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G@zette N°258
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Autres nouvelles France et international
Recommandations pour la gestion des anciens sites miniers d'uranium en France

Des sites du Limousin aux autres sites, du court aux moyen et long termes
Rapport final du Groupe d'expertise pluraliste sur les mines d'uranium du Limousin (GEP)

     
Conclusions et recommandations
Le présent document rassemble les synthèses en anglais et en français ainsi que l'intégralité des conclusions et recommandations du Groupe d'expertise pluraliste sur les mines d'uranium du Limousin, telles qu'elles figurent dans le rapport final qu'il a remis au Ministre d'État, ministre de l'écologie et au Président de l'Autorité de sûreté nucléaire en septembre 2010.
Le rapport final et ses annexes, les trois rapports d'étape et les diverses communications du groupe, et l'ensemble des informations utiles sur le GEP sont disponibles sur son site: www.gep-nucleaire.org

Synthèse

     Le rapport final du Groupe d'expertise pluraliste sur les mines d'uranium du Limousin (GEP) rassemble les principales conclusions et recommandations issues de trois années et demie de réflexion ayant mobilisé, à la demande et avec le soutien financier des pouvoirs publics, plus de quarante experts de disciplines et d'origines différentes.
     La mission confiée au GEP par les Ministres chargés de l'écologie, de l'industrie et de la santé ainsi que par le Président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) était ambitieuse. Il ne s'agissait pas uniquement de conduire une évaluation poussée et exhaustive des impacts actuels de l'exploitation des anciennes mines d'uranium sur quelques sites particuliers, mais de proposer, à partir de ces cas concrets, des recommandations portant sur les options de gestion et de surveillance susceptibles de réduire les impacts actuels et de tenir compte des évolutions à long terme des sites.
     La démarche du GEP est ainsi partie d'une analyse détaillée des sites de la Division minière de la Crouzille, en Limousin, pour dégager, lorsque cela est envisageable, des idées générales applicables aux anciens sites miniers d'uranium en France, et proposer une approche généralisable à l'ensemble des sites. Le GEP a bénéficié, pour l'étude des sites, des apports du Bilan décennal environnemental (BDE) produit sur la Division minière de la Crouzille par l'exploitant Areva NC, et de la tierce expertise de ce BDE par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
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Cette analyse a été, en lien avec la mission d'information du GEP, ponctuée par un dialogue avec les acteurs locaux. Elle s'est également accompagnée de réflexions sur le retour d'expérience international, notamment par des échanges sur l'expérience allemande.
     Au-delà des réponses apportées aux questions qui lui ont été soumises dans les lettres de mission, le GEP offre un retour d'expérience sur la mise en oeuvre d'une démarche d'expertise pluraliste, dont l'intérêt a été souligné lors du Grenelle de l'environnement. Du point de vue du GEP, son expérience montre la faisabilité et la pertinence d'une approche pluridisciplinaire et ouverte aux différentes sensibilités. Les propositions et recommandations formulées dans ce rapport final, mais également les divers éléments d'analyse dont il a pu faire bénéficier les principaux acteurs au cours de son travail, reflètent le caractère opérationnel de cette réflexion élargie. On peut ainsi considérer que le GEP a déjà nourri les décisions prises au cours des dernières années par la DREAL Limousin (anciennement DRIRE) et la préfecture de Haute-Vienne. Le MEEDDM et l'ASN ont par ailleurs publié une circulaire commune du 22 juillet 2009 définissant un plan d'action cohérent avec les recommandations du GEP à cette date.
     Le rapport final suit la démarche progressive adoptée par le GEP, allant du constat au travail méthodologique pour aboutir à des propositions sur la gestion. Dans une première étape, le GEP étudie la situation actuelle d'un point de vue institutionnel. Il identifie les risques spécifiques aux anciens sites miniers d'uranium et s'interroge sur leur prise en charge dans les dispositifs de l'après-mine, puis dresse un bilan global du travail de réaménagement, de son encadrement réglementaire et de l'action des pouvoirs publics. Dans une deuxième étape, le GEP développe une analyse des impacts potentiels. Il introduit une classification systématique des objets et des phénomènes redoutés dans la gestion des sites, et propose sur cette base une évolution des méthodes de surveillance et d'évaluation des impacts. Il s'attache enfin, dans une troisième étape, à tirer des enseignements pour la gestion des sites. Il apporte un éclairage sur les objectifs de gestion avant de formuler des propositions pour améliorer la gestion à court et moyen terme, et pour préparer activement la gestion du long terme.
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     Le GEP a pu mesurer, à la lumière de ses réflexions, les difficultés issues de la gestion historique de ce dossier et les progrès accomplis ces dernières années, au niveau du Limousin et dans une certaine mesure au niveau national. Les réaménagements effectués par l'exploitant, sous le contrôle des autorités et dans un cadre réglementaire qui a fortement évolué depuis ont contribué à la maîtrise de certains risques, mais n'ont pas réglé tous les problèmes qui ont pu se révéler ultérieurement. De plus, la question se pose de l‘efficacité à moyen et long terme des options retenues. Aussi, le GEP considère que ces efforts doivent être poursuivis, approfondis et généralisés pour construire, à l'horizon d'une dizaine d'années, une stratégie claire de gestion durable impliquant des exigences technico-économiques, institutionnelles et sociétales. Une telle stratégie doit reposer sur une réglementation conciliant risque minier et risque radiologique et être accompagnée d'une volonté de programmation et de suivi des actions. Il conviendra de partager cette stratégie avec les acteurs locaux et d'y intégrer les spécificités territoriales. Le rapport final s'attache à développer dans cet esprit un cadre cohérent de recommandations aussi opérationnelles que possible.
     Ainsi, les propositions du GEP soulignent la nécessité d'une approche globale, partant d'un travail sur les perspectives institutionnelles, d'un programme d'amélioration des connaissances et d'un renforcement de l'information et de la concertation, pour encadrer et guider la caractérisation des impacts potentiels, l'évolution des dispositifs de surveillance et la consolidation des systèmes de protection existants. Ces propositions finales tiennent compte d'un ensemble d'actions engagées par Areva NC et les administrations locales et nationales, qui intègrent déjà certaines recommandations produites par le GEP au fil de ses trois rapports d'étape.
     Le GEP identifie six axes de progrès, et formule 15 recommandations majeures à l'adresse des pouvoirs publics, de l'exploitant et de l'ensemble des acteurs concernés. Ces recommandations, détaillées dans le rapport et rassemblées à la fin de ce document de synthèse, visent à:
     A. Rénover et clarifier le cadre institutionnel et réglementaire de la gestion des anciens sites miniers d'uranium
     Le GEP appelle à définir un cadre institutionnel pour la prise en charge des sites à moyen terme afin de donner une perspective claire aux actions engagées et de lier pleinement les composantes minière et radiologique du dossier [Recom1]. Il s'agira en particulier, pour donner l'impulsion nécessaire, de préciser dès que possible le processus et les échéances du transfert de responsabilité des sites actuellement gérés par Areva NC vers les pouvoirs publics, en identifiant la structure qui en aura la charge.
     Au préalable à ce transfert, indispensable au vu des enjeux à long terme, il conviendra d'en définir avec précision les conditions opérationnelles.
     Au-delà des clarifications réglementaires récentes, il convient d'engager dans cette perspective une révision de la réglementation afin de mieux prendre en compte les enjeux liés à la situation actuelle et à son évolution [Recom2]. Il s'agit par exemple de réviser la réglementation minière en regard des dispositions actuellement en vigueur dans le domaine de la radioprotection et de l'environnement, et de rendre ainsi plus lisible et opérationnelle l'articulation des polices applicables aujourd'hui sur les sites. La révision de la réglementation devra également intégrer l'évolution du champ et des méthodes d'évaluation d'impact et favoriser l'harmonisation des prescriptions entre les sites.

     B. Promouvoir l'effort d'amélioration des connaissances sur les sites ; poursuivre les actions d'études et recherche et stimuler leur élargissement
     Le GEP souligne la nécessité de systématiser des actions ambitieuses de recensement et de caractérisation des sites dans le prolongement de celles engagées depuis quelques années, afin d'acquérir une connaissance exhaustive des sources potentielles de pollution dans les conditions précisés dans la circulaire du 22 juillet 2009 et le PNGMDR [Recom3]. Les actions prévues doivent notamment inclure la recherche des rejets diffus, des principales sources d'exhalation de radon, et des éventuelles anomalies radiamétriques sur et autour des sites.

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     Cet effort doit être complété par une stratégie d'études et recherches pour renforcer la compréhension des processus en jeu [Recom4]. Il s'agit de développer une capacité prédictive de l'évolution de phénomènes clés (fonctionnement hydraulique et hydrochimique, exhalation et transfert de radon, accumulation de radioactivité dans les sédiments, l'évolution des résidus…),ainsi que les connaissances sur la toxicité des substances concernées, dont l'uranium, pour les écosystèmes. Une telle stratégie implique la mobilisation des organismes de recherche concernés, et la création éventuelle de zones ateliers in situ.

