La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°149/150
Commission nationale d'évaluation relative aux recherches

sur la gestion des déchets radioactifs
Rapport d'évaluation n°1, juin 1995
Annexe 4 - Les stratégies de la gestion des déchets à l'étranger
 
1. Généralités sur la situation internationale
     Dans la plupart des pays qui ont développé des activités nucléaires, la préoccupation pour la gestion des déchets radioactifs s'est révélée à une date relativement précoce. En particulier, l'Académie des Sciences des États-Unis a reconnu, dès 1957, qu'il convenait de prendre en compte le problème de sûreté à très long terme posé par les déchets radioactifs à vie longue. Les priorités ont cependant d'abord été données aux problèmes d'exploitation des réacteurs nucléaires, notamment au rejet des effluents radioactifs dans l'environnement et à la gestion provisoire sur les sites nucléaires des déchets radioactifs de divers types.
     Dans un second temps, le stockage en surface des déchets radioactifs à vie courte a été abordé, notamment par les États-Unis et le Royaume-Uni dans les années 60. Enfin, ce n'est que vers le milieu des années 70 qu'ont démarré véritablement les études concernant le stockage géologique des déchets à vie longue, même si les États-Unis avaient déjà étudié les possibilités de stockage dans le sel dans la mine de Lyons, au Kansas, dès les années 60.
     Ces développements ont été accompagnés, dans les années 70, par une opposition croissante de l'opinion publique en ce qui concerne les activités nucléaires. La critique portait notamment sur l'absence de solutions éprouvées pour les déchets à vie longue et le fait que cette croissance ne s'étaient pas préoccupés suffisamment de l'élimination des déchets radioactifs de la biosphère. Plus récemment, l'attention portée aux activités militaires, en particulier aux États-Unis et dans les pays de l'ex-Union Soviétique, a montré que, sur de nombreux sites, la gestion des déchets radioactifs avait conduit à des situations aujourd'hui inacceptables et qu'il convenait de lancer des programmes de grande ampleur de réhabilitation des sites.
     Il convient à cet égard de faire la différence entre de telles situations et les programmes actuellement mis en place pour les déchets civils. La recherche d'une solution définitive à ce problème est ainsi devenue, à la fois, un problème technique et un problème politique.
     Dans ce contexte, des lois ont été adoptées dans plusieurs pays visant à conditionner le développement du nucléaire civil à des mesures telles que la «démonstration» de la possibilité de trouver des moyens pratiques d'éliminer les déchets radioactifs de façon définitive sur la base des techniques actuelles (en Suède), ou d'assurer le retraitement du combustible irradié, considéré à l'époque comme une démarche essentielle, dans le cadre d'un programme cohérent de gestion des combustibles irradiés (en Allemagne), ou de garantir la faisabilité d'un stockage définitif afin de recevoir un permis général pour la construction d'une centrale nucléaire (en Suisse).
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     Dans la plupart des pays nucléaires, des organismes privés, ou semi-privés ou publics, voire des ministères de l'énergie, ont été spécialement chargés de la planification, de la recherche et du développement des installations nécessaires à la gestion ultime des déchets radioactifs. Ainsi ont vu le jour de nombreuses agences nationales, similaires dans leurs fonctions à l'ANDRA*, telles que l'ONDRAF* en Belgique, NI-REX au Royaume-Uni, SKB * en Suède ou la CEDRA* en Suisse. Des dispositions relatives au financement de ces programmes et notamment la constitution de fonds spéciaux alimentés selon le principe du «pollueur-payeur» (Espagne, États-Unis, Finlande, Suède, Suisse) accompagnaient parfois la création d'agences spécialisées.
     Le débat nucléaire a montré, dans tous ces pays, qu'il convenait de traiter la question des déchets radioactifs en tant que véritable problème de société, même s'il s'avère très largement admis par la communauté scientifique internationale spécialisée dans les études de sûreté à long terme que les risques liés au stockage peuvent être limités à des niveaux acceptables. L'acceptation du concept de stockage géologique et de sites particuliers proposés pour ces stockages continue à soulever des problèmes considérables dans de nombreux pays.
     Des différences notables peuvent être cependant notées en fonction des différences d'un pays à l'autre sur les plans politique, administratif ou culturel. Dans la pratique et malgré les procédures de consultation mises en place dans la plupart des pays, on constate qu'il n'existe encore aucune situation acquise quant au choix définitif d'un site pour les déchets de haute activité et/ou à vie longue, l'acceptation sur le plan local soulevant, la plupart du temps, une forte opposition. Par contre, pour des sites de référence utilisés à titre d'exemples, des analyses de sûreté préliminaires mais néanmoins relativement complètes ont été jugées satisfaisantes sur le plan des exigences de sûreté à long terme par plusieurs autorités nationales. Dans ce contexte, il convient de remarquer que du point de vue technique, il n'y a pas d'urgence à mettre en oeuvre des stockages profonds, dans la mesure où il est toujours possible d'assurer un entreposage provisoire sûr des déchets à vie longue, ce qui permet notamment une réduction importante de la production de chaleur de ces déchets.
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     Sur le plan international, deux éléments importants semblent dominer le débat:l. En ce qui concerne l'organisation de la partie aval du cycle, un nombre croissant de pays se sont déclarés en faveur d'un stockage géologique direct des combustibles irradiés et renoncent, par conséquent, au retraitement de ces combustibles et au recyclage de l'uranium et du plutonium récupérés. Cet élément est traité en détail sous le point 2.; 2. Sur le problème de l'élimination des déchets de la biosphère et du stockage géologique, la seule méthode considérée par les spécialistes comme permettant de concilier à la fois les impératifs techniques de sûreté et les considérations éthiques vis-à-vis du long terme est la solution définitive du stockage profond en formations géologiques.
     Ce consensus est confirmé par les débats au sein des organisations internationales et notamment à l'OCDE* qui doit publier prochainement une déclaration à ce sujet, mettant l'accent sur le fait que le stockage géologique est une solution en principe définitive sans être totalement irréversible et qu'elle apporte actuellement la meilleure réponse possible à la protection des générations futures. Il subsiste malgré tout un débat, voire une controverse, avec les partisans de solutions provisoires consistant à entreposer les déchets en surface, sous surveillance, pendant une période non définie.
