le NUHOMS® MATRIX est un "game changer" sur le marché » [ORANO].

Game changer - Traduction selon le dictionnaire en ligne Linguee : « grand changement », « événe-ment qui change la donne », « second souffle » [fam.].

Des solutions mises en œuvre dans le monde sauf en France où l’entreposage à sec est à peine envisagé...

Pourtant, EDF planchait déjà sur le sujet dès 1993 :

« Afin de réduire les coûts d’exploitation et la production d’effluents [les rejets de déchets radioactifs liquides et gazeux de l’usine de La Hague], il faut envisager ultérieurement, si les durées de stockage doivent s’allonger [du fait de l’augmentation des taux de combustion], de faire de l’entreposage à sec. Les solutions suivantes sont économiquement envisageables pour des assemblages dont la puissance résiduelle est de l’ordre de 1 kW.

Création d’un entreposage national à sec de grande capacité, par exemple selon le procédé du CEA "CASCAD" : les assemblages sont mis dans des étuis soudés, eux-mêmes déposés dans des puits. Une ventilation naturelle assure l’évacuation calorifique.

D’autres variantes de l’entreposage à sec. On peut citer en particulier la mise en emballages de grande capacité (jusqu’à 36 places), la mise en conteneurs acier/béton (jusqu’à 24 places), la mise en capacités métalliques non blindées, la radioprotection étant assurée par un bâtiment béton.

(...)

Les solutions à moyen terme

  1. Création d’un bâtiment national d’entreposage à sec

  2. Entreposage centralisé sous eau

Tout en tenant compte des spécificités propres à l’entreposage des déchets activés, il est nécessaire d’envisager la combinaison de ces solutions à moyen terme avec celles qui devront par ailleurs être mises en œuvre pour l’entreposage du combustible irradié, en recherchant si un effet d’échelle peut être obtenu.

Études de sites

Les solutions à caractère national (bâtiment d’entreposage en eau ou à sec) nécessitent la recherche des sites EDF envisageables pour l’implantation de telles réalisations : les différentes unités de la DE [Direction de l’équipement] examinent les possibilités sur les sites de leur responsabilité.

La possibilité d’implantation sur le site de La Hague peut être envisagée : cette perspective d’implantation est examinée par le Service Combustible, dans le cadre de ses négociations avec la Cogéma » [source, Entreposage National pour combustibles et déchets activés du Parc 900 – 1300 – N4 - EDF DE, 11/02/93].

En 2008, EDF étudie les « critères de dimensionnement pour un avant-projet d’entreposage » :

« EDF a démontré dans le cadre des études effectuées que les deux types d’entreposage sous eau et à sec pouvaient être envisagés pour les ACU [Assemblages de combustible usé] en Zy4 [gaine en Zircaloy, un alliage zirconium] et que la fonction reprise des assemblages semblait être assurée après la période d’entreposage.

(...)

L’entreposage à sec est de loin le plus complexe. Cependant en respectant les conditions de transport (420°C-30 jours), les résultats des calculs AVACYC ont montré qu’un entreposage à 380°C sous hélium est réalisable pour une durée minimale de 50 ans. Ces calculs ont montré aussi, qu’en dessous de 285°C le risque fluage n’existe plus, ce qui permet d’envisager une augmentation du temps d’entreposage à sec » [source, Aval du cycle : critères de dimensionnement pour un avant-projet d’entreposage - EDF SEPTEN, 2008].

« Le code AVACYC développé par le SEPTEN [EDF] permet de calculer pour un crayon les déformations de fluage pendant le transport et l’entreposage ».

Fluage des gaines des crayons combustibles

« Durant les opérations de transport et d’entreposage à sec des ACU, le risque principal demeure la rupture des gaines des crayons par fluage [déformation] sous l’effet simultané de la température (puissance résiduelle) et de la pression interne (pressurisation. Initiale des crayons, gaz de fission et relâchement d’hélium) ».