     C. Renforcer la pertinence des évaluations d'impacts, en les étendant notamment aux écosystèmes; replacer l'exposition des populations dans les enjeux de santé publique
     Les évaluations des exploitants sont centrées jusqu'ici sur l'impact radiologique sur les populations. Elles mettent en évidence, sur la base des données de la surveillance radiologique actuelle, des niveaux d'exposition ajoutée qui restent en deçà des limites réglementaires mais peuvent pour certains points particuliers s'en approcher. Ces cas particuliers nécessitent d'être affinés. Le GEP formule des propositions pour faire évoluer la méthode d'évaluation d'impact dosimétrique vers une estimation plus réaliste de la contribution des sites aux différentes voies d'exposition [Recom5]. Il s'agit à la fois de mieux refléter les divers usages envisageables par l'analyse de scénarios, et de mieux caractériser par la mesure et/ou la modélisation la part attribuable aux sites par rapport au « bruit de fond radioactif et chimique » naturel.
     Les préoccupations de radioprotection ont conduit à négliger l'évaluation d'impacts potentiels autres que l'impact radiologique sur les populations. Le GEP recommande de mieux prendre en compte l'impact chimique sur les populations d'une part, et propose d'appliquer, selon une approche graduée, une évaluation de l'impact radiologique et chimique sur les écosystèmes d'autre part [Recom6]. Le GEP souligne que la mise en oeuvre de ces évaluations suppose un effort de collecte des données pertinentes, et de partage et de formalisation des méthodes associées.
     Le GEP note par ailleurs que dans les régions d'exploitation de gisements uranifères, la population est généralement exposée à une radioactivité naturelle importante indépendamment de l'exposition ajoutée par les anciens sites miniers, et souligne la nécessité d'adapter les politiques de santé publique en conséquence. Il préconise de développer des outils de surveillance et de veille sanitaire et d'intensifier la politique de protection des populations contre les expositions aux rayonnements ionisants [Recom7]. La mise en place de registres des pathologies potentiellement associées (dont les cancers) est pour cela une base indispensable. Une vigilance doit par ailleurs s'exercer dans ces zones sur la qualité des eaux en fonction de leur utilisation, et sur le radon dans les immeubles bâtis.

     D. Faire évoluer les dispositifs de surveillance des sites et des zones situées potentiellement sous leur influence
     Les dispositifs déployés sur certains sites dans le cadre de la surveillance réglementaire actuelle apparaissent parfois en décalage avec les besoins. Il faut faire évoluer le cadre de surveillance actuel de manière à le rendre mieux adapté tout en optimisant les moyens mis en oeuvre[Recom8]. Le GEP propose une démarche d'analyse systématique de prise de décision pour hiérarchiser les enjeux, et identifier les indicateurs à surveiller site par site après des étapes d'auscultation et de démonstration. Il conviendra d'adapter les méthodes de mesure à la précision des informations recherchées, et d'harmoniser l'approche par des plans de surveillance type. Le GEP recommande, en complément, de renforcer la surveillance exercée par l'IRSN et d'encourager les campagnes de mesure par d'autres laboratoires.
     En complément de cette surveillance centrée sur les concentrations dans l'environnement, le GEP recommande de mettre en oeuvre une surveillance des écosystèmes et des habitats, centrée sur les éventuels effets [Recom9]. Celle-ci devra s'appuyer, en lien avec les acteurs de protection de la nature, sur une connaissance des espèces spécifiques à chaque site ou secteur concerné.

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     E. Prolonger l'effort de réaménagement pour mettre en place dès aujourd'hui des systèmes aussi robustes que possible à long terme là où la situation le justifie
     Les dispositifs de protection existants sur certains sites reposent sur des mesures de réduction à la source et de restriction des usages dont il est impossible d'assurer une véritable pérennité. Leur dégradation peut à terme conduire à des impacts significativement plus élevés que ceux estimés aujourd'hui. Partant de ce constat, le GEP propose des éléments pour développer une représentation réaliste de l'évolution à long terme des sites[Recom10]. Ces éléments conduisent à mener la réflexion pour les stockages de résidus, mais au-delà pour l'ensemble des sites pouvant présenter un enjeu vis-à-vis du long terme, et à intégrer une gamme plus complète de scénarios.
     Compte tenu de la situation actuelle des sites, il n'existe pas de solution simple et générique pour faire évoluer les dispositifs existants vers des dispositifs a priori significativement plus robustes à long terme. Le GEP examine différentes options, et appelle à une réflexion technique et sociétale avec l'ensemble des acteurs pour renforcer la robustesse à long terme des dispositifs à partir d'une évaluation incluant les différentes alternatives [Recom11].
     Cette réflexion doit être engagée rapidement, afin de s'appuyer sur la capacité opérationnelle actuelle. Le GEP recommande de préciser le processus de décision permettant de mettre en oeuvre à court terme des options de gestion du long terme [Recom12]. Ce processus devra s'appuyer sur une évaluation plus complète des coûts et bénéfices sanitaires, environnementaux, socio-économiques directs et indirects des dispositions à prendre aujourd'hui et permettre un arbitrage au vu des avantages et inconvénients à court terme et long terme. Il gagnera à être formalisé dans un corps de doctrine.
 
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     F. Poursuivre la mise en oeuvre des principes d'information et de participation pour en faire les leviers d'une véritable gestion durable des sites
     Les efforts d'information et de participation accomplis ces dernières années doivent être amplifiés pour placer ces principes au coeur de la gestion future des sites. Ceci implique d'abord de renforcer la collecte et la mise à disposition des informations relatives aux sites et à leur surveillance, et de veiller à l'organisation de la mémoire, via la constitution des archives et la matérialisation d'informations sur les sites mêmes [Recom13]. Le programme MIMAUSA représente de ce point de vue un acquis utile sur lequel il convient de s'appuyer.
     Le GEP considère que la participation des acteurs locaux est un élément moteur pour impulser la gestion à long terme et l'inscrire dans des projets de territoires. Il recommande ainsi de renforcer la concertation locale, et notamment le rôle des Commissions locales d'information et de suivi (CLIS) existant ou en cours de création autour des sites [Recom14]. Il s'agit de leur donner une assise juridique et de les impliquer plus fortement tout en élargissant leurs missions et en leur donnant les moyens de fonctionner. Des formes directes de participation pourront également être développées pour favoriser le débat sociétal, et pour asseoir et prolonger la portée des mesures de maîtrise des usages sur les sites. Le GEP souligne par ailleurs l'importance des échanges internationaux pour se nourrir des expériences de gestion des sites des anciennes mines d'uranium et recommande de poursuivre des échanges à ce niveau.
     Enfin, le GEP souligne l'intérêt de préserver les acquis de l'approche pluraliste qu'il a construite sur ce dossier, et de favoriser une montée en compétence des CLIS et une appropriation des travaux du GEP par les instances de concertation nationales (Haut comité à la transparence et à l'information sur la sécurité nucléaire – HCTISN, Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs – PNGMDR…). Il recommande de prolonger le dialogue pluraliste au niveau local et national et d'envisager l'approfondissement de certaines questions à travers une expertise pluraliste spécifique [Recom15]. Cette approche favorisera la construction d'éléments de doctrine sur les différents aspects de la gestion des sites.
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Les 15 recommandations du GEP pour une gestion durable des anciens sites miniers d'uranium:
Perspective institutionnelle
et cadre réglementaire
1. Le GEP recommande de définir explicitement les conditions et les étapes de la transition vers un véritable dispositif institutionnel dédié à l'après-mine uranium.
2. Le GEP recommande de poursuivre et d'accélérer l'évolution réglementaire pour disposer d'un cadre modernisé et pleinement adapté aux enjeux actuels.
Connaissance des sites,
études et recherches
3. Le GEP recommande de poursuivre et compléter les actions de recensement et de caractérisation des sites en vue de disposer d'une connaissance exhaustive des sources de pollution potentielle.
4. Le GEP recommande de développer une stratégie d'études et recherches en vue de renforcer les connaissances nécessaires à la bonne compréhension des processus en jeu et à l'acquisition d'une capacité prédictive sur leur évolution.
Pertinence et champ des évaluations d'impact, santé publique 5. Le GEP recommande de faire évoluer la méthode d'évaluation dosimétrique mise en œuvre pour mieux couvrir les usages potentiellement les plus sensibles et estimer de manière plus fiable la contribution des sites miniers aux différentes voies d'exposition radiologique.
6. Le GEP recommande de renforcer l'évaluation des impacts chimiques sur l'homme et de mettre en oeuvre, selon une approche graduée, une évaluation des impacts radiologiques et chimiques sur les écosystèmes.
7. Le GEP recommande de développer des outils de surveillance et de veille sanitaire dans les zones de radioactivité naturelle importante telles que les régions uranifères et d'y intensifier la mise en oeuvre des politiques de santé publique en matière de protection des populations contre les expositions aux rayonnements ionisants.
Dispositifs de surveillance
des sites et de l'environnemment
8. Le GEP recommande de faire évoluer les dispositifs de surveillance de manière à les rendre plus adaptés à la connaissance actuelle des impacts et aux enjeux relatifs à l'évolution des sites, tout en optimisant les moyens mis en oeuvre.
9. Le GEP recommande de mettre en oeuvre une surveillance des écosystèmes et des habitats, destinée à s'assurer que les effets des sites uranifères sont faibles, aussi bien sur l'environnement que sur la santé des espèces.
Robustesse des
réaménagements
et long terme
10. Le GEP recommande de développer une représentation réaliste de l'évolution à long terme des sites, tout en élargissant le champ des scénarios et des sites aujourd'hui considérés.
11. Le GEP recommande d'engager une réflexion technique et sociétale sur les solutions susceptibles de renforcer, par une action à court terme, la robustesse des systèmes existants en vue de maîtriser les impacts à long terme.
12. Le GEP recommande de préparer et de formaliser le processus de décision pour favoriser la mise en oeuvre à court terme des options de gestion du long terme.
Information et participation pour une gestion durable 13. Le GEP recommande de poursuivre et de compléter la collecte et la mise à disposition des informations relatives à la localisation et à l'état de connaissance des sites, ainsi qu'à la surveillance mise en place. Il recommande également de veiller à la constitution des archives et à leur suivi, ainsi qu'à la matérialisation d'information sur les sites eux-mêmes.
14. Le GEP recommande d'appuyer la gestion des sites sur la concertation locale, en renforçant notamment le rôle, l'assise juridique et les moyens des Commissions locales d'information et de suivi créées autour des sites.
15. Le GEP recommande de préserver les acquis de l'approche pluraliste qu'il a construite sur ce dossier. Il souligne la nécessité de maintenir un dialogue pluraliste au niveau local et national pour renforcer le partage de l'information et le suivi des actions, et d'envisager de poursuivre l'approfondissement de certaines questions à travers une expertise pluraliste spécifique.
Conclusions et recommandations