     Cette solution est préconisée notamment par un certain nombre d'organisations non gouvernementales, telles que Greenpeace (voir Deuxième Congrès sur l'Évaluation des Choix Technologiques, organisé à Milan, en 1990, par la CCE), qui recommandent son adoption dans l'espoir de progrès scientifiques dans un proche avenir, et considèrent également, d'un point de vue éthique, qu'il appartient aux générations futures de choisir elles-mêmes la solution qui leur conviendra. En tout état de cause, on peut noter une très grande convergence dans les stratégies officielles de gestion des déchets dans les pays avancés en matière de nucléaire. Le stockage géologique est la voie de recherche prioritaire pour les déchets à vie longue, qu'il s'agisse de combustibles irradiés ou de déchets issus du retraitement. Ainsi qu'il est mentionné par ailleurs, il est reconnu qu'un recours à la transmutation des actinides et de certains produits de fission à vie longue n'est pas susceptible d'éviter la nécessité du stockage géologique, ne serait-ce que parce qu'il restera toujours des déchets ultimes dont il faudra assurer la gestion par des méthodes de confinement à long terme.

2. Retraitement ou stockage- direct des combustibles irradiés
     Jusque vers le milieu des années 70, le développement du nucléaire s'est effectué dans la plupart des pays dans l'hypothèse que les combustibles irradiés seraient retraités et que l'uranium et le plutonium récupérés seraient recyclés dans des réacteurs surgénérateurs. 

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L'aval du cycle du combustible prévoyait qu'environ 1 % du plutonium produit, l'essentiel des autres actinides et l'ensemble des produits de fission seraient stockés sous forme vitrifiée de façon définitive dans les formations géologiques. Compte tenu de la révision à la baisse des programmes nucléaires, liée entre autres à la situation économique générale et à l'abondance relative des ressources en uranium, une évolution très nette s'est manifestée au plan international au cours de ces deux dernières décennies en faveur du stockage direct des combustibles irradiés. Cette évolution a démarré aux États-Unis où une politique plus stricte de non-prolifération a notamment contribué à l'interdiction du retraitement commercial à partir de 1977. Malgré la levée de cette interdiction après quelques années, l'industrie américaine n'a pas relancé le retraitement chimique des combustibles irradiés.
     L'évaluation des mérites respectifs du retraitement ou du stockage direct des combustibles irradiés est néanmoins complexe et ne se résume pas uniquement aux problèmes d'économie ou de non-prolifération. Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle seuls quelques-pays, dont la France, le Royaume-Uni et le Japon, sont en faveur de la poursuite des activités de retraitement sur le plan industriel. Les pays à programmes nucléaires limités, qui ont recours au retraitement sous contrat en France et au Royaume-Uni, sont plus nuancés dans leur attitude et tiennent compte notamment des incertitudes économiques, particulièrement du prix de l'uranium naturel et de son enrichissement. En tout cas, la situation actuelle ne semble pas favoriser dans la plupart des pays de nouveaux investissements en relation avec une politique de-retraitement conséquente.
     Le tableau 1 montre la situation relative au cycle du combustible usé dans les pays représentés dans le Comité Consultatif International de l'AIEA sur la Gestion des Déchets Radioactifs (INWAC)*

Tableau 1: Situation dans les pays étrangers pour l'aval du cycle du combustible (Origine: AIEA INWAC)

* réacteur signifie entreposage dans les piscines des installations de production; * central signifie entreposage dans une installation spécialisée centralisée; * retraitement signifie entreposage dans les piscines des usines de retraitement
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     Du point de vue de la gestion des déchets radioactifs, il serait intéressant de savoir qu'elle serait éventuellement l'option la plus favorable en matière de sûreté entre le retraitement et le stockage direct. A l'heure actuelle, les recherches sont poursuivies sur les deux options et les conclusions auxquelles semble aboutir certains des pays indiquent que les stockages géologiques peuvent être conçus de façon sûre pour chacune de ces options (voir exemples ci-dessous).
     La comparaison est toutefois difficile, car elle doit prendre en compte l'ensemble des coûts et des bénéfices propres à chaque option, y compris les bénéfices du recyclage de l'uranium et du plutonium et les coûts, tels que les doses aux travailleurs, sur i'ensemble des opérations du cycle et du recyclage. Ces diverses questions ont été étudiées dans le cadre des groupes de travail chargés de l'évaluation internationale du cycle du combustible nucléaire (INFCE)*, publiée par l'AIEA en 1980, mais n'ont pas fait depuis l'objet d'une analyse exhaustive au plan international. Seules des évaluations limitées sur les coûts respectifs des deux options ont été réalisées.
     Par ailleurs, il convient de rernarquerqu'une stratégie de séparation/transmutation ou de séparation/conditionnement n'est concevable que dans le cadre d'une stratégie de retraitement du combustible usé.
     Le problème se complique encore plus si l'on prend en compte le stockage du plutonium déjà séparé en provenance des programmes militaires et civils pour répondre aux soucis de non-prolifération et, également, le recyclage du plutonium dans les combustibles MOX des réacteurs à eau légère. Une étude a été récemment publiée sur ce sujet par l'Académie des Sciences des Etats-Unis, et l'Agence de l'OCDE pour l'Énergie Nucléaire examine actuellement cette question. Quels que soient cependant les choix en matière de cycle du combustible, les solution techniques pour la gestion des déchets résiduels à vie longue seront vraisemblablement fondées sur la stratégie du stockage géologique, en l'absence d'alternatives crédibles à l'heure actuelle.

3. Résumés des principales situations nationales
     Allemagne: Le programme nucléaire allemand exploite 21 réacteurs à eau légère, d'une puissance installée de 22 GWe, représentant environ 30 % de l'électricité produite. La responsabilité de la gestion ultime des déchets radioactifs est confiée aux autorités fédérales allemandes alors que les opérations diverses de traitement, transfert et entreposage restent la responsabilité des producteurs de déchets. En ce qui concerne l'octroi des autorisations de construction pour les installations nucléaires, les gouvernements des «Lánde» interviennent en premier lieu.