Le GSIEN rappelle que l’entreposage à sec ne peut survenir qu’après un refroidissement obligé dans les piscines (dites BK) du bâtiment combustible des tranches REP. En 2018, le directeur général de l’IRSN (J.C. Niel) expliquait que « les pays qui ont choisi le retraitement - France, Japon, Russie - ont opté pour un entreposage dans les piscines de l’usine de retraitement. Les autres pays ont préféré l’entreposage à sec, performant à condition que le combustible usé ait suffisamment refroidi et que sa puissance thermique [celle d’un assemblage combustible] n’excède pas deux kilowatts » ; « Des MOX commencent juste à être entreposés à sec dans le monde, a indiqué Igor Le Bars, adjoint au directeur au pôle sûreté nucléaire de l’IRSN » [Reporterre].

Mais en France est-ce possible ? Réponse avec un autre rapport de l’IRSN « établi en réponse à une saisine de la Commission nationale du débat public » (Avril 2019) : « Les caractéristiques des combustibles MOX utilisés par EDF ont évolué au cours du temps. En particulier, leur teneur en plutonium a successivement été de 5,30 %, 7,08 % et 8,65 % (teneur actuelle). Compte tenu des périodes durant lesquelles les combustibles MOX présentant les teneurs en plutonium précitées ont été mis en œuvre, des solutions d’entreposage à sec s’appuyant sur des concepts actuels pourraient, dès à présent, être envisagées pour l’ensemble des combustibles MOX usés de teneur en plutonium égale à 5,30 % et pour la plupart de ceux à 7,08 %, soit de l’ordre de 2 500 assemblages.

(...)

Environ 1 150 combustibles URE ont été chargés dans des réacteurs par EDF entre 1994 et 2013. L’ensemble des combustibles URE usés actuellement entreposés ont une puissance thermique inférieure à 2 kW et sont donc compatibles avec les concepts actuels d’entreposage à sec » [IRSN-2019-265].

Environ 3650 assemblages combustible (MOX et URE) de puissance résiduelle inférieure à 2 kW peuvent donc d’ores et déjà être entreposés à sec. Ces 3650 assemblages issus de réacteurs de 900 MWe représentent environ 1 700 tonnes. Sur les 10 055 tonnes de combustibles comptabilisés fin 2021, ces assemblages représentent 17% de l'entreposage actuel. De quoi décongestionner les piscines actuelles, encore faut-il avoir la capacité industrielle à fabriquer suffisamment d’emballages pour entreposer ces combustibles irradiés.

Pour le transport du combustible irradié, la puissance thermique autorisée par assemblage est plus élevée. Examinons le compte-rendu (un peu caviardé) de la « Réunion du Groupe permanent d’experts pour les laboratoires et les usines du 25 mai 2018 » établit par l’IRSN : « les assemblages combustibles irradiés (ACU) sont entreposés dans les piscines BK des centrales EDF pour permettre la décroissance de leur puissance thermique résiduelle à un niveau compatible avec leur transport vers les usines de l’établissement Orano Cycle de La Hague. Actuellement, le temps de refroidissement des ACU dans les piscines BK varie entre 13 et 40 mois environ selon la nature du combustible (UOX ou MOX) » [IRSN-2018-007].

En effet, ces délais sont nécessaires afin que la puissance résiduelle du combustible devienne inférieure à la « Valeur maximales pour les agréments actuels de transport sur la voie publique en France », soit « 6 kW par [assemblage] combustible » [IRSN-2019-265, cf. page 8, Figure 1].

D’autre part, l’IRSN a publié dès 2018 un « Rapport établi en réponse à une saisine de la Commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires » présentant les « enjeux de sûreté » des différentes solutions d’entreposage du combustible irradié, « sous eau et à sec ». L’IRSN y présente un autre procédé d’entreposage à sec développé par ORANO. Il s’agit d’un emballage métallique utilisé en Suisse et en Belgique, le « TN®24 DH », utilisé pour l’entreposage sur site : « il peut accueillir jusqu’à 28 [assemblages] combustible pour une puissance totale supérieure à 33 kW ». Cela correspond à une puissance thermique moyenne par assemblage de l’ordre 1,2 kW, si l’emballage est totalement rempli [IRSN-2018-003].