     Le GEP a pris connaissance de la situation actuelle des anciennes mines d'uranium du Limousin, des difficultés issues de leur gestion historique et des progrès accomplis ces dernières années pour leur apporter des réponses, au niveau du Limousin et au niveau national. Il note que les réaménagements, conduits au fur et à mesure de l'arrêt des activités minières, se sont échelonnés sur plusieurs dizaines d'années, et ont été menés d'une part en regard des préoccupations et des connaissances de l'époque et d'autre part des dispositions réglementaires alors en vigueur. Les aménagements effectués ont contribué à la maîtrise de certains enjeux, mais n'ont pas réglé tous les problèmes. De plus, la question se pose de leur efficacité à moyen et long terme.
     Aussi, le GEP considère que les progrès doivent être poursuivis et généralisés pour construire, à l'horizon d'une dizaine d'années, une perspective de gestion durable de ces sites la plus claire et lisible possible. La stratégie à mettre en place pour y parvenir devra intégrer les différentes dimensions (technique, institutionnelle, sociétale) de la problématique, et s'accompagner d'un effort de programmation et d'un souci de suivi des actions. Cette stratégie devra être proportionnée aux enjeux et partagée avec les acteurs locaux et devra intégrer les spécificités territoriales.
     Le GEP s'est attaché à développer dans cet esprit un cadre cohérent de recommandations aussi opérationnelles que possible. Ses propositions, rassemblées ci-après, soulignent la nécessité d'une approche globale, partant d'un travail sur les perspectives institutionnelles, d'un programme d'amélioration des connaissances et d'un renforcement de l'information et de la concertation pour encadrer et guider la caractérisation des enjeux et des impacts, l'évolution des dispositifs de surveillance et la consolidation des systèmes de protection existants là où elle est nécessaire. Le GEP propose ainsi six axes majeurs de progrès, à l'appui desquels il formule les recommandations suivantes:

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A. Rénover et clarifier le cadre institutionnel et réglementaire
     Les anciens sites miniers d'uranium présentent des risques propres à la radioactivité qui nécessitent la mise en place de dispositions spécifiques, en complément des mesures de prévention des risques miniers classiques.
     Ces spécificités nécessitent d'être prises en compte pour définir les solutions techniques qui permettront de répondre aux enjeux à long terme identifiés sur certains sites, mais également pour préciser comment le dispositif général de gestion de l'après-mine devra être, demain, appliqué à ces sites. Le GEP note à ce sujet que les pistes de réflexions proposées dans les rapports publics successifs consacrés à la question depuis le début des années 1990, n'ont jusqu'à aujourd'hui pas abouti à des décisions concrètes dans le domaine de l'après-mine d'uranium.
     Il reconnaît que l'urgence de telles décisions reste très relative compte tenu des responsabilités assumées aujourd'hui par Areva NC et du statut de la société, mais juge fondamental, pour impulser dès que possible un processus de transition maîtrisée, de donner à tous les acteurs une perspective institutionnelle lisible associée à un calendrier explicite. Cette perspective devra clarifier les rôles, sans dégager l'exploitant de sa responsabilité, ni se reposer indéfiniment sur sa capacité opérationnelle actuelle. Cette clarification doit s'accompagner d'une poursuite de l'adaptation de la réglementation.

     1. Le GEP recommande de définir explicitement les conditions et les étapes de la transition vers un véritable dispositif institutionnel dédié à l'après-mine uranium.
     Ce travail devra tenir compte des risques spécifiques attachés à l'exploitation de l'uranium et des atouts qu'offre la situation actuelle. Il devra pour cela conduire à:
     A. préciser au plus tôt l'entité publique, existante ou à constituer, qui sera responsable à terme de la gestion opérationnelle des sites. Cette entité devra être associée sans attendre aux réflexions actuellement en cours, afin de tirer le bénéfice de l'implication actuelle de l'exploitant et réaliser le transfert des compétences et des connaissances dans les meilleures conditions;

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     B. fixer un calendrier aussi réaliste que possible, établissant les grandes étapes et le terme de la période de transition. Le processus ainsi fixé devra garantir le respect par l'exploitant actuel de ses responsabilités et distinguer les situations auxquelles il est possible d'apporter des solutions à brève échéance de celles nécessitant des processus plus complexes et approfondis;
     C. adapter les exigences techniques à respecter en vue du transfert de gestion et de responsabilité de l'exploitant vers l'entité publique, et les modalités de financement associées. Dans ce but, les conditions selon lesquelles seront déclinés voire complétés les dispositifs prévus par le Code minier devront être précisées;
     D. déterminer la place spécifique dans ce dispositif de la gestion des stockages de résidus. Il s'agira notamment d'assurer la cohérence entre le cadre général de gestion à long terme des déchets radioactifs dont elle relève et le dispositif après-mine.

     2. Le GEP recommande de poursuivre l'évolution réglementaire pour disposer d'un cadre modernisé et pleinement adapté à la situation actuelle.
     Des évolutions réglementaires importantes sont intervenues ces dernières années pour clarifier le statut des sites et des matières en jeu dans la gestion des anciens sites miniers d'uranium, et apporter des réponses sur le cadre de prescriptions applicable. Il convient d'achever de moderniser et de clarifier le dispositif. Ce travail devra notamment permettre de:
     A. réviser la réglementation minière de manière à prendre en compte les dispositions actuellement en vigueur ou leur évolution en cours dans le domaine de la radioprotection et de la protection de l'environnement;
     B. aller vers un cadre aussi intégré que possible permettant de rendre plus lisible l'articulation des polices applicables sur les sites, du point de vue des règlements et de leur application. On veillera en particulier à:
     1. clarifier l'articulation des polices des mines, des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et du code de la santé publique (CSP) sur les sites sur lesquels elles s'appliquent de manière concomitante. Il s'agit a minima de préciser le statut juridique de situations particulières, telles que celles associées à la présence de résidus de traitement en remblai d'ouvrages souterrains, ou à la présence de déchets industriels non miniers dans certaines verses ou anciennes mines à ciel ouvert;
     2. assurer une application plus coordonnée, notamment par l'implication des services de l'Etat concernés, de l'ensemble des polices transversales applicables sur les sites (police de l'eau, de la nature, de la santé publique...);
     C. encadrer l'évolution des prescriptions applicables sur les sites, en veillant à:
     1. intégrer, selon une approche proportionnée aux enjeux, les évolutions relatives au champ et aux méthodes des évaluations d'impacts radiologique et chimique sur l'homme et sur l'environnement;
     2. favoriser l'harmonisation des prescriptions applicables au niveau de chaque site en poursuivant l'action de pilotage, au niveau national, des services déconcentrés de l'Etat, et en l'accompagnant de la production de référentiels (guides, circulaires, arrêtés type, prescriptions générales);
     D. développer dans la réglementation les dispositions techniques encadrant la transition à partir de la situation actuelle et selon les sites, soit vers une libération, soit vers une gestion à long terme. 