     En 1989, les autorités allemandes ont officiellement renoncé à la construction d'une usine de retraitement du combustible à WACKERSDORF* en Bavière. Le retraitement du combustible allemand dans les installations de BNFL* au Royaume-Uni, et de la COGEMA* en France pouvait néanmoins se poursuivre. Parallèlement cependant, la possibilité d'un cycle sans retraitement s'est fait progressivement jour et à l'heure actuelle, les deux options coexistent.
     Il existe en Allemagne plus de 200 dômes de sel, ce qui constitue, outre des réserves en sel considérables, des possibilités d'entreposage importantes pour les hydrocarbures, ou de stockage définitif pour les déchets radioactifs. Dès les années 60, une mine de sel désaffectée, à ASSE*, dans le nord du pays, a été utilisée pour stocker des déchets de faible activité jusqu'en 1967, puis ensuite en tant que laboratoire souterrain de recherche.
     La politique allemande prévoyait en particulier que tous les types de déchets pouvaient être stockés ensemble en profondeur sur un même site. 

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C'est dans ce contexte qu'ont démarré en 1971 les études sur le site de GORLEBEN* en Basse Saxe où un dôme de sel était susceptible de convenir à la construction d'un tel dépôt à une profondeur de l'ordre de 1000 mètres. Des difficultés et des retards importants dus à des oppositions diverses y compris de la part des autorités de Basse-Saxe laissent planer un doute sur l'avenir de ce projet dont la réalisation pourrait se terminer vers 2010 au plus tôt, soit avec un retard de près de dix ans par rapport aux prévisions initiales.
     Actuellement, deux puits ont été creusés jusqu'à une profondeur d'environ 600 mètres, confirmant sur le plan géologique des conditions favorables à la création d'un dépôt profond. Dans ce contexte, diverses initiatives sont examinées en Allemagne par les exploitants des centrales nucléaires pour faire face à ces difficultés d'ordre essentiellement politique, visant éventuellement l'abandon du retraitement et le recours au stockage direct du combustible.
     Enfin, pour compléter la description du programme allemand, il faut citer la mine de fer désaffectée de KONRAD*, également en Basse-Saxe, où il est proposé de stocker environ 1.000.000 m3 de déchets non générateurs de chaleur (type A et B) et où le dossier d'autorisation de construction d'un dépôt est également retardé sur le plan politique, et le dôme de sel de MORSLEBEN* situé dans l'ancienne République Démocratique, où le dépôt de déchets de faible et moyenne activité (essentiellement type A) a pu reprendre récemment sur la base d'une décision de la Cour Administrative Fédérale.
     Belgique: Le programme nucléaire belge qui repose sur l'exploitation de sept réacteurs à eau pressurisée (de l'ordre de 60 pour cent de la production d'électricité), à conduit à la production de déchets à vie longue, dont ceux provenant de la Société Eurochemic à Mol, qui a procédé au retraitement de divers types de combustibles irradiés belges et étrangers jusqu'en 1974. Ces déchets comprennent aussi bien des produits vitrifiés de haute activité, dont certains seront rapatriés de l'étranger, que des déchets bétonnés ou bitumés contenant des émetteurs alpha.
     La politique actuelle de la Belgique consiste à faire retraiter les combustibles irradiés à l'étranger, principalement en France, et à recycler l'uranium et le plutonium récupérés. Toutefois, depuis 1994, le stockage direct du combustible est également envisagé.
     L'Organisme National des Déchets Nucléaires et des Matières Fissiles Enrichies (ONDRAF) a été crée en 1980 en tant qu'organisme public chargé de l'ensemble des opérations de gestion des déchets au niveau national. L'ONDRAF est ainsi responsable du développement et de la création de dépôts définitifs.
     Depuis la fin des années 70, la Belgique étudie la couche d'argile plastique de Boom présente dans le nord-est du pays et notamment située sous le Centre d'Études de l'Énergie Nucléaire de Mol, pour le stockage des déchets à vie longue. Ainsi a été créé le laboratoire souterrain de Mol (HADES) opérationnel depuis 1983, afin d'étudier in situ les possibilités de l'argile en tant que roche d'accueil des déchets à vie longue. Une extension du laboratoire souterrain est prévue alin de démontrer la faisabilité technique de la mise en dépôt des déchets. Suite à un rapport préliminaire de sûreté et de faisabilité présent aux autorités au début des années quatre vingt dix, la priorité accordée à l'étude de l'argile de Boom à l'aplomb du site de Mol/Dessel comme roche hôte a été confirmée. Le prograrnrne de recherche en cours est financé partiellement par les Communautés européennes et l aFrance qui y participe directement.
     Bien que le sétudes techniques sur l'argile et le site de Mol soient relativement avancées, aucune décision n'a encore été prise quant à la confirmation de ce site, le programme belge ne prévoyant pas l'ouverture d'un stockage profond avant 2030 environ.
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     Canada: 15 pour cent environ de l'électricité produite au Canada provient actuellement de 18 réacteurs de type CANDU (Canada Deuterium Uranium). Le combustible usé est entreposé sur le site des réacteurs de manière provisoire. Le Gouvernement fédéral et les propriétaires du combustible usé, principalement Ontario Hydro, sont responsables de la sûreté de sa gestion. La politique canadienne prévoit que ce combustible ne sera pas retraité et qu'il conviendra, par conséquent, de la stocker de façon permanente.
     Parmi les diverses options envisagées en matière de stockage permanent, il a été conclu que les formations géologiques offraient les meilleures perspectives dès 1972. Cette conclusion a été par la suite corroborée par plusieurs groupes d'experts successifs. Dans ce contexte, trois types de milieux géologiques ont été envisagés: les roches plutoniques, les gisements de sel et les schistes argileux. Dès 1974, il a été décidé d'effectuer la majeure partie des recherches concernant le stockage permanent des déchets du combustible nucléaire sur les possibilités de dépôts dans les formations plutoniques qui existent en particulier dans le bouclier canadien. Par la suite, les études ont été concentrées pratiquement exclusivement sur ce type de recherche.