Selon Ouest-France (02/04/21), ORANO prévoit de « développer la fabrication d’un nouvel emballage pour le transport et l’entreposage du combustible nucléaire », appelé TN Eagle. L’usine est implantée à Cherbourg dans la Manche. « Cet emballage de dernière génération a nécessité deux ans d’études », souligne Frédéric de Agostini [directeur général d’Orano TN]. Il présente un design simplifié mais plus robuste, car sans soudure, avec 1 500 composants, contre 10 000 pour l’emballage TN24. « Testé pour résister aux chutes, à l’immersion en profondeur et aux incendies intenses, il a obtenu, en décembre 2020, la licence transport de la part de l’Autorité de sûreté nucléaire en France, mais aussi de l’autorité de sûreté américaine (NRC) » [Ouest-France, 02/04/21]

Le « modèle de colis TN Eagle » a obtenu la certification d’agrément de l’ASN en décembre 2020 « pour le transport par voies routière, ferroviaire, fluviale ou maritime ainsi que pour l’entreposage temporaire à sec, pour une durée maximale de cinquante ans, d’au maximum 32 assemblages combustibles irradiés de type REP UO2 ». L’ASN précise toutefois : « La délivrance du présent certificat ne préjuge pas de l’obtention, auprès de l’Autorité compétente, d’une autorisation d’exploitation d’une installation d’entreposage à sec de longue durée de colis TN Eagle contenant des assemblages combustibles usés » [ASN, 21/12/2020].

Vue en perspective de l’emballage TN Eagle

« Orano va commencer fin 2023 la production en série à Cherbourg » avec « une capacité de production de dix emballages par an ».

Source, La Presse de la Manche

ORANO a présenté au HCTISN (réunion du 8 mars 2022) un projet d’entreposage à sec des combustibles usés avec une « implantation » envisagée « sur le site de La Hague ». Le « design du bâtiment » permet de stocker 900 tonnes de combustible dans « 77 emballages » du modèle « TN®Eagle » pour des combustibles « MOX 5,3% » et « UOX (URE) 4,1% » [HCTISN].

« En Allemagne, les combustibles usés sont entreposés dans des emballages de transport et d’entreposage de la série CASTOR®. (...) Plusieurs modèles existent tels que le CASTOR® V/19, qui permet d’entreposer jusqu’à 19 [assemblages] combustibles REP pour une puissance thermique totale maximale de 39 kW » [Rapport IRSN n°2018-00003], soit environ 2 kW de puissance résiduelle moyenne par assemblage combustible.

Conclusion de l’IRSN sur la possibilité d’entreposer à sec des combustibles français : « l'analyse de I'IRSN ne fait pas apparaître d'éléments rédhibitoires à l’entreposage à sec d’une partie des combustibles usés MOX et URE d’EDF actuellement entreposés sous eau. Elle illustre en outre que des évolutions de concepts d’entreposage à sec pourraient permettre d’accueillir des combustibles usés de puissance thermique significativement supérieure à 2 kW. Il conviendrait toutefois d'examiner les options possibles, en intégrant l’ensemble des exigences de sureté et de radioprotection afférentes ainsi que les contraintes industrielles » [IRSN-2019-265].

Sur les gestions de combustible REP d’EDF avec les divers taux d’irradiation associés aux puissances résiduelles des combustibles : désormais et pour les « Gestions prévisionnelles jusqu’en 2025 », les taux d’irradiation des combustibles sont inférieurs à 50 GWj/t, selon les « orientations adoptées par EDF pour la période2015-2025 » citées par l’IRSN : « la stabilisation des gestions de combustibles à base d’uranium naturel enrichi (combustible UNE) (...) conduit à l’abandon des gestions à hauts taux de combustion dont le déploiement » avait été envisagé par EDF. Le GSIEN vous propose une synthèse des évolutions des différentes gestions de combustible jusqu’en 2025 (cf. tableau 1, page suivante).