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B. Promouvoir l'effort d'amélioration des connaissances sur les sites; poursuivre les actions d'études et recherche et stimuler leur élargissement
     Le GEP note que des actions systématiques et ambitieuses d'inventaire et de caractérisation des sites sont engagées depuis quelques années et qu'elles s'intensifient d'ores et déjà, conformément à ses premières recommandations, dans le cadre notamment du Programme MIMAUSA, de la circulaire du 22 juillet 2009 et du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR). Pour le GEP, l'objectif de ces actions est de disposer d'une connaissance et d'une compréhension suffisante, globalement et site par site, pour identifier les sources potentielles d'impact et analyser les actions susceptibles de les réduire, en regard de la situation actuelle et de son évolution prévisible.
     Les actions engagées devraient permettre à terme de disposer d'un état des lieux relativement complet des situations, moyennant quelques compléments. Pour permettre la mise en oeuvre d'une démarche de gestion efficace, les études à visée opérationnelle menées prioritairement par l'exploitant doivent cependant s'accompagner d'un effort accru de compréhension globale de certains processus essentiels. Cette nécessité conduit le GEP aux recommandations ci-après.

     3. Le GEP recommande de poursuivre et de compléter les actions de recensement et de caractérisation des sites en vue de disposer d'une connaissance exhaustive des sources potentielles de pollution.
     Les actions réalisées, en cours ou en préparation dans le cadre notamment de la circulaire du 22 juillet 2009, visent à dresser un état des lieux de l'ensemble des sites et à hiérarchiser les enjeux. Leur mise en oeuvre, dans le cadre des bilans de fonctionnement, devra veiller à:
     A. compléter la connaissance non seulement des rejets canalisés lorsqu'ils existent, mais aussi des transferts diffus par l'eau ou par l'air, et plus précisément:
     1. mieux caractériser les sources diffuses de rejet, et notamment localiser et caractériser les verses à stériles susceptibles d'être à l'origine de transferts significatifs vers l'environnement;
     2. localiser les ouvrages miniers souterrains susceptibles d'avoir une influence sur les concentrations de radon observées en surface, prioritairement lorsque des bâtiments sont présents sur les zones concernées;
     B. préciser la connaissance de l'état des sites après réaménagement, en réalisant des cartographies radiamétriques de surface sur les sites présentant des enjeux particuliers du fait de la présence de résidus ou de la suspicion d'anomalies. En complément, dans le cas particulier des stockages de résidus, une cartographie des flux de radon par type de couverture doit être envisagée pour en vérifier l'efficacité.
     C. rechercher les zones de réutilisation de matériaux issus des mines et d'accumulation de la radioactivité en aval des sites miniers.

     4. Le GEP recommande de développer une stratégie d'études et recherches en vue de renforcer les connaissances nécessaires à la bonne compréhension des processus en jeu et à l'acquisition d'une capacité prédictive sur leur évolution.
     Ce renforcement des connaissances est nécessaire pour identifier les paramètres permettant de caractériser l'état des systèmes et pour orienter les actions de réduction des impacts, de surveillance, et de renforcement de la robustesse des dispositifs.

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     Sur le plan des contenus, l'effort d'études et recherches devra porter sur l'ensemble des phénomènes qui restent insuffisamment compris du point de vue de l'évolution des sources et des transferts à l'environnement d'une part, et des effets sur l'environnement d'autre part. Cet effort devra se concentrer en priorité sur les objectifs suivants:
     A. développer des modèles qualitatifs, et si possible quantitatifs, à l'appui de l'évaluation des transferts actuels et futurs de substances rejetées depuis les sites vers leur environnement. Ces modèles devront plus précisément viser à:
     1. comprendre le fonctionnement hydraulique des stockages et réservoirs miniers et prévoir l'évolution de la qualité des eaux qui en sont issues;
     2. comprendre l'évolution minéralogique et chimique des résidus de traitement et son influence sur la qualité des eaux;
     3. prévoir l'extension des zones influencées par l'exhalation du radon depuis les verses à stériles et les stockages de résidus d'une part, et à l'aplomb de travaux miniers souterrains de faible profondeur d'autre part;
     4. comprendre les phénomènes gouvernant l'accumulation dans l'environnement en aval des sites, notamment dans les sédiments, les terres de berges et les zones humides, des substances rejetées, en particulier l'uranium, ainsi que les conditions de relargage éventuelle des quantités accumulées;
     B. acquérir les connaissances nécessaires à la caractérisation précise de la toxicité des substances dangereuses rejetées depuis les sites pour les espèces rencontrées, notamment:
     1. valider les modèles sur la biodisponibilité de l'uranium dans l'eau et approfondir les questionsrelatives à son écotoxicité dans l'eau et les sédiments;
     2. encourager les études sur la compréhension et la quantification des effets d'une exposition chronique aux substances radioactives et/ou chimiques rencontrées autour des anciens sites miniers d'uranium, en particulier sur les espèces patrimoniales (i.e. caractéristiques du milieu étudié).
     Pour compléter la connaissance, stimuler la production scientifique et nourrir les débats techniques éclairant les décisions publiques, il est souhaitable de pouvoir s'appuyer sur des pôles de connaissance et de compétence diversifiés. Dans cette perspective, il convient de:
     C. inciter au décloisonnement des travaux menés par l'exploitant en l'encourageant à développer des collaborations avec des organismes de recherche multiples;
     D. activer les outils de pilotage de la recherche pour encourager les organismes de recherche publics concernés, et plus largement le monde de la recherche académique, à renforcer leur action sur les thématiques identifiées;
     E. appuyer ces actions à chaque fois que nécessaire sur des outils expérimentaux spécifiques, en développant par exemple des études de terrain sur des zones choisies. Dans ce cadre, le GEP propose la mise en place d'une zone atelier in situ consacrée à l'étude du comportement de l'uranium dans l'eau et les sédiments et de son impact sur les écosystèmes.

C. Renforcer la pertinence des évaluations d'impacts, en les étendant notamment aux écosystèmes; replacer l'exposition des populations dans le cadre des enjeux de santé publique

     Les évaluations d'impact conduites jusqu'ici par l'exploitant se limitent essentiellement à l'évaluation de l'impact radiologique sur les populations. Ces évaluations montrent, sur la base des données de la surveillance radiologique actuelle, des niveaux d'exposition ajoutée qui restent en deçà des limites réglementaires mais peuvent pour certains cas particuliers s'en approcher voire les dépasser légèrement en fonction des hypothèses retenues sur les teneurs en radionucléides.
     Les travaux menés par le GEP ne conduisent pas, sur les zones d'études auxquelles ils se sont limités, à remettre en cause ces résultats sur le niveau de protection des populations vis-à-vis du risque radiologique. Ils soulignent cependant la nécessité d'affiner les évaluations par un renforcement des connaissances et de la méthodologie. Ils appellent également à élargir leur champ à l'ensemble des impacts radiologique et chimique sur l'homme et sur l'environnement. Ces efforts sont particulièrement utiles pour guider les actions de réduction des impacts.
suite:
     5. Le GEP recommande de faire évoluer la méthode d'évaluation dosimétrique mise en oeuvre pour mieux couvrir les usages potentiellement les plus sensibles et estimer de manière plus fiable la contribution des sites miniers aux différentes voies d'exposition.
     Cela nécessite pour l'exploitant de:
     A. mieux prendre en compte les situations particulières à travers une méthode reposant sur l'analyse des scénarios d'usage pertinents sur chaque site;
     B. mener un effort d'acquisition de données permettant de disposer de l'ensemble des paramètres nécessaires à la caractérisation précise des expositions pour chacune des voies d'exposition;
     C. réduire les incertitudes sur les parts respectives de l'exposition attribuable aux sites miniers et de l'exposition naturelle pour mieux estimer la première. Cela implique un effort accru de caractérisation du «bruit de fond» naturel autour des sites et/ou d'amélioration et la mise en oeuvre des connaissances et des outils de modélisation des transferts depuis les sites, en lien avec les efforts d'études et recherches (recommandation 4). À cet égard il est particulièrement important de s'intéresser au radon.

