29/03/2017 •

AVIS ASN
Décision n°CODEP-LYO-2017-008165
du Président de l’ASN du 29 mars 2017
autorisant la société EDF à modifier
de manière notable le réacteur n°5
de la centrale nucléaire du Bugey (INB n° 89)

Le Président de l’Autorité de sûreté nucléaire,

Vu le code de l’environnement, notamment son article L. 593-15

Vu le décret du 20 novembre 1972 autorisant la création par EDF de la centrale nucléaire de Bugey (2e et 3e tranches) dans le département de l'Ain ;

Vu le décret n°76-771 du 27 juillet 1976 autorisant la création par EdF des quatrième et cinquième tranches de la centrale nucléaire de Bugey, dans le département de l'Ain, notamment son article 3 ;

Vu le décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives, notamment ses articles 4 et 26 ;

Vu l’arrêté du 7 février 2012 modifié fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base, notamment ses articles 2.6.3 et 8.1.1 ;

Vu la décision n°2014-DC-0474 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 23 décembre 2014 modifiée fixant à EDF-SA les prescriptions complémentaires applicables au site électronucléaire du Bugey (Ain) au vu des conclusions du troisième réexamen de sûreté du réacteur n°5 de l’INB n°89, notamment les prescriptions [INB89-36] et [INB89-42] ;

Vu la décision n°2015-DC-0533 de l'Autorité de sûreté nucléaire du 1er décembre 2015 soumettant à accord préalable le traitement des défauts d'étanchéité de l'enceinte de confinement du réacteur n°5 de l'installation nucléaire de base n°89 du site électronucléaire du Bugey (Ain) exploitée EDF-SA ;

Vu le rapport de conclusions du troisième réexamen de sûreté du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey, accompagné du dossier d’aptitude à la poursuite de l’exploitation, adressé par EDF aux ministres chargés de la sûreté nucléaire et à l’Autorité de sûreté nucléaire respectivement le 15 juin 2012 et le 19 juin 2012 ;

Vu la demande d’autorisation de modification notable transmise par courrier D5110/LET/MSQ/16.00342 du 7 avril 2016 et les éléments complémentaires apportés par courrier D5110/LET/MSQ/17.00182 du 23 février 2017 ;

Considérant que, conformément à l’article 3 du décret du 27 juillet 1976 susvisé, l’enceinte de confinement du réacteur n° 5 de la centrale nucléaire du Bugey est constituée par un ouvrage en béton précontraint doublé d’un revêtement d’étanchéité interne en acier et que cette enceinte de confinement doit être conçue pour supporter, sans perte d’intégrité, les sollicitations résultant d’un accident consistant en la rupture circonférentielle complète et soudaine d’une tuyauterie du circuit primaire avec séparation totale des extrémités et que, dans les conditions de cet accident, le taux de fuite maximal de l’enceinte doit être inférieur à 0,3 % par jour de la masse de gaz contenue dans cette enceinte ;

Considérant que la fonction d’étanchéité de l’enceinte de confinement est nécessaire, en cas d’accident conduisant à la fusion du cœur, pour assurer le confinement des substances radioactives ;

Considérant que le taux de fuite de l’enceinte de confinement du réacteur n° 5 a augmenté significativement entre les épreuves réalisées à l’occasion des deuxième et troisième visites décennales de ce réacteur, et que les essais d’étanchéité réalisés entre le 17 et le 26 octobre 2015 ont mis en évidence une nouvelle augmentation du taux de fuite de l’enceinte ;

Considérant dès lors que, étant données les incertitudes concernant l’origine, l’étendue et les mécanismes de dégradation à l’origine de cette évolution du taux de fuite de l’enceinte, l’ASN a soumis le traitement des défauts à son accord préalable par sa décision du 1er décembre 2015 susvisée ;

Considérant que, pour répondre à la décision de l’ASN du 1er décembre 2015 susvisée, EDF a procédé à des investigations matérielles afin de caractériser l’origine de l’augmentation du taux de fuite de l’enceinte du réacteur n° 5 de la centrale nucléaire du Bugey comprenant notamment :