Sur la gestion du MOX et de l’Uranium de retraitement enrichi (URE) irradiés, l’IRSN relevait « l’absence de traitement des combustibles usés MOX et URE sur la période considérée dans le dossier transmis. Ces combustibles usés sont, après déchargement des réacteurs, destinés à être entreposés dans les piscines de l’établissement de La Hague. EDF envisage toutefois de traiter ces combustibles usés après 2050 afin d’utiliser les matières récupérées pour la fabrication de combustibles destinés aux réacteurs dits de « quatrième génération » [IRSN-2018-007].

Problème, Astrid a été renvoyé aux calendes grecques :

« C’est au travers d’un article de presse, paru le 29 août 2019, que la décision de ne pas poursuivre le projet ASTRID au-delà de 2019 par la construction d’un prototype a été rendue publique. Elle a été confirmée le lendemain par un communiqué de presse du CEA annonçant le report de cette construction à la fin du siècle.

Deux motifs ont été avancés : le prix de l’uranium durablement bas, qui ne justifiait pas dans l’immédiat d’investir dans de nouveaux réacteurs économes en ressources naturelles ; la nécessité d’approfondir les connaissances sur le cycle du combustible associé à ASTRID » [OPECST, 8 juillet 2021].

Tableau 1 - Gestions de combustible suivant les paliers

Paliers

Actuelles (2018)

Prévisionnelles jusqu’en 2025

CPO

(Bugey)

Cyclades UNE à 4,2% 235U

Burn up 47 GWj/t

Cyclades : pas de modification

CPY

(900)

Garance UNE à 3,7% 235U

Burn up 44 GWj/t

Garance UNE : pas de modification

Parité MOX - UNE à 3,7% 235U +

MOX à 8,65% de Pu (UNE 0,25% 235U)

Burn up 46 GWj/t

Parité MOX :

- Augmentation de la teneur en Pu jusqu’à
9,08 % (équivalence avec UNE 3,7 %)
- Passage de 22 à 24 tranches en 2018

P4 et P’4

(1300)

Gemmes UNE à 4% 235U

Burn up 45 GWj/t

Gemmes : pas de modification

N4

(1450)

Alcade UNE à 4% 235U

Burn up 45 GWj/t

Alcade : pas de modification

« La gestion « Garance URE » [Uranium de retraitement enrichi], déployée sur les quatre tranches de Cruas entre 2009 et 2013, est prévue d’être de nouveau déployée sur ces quatre tranches à partir de 2021 » ; déploiement repoussé en 2023/2024, ce combustible (fabriqué en Russie...) pourrait ne pas être déployé dans un futur proche. « Comme pour le combustible MOX, pour maintenir l’équivalence énergétique avec le combustible UNE à 3,7 % en 235U, la teneur en 235U devrait augmenter progressivement jusqu’à 4,25 % ».

[Source, IRSN-2018-007 (cf. pages 22 et 23)]

Légende

UNE : Uranium naturel enrichi (oxyde d’uranium dénommé UO2 ou UOX)

MOX : uranium appauvri enrichi au plutonium

Burn up : taux de combustion moyen

Commentaire GSIEN : il est intéressant de noter que le MOX utilisé pour faire des économies d'uranium naturel va contraindre en fait de passer l'enrichissement en 235U de 3,7% à 4,25% de l’UNE chargé en complément du MOX dans les cœurs de 22 tranches de 900 MWe. En conséquence, la teneur résiduelle en 235U des combustibles irradiés sera supérieure à celle des combustibles classiques UNE. Mais où est donc l'économie ?

Revenons sur la puissance maximale autorisée (2 kW) pour un entreposage à sec de combustible irradié. En fait, il faut moins de quatre années pour passer sous le seuil de 2 kW pour entreposer un assemblage UOX et près de 40 ans pour un MOX (irradiés à 50 GWj/tML) comme on peut le remarquer sur la Figure 1 ci-contre.