     6. Le GEP recommande de renforcer l'évaluation des impacts chimiques sur l'homme et de mettre en oeuvre, selon une approche graduée, une évaluation des impacts radiologiques et chimiques sur les écosystèmes.
     La préoccupation forte attachée à la spécificité radioactive des matières mises en jeu dans les anciens sites miniers d'uranium ne doit pas mettre au second plan leur toxicité chimique. Les exigences et le niveau de mise en oeuvre des évaluations d'impact chimique de ces sites sur les populations sont pourtant aujourd'hui très en retrait des évaluations d'impact radiologique, bien que les méthodes existent. Le GEP juge sur ce point nécessaire de:
     A. développer chaque fois que c'est pertinent, parallèlement aux évaluations d'impact dosimétrique existantes, des évaluations de l'impact chimique sur les populations. Ces évaluations devront notamment prendre en compte la toxicité chimique de l'uranium et des éléments qui l'accompagnent, ainsi que les apports secondaires liés à l'introduction de réactifs pour le traitement chimique des eaux.
     Par ailleurs, le principe longtemps dominant en radioprotection selon lequel la protection de l'homme conduisait à une protection satisfaisante de l'environnement a retardé la réalisation d'évaluations d'impact sur les écosystèmes. Ce retard porte à la fois sur l'application aux sites miniers d'uranium des méthodes existantes pour le volet chimique, et sur le développement de méthodes spécifiques pour le volet radiologique. L'analyse et le test de certaines de ces méthodes conduit le GEP à recommander de :
     B. appliquer pour l'évaluation de l'impact environnemental des sites miniers uranifères les méthodes d'évaluation de l'impact radiologique et chimique sur les écosystèmes dont il a pu tester l'intérêt et l'applicabilité dans le cadre des ses travaux. Le GEP souligne que ces méthodes reposent sur une approche dite graduée qui permettra de dimensionner l'effort aux enjeux.
     La mise en oeuvre des méthodes d'évaluation d'impact chimique sur l'homme et d'évaluation des impacts sur les écosystèmes, évoquées ci-avant, nécessite un effort pour:
     C. collecter l'ensemble des données nécessaires. Cet objectif recouvre d'abord une évolution de la surveillance de l'environnement pour disposer des mesures des indicateurs pertinents autour des sites.
     Il est également à mettre en lien avec l'effort d'études et recherches mentionné précédemment (recommandation 4), via notamment la création de zones ateliers et la prise en compte des travaux des gestionnaires d'espaces naturels pour l'évaluation d'impact sur les écosystèmes;
     D. promouvoir l'utilisation de ces méthodes en s'efforçant d'impliquer au bon niveau les organismes publics ou associatifs porteurs des compétences associées, et en faisant en sorte que ces méthodes soient mieux formalisées.
     Même si cela dépasse le cadre strict de ses missions, le GEP note que dans les régions d'exploitation de gisements uranifères, la population est généralement exposée à une radioactivité naturelle importante indépendamment de l'exposition ajoutée par les anciens sites miniers, et souligne la nécessité d'adapter les politiques de santé publique en conséquence.

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     7. Le GEP recommande de développer des outils de surveillance et de veille sanitaire dans les zones de radioactivité naturelle importante sur l'ensemble du territoire français telles que les régions uranifères et d'y intensifier la mise en oeuvre des politiques de santé publique en matière de protection des populations contre les expositions aux rayonnements ionisants.
     Le GEP reconnaît que la question des impacts des sites miniers d'uranium peut ne pas justifier à elle seule la mise en place des outils de surveillance sanitaire, dont l'intérêt est plus large. Il note par ailleurs que la difficulté associée à leur exploitation ne doit pas être négligée. L'existence de tels outils constitue cependant une base indispensable pour aborder la question du risque sanitaire associé aux anciens sites en permettant une quantification des effets, complémentaire de l'évaluation des expositions. Aussi, le GEP préconise de:
     A. mettre en place, lorsqu'ils font défaut dans les régions concernées, des registres de pathologies (dont les cancers), qui sont actuellement les seuls outils permettant d'identifier, de manière exhaustive, les cas dans une zone d'intérêt;
     B. poursuivre les réflexions sur l'intérêt et la manière de conduire des études de veille sanitaire permettant de rechercher, pour les pathologies d'intérêt et sur une période donnée, une éventuelle surreprésentation du nombre de cas (agrégat) sur certains secteurs géographiques. Ces réflexions porteront notamment sur les facteurs socio-démographiques à prendre en compte dans l'exploitation statistique des données, et sur la définition en amont de critères guidant l'interprétation des résultats issus d'une telle veille.
     Les travaux du GEP montrent la nécessité d'inscrire la réflexion sur la contribution potentielle des anciens sites miniers dans une préoccupation plus large sur les niveaux d'exposition globaux reçus par les populations des secteurs concernés, avec une vigilance particulière sur les eaux de boisson et le radon.
     Dans ce contexte, il est important de:
     C. développer un effort particulier pour caractériser et surveiller la qualité des eaux vis-à-vis des paramètres radiologiques et chimiques d'intérêt, en lien avec les différentes types d'utilisations (alimentation en eau potable, agriculture, puits fermiers...);
     D. engager une démarche volontariste de dépistage du radon dans les immeubles bâtis – et les bâtiments d'habitation en particulier – situés dans les zones de radioactivité naturelle importante, dont les secteurs miniers d'uranium Cette démarche reposera sur la sensibilisation, l'incitation et éventuellement à terme sur les dispositifs réglementaires en cours d'élaboration.

D. Faire évoluer les dispositifs de surveillance des sites et des zones situées potentiellement sous leur influence

     Les dispositifs déployés sur certains sites dans le cadre de la surveillance réglementaire actuelle des sources, des transferts à l'environnement et des impacts potentiels n'apparaissent pas toujours adaptés aux besoins de connaissances et à la hiérarchie des enjeux. Cette surveillance est de plus orientée vers des indicateurs d'exposition, et doit par conséquent être complétée par une surveillance orientée vers les effets.
     8. Le GEP recommande de faire évoluer les dispositifs de surveillance de manière à les rendre plus adaptés à la connaissance des impacts et aux enjeux relatifs à l'évolution des sites, tout en optimisant les moyens mis en oeuvre.
     Le GEP a appuyé sa réflexion sur l'identification, au sein de chaque site, des différents objets facteurs de risque (stockages, ouvrages miniers, verses...) et sur l'étude, pour chacun d'eux, des phénomènes redoutés (rayonnement, écoulement d'eau, émanation de radon, incorporation de radionucléides).
     Déclinée site par site, cette démarche conduit à mieux identifier les indicateurs à surveiller et les moyens appropriés. Elle a ainsi permis de dégager certaines priorités reprises dans les bilans de fonctionnement réalisés dans le cadre de la circulaire du 22 juillet 2009. Cette approche «systémique» fournit en effet un cadre pour:
suite:
     A. faire évoluer la surveillance actuelle par la mise en oeuvre d'une surveillance basée sur l'analyse, adaptée à chaque contexte, des objets facteurs de risque et des phénomènes redoutés. Le GEP précise ainsi pour chaque objet (travaux miniers, verses, stockages, zones de réutilisation de matériaux, zones d'accumulation de sédiments) des priorités en termes de caractérisation, de surveillance et de gestion (Le détail de cette analyse systémique sur les phénomènes redoutés et l'identification des priorités attachées aux différents objets est discuté dans le chapitre 6 consacré à la gestion à court terme et résumé sous forme de tableau dans sa synthèse -voir 6.4.).
     Cette démarche doit guider une stratégie d'évolution maîtrisée de la surveillance en déroulant des étapes d'auscultation (compréhension du système) et de démonstration (vérification de l'efficacité des dispositifs) pour parvenir, si les enjeux le justifient, à une surveillance de routine (contrôle de l'évolution du système et vérification du caractère acceptable des impacts). Son application proportionnée site par site doit permettre de :
     B. s'assurer que le dimensionnement et les orientations des dispositifs de surveillance reposent sur une compréhension suffisante de chaque site. Cette compréhension doit pouvoir être appréciée au travers des bilans de fonctionnement et au vu des résultats des efforts d'études et de recherches engagés en appui;
     C. optimiser les moyens déployés en ciblant mieux d'une part les données utiles au diagnostic de l'état des systèmes et à l'identification des dérives et d'autre part à la caractérisation de l'état de l'environnement et des impacts potentiels. De ce point de vue, le GEP a exprimé des interrogations sur la pertinence de poursuivre des mesures de débit de dose externe (mesures DTL), d'activité alpha potentielle dans l'atmosphère (EAP) ou de concentrations dans les eaux de distribution actuellement effectuées par l'exploitant dans les villages avoisinants. Il a au contraire insisté sur la nécessité de renforcer fortement les mesures effectuées à l'aval des principales verses à stériles, dans les zones d'accumulation potentielles des substances rejetées par les sites (mesures sur les sédiments notamment) ou dans les puits fermiers situés dans leur périmètre d'influence;
     D. adapter les méthodes aux informations recherchées pour chacun des indicateurs couverts par la surveillance, au niveau par exemple des protocoles, du champ ou de la fréquence des mesures. De ce point de vue, le GEP a souligné l'intérêt que représentent des campagnes de mesures complètes, permettant de recueillir des données sur l'ensemble des paramètres et des voies d'exposition pertinents, par rapport à des mesures plus ponctuelles même si elles sont effectuées plus fréquemment;
     E. harmoniser l'approche développée sur les différents sites. Pour cela le GEP souligne l'utilité de formaliser une base de travail sous la forme de plans de surveillance type pour chaque catégorie de site.
     La qualité et la crédibilité de la surveillance repose par ailleurs sur des exigences de pluralisme, de contrôle et d'accessibilité des données qui impliquent de:
     F. renforcer les contrôles sur site exercés par les autorités, et produire des données complémentaires à celles de l'exploitant. Il s'agira d'une part de moderniser et redéployer les moyens mis en œuvre autour des sites par l'IRSN dans le cadre de sa mission de surveillance de l'environnement, d'autre part d'encourager, en lien avec les préoccupations locales, la réalisation de campagnes ponctuelles par d'autres laboratoires;
     G. garantir l'accessibilité et la lisibilité des données de surveillance. Pour cela, le GEP souligne l'utilité de déployer des dispositifs de balisage sur le terrain, de repérage dans les documents et de géolocalisation des points de mesure, mais également de renforcer l'accès aux données, au niveau régional ou national, notamment via internet et en lien avec la mise en place du Réseau national de mesures.
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     9. Le GEP recommande de mettre en oeuvre une surveillance des écosystèmes et des habitats, destinée à s'assurer que les effets éventuels sont acceptables, afin de ne pas restreindre la surveillance de l'environnement à la seule surveillance des expositions.
     Outre la surveillance sanitaire qui doit s'intégrer dans les objectifs généraux des politiques de santé publique, la prise en compte dans la gestion des anciens sites miniers de la protection des espèces vivantes et des habitats doit conduire à développer une surveillance appropriée des écosystèmes. Cette démarche doit s'inscrire dans un cadre plus global de surveillance des écosystèmes autour des installations industrielles. A partir de l'inventaire des outils et des acteurs intervenant dans ce champ de la surveillance de la nature, le GEP préconise, pour répondre à cette préoccupation, de:
     A. intégrer une surveillance des écosystèmes aux dispositifs de surveillance déployés sur les sites, à chaque fois que les enjeux le nécessitent, en cohérence avec l'approche développée au niveau national.
     Cette surveillance devra s'appuyer sur une connaissance des espèces de la faune et de la flore spécifiques à chaque site, et si possible de leur sensibilité aux substances radioactives et/ou chimiques mises en jeu;
     B. développer parmi les acteurs de la gestion notamment Areva, une meilleure connaissance des outils existants, et renforcer l'implication des services de l'Etat et du monde associatif notamment, pour leur mise en oeuvre;
     C. veiller à la bonne articulation entre ces dispositifs de surveillance des effets et les évaluations portant sur les impacts. Il s'agit à la fois d'utiliser la connaissance des expositions pour orienter la surveillance des effets vers les écosystèmes potentiellement les plus exposés, et d'être capable d'interpréter les données obtenues sur les effets en les mettant en regard avec les résultats des évaluations d'impact.