- un désencombrement du joint de dilatation périphérique situé sur la périphérie intérieure de l’enceinte de confinement et ayant permis de dégager 90 % de la surface du revêtement d’étanchéité interne en acier présent dans cet espace,

-un examen télévisuel de la surface du revêtement d’étanchéité interne en acier sur l’ensemble de la zone dégagée,

-des examens complémentaires dans des zones singulières après réalisation de sept ouvertures dans le radier des structures internes du bâtiment du réacteur ;

Considérant que ce programme d’investigation n’a pas permis d’identifier précisément l’origine du taux de fuite élevé observé sur l’enceinte de confinement du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey ;

Considérant toutefois que les techniques d’investigation déployées par EDF étaient adaptées à la recherche de l’origine de la fuite et que, dès lors, l’absence de localisation précise du défaut n’est pas liée à des négligences de sa part ;

Considérant néanmoins que les opérations de recherche de fuite menées par EDF pendant les essais d’étanchéité réalisés entre le 17 et le 26 octobre 2015 sur l’enceinte de confinement du réacteur n° 5 de la centrale nucléaire du Bugey étaient adaptées et que l’hypothèse émise par EDF selon laquelle l’origine de la fuite est localisée au niveau du joint périphérique est pertinente ;

Considérant qu’EDF propose une solution de réparation de l’enceinte de confinement composée principalement d’un revêtement composite d’étanchéité en partie supérieure du joint périphérique et d’un lait de chaux remplissant la majeure partie de ce joint ;

Considérant que, par courriers du 7 avril 2016 et du 23 février 2017 susvisés, EDF a déposé une demande d’autorisation de modification de l’enceinte de confinement du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey pour mettre en œuvre cette solution de réparation et que cette modification matérielle constitue une modification notable de son installation relevant du régime d’autorisation par l’ASN régi par l’article 26 du décret du 2 novembre 2007 susvisé ;

Considérant que la mise en œuvre puis l’exploitation de la solution de réparation conduisent EDF à mettre en place un programme d’entretien et de surveillance qui modifient les règles générales d’exploitation du réacteur n° 5 de la centrale nucléaire du Bugey ;

Considérant que, par courrier du 23 février 2017 susvisé, EDF a déposé une demande d’autorisation de modification des règles générales d’exploitation du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey, et que cette modification constitue une modification notable des modalités d’exploitations autorisées de son installation relevant du régime d’autorisation de l’ASN régi par l’article 26 du décret du 2 novembre 2007 susvisé ;

Considérant le rôle assuré, vis-vis de l’étanchéité au niveau de la partie basse de l’enceinte de confinement du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey, par le revêtement composite associé au lait de chaux, et l’intention indiquée par EDF, dans la note d’analyse du cadre réglementaire transmise par courrier d’EDF du 23 février 2017 susvisé, de classer ces deux éléments comme éléments importants pour la protection au titre de l’arrêté du 7 février 2012 susvisé ;

Considérant que pour maintenir dans le temps l’efficacité de la solution de réparation, il convient de s’assurer de la présence permanente du lait de chaux dans le joint périphérique, et qu’à ce titre, le niveau du lait de chaux doit respecter des critères constituant des exigences définies au sens de l’arrêté du 7 février 2012 susvisé ;

Considérant que l’utilisation du lait de chaux comme protection du revêtement d’étanchéité interne en acier vise à agir contre la corrosion par un phénomène de passivation et qu’à ce titre, le pH du lait de chaux doit respecter des critères constituant une exigence définie au sens de l’arrêté du 7 février 2012 susvisé ;

Considérant qu’il est nécessaire d’évaluer, avant le redémarrage du réacteur, la cinétique de consommation du lait de chaux et de vérifier le maintien du niveau de celui-ci durant l’exploitation ;

Considérant que des contrôles périodiques associés à des critères d’acceptation du niveau et du pH du lait de chaux ont été proposés par EDF dans son courrier du 23 février 2017 susvisé ;

Considérant que ces contrôles périodiques prévoient de réaliser des mesures représentatives du pH du lait de chaux présent dans le joint périphérique de l’enceinte de confinement du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey, a minima en trois points différents et deux profondeurs pour chaque point ;