Le GSIEN a comparé le temps de refroidissement sous eau nécessaire à un assemblage de combustible pour passer sous le seuil des 2 kW d’un entreposage à sec en fonction des gestions de combustible passées et actuelles. L’enrichissement et le taux de combustion des combustibles cités dans le Tableau 2 (page suivante) donnent les ordres de grandeurs de leur puissance résiduelle qui augmente avec la hausse du taux d’irradiation (Burn up) et surtout de l’utilisation de MOX. Pour le MOX, l’augmentation de sa teneur en plutonium (Pu), de 6% à 8,65%, allonge sa durée de refroidissement en piscine : une dizaine d’années pour les gestions passées (6%) et près de quarante ans pour les gestions actuelles (8,65%).

Figure 1 - Durée de refroidissement nécessaire avant entreposage

à sec, pour des combustibles irradiés dans un REP en France

Source, IRSN-2018-003

Il pourrait être judicieux de revenir à des gestions utilisant du combustible moins enrichi, permettant ainsi de réduire significativement les taux de combustion et les puissances résiduelles associées, avec in fine des gains de temps de refroidissement en piscine avant entreposage à sec.

L’idéal serait bien sûr de ne plus utiliser de MOX : sur une période de quarante ans, on peut refroidir successivement en piscine 10 assemblages UO2 des gestions actuelles dans l’emplacement occupé durant la même période par un seul assemblage MOX... La gestion de MOX irradié avec un enrichissement important en plutonium est une des principales causes de l’engorgement des piscines de combustibles.

Le MOX est problématique à fabriquer, à entreposer et surtout problématique à retraiter avec « des verrous technologiques à résoudre » comme l’évoque l’IRSN : « s’agissant du multirecyclage des combustibles MOX, si le retraitement de combustibles MOX a été réalisé lors de campagnes de traitement limitées en quantité de combustible, la démonstration de sa faisabilité industrielle à grande échelle n’est pas acquise. En outre, les impacts liés à la mise en œuvre du plutonium issu de ce traitement, du point de vue de la radioprotection et de la sûreté (notamment l’évolution des caractéristiques du plutonium mis en œuvre - rayonnement ionisant, activité spécifique et puissance thermique plus importants - ainsi que l’augmentation globale des quantités de plutonium et d’actinides mineurs dans l’ensemble des installations du cycle), devraient être prises en compte dans les plans de valorisation associés » [IRSN-2021-180].

Le GSIEN rappelle l’existence d’une installation sus-citée sur le centre CEA de Cadarache dédié à des combustibles irradiés : « L’installation CASCAD, mise en service en 1996, assure l’entreposage à sec de combustibles irradiés. Elle est constituée d’un bâtiment en béton armé parallélépipédique, partiellement enterré, de 860 m2 de surface au sol et de 15 m de hauteur » [IRSN-2022].

En 1998, un « Rapport de l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques » y notait la présence de combustibles issus d’une ancienne centrale EDF : « L'installation CASCAD, (...) assure l'entreposage à sec pour une durée maximale de 50 ans des combustibles EL4 de Brennilis » et des combustibles des réacteurs embarqués de propulsion navale. Le retour d'expérience de CASCAD est pertinent pour l'entreposage à sec des combustibles irradiés mais aussi pour celui des colis de verres contenant des déchets C (actinides mineurs et produits de fission). Sa capacité est de 315 puits dont un tiers environ seulement est occupé à la mi-98. Les trois priorités de construction de l'installation ont été le confinement des produits, l'évacuation de la puissance thermique et la tenue des équipements au séisme. La ventilation s'effectue par convection naturelle auto-régulée.

Le bilan de cette installation est largement positif : aucun problème sérieux de sûreté ou de manutention n'est apparu au cours des 7 premières années d'exploitation, mis à part les trois pannes de la ventilation nucléaire qui ont été sans gravité compte tenu du large délai pour intervenir, donné lors de la conception. L'autorisation de fonctionnement est donnée pour 50 ans. Il ne paraît pas impossible qu'elle puisse être étendue le moment venu.

