CLI de Civaux
aciers, GV, Cuve

Il faut battre l' acier quand il est chaud

La CLI de Civaux vient juste de prendre connaissance du dossier qu' EDF a déposé à ASN pour justifier de la validité de l' acier de ses GV douteux. Comme on s' y attendait, ce dossier ne traite pas de la résilience (1) de l' acier. Or la résilience diminue fortement quand la teneur en carbone augmente.

Rappel : l' « Arrêté du 26 février 1974 relatif à la construction du circuit primaire principal des chaudières nucléaires à eau » exige que les matériaux utilisés présentent une résilience minimale de 60 J/cm2. Le GV neuf de Graveline 5 a été refusé parce que son acier ne respectait pas cette norme de 60 J:cm2' La cuve de l' EPR avec des concentrations en carbone allant à 0,30% présente une résilience de 36 J/cm2. (2)

Les aciers en cause , forgés au Creusot et au Japon, sont de type 16MND5 pour la cuve EPR et 18MND5 pour les GV. Les premiers chiffres indiquent la teneur en carbone multipliée par 100 : 0,16% pour la cuve et 0,18 pour les GV, la différence est faible. La teneur réelle la plus haute mesurée dans un GV a été 0,40%. Les ségrégations de carbone provoquent donc des concentrations qui sont le double de la concentrations nominale, normalement attendue.

Etant donné que l'acier de la cuve EPR présente une résilience de 36J/cm2 pour une concentration de 0,30%, pour les aciers de GV dont les concentrations sont situées entre 0,30 % et 0,40 %, la résilience est encore bien inférieure. Tellement faible qu' EDF n' ose pas en parler et construit son argumentation autour de la ténacité pour faire accepter les GV avec leurs aciers loupés. Le tandem IRSN-ASN a accepté ce marché de dupes pour ne pas condamner les chances de l' EPR et aussi pour ne pas déqualifier les GV des 18 tranches concernées. Seule Fessenheim 2 a été maintenue arrêtée car son acier présente en plus d' autres défauts inacceptables.

Bilan : Les 18 tranches ont été autorisées à redémarrer début 2017, avec des règles de conduite modifiées, pour tenter de limiter les chocs thermiques qui peuvent provoquer des criques. Mais les aciers des GV ne sont pas conformes à la réglementation. Les GV devraient être déqualifiés ! Ils diminuent d' un degré la défense en profondeur. Cette situation est tout aussi inacceptable que celle des « dossiers barrés » : on sait que le matériel est hors tolérances, mais « on » (4) le laisse en place. Les centrales deviennent de plus en plus des usines à risques.

Jacques Terracher

notes
(1) La résilience est la résistance aux chocs, se mesure en Joules par centimètre carré (J /cm2).
(2) Ref : Le Monde Diplomatique de mai 2017. « Le talon d' Achille du nucléaire français »
(3) La ténacité est l' aptitude d' un matériau à résister à la propagation d' une fissure.
(4) On = EDF-IRSN-ASN