E. Prolonger l'effort de réaménagement pour mettre en place dès aujourd'hui des systèmes aussi robustes que possible à long terme là où la situation le justifie

     Les dispositifs de protection existants sur les sites ont été définis au regard des contraintes pratiques liées aux importants volumes en jeu et des exigences réglementaires qui prévalaient à l'époque des réaménagements. Il est ainsi indéniable que ces dispositifs ne présentent pas toujours les caractéristiques nécessaires pour garantir la maîtrise des impacts à long terme. En particulier, les stockages de résidus de traitement ne reposent pas sur les mêmes exigences de confinement et de robustesse vis-à-vis des aléas que celles retenues pour les projets de stockage de déchets radioactifs à vie longue actuellement à l'étude.
     La maîtrise des impacts repose sur des mesures de réduction à la source et de restriction des usages dont il est impossible d'assurer une véritable pérennité. Il est dès lors nécessaire de tenir compte de situations dégradées qui pourraient conduire à terme sur certains sites à des impacts significativement plus élevés que ceux estimés aujourd'hui. Ces situations dégradées peuvent par exemple découler d'un abandon non maîtrisé d'une installation de traitement d'eau, d'une altération des couvertures de stockage, ou de réutilisations non contrôlées des sites ou des matériaux qui y sont stockés.
     Il existe aujourd'hui un déficit de représentation de l'évolution à long terme et d'analyse et d'action sur les options techniques à mettre en oeuvre pour répondre à ces défis. Cet effort indispensable doit être conduit sans attendre, afin de se donner le temps de bien faire tout en s'appuyant sur la connaissance et la capacité opérationnelle actuelles. Cet effort doit toutefois s'attacher à ne pas créer de situations irréversibles ne permettant plus de pallier d'éventuelles erreurs d'appréciation quant à l'évolution d'un site.
suite:
     10. Le GEP recommande de développer une représentation plus réaliste de l'évolution à long terme des sites, tout en élargissant le champ des scénarios et des sites aujourd'hui considérés.
     La formalisation de l'évolution à long terme des anciens sites miniers d'uranium se limite aujourd'hui à une doctrine consacrée aux seuls stockages de résidus. Cette doctrine introduit la possibilité d'une perte de contrôle et de mémoire sur ces sites à long terme et considère un certain nombre d'aléas naturels ou résultant d'actions humaines. Produite en 1999, elle n'a commencé à être mise en oeuvre de façon effective que récemment, dans le cadre de la loi de 2006 sur la gestion durable des matières et déchets radioactifs et de la mise en place du PNGMDR. Le GEP pense que cette doctrine devrait évoluer pour:
     A. étendre la réflexion, au-delà des sites de stockages de résidus, à l'ensemble des sites pouvant présenter des impacts vis-à-vis du long terme. Cette réflexion devra prendre en compte sur chaque site l'ensemble des objets facteurs de risques, en particulier l'existence de rejets nécessitant un traitement, ou la présence de matériaux pouvant induire des expositions significatives, tels que des stériles à teneur élevée en uranium;
     B. aboutir, pour ces sites à forts enjeux, à une prise en compte plus réaliste et complète des scénarios d'évolution à long terme, et pour cela:
     1. s'inscrire dans une perspective de perte certaine des dispositifs mettant en jeu l'intervention humaine. Les horizons de temps envisageables pour le maintien de ces dispositifs, peuvent a priori être estimés de quelques années à quelques centaines d'années, en fonction du degré d'intervention qu'ils exigent, depuis les plus «actifs» (traitement des eaux) jusqu'aux plus «passifs» (archives, servitudes);
ii. recenser et évaluer les processus naturels et les actions humaines capables de faire évoluer le fonctionnement des systèmes en place ou l'environnement des sites au point d'en modifier les impacts. Ce travail devra intégrer les caractéristiques de chaque site et les enjeux locaux pour identifier les scénarios associés à la vulnérabilité des dispositifs de maîtrise des risques spécifiques à chaque site et ne pas se limiter à décliner des scénarios génériques.

     11. Le GEP recommande d'engager une réflexion technique et sociétale sur les solutions susceptibles de renforcer, par une action à court terme, la robustesse des systèmes existants en vue de maîtriser les impacts à long terme.
     Compte tenu de la situation actuelle des sites, il n'existe pas de solution simple et générique pour faire évoluer les dispositifs existants vers des dispositifs a priori significativement plus robustes à long terme.
     Les options envisageables doivent être précisées sur les différents sites pour orienter dès que possible les décisions sur la gestion du long terme et apprécier l'importance qui devra être accordée aux actions de maintenance, de maîtrise foncière ou de restriction des usages. Dans cette perspective, un travail impliquant l'ensemble des acteurs et permettant de mettre en perspective les avantages et inconvénients des différentes options de gestion doit être conduit pour:
     A. approfondir l'inventaire des solutions envisageables, en lien avec l'expérience internationale et avec l'expérience d'autres domaines. Cet inventaire portera plus particulièrement sur les dispositifs de réduction à la source reposant sur une intervention humaine et s'intéressera aux moyens, soit de se passer de ces dispositifs tout en préservant un niveau d'impact le plus faible en regard des connaissances du moment et ce y compris à long terme, soit de les faire évoluer de manière à les rendre moins dépendant d'actions de maintenance;