En tout état de cause, l'expérience CASCAD nourrit la réflexion des équipes chargées au CEA du projet "Entreposage de Très Longue Durée" (ETLD). Avec les premières ébauches élaborées par le CEA (...), apparaissent les lignes de force des difficultés à résoudre et des arbitrages à prendre » [L'aval du cycle nucléaire].

En 2017 ; l’IRSN indique la présence de « 318 conteneurs renfermant des étuis de combustible « Phénix » [EDF/CEA] (dénommés par la suite conteneurs « Phénix ») qui sont actuellement entreposés dans les puits de l’installation CASCAD. Après un entreposage transitoire dans l’installation ISAI, ces conteneurs « Phénix » seront expédiés à l’aide de l’emballage TN17-2 vers l’usine AREVA de la Hague pour y être retraités » [IRSN-2017].

Si CASCAD n’a pas vocation à entreposer du combustible REP, le CEA a tout de même acquis une certaine expérience dans l’entreposage à sec.

Tableau 2 - Puissance résiduelle (en kW) par assemblage combustible

dans le temps (en année) selon les gestions de combustible

Gestions de combustible

1 a

3 a

5 a

10 a

50 a

Sources

UO2: 3,25% 235U

Burn up 33 GWj/t (campagnes annuelles)

5,55

1,79

0,98

0,59

0,28

MTE n° 50

EDF, 1983

UO2: 4,5% 235U

Burn up 45 GWj/t ((campagnes 16 mois)

6,98

2,49

1,45

0,88

0,39

MOX: UNE + PuO2 à 6% de Pu

Burn up 45 GWj/t (campagnes 16 mois)

11,30

4,26

2,84

2,05

1,09

UOX: 3,7% 235U

Burn up 50 GWj/t

7,3

3,5

1,5

1

0,4

IRSN-2018-003

MOX: 8,65% de Pu

Burn up 50 GWj/t

13,8

5,2

3,7

3

1,7

Notes :

Les valeurs des trois premières lignes sont calculées par le GSIEN à partir de documents d’EDF et du CEA

Les valeurs des deux dernières lignes sont extrapolées à partir de la figure 1 de l’IRSN

La puissance thermique du combustible irradié, ou puissance résiduelle, dépend du type de combustible (taux d’enrichissement initial en 235U pour tous les combustibles, plus en Pu pour le MOX), de son taux d’irradiation et de son temps de refroidissement (ou temps de désactivation). Selon un Mémento technique d’EDF, la « Puissance résiduelle dégagée dans le combustible irradié » est produite par les « fissions résiduelles dues aux neutrons retardés (contribution efficace pendant une centaine de seconde) », par « la contribution des captures sur l’U238 (activité bêta et gamma de l’uranium 239 et du neptunium 239) » et, après une quinzaine de jours de désactivation, par les seuls « produits de fission (activité bêta et gamma) » et aussi par les « transuraniens (activité alpha, bêta et neutronique) formés pendant le fonctionnement du réacteur »

[Source, MTE n°50 - Puissance résiduelle dégagée dans le combustible irradié - EDF, 1983].

Dans ce mémento, EDF a étudié l’évolution de la puissance résiduelle du combustible irradié (par tonne de métal lourd) en fonction du temps de désactivation pour divers enrichissements de combustible et divers taux d’irradiation.

Afin d’estimer la puissance résiduelle d’un assemblage combustible, il nous faut connaître la « masse moyenne d’un assemblage combustible », en tonne de Métal lourd (tML). Nous l’avons calculé à partir des tonnages des combustibles de plusieurs cœurs trouvés dans le Memento sur l'énergie 2018 du CEA : 462,5 kg de métal lourd pour les tranches de 900 MWe et 539 kg pour les tranches de 1300 et de 1450 MWe.