     A partir de 1978, l'Energie Atomique du Canada Limitée (EACL) a été chargée des activité recherche et développement portant sur «le stockage permanent dans un dépôt souterrain àgrande profondeur dans la roche intrusive». L'EACL a ainsi ouvert le laboratoire de recherche souterrain du lac du Bonnet, dans la province du Manitoba, dans un pluton, dans le but de mettre au point des méthodes de caractérisation des sites, d'obtenir des données d'expériences in situ et de contribuer à la compréhension de la géologie et de l'hydrologie de la région du lac du Bonnet. Ces études sont en cours depuis une quinzaine d'années avec une participation internationale, notamment de la part de l'ANDRA.
     Actuellement, le programme canadien fait l'objet d'un examen d'ensemble qui porte principalement sur le concept de stockage permanent et les études d'impact développées par l'EACL en coopération avec Ontarlo Hydro. Une commission fédérale d'évaluation environnementale a été chargée d'effectuer cet examen qui a la particularité de reposer sur des évaluations de systèmes hypothétiques reposant très largement sur les données recueillies sur le site du lac du Bonnet.
     L'Agence de l'OCDE pour l'Énergie Nucléaire, à la demande des autorités canadiennes, a également procédé à un examen indépendant du concept de l'EACL au début de 1995. A l'issue de ce processus, la Commission d'évaluation canadienne présentera des recommandations aux Gouvernements du Canada et de l'Ontario concernant l'acceptabilité du concept du stockage permanent du combustible nucléaire canadien usé et des mesures de sûreté en matière de gestion à long terme.
     Les autorités canadiennes devraient pouvoir, dans un proche avenir, décider dans quelle mesure la mise en oeuvre du concept de stockage proposé est acceptable, et définir le processus conduisant au choix d'un site, ainsi que les institutions qui seront responsables de la mise en oeuvre progressive du programme.
     Espagne: En Espagne environ 35 pour cent de la production d'électricité du pays est fournie par 9 réacteurs nucléaires. La politique de l'Espagne prévoit d'entreposer les combustibles irradiés pendant une période de 40 ans environ et ne fait pas appel, par conséquent, à un cycle du combustible nucléaire avec retraitement (sauf pour la centrale sw Vandellos de type gaz/graphite français, arrêtée depuis plusieurs années). Il est prévu que le combustible irradié et les déchets vitrifiés de Vandellos seront évacués dans des formations géologiques profondes.
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     En Espagne, l'ENRESA* est l'entreprise nationale responsable de l'ensemble des opérations de gestion des déchets radioactifs et du combustibles irradié. Périodiquement, un plan d'ensemble est publié par le Ministère de l'Industrie et de l'Énergie sur les activités relatives à la gestion des déchets radioactifs en Espagne. Le dernier plan publié en décembre 1994, traite notamment de l'entreposage des combustibles irradiés dans une installation centralisée qui serait opérationnelle au cours de la prochaine décennie. Trois types de milieux géologiques sont envisagés pour un tel stockage: le granite, le sel et l'argile et les zones favorables pour chacune de ces formations sont actuellement en cours d'études. Plusieurs site potentiels pourraient être retenus vers la fin de ce siècle. Après désignation d'un site définitif, l'objectif concernant la réalisation d'un stockage profond se situe au-delà de 2020. Dans l'intervalle, diverses activités de recherche et développement sont conduites sur le concept de stockage et leur sûreté, en grande partie dans le cadre de coopérations internationales.
     États-Unis: en ce qui concerne le cycle du combustible du programme nucléaire civil des Etats-Unis, (109 réacteurs, 100 Gwé, 20 % de l'électricité totale), deux périodes principales sont à considérer:
     1 - jusqu'au milieu des années 70, le retraitement du combustible était la politique officielle. Au cours de cette période, plusieurs usines de retraitement ont été construites à West Valley (New-York), Morris (Illinois) et Barnwell (Caroline du Sud), cette dernière étant d'une taille équivalent aux installations françaises de La Hague. Toutefois, seule l'usine de Nuclear Fuel Services à West Valley a fonctionné pendant quelques années (1966-1972) et assuré le retraitement d'environ 600 tonnes de combustible de réacteurs à eau légère.
     2 - Ensuite, la décision des autorités américaines de suspendre en 1977 le retraitement a contribué à l'adoption d'une politique similaire dans d'autres pays. La politique d'interdiction des Etats-Unis a été modifiée par le Gouvernement par la suite, mais le retraitement commercial n'étant pas considéré comme rentable, ce changement de politique n'a pas eu d'effet pratique. Le stockage des combustibles irradiés devenait donc nécessaire et a constitué la base du «Nuclear Waste Policy Act» de 1982, fixant la politique à suivre et le calendrier pour la mise en oeuvre de stockages profonds dès 2003.
     Actuellement, le programme des Etats-Unis est fondé sur la révision en 1987 du Nuclear Waste Policy Act qui prévoit l'entrée en service en 2010 d'un premier dépôt profond pour les combustibles irradiés. Dans ce but, la qualification du site devrait se faire en 1998 sur la base d'une analyse de sûreté préliminaire. Si elle est positive, un permis de construire devrait être octroyé en 2001 par le Président des Etats-Unis.
     Le site de Yucca Mountain* fait actuellement l'objet d'études approfondies, sur la base du creusement d'une rampe d'accès et de galeries dans une formation de tuf volcanique située à une profondeur de 300 mètre environ. L'objectif est de démontrer que le site peut convenir à la construction d'une installation de stockage profonde d'une capacité d'environ 70.000 tonnes de combustible irradié.
     Le Département de l'Énergie a la responsabilité de l'ensemble de ce programme, placé par conséquent sous l'autorité des instances fédérales; il en va de même pour les autres opérations de transport et d'entreposage, qui y sont associées. L'état du Nevada continue à s'opposer malgré tout au choix du site Yucca Mountain et de nombreuses difficultés en résultent notamment sur le plan juridique, avec pour conséquence un retard considérable du programme américain. 