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     B. développer et qualifier des options techniques sur l'évolution des dispositifs de réduction à la source reposant sur une intervention humaine. Cette action, qui vise les cas où le maintien des dispositifs s'avère indispensable, doit permettre en priorité de:
     1. poursuivre et étendre les actions de recherche et développement sur les techniques de traitement des eaux dites passives, en vue de disposer de solutions alternatives au traitement chimique actif actuel, de renforcer son efficacité et de minimiser l'intervention de l'opérateur;
     2. évaluer les différentes options envisageables pour renforcer la pérennité des couvertures à long terme, en tenant compte de leurs différentes fonctions et des dégradations envisageables lorsqu'elles ne seront plus entretenues;
     3. s'interroger, vis-à-vis des impacts à long terme, sur la pertinence d'avoir recours à ces couvertures pour isoler les stériles les plus riches et limiter ainsi l'impact des verses.
     Lors de la mise en oeuvre de la démarche précédente, le GEP souligne l'utilité d'étudier la pertinence éventuelle de solutions apparemment pénalisantes à court terme mais permettant de réduire sensiblement les enjeux à long terme. Il appelle donc à:
     C. élargir le champ de la réflexion à des solutions visant à réduire par une action à la source les enjeux à long terme. Tout en restant attentif aux conditions éventuelles de recours à de telles alternatives, du point de vue de leur impact potentiel à court terme et de leur rapport «coût / bénéfice», des actions sur les matières stockées et sur les écoulements d'eau peuvent ainsi être envisagées de manière à:
     1. étudier le retrait de quantités limitées de matières particulièrement actives (matériaux à l'origine d'anomalies importantes, verses contenant des stériles à forte teneur en uranium, éventuellement stockages de résidus de faibles volumes) présentes sur un site, pour les stocker sur un autre site dans des conditions plus favorables;
     2. étudier la possibilité d'une réutilisation contrôlée de matières. L'utilisation maîtrisée de stériles, par exemple en remblais routiers, n'est pas souhaitable en regard du court terme. Toutefois, au regard du long terme, elle pourrait correspondre à une solution plus robuste que le stockage actuel en verses vis-à-vis du risque de réutilisation non contrôlée;
     3. étudier l'hypothèse d'une modification volontaire des écoulements des eaux. Par exemple sur un site où le traitement des eaux est nécessaire, augmenter volontairement la circulation des eaux pour accélérer la lixiviation peut augmenter le volume des déchets de traitement sur le court terme mais réduire la source non contrôlé à long terme. Par ailleurs, si un autre milieu récepteur présente un facteur de dilution plus important, l'étude d'une modification de l'exutoire peut présenter un intérêt au regard d'une gestion à long terme.

     12. Le GEP recommande de préparer et de formaliser le processus de décision pour favoriser la mise en oeuvre à court terme des options de gestion du long terme.
     L'attention portée aujourd'hui aux anciens sites miniers d'uranium est de nature à renforcer, dans le court terme, la maîtrise de leurs impacts. En lien avec les recommandations relatives à la transition vers un dispositif institutionnel spécifique, le GEP souligne la nécessité de s'appuyer sur cette situation pour mettre en place un processus actif d'évaluation et de décision. Il s'agit de préciser pour chaque site l'existence et la nature des impacts à long terme pour décider des options de gestion et des étapes de leur mise en oeuvre. Dans cette perspective, il est nécessaire de:
     A. établir dès que possible une liste préliminaire des sites justifiant d'une gestion spécifique à long terme, de ceux susceptibles d'évoluer vers un arrêt de la surveillance gardant la mémoire de leur existence. Cette liste comprendra l'ensemble des sites abritant les stockages de résidus, et devra s'élargir à l'ensemble des sites où la maîtrise des impacts ne peut être assurée sans dispositifs nécessitant l'intervention humaine, ou pour lesquels des restrictions d'usages devront être maintenues;

suite:
     B. développer les outils nécessaires à l'évaluation des options sur le plan sanitaire, environnemental et socio-économique. On s'attachera en particulier à:
     1. élargir le champ, préciser l'interprétation et affiner la méthode des évaluations d'impact. Les aménagements de la méthode d'évaluation d'impact dosimétrique proposés par le GEP pourront être appliqués aux scénarios réalistes développés pour le long terme. L'évaluation d'impact à long terme doit également prendre en compte l'impact chimique sur les populations, et envisager la question des impacts sur l'environnement. Les évaluations devront prendre en compte la répartition des impacts dans l'espace et le temps, et devront être utilisées dans une démarche de comparaison des options plutôt que de validation vis-à-vis de niveaux à atteindre;
     2. s'appuyer sur les sciences économiques et sociales pour construire un cadre d'évaluation des coûts et des bénéfices associés aux différentes options. Ce cadre devra prendre en compte les coûts directs attachés aux dispositifs de protection et de surveillance, mais également les coûts et bénéfices indirects liés par exemple aux évolutions des usages;
     C. conduire sur chacun des sites présentant des enjeux à long terme un processus d'analyse et de concertation pour identifier, valider et accompagner les solutions techniques sur lesquelles reposera la gestion du long terme. Cette démarche s'appuiera sur des scénarios réalistes, sur la discussion des options et sur des évaluations complétées.
     D. intégrer l'ensemble de ces réflexions dans un corps de doctrine qui pourra s'appuyer sur l'application de la démarche à quelques cas concrets. Cette doctrine devra notamment fournir un guide méthodologique pour valider les solutions techniques et pour déterminer précisément l'état à atteindre avant le transfert de la gestion d'un site de l'exploitant vers une entité publique.

F. Poursuivre la mise en oeuvre des principes d'information et de participation pour en faire les leviers d'une véritable gestion durable des sites

     Le développement de controverses publiques et de crises médiatiques sur la gestion des anciens sites miniers d'uranium s'est nourri d'un déficit d'information et de concertation, que des initiatives locales ou nationales ont entrepris depuis plusieurs années de combler. Les dispositifs mis en place démontrent l'utilité des efforts accomplis et la nécessité de les poursuivre, comme le propose la circulaire du 22 juillet 2009.
     La mise en oeuvre des principes d'information et de participation est non seulement un droit fondamental, conformément à son inscription dans la Charte de l'environnement adossée à la Constitution, mais elle constitue un outil essentiel à la bonne gestion de la situation actuelle. Elle apparaît en effet comme le moteur indispensable pour donner aux orientations sur la gestion à long terme des sites la dynamique collective nécessaire.

     13. Le GEP recommande de poursuivre et de compléter la collecte et la mise à disposition des informations relatives à la localisation et à l'état de connaissance des sites, ainsi qu'à la surveillance mise en place. Il recommande également de veiller à la constitution des archives et à la matérialisation d'information sur les sites eux-mêmes.
     Le travail d'information sur la situation des anciens sites miniers d'uranium revêt à court terme un triple enjeu de collecte d'une information avant son oubli, de renseignement pour la démarche de gestion et de mobilisation des acteurs locaux. Pour le long terme, l'organisation sous forme d'archives utiles et la signalisation sur les sites contribuent à rendre plus robustes les options techniques pour la maîtrise des impacts. Il faut donc:
     A. approfondir l'effort de collecte et de partage de l'information sur les sites, au niveau local et au niveau national, et pour cela:
     1. poursuivre le travail d'inventaire et d'information engagé avec le programme MIMAUSA et l'étendre aux zones de réutilisation des stériles, en lien avec leur recherche dans le cadre de la circulaire du 22 juillet 2009. La démarche devra veiller à associer la population locale afin de recueillir la mémoire attachée à la période d'exploration et d'exploitation avant qu'elle ne se perde;

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     2. poursuivre le travail d'information sur l'état des sites et l'évaluation de leurs impacts, en renforçant le contenu des bilans de fonctionnement. On s'assurera que ceux-ci sont facilement accessibles, notamment en leur donnant une visibilité durable via les sites internet des services de l'Etat, et si possible via la base de données MIMAUSA ou un portail Internet dédié;
     3. développer une information sur la surveillance mise en place autour des sites et ses résultats. Les données, associées à un repérage sur le terrain, devront également être facilement accessibles, notamment via des sites internet d'intérêt régional et d'intérêt national. À ce titre, le GEP souligne l'intérêt de disposer d'un portail rassemblant les différents résultats de la surveillance de l'environnement dans le cadre de la mise en place du Réseau national de mesures de la radioactivité de l'environnement (RNM);
     B. développer et qualifier des options techniques sur le renforcement des dispositifs d'information et de mémoire. Cette politique de mémoire visera en priorité à:
     1. favoriser l'inscription d'informations concernant les sites et les risques associés dans les documents locaux d'urbanisme;
     2. définir l'organisation des archives. La réflexion devra porter à la fois sur l'entité chargée de cette mission, sur la nature et le degré de détail des informations à archiver, et sur les modalités de constitution, de gestion et d'utilisation de ces archives, au niveau local et au niveau national. Il est essentiel de donner à ces archives un caractère public, visible et facilement accessible;
     3. définir le contenu et les modalités d'une signalisation sur le terrain des anciens sites miniers d'uranium, en distinguant les besoins à court ou moyen terme (panneaux d'information) et les besoins à long terme (bornes de mémoire) lorsqu'ils sont pertinents. On pourra également s'appuyer sur l'utilisation du remodelage pour signaler, par des formes intégrées mais non naturelles, l'origine humaine de certains éléments du paysage.