Considérant que ces contrôles périodiques prévoient également un programme de contrôle du pH et de l’absence de développement bactérien dans le lait de chaux, au cours du premier cycle de fonctionnement du réacteur qui suivra la réalisation de la réparation ;

Considérant que les critères et contrôles du niveau et du pH du lait de chaux seront intégrés dans les règles générales d’exploitation du réacteur n° 5 ;

Considérant dès lors que les modifications proposées par EDF pour traiter les défauts du revêtement d’étanchéité interne en acier de l’enceinte de confinement du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey sont acceptables et qu’à ce titre, les travaux de traitement peuvent être engagés ;

Considérant qu’EDF prévoit de valider l’efficacité de la solution de réparation de l’enceinte de confinement par une mesure du taux de fuite réalisée à l’occasion d’une épreuve spécifique de l’enceinte de confinement du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey ;

Considérant que la valeur du taux de fuite visée par EDF durant cette épreuve est cohérente avec les performances attendues de la réparation et le retour d’expérience des épreuves sur les enceintes à simple paroi,

Décide :

Article 1er

La société EDF, ci-après dénommée «l’exploitant», est autorisée à réaliser la modification du joint périphérique de l’enceinte du réacteur n°5 de l’installation nucléaire de base n°89 ainsi qu’à modifier les règles générales d’exploitation de ce réacteur dans les conditions prévues par ses courriers du 7 avril 2016 et du 23 février 2017 susvisés.

Article 2

La présente décision peut être déférée devant le Conseil d’État :
- par l’exploitant, dans un délai de deux mois à compter de sa date de notification,
- par les tiers, dans un délai de quatre ans à compter de sa publication.

Article 3

Le directeur général de l’Autorité de sûreté nucléaire est chargé de l’exécution de la présente décision, qui sera notifiée à l’exploitant et publiée au Bulletin officiel de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Fait à Montrouge, le 29 mars 2017.

Pour le Président de l’Autorité de sûreté nucléaire et par délégation : le directeur général adjoint : Julien COLLET

COMMENTAIRE

Certes il y a eu un envoi de données vers la CLI, mais avec impossibilité de donner un avis compte tenu des manques.

-L’avis de l’ASN est nettement plus complet, mais rajoute une autorisation visant à modifier les règles générales d’exploitation, demandé « par courrier du 23 février 2017 susvisé, EDF a déposé une demande d’autorisation de modification des règles générales d’exploitation du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey, et que cette modification constitue une modification notable des modalités d’exploitations autorisées de son installation relevant du régime d’autorisation de l’ASN régi par l’article 26 du décret du 2 novembre 2007 susvisé » . Or cette modification étant Notable, le décret peut être attaqué en Conseil d’Etat.

-voici les recommandations IRSN

Annexe 1 à l’Avis IRSN/2017-00061 du 16 février 2017
- Recommandations

Recommandation n° 1 :

L’IRSN recommande qu’EDF intègre aux éléments importants pour la protection des intérêts du réacteur n°5 de Bugey, le lait de chaux présent dans le joint périphérique entre le liner et le radier des structures internes du bâtiment réacteur.

Recommandation n° 2 :

L’IRSN recommande qu’EDF définisse un critère pour le pH du lait de chaux cohérent avec la valeur initiale de 12,5 et présentant une certaine marge par rapport à la limite de la perte de passivité des aciers de 9,5.

Recommandation n° 3 :

L’IRSN recommande qu’EDF s’assure de la représentativité d’une seule mesure de pH pour caractériser le lait de chaux présent dans l’ensemble du joint périphérique.

Recommandation n° 4 :

L’IRSN recommande qu’EDF réalise des prélèvements de lait de chaux pour le contrôle du pH et de l’absence de développement bactérien lors des entrées dans le bâtiment réacteur au cours du premier cycle de fonctionnement du réacteur suivant son redémarrage.

Recommandation n° 5 :

L’IRSN recommande qu’EDF définisse les essais périodiques et les spécifications techniques d’exploitation relatifs aux exigences de sûreté portées par le lait de chaux présent dans le joint périphérique situé entre le liner et le radier des structures internes de l’enceinte du réacteur n°5 de Bugey.