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     Alors que, du point de vue technique et scientifique, les études se poursuivent, il est possible que la loi américaine (le Nuclear Waste Policy Act de 1982, révisé en 1987) soit à nouveau amendée, voire remplacée par de nouvelles dispositions législatives soumises actuellement au Congrès. A cet égard, il convient de remarquer que la loi américaine portait sur l'ensemble des questions de recherche et développement (R & D) et de mise en oeuvre du stockage géologique, contrairement à la loi française de 1991 limitée à la phase de recherche.
     Le retard du programme de stockage profond renforce l'importance de la construction d'un entreposage centralisé pour le combustible irradié (Monitorable Retrievable Storage, MRS*), dont la mise en service était initialement prévue en 1998. Il convient de mentionner les difficultés rencontrées pour trouver un site pour cet entreposage, malgré un effort de plusieurs années de deux négociateurs successifs chargés de solliciter des offres pour de tels sites, y compris auprès des tribus indiennes.
     Récemment, la tribu des Indiens Mescaleros, au Nouveau Mexique, a exprimé un vote favorable (après une premier vote défavorable début février) à l'étude des possibilités de construction du MRS sur son territoire, prenant notamment en compte les subventions éventuelles qui y sont attachées.
     Il existe aux Etats-Unis, indépendamment du programme de Yucca Mountain, un projet de stockage profond relativement avancé  le «Waste Isolation Pilot Plant», (WIPP), près de Carlsbad, au Nouveau Mexique, pour les déchets du Département de l'Énergie (essentiellement d'origine militaire) contenant des éléments transuraniens à vie longue. Cette installation, dont la construction est pratiquement terminée, fait l'objet actuellement d'analyses de sûreté poussées en vue de la procédure d'autorisation d'exploitation du site prévue prochainement. Elle est située dans une couche de sel, à environ 650 mètres de profondeur, avec une capacité initiale de l'ordre de 100.000 m3 pour les déchets équivalent aux déchets français de type B.
     Enfin, de nombreuses études ont été réalisées aux Etats-Unis sur les possibilités de séparation et de transmutation des actinides, notamment dans le cadre du développement du réacteur IFR* (Integral Fast Reactor). L'avenir de ces études est très compromis, l'administration fédérale est chargée de leur financement considérant actuellement qu'elles ne se justifient pas compte tenu de l'intérêt limité que présente globalement, dans le cadre d'une politique de non-retraitement, l'approche séparation/transmutation.
     Finlande: Avec une production d'énergie nucléaire assurant plus de 30 pour cent de la production électrique du pays, la Finlande a une approche très voisine de celle de la Suède en ce qui conceme la gestion de ses déchets radioactifs. En particulier, les déchets de faible activité seront évacués en sous-sol à une centaine de mètres de profondeur sur les sites de réacteurs (Olkiluoto et Loviisa). Le combustible irradié, après une période d'entreposage sur ces même sites, sera ensuite stocké à grande profondeur. La situation finlandaise a gardé ouverte, jusqu'à une date récente, les deux options du retraitement et du non retraitement pour le combustible irradié.
     Le combustible des deux réacteurs de Loviisa, d'origine russe, était retraité en Russie, alors que le retraitement du combustible des deux autres réacteurs n'était pas prévu. A la fin de 1993, le Gouvemement finlandais a décidé que, dorénavant, les déchets radioactifs produits en Finlande seraient finalement traités, entreposés et stockés sur le territoire national. Cependant, en fonction d'accords préalables, les combustibles de Loviisa pourraient être transportés vers la Russie jusqu'en 1996.
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     En Finlande, la responsabilité de la gestion des déchets incombe aux deux compagnies d'électricité, IVO* et TVO*, qui exploitent les réacteurs, ces opérations étant placées sous la tutelle du Ministère du Commerce et de l'Industrie. Le concept de stockage des combustibles irradiés prévoit la création de dépôts à environ 500 m de profondeur dans des roches cristallines, le combustible irradié étant conditionné dans des conteneurs mixtes cuivre/acier.
     Des études préliminaires ont déjà été conduites sur cinq sites potentiels avec l'objectif de réaliser un premier dépôt en 2020 environ. En fonction d'un accord récent (18 mai 1995), TVO et IVO ont décidé de promouvoir un seul dépôt pour leurs combustible irradiés et de créer, dans ce but, une société commune chargé des travaux préparatoires et de la mise en oeuvre du dépôt, qui sera opérationnelle au dé-but de 1996.
     Japon: le programme nucléaire japonais présente de fortes similitudes avec celui de la France (49 réacteurs, 45 Gwe, 30 % d'électricité totale) notamment en ce qui concerne son ampleur et les choix en matière de retraitement du combustible et de recyclage du plutonium. Dans l'attente de la mise en route d'une grande usine de retraitement actuellement en construction à ROKKASHO - MURA*, le retraitement se fait sous contrat en France et au Royaume-Uni.
     En ce qui conceme la gestion de déchets de haute activité vitrifiés, la politique suivie est d'enfouir ces déchets en profondeur comme dans les autres pays. Actuellement, les efforts portent principalement sur la recherche et le développement, notamment pour l'étude du milieu géologique et des analyses de sûreté génériques, privilégiant le système de barrières ouvragées et le champ proche des dépôts en l'absence de site de référence. Au-delà de cette phase de recherche, les responsabilités institutionnelles ne sont totalement définies, et le calendrier ne prévoit pas l'ouverture de stockages profonds avant 2030 au plus tôt, voire 2040.
     Une analogie très forte existe avec le programme français en ce qui concerne les études sur la séparation et la transmutation des actinides. Le Japon a en effet lancé le Programme OMEGA* il y a environ cinq ans dans le but d'étudier la faisabilité de ce concept et son introduction éventuelle au niveau industriel dans le cycle du combustible nucléaire. Il ne s'agit pour l'instant que de recherches à long terme, visant notamment à réduire le risque potentiel à long terme, en complément des études actuelles sur les stockages géologiques. Dans ce domaine, le Japon s'est efforcé de promouvoir une coopération internationale accrue, notamment dans le cadre de l'OCDE.