     14. Le GEP recommande d'appuyer la gestion des sites sur la concertation locale, en renforçant notamment le rôle, l'assise juridique et les moyens des Commissions locales d'information et de suivi créées autour des sites.
     Le GEP a très tôt insisté sur le rôle des Commissions locales d'information et de suivi pour articuler l'expertise sur les sites et leur gestion avec la réflexion des acteurs locaux à l'échelle des territoires concernés. Il a pu engager un dialogue avec la CLIS sur les anciens sites miniers d'uranium de Haute-Vienne, et se trouve à l'origine de la généralisation des CLIS demandée par la circulaire du 22 juillet 2009.
     Ces instances ont un rôle moteur à jouer pour impulser la gestion du long terme et devront être sollicitées au niveau local en particulier pour la mise en oeuvre de la recommandation 13 ci-dessus. Des formes complémentaires de concertation pourront également être développées. On s'attachera dans ce domaine à:
     A. donner une assise juridique aux CLIS et stimuler leur implication, en veillant en particulier à:
     1. associer les CLIS de manière plus systématique en sollicitant leur avis à chacune des étapes de la vie des sites, dont la définition des orientations de surveillance et l'arbitrage sur les options de gestion du long terme;
     2. élargir leurs missions notamment vers les questions relatives à l'aménagement, à la valorisation éventuelle et à l'intégration des sites miniers dans les projets territoriaux;
     3. leur fournir les moyens nécessaires à l'exercice de ces missions.
     B. développer plus largement un cadre favorable à l'émergence d'un véritable débat sociétal sur les options à prendre sur la gestion des anciens sites miniers d'uranium. Il s'agit notamment de faire en sorte que les questions socio-économiques soient davantage prises en considération dans les choix sur la surveillance et le réaménagement pour le long terme des sites. Une réflexion devra être engagée pour identifier les dispositifs les mieux adaptés pour rechercher dans cette perspective une implication directe des citoyens;

suite:
     C. s'appuyer sur la concertation pour développer la maîtrise des usages en relation avec celle des impacts.
Les conditions de réutilisation des sites ou les restrictions d'usages ne peuvent être garanties à long terme, mais des moyens existent pour en asseoir et en prolonger la portée. Il faut pour cela chercher à inscrire ces conditions dans la mémoire collective, à les ancrer dans une planification du développement du territoire, et à organiser leur révision périodique. Des outils de concertation spécifiques, s'inspirant des Plans de prévention des risques miniers (PPRM), peuvent ainsi renforcer l'application de servitudes d'utilité publique (SUP), seules à même de garantir une efficacité au-delà de quelques années.

     15. Le GEP recommande de préserver les acquis de l'approche pluraliste qu'il a construite sur ce dossier. Il souligne la nécessité de maintenir un dialogue pluraliste au niveau local et national pour renforcer le partage d'information et le suivi des actions, et d'envisager l'approfondissement de certaines questions à travers une expertise pluraliste spécifique.
     L'expérience du GEP a confirmé la pertinence d'une approche pluraliste pour saisir la spécificité et la complexité des anciens sites miniers d'uranium dans leurs multiples dimensions. La construction d'une expertise commune est de nature à éclairer la concertation et le débat public sans se substituer à eux. Le travail qui reste à accomplir pour opérer la transition de la situation actuelle vers une véritable gestion à long terme des sites nécessitera, à certaines étapes au moins, la poursuite d'autres formes d'expertise pluraliste. La richesse collective du GEP c'est à dire sa capacité à intégrer la connaissance et les positions des différents acteurs, constitue dans cette perspective un capital à valoriser. Le GEP souligne l'intérêt de:
     A. partager au niveau local d'abord, mais aussi national et même international, l'analyse et le retour d'expérience qu'il a acquis. Cela passe en particulier par un effort pour:
     1. favoriser la montée en compétence des acteurs des territoires concernés, au sein des CLIS notamment. Le GEP propose dans ce cadre de mettre en place une information systématique des CLIS sur ses conclusions. On encouragera plus largement les actions d'information voire de formation des CLIS, et leur mise en réseau, par exemple à travers une rencontre annuelle des CLIS au niveau national permettant de mutualiser les succès et les difficultés et d'en faire une évaluation pluraliste lorsque nécessaire;
     2. maintenir un dialogue pluraliste au niveau national sur ce dossier, notamment en favorisant une appropriation des travaux du GEP par les instances pluralistes de concertation chargées de missions plus larges au niveau national. Les propositions du GEP pourront notamment éclairer les réflexions du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et du Groupe de travail du PNGMDR ainsi que d'autres instances institutionnelles;
     3. encourager le partage d'expérience au niveau international. Le GEP constitue une initiative originale, susceptible d'intéresser les acteurs chargés de la gestion des anciennes mines d'uranium dans d'autres pays, et dont les conclusions peuvent fournir le support à un échange technique plus approfondi avec certains d'entre eux.
     B. s'appuyer sur une expertise pluraliste pour poursuivre l'instruction du dossier. Il ne s'agit pas de rendre une structure comme le GEP pérenne mais de mobiliser ponctuellement l'expertise pluraliste pour:
     1. approfondir la réflexion et produire des orientations sur des sujets spécifiques tels que l'élaboration des plans de surveillance ou les conditions de prise en charge des sites par une entité publique. L'expertise pluraliste à mobiliser pourra se baser sur la composition du GEP en l'adaptant pour resserrer les compétences, par exemple sur des questions plus locales, ou au contraire les élargir pour intégrer davantage les préoccupations socio-économiques;
     2. accompagner l'élaboration de documents guides et leur mise en oeuvre sur l'ensemble des sites par un suivi régulier au sein d'une instance d'expertise pluraliste. Il s'agirait ici de solliciter, de façon plus ou moins périodique, les avis d'un groupe d'expertise dédié sur les productions et les actions dérivées des recommandations du GEP.

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Paris, le 28 Octobre 2010
Mission de la Commission européenne (respect des règles autour des mines)

     Une mission de la Commission européenne vérifie la bonne application par la France des dispositions du traité Euratom relatives au contrôle de la radioactivité autour des anciennes mines d'uranium.
     Une équipe de trois experts de la Commission européenne s'est rendue du 14 au 16 septembre 2010 sur les anciens sites miniers uranifères exploités dans le Limousin par COGEMA (devenue AREVA). Leur mission avait pour but de vérifier la bonne application en France de l'article 35 du traité Euratom[1] sur les anciens sites miniers d'uranium. Cette visite de vérification, dont l'organisation a été pilotée par le Comité Technique Euratom (CTE), visait à passer en revue les dispositions prises en France pour assurer le contrôle et la surveillance des anciens sites miniers uranifères ainsi que des taux de radioactivité dans l'environnement alentour.
     À cette occasion, les experts de la mission Euratom ont entendu:
     * des représentants de l'exploitant AREVA qui ont montré, au cours de visites sur plusieurs anciens sites miniers du Limousin, les moyens de contrôle mis en œuvre ainsi que les résultats des prélèvements et mesures réalisés;
     * des représentants du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer (MEEDDM) et de la DREAL [2] Limousin, en charge des anciens sites miniers uranifères, qui ont présenté les actions menées respectivement au niveau national et en Limousin pour assurer le suivi et le contrôle de ces sites;
     * des représentants de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui ont rappelé les actions menées dans le cadre du plan national de gestion des déchets et des matières radioactifs (PNGMDR) pour assurer la gestion à long terme des anciens sites miniers uranifères et plus particulièrement des stockages de résidus miniers. L'ASN a également présenté le Réseau National de Mesure de la Radioactivité dans l'Environnement [3].
suite:
     * des représentants de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui ont présenté les mesures de la radioactivité dans l'environnement réalisées par l'institut ainsi que les actions d'expertise qu'il mène sur le sujet pour le compte du MEEDDM ou de l'ASN.
     L'ASN prend note de l'impression positive de la Commission sur l'organisation générale mise en œuvre par les pouvoirs publics français et par AREVA pour le respect de l'article 35 du traité Euratom sur les anciens sites miniers d'uranium.
     La Commission européenne a réalisé en France, depuis 1994, huit vérifications au titre de l'article 35 du traité Euratom. Cette mission est la première qui concerne les anciens sites miniers uranifères. Les missions les plus récentes avaient eu lieu sur l'usine de retraitement de la Hague en 2005 et l'usine EURODIF de Pierrelatte en 2008.
Le rapport de la Commission sera officiellement transmis aux autorités françaises pour observations dans le courant de l'année 2011. Le rapport final et les réponses apportées par la France seront rendues publics.
notes
[1] L'article 35 du Traité EURATOM stipule que «Chaque État membre établit les installations nécessaires pour effectuer le contrôle permanent du taux de la radioactivité de l'atmosphère, des eaux et du sol ainsi que le contrôle du respect des normes de base. La Commission a le droit d'accéder à ces installations de contrôle; elle peut en vérifier le fonctionnement et l'efficacité».
 [2]Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement
 [3] Le réseau national de mesure dans l'environnement (www.mesure-radioactivite.fr) rassemble les résultats de mesures de la radioactivité de l'environnement effectuées soit par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, soit par des laboratoires agréés par l'Autorité de sûreté nucléaire pour ce type de mesure ainsi que des documents d'information sur l'évaluation des doses reçues par la population.
p.27
Voir aussi le précédent document de la Gazette Nucléaire: INTRODUCTION AU DOSSIER «Mines»
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