     Royaume-Uni: Vingt-huit réacteurs assurent au Royaume-Uni la production d'environ 25 pour cent de la production d'électricité du pays. Le combustible irradié est stocké sur les sites des réacteurs ou en attente de retraitement dans les piscines de l'usine de retraitement de BNFL* à Sellafield. La politique officielle consiste à retraiter les combustibles en vue du recyclage de l'uranium et du plutonium récupérés et prévoit un entreposage des déchets vitrifiés provenant du retraitement pendant une période d'au moins 50 ans avant stockage. La stratégie nationale en matière de gestion des déchets fait actuellement l'objet d'un réexamen général de la part du Gouvernement dans le cadre de l'examen des activités nucléaires du pays. La politique en faveur du stockage profond des déchets à vie longue ne semble toutefois pas devoir être remise en cause.
     Sur le plan opérationnel, les producteurs de déchets radioactifs ont crée en 1982 la Société UK Nirex Limited pour assurer la gestion sûre des déchets de faible et moyenne activité, y compris ceux contaminés par les émetteurs a. Le mandat actuel de Nirex ne comporte pas la responsabilité de la gestion des déchets vitrifiés de haute activité.
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     Après une étude des sites potentiels au Royaume-Uni, Nirex étudie, depuis 1991 un site près des usines de BNFL* à Sellafield avec l'objectif de créer, dans un premier temps, un laboratoire souterrain pour l'étude de la roche environnante (roches volcaniques au sein d'un bassin sédimentaire) et ensuite un dépôt destiné à recevoir à la fois des déchets de faible activité à vie courte (type A) et des déchets contaminés par des radionucléides à vie longue (type B), à l'exception des déchets hautement radioactifs (type C). Ce site n'est pas encore désigné officiellement comme le site définitif pour les déchets britanniques. Il est prévu qu'une enquête publique soit engagée vers la fin de 1995 pour la création du laboratoire souterrain qui serait situé à une profondeur de 650 m.
     Dans la mesure où le choix du site serait confirmé, une installation de stockage serait disponible aux environs de 2010 pour recevoir un volume de l'ordre de 400.000 m3 de déchets. Dans l'intervalle, des progrès notables seront accomplis en matière scientifique sur les conditions d'un dépôt souterrain.
     Suède: dès 1977, les autorités suédoises ont décidé que les producteurs d'électricité nucléaire devaient apporter la preuve de l'existence d'une méthode sûre de stockage du combustible irradié ou des déchets de haute activité vitrifiés avant qu'un réacteur prêt à fonctionner ne soit autorisé à recevoir son combustible. Puis, à la suite d'un référendum en 1980, le Parlement suédois a décidé que le programme électronucléaire de la Suède se limiterait à douze réacteurs de puissance (10 Gwé, 45 % de l'électricité produite) qui ne resteraient en service que jusqu'en 2010, date à laquelle toute production électronucléaire devrait être stoppée.
     Le rapport KBS-3*, publié en 1983, pour la société SKB*, sur le stockage final des combustibles irradiés dans les roches cristallines, a constitué la première référence importante en matière d'analyse de sûreté dans ce domaine. Cette analyse a été jugée satisfaisante par les autorités gouvernementales et a permis en 1984 le chargement des deux demiers réacteurs suédois.
     Par ailleurs, la loi sur les activités nucléaires de 1984 a précisé que les propriétaires de réacteurs nucléaires seraient responsables de toutes les étapes et des coûts nécessaires à la gestion et au stockage de tous les déchets produits, y compris de la recherche et du développement conduisant à leur stockage définitif. Les compagnies d'électricité ont ainsi créé dans ce but la société SKB pour le cycle du combustible et la gestion des déchets. Le programme nucléaire limité dans le temps rend le recyclage de l'uranium et du plutonium et, par conséquent, le retraitement du combustible, sans intérêt en Suède.
     Depuis lors, un entreposage à faible profondeur, «le CLAB» a été construit dans le granite à Oskarshamn pour les combustibles irradiés. Cet entreposage est extensible à 9000 tonnes, la quantité totale du combustible irradié escomptée en Suède. Le fonctionnement du CLAB est prévu pour environ 50 ans, date à laquelle l'essentiel des combustibles sera transporté vers un stockage définitif.
     Un laboratoire souterrain est actuellement en construction à ÄSPÖ* dans le sud de la Suède, et de nombreux pays dont la France participent aux travaux de recherche en cours sur les roches cristallines et divers aspects des stockages. En parallèle, des sites sont actuellement recherchés pour la construction d'un dépôt avec pour objectif la mise en place des premiers combustibles irradiés en quantité limitée (plusieurs centaines de tonnes dès 2008), dans le cadre d'une opération de «démonstration» destinée tout autant à convaincre l'opinion publique de l'approche ouverte et transparente de SBK que de la faisabilité, sûreté et éventuellement réversibilité du stockage géologique.
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     Il convient de noter également l'existence en Suède d'un dépôt souterrain, situé à quelques 50 mètres sous la mer Baltique, à FORSMARK* dans l'est de la Suède, destiné à recevoir essentiellement des déchets de type A à vie courte provenant du fonctionnement et du déclassement des installations nucléaires suédoises.
     L'ensemble de ces activités ont fait de la Suède l'un des pionniers du développement de solutions sûres au problème des déchets radioactifs, notamment grâce à la création en 1980, sous l'égide de l'OCDE, du projet international de recherche de Stripa*, situé dans une ancienne mine de fer suédoise désaffectée, et la Suède est actuellement l'un des pays les plus avancés dans ce domaine.
     Suisse: Près de 40 pour cent de la production d'électricité suisse sont assurés par cinq réacteurs nucléaires, dont le combustible irradié est retraité à l'étranger. La politique suisse prévoit ensuite l'entreposage pendant quelque 30 à 40 ans de déchets de haute activité vitrifiés à des fins de décroissance de la production de chaleur. Comme dans les autres pays, il est prévu ensuite un dépôt définitif dans des formations géologiques profondes. Dans la pratique, cette gestion est confiée à la Coopérative Nationale pour l'Entreposage des Déchets Radioactifs (CEDRA)* qui a été créée par les entreprises d'électricité et par la Confédération suisse qui est responsable des déchets issus des activités de recherche, de l'industrie et des hôpitaux.
     L'ensemble des déchets suisses, y compris les déchets de faible activité à vie courte, sera évacué dans des formations géologiques profondes. Une nouvelle société vient d'être crée pour assurer la responsabilité du site de Wellenberg, choisi pour le stockage des déchets de faible activité dans le centre du pays.
     En ce qui concerne les déchets de haute activité et à vie longue, l'attention est portée à la fois aux roches granitiques et aux argiles, avec l'objectif de choisir un site autour de l'an 2020.
     Une analyse de sûreté pour un site de référence a été soumise au Gouvernement Fédéral en 1985. Après une étude approfondie par la Division Principale pour la Sûreté Nucléaire, le Gouvernement Fédéral a accepté en 1988 les résultats de cette analyse comme satisfaisants, avec la réserve que cette appréciation n'était valable que pour le site spécifique et limité sur lequel un seul forage profond avait permis de recueillir des données géologiques. En conséquence, le Gouvernement exigeait que les recherches continuent afin de montrer que les mêmes conditions géologiques satisfaisantes pouvaient être réunies sur un site de dimensions suffisantes pour la construction d'un stockage.
     Dans l'intervalle, les travaux de recherche et développement se poursuivent, notamment dans le cadre du laboratoire souterrain de Grimsel* pour l'étude des roches granitiques, et à partir d'études sismiques et de forages dans le nord du pays sur des sites cristallins et argileux. La taille du programme nucléaire suisse étant limitée et n'engendrant, par conséquent, que de faibles quantités de déchets, la Suisse n'exclut pas une collaboration dans le domaine du stockage définitif avec des partenaires étrangers pour étudier d'éventuelles solutions multinationales, même si, à l'heure actuelle, une telle possibilité s' avère politiquement difficile.
     Autres pays: Dans la plupart des autres pays, les plans pour la gestion des déchets sont en général moins avancés, tout au moins en ce qui concerne les stockages et leur mise en oeuvre. Il faut noter en particulier la situation au sein de l'ex-Union Soviétique, où il existe de nombreux sites civils et militaires où des déchets de divers types ont été entreposés ou stockés dans des conditions discutables, et où les politiques pour l'avenir ne sont pas clarifiées.
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4. Coopération internationale
     Les problèmes socio-politiques liés à l'élimination définitive des déchets nucléaires de la biosphère se posent partout dans le monde d'une façon similaire. Par conséquent, les opinions qui se sont formées et les organisations qui les examinent, ont atteint rapidement une dimension internationale.
     Ceci est vrai pour les organisations gouvernementales comme l'Agence Nucléaire (AEN)* de l'OCDE à Paris, la Commission d'Euratom, plus tard CCE*, puis CEU, à Bruxelles, qui ont vu leurs programmes évoluer de plus en plus vers des activités consacrées aux aspects de sûreté et de réglementation au détriment de leur rôle de promotion de l'énergie nucléaire; et également pour les organisations non gouvernementales comme la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) et de nombreuses autres organisations critiques vis-à-vis du nucléaire, voire fondamentalement hostiles comme Greenpeace.
     Toutes ces organisations s'efforcent de définir des règles de bonne conduite en vue d'assurer la protection de la santé humaine et de l'environnement par une gestion appropriée des déchets radioactifs.
     Dès leur constitution, les trois organisations internationales, l'AIEA, l'AEN de l'OCDE et la Commission d'Euratom, ont chargé des groupes d'experts de préparer des études sur la gestion des déchets radioactifs. Des experts français ont pris part à tous ces efforts.
     L'AIEA a publié son premier rapport sur le sujet, intitulé «Radioactive Waste Disposal into the Ground» en 1965. Depuis lors, une cinquantaine de rapports ont été approuvés par un groupe d'examinateurs dans lequel la France était représentée. En 1988 ce groupe était reconstitué sous le nom d'INWAC* (Comité consultatif international sur la gestion des déchets radioactifs) avec le mandat:
     1-d'examiner périodiquement le programme de l'AIEA,
     2- d'organiser l'échange international d'idées et de concepts,
     3- de recommander les principes fondamentaux à respecter pour assurer une gestion et un stockage définitif sûr,
     4- de présenter des informations sur les programmes nationaux et de conseiller sur les concepts pour lesquels un consensus international s'est établi.
     Dans ce Comité, la France est également représentée par des experts. Une nouvelle série de publications cohérentes sur l'ensemble des problèmes de la gestion des déchets radioactifs a été initiée.
     Les deux premiers documents élaborés concernent:
     1- les principes de base à respecter dans la gestion des déchets radioactifs,
     2- la nécessité d'établir un cadre institutionnel national pour cette gestion.
     Ces documents ont été approuvés par le Conseil des Gouverneurs de l'AIEA et seront publiés cette année.
     Un aspect particulier du stockage direct des combustibles irradiés a retenu l'attention du Département des Garanties de l'AIEA. Il s'agit de la différence entre un stockage réversible et un stockage irréversible qui peut être importante du point de vue des garanties, mais qui n'est pas nette dans la pratique. La question s'est posée de savoir si les mesures de garanties exigées, par exemple, par le Traité sur la Non-Prolifération des Armes Nucléaires, peuvent être considérées comme satisfaites pour le plutonium contenu dans un stockage de combustibles irradiés après fermeture et scellement. Les accords de garantie permettraient la fin de tout contrôle seulement si l'on pouvait considérer ce plutonium comme «irrécupérable».
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     Un groupe d'experts de 17 pays, dont la France, a conclu à l'unanimité en 1988 qu'il serait toujours possible de reprendre les élément combustibles, donc que le plutonium resterait récupérable. Les experts sont arrivé à cette conclusion, après une discussion approfondie, tout en admettant que les efforts nécessaires sur le plan technique pour la reprise des matières stockées seraient considérables. Un stockage pourrait donc ne pas être complètement irréversible. Par ailleurs, si l'on facilitait la réversibilité par des moyens techniques, la sûreté du confinement en serait probablement amoindrie. Cette dernière réflexion est valable pour tout type de stockage.
     Les efforts de l'AIEA dans le domaine de la gestion des déchets nucléaires ont révélé un autre problème, celui de la coopération avec les organisations non gouvernementales. Avec la CIPR*, qui est elle-mêrne en contact étroit avec les Académies des Sciences nationales, cette coopération est acquise depuis des années. Mais entre les Académies et l'INWAC* de l'AIEA, ces contacts indirects se sont avérés insuffisants.
     Une tentative de créer une Commission internationale pour le stôckage des déchets nucléaires, avec un mandat très similaire à celui de l'INWAC et avec le même caractère que la CIPR, n'a toutefois pas trouvé suffisamment de soutien. Tout récemment l'AIEA a proposé d'associer les Académies des Sciences techniques aux travaux de l'INWAC en acceptant des observateurs de la part du Conseil international des Académies. Aucune autre organisation internationale non gouvernementale ne participe actuellement aux activités de l'INWAC.
     L'Agence de l'OCDE pour l'Énergie Nucléaire (AEN)*, après avoir mis sur pied des opérations d'immersion de déchets radioactifs dans l'océan Atlantique dès 1967 et instauré un système de contrôle et de surveillance de ces opérations au niveau international, a élargi le champ de ses travaux à l'ensemble de la gestion des déchets radioactifs dès 1970. L'AEN a créé, en particulier, le Comité de la Gestion des Déchets Radioactifs en 1975, Comité où siègent les représentants des agences chargées de la mise en oeuvre des programmes nationaux, des autorités de réglementation et de sûreté nucléaire et des centre de recherche.
     Ce Comité constitue un forum au sein duquel sont examinées les politiques et les stratégies de gestion des déchets des pays membres, ainsi que certaine aspects particuliers techniques et non techniques de la gestion des déchets. Les deux domaines prioritaires d'activité de l'AEN sont depuis une dizaine d'années la méthodologie des analyses de sûreté relatives au stockage et l'évaluation des caractéristiques des sites potentiels.
     Ces priorités portent plus particulièrement sur la gestion des déchets à vie longue et notamment des combustibles irradiés et des déchets de haute activité vitrifiés. Dans le cadre de ces activités techniques, l'AEN cherche à promouvoir des échanges d'informations, des analyses de l'état des connaissances sur des sujets particuliers, la constitution de banques de données, notamment dans le domaine de la sorption et des données géochimiques fondamentales. D'une façon générale, ces activités ont pour but de contribuer à améliorer la confiance dans la fiabilité et la sûreté à long terme des méthodes de stockage.
     La Commission des Communautés Européennes a conduit plusieurs programmes de recherche quinquennaux successifs depuis 1980. Ces programmes prévoyaient notamment les échanges d'informations, la promotion et le financement d'activités de recherche et l'examen des mesures destinées à assurer une gestion sûre des déchets radioactifs. Le plan actuel, reconduit jusqu'en 1999, couvre tous les types de déchets radioactifs.
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     Comme les autres organisations internationales, les Communautés Européennes ont fait un effort particulier dans le domaine de la sûreté des stockages et ont patronné notamment l'exercice PAGIS*, publié en 1988. Cet exercice concernait les méthodes d'analyse de la sûreté de plusieurs types de stockage dans les formations granitiques, salines, argileuses et dans les couches situées sous le fond des océans. Par la suite, de nouvelles études, telles que MIRAGE* concernant la migration des radionucléides dans les milieux géologiques et d'autres sur divers aspects du stockage profond en milieu géologique, ont été conduites par les Communautés.
     L'exercice PAGIS* n'avait pas pour objectif de déterminer l'acceptabilité de différent sites, mais de tirer des conclusions préliminaires sur la capacité des milieux choisis à confiner les déchets de haute activité. Bien qu'il se soit agi de sites fictifs et qu'il convienne d'être prudent en ce qui concerne les enseignements à retenir d'un tel exercice, le résultat le plus significatif montrait que pour toutes les options sur tous les sites et pour tous les scénarios, les doses susceptibles d'en résulter étaient essentiellement nulles pendant plusieurs dizaines de rnilliers d'années après fermeture des dépôts. Ce résultat n'était pas affecté par les incertitudes sur les données d'entrée dans les analyses de sûreté. Ces incertitudes n'intervenaient véritablement qu'au cours des périodes suivantes.
     D'autres informations plus particulières en ce qui concerne le rôle de la barrière géologique, le choix du site, le rôle des barrières ouvragées et les scénarios de perturbation de l'intégrité des dépôts, ont été également tirées de l'exercice PAGIS*.
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     Par ailleurs, la Commission des Communautés Européennes
soutient la recherche fondamentale et appliquée pour les problèmes à long terme n'ayant pas d'applications commerciales évidentes et pour les intercomparaisons scientifiques et socioéconomiques. Cette aide complète généralement les programmes nationaux des pays membres.
     Les programmes récents mis en place ont été orientés vers deux catégories de problème à long terme identifiés:
     - le développement de nouveaux procédés de traitement et de conditionnement pour réduire les rejets radioactifs et réduire les volumes de déchets ainsi que pour choisir les meilleures possibilités de gestion du point de vue technologique, économique et du point de vue de la sûreté,
     - la démonstration de la faisabilité et de la sûreté des concepts de stockages géologiques profonds des déchets radioactifs en réalisant des expériences de démonstration et en développant des méthodologies pour évaluer la sûreté.
     A ce titre, elle participe directement aux recherches menée dans les laboratoires souterrains; à partir de 1985, Mol et Asse ont servi à effectuer des recherches dans l'argile et le sel.
     Il est à noter que la diffusion des synthèses des recherches effectuées sous l'égide de la Commission des Communautés Européennes, contribue à l'information du public des pays membres ainsi qu'à celles des représentants politiques en vue de faciliter l'adhésion du public aux solutions proposées et aux prises de décisions politiques.

* Les étoiles se réferrent à un glossaire que la Gazette Nucléaire publiera dans son prochain numéro

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