La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°149/150
Dossier Tchernobyl

Commentaire Gazette
     Pour faire le point sur Tchernobyl j'ai repris des dossiers et j'en ai consulté des nouveaux. Ma surprise a été de constater que, finalement il n'y a pas grand changement. Ceci montre la difficulté de l'accident de Tchernobyl.
     Dans ce but j'ai comparé le texte présenté à la conférence SFEN (décembre 1994) et celui de février 1996, textes préparés par le même auteur Daniel Robeau (IPSN). Il y a quelques différences d'analyse et de position face aux faits mais peu de données vraiment nouvelles, peut-être encore moins de certitudes en 96.
     Les données les plus intéressantes à mon point de vue, concernent les transferts sol-plante ainsi que la contamination des forêts. Ces points avaient été pointés il y a déjà 5 ans mais plus ou moins admis. En ce qui concerne l'impact radiologique j'ai repris le texte de décembre 94 et celui de février 96. Dans celui de 94 il est exprimé «qu'un niveau d'intervention à 10 mSv aurait permis... (voir encadré 1) ce qui n'est plus le cas en février 96. Par contre l'ensemble de textes fait maintenant allusion aux divers problèmes de santé. S'il est vrai qu'en pleine crise il faut parer au plus pressé, 5 ans ou 10 ans après il faut faire le bilan pour apprécier ce qui doit être fait. L'évacuation de millions de personnes n'a rien d'une partie de plaisir. De plus l'impact sur la santé des irradiations, des contaminations ou bien d'un déracinement et des suites d'une contamination n'est pas du tout évident à estimer. Pour les enfants la réponse est qu'on ne devrait pas pouvoir hésiter mais comment évacuer des enfants et maintenir les parents ? Le nombre de personnes concernées reste assez flou. Au début il était question de 70 millions maintenant on parle de 3 millions. Est-ce parce que on ne connaîtra jamais les doses? ou bien parce, finalement on ne sait pas et on affirme pour avoir l'air de savoir?
Encadré 1
     Un niveau d'intervention de 10 mSv aurait permis de ramener à une vie normale la plus grande part de la population en satisfaisant les recommandations des organismes internationaux de radioprotection. Les doses auraient pu être gérées progressivement en fonction de la situation radiologique, des bénéfices de la réhabilitation et de la régénération économique des régions touchées, tout en respectant le niveau d'intervention de 1 Sv/vie recommandé par la Commission Internationale de Protection Radiologique et l'Agence Internationale pour l'Énergie Atomique. Ce niveau d'intervention est représenté par la dose vie évités au delà de laquelle, le relogement définitif des populations n'est pas recommandé. (extrait CR SFEN déc. 94)

     La conclusion (voir encadré 2) de l'article de 94 comportait un couplet sur la radioactivité naturelle qui a changé de tonalité en 96. En effet on passe de «cet effet est moins important...» à «cet impact n'est pas plus important». Même si c'est proche ce n'est pas le même a priori sur l'impact de Tchernobyl et cela me conforte dans:
1 - cet impact est extrêmement important, mal repéré et change beaucoup d'idées reçues,
2 - avec difficultés les officiels arrivent à admettre l'impact de Tchemobyl mais essaient toujours de le minimiser. A nous de jouer, il faut que cet impact soit reconnu et que cela oblige à une sûreté accrue pour une meilleure sécurité des populations.
De plus il y a une autre nuance en 94 «Si pour les zones... » et en 96 «si, au moins pour les zones...» Vous voyez que cet impact est malheureusement très important.
 

Encadré 2
     Cela même si pour les zones de moins de 40 Ci. km-2, cet im­pact est moins important que celui dû aux rayonnements natu­rels dans certaines régions telles la Cornouaille en Grande Bretagne où les doses dues au radon sont supérieures à 10 mSv par an, les zones d'altitude élevée (Amérique du Sud, Chi­ne,...) dont les doses sont supérieures à 5 mSv par an. Cependant, cette situation dévalue les régions touchées, perturbe l'équilibre des populations sans que pointe l'espoir d'une amélioration rapide. (Extrait CR SFEN)
début p.3


L'accident de Tchernobyl : contamination des sols,
impacts sanitaires et gestion des territoires contaminés
Daniel Robeau - IPSN
Dossier IPSN février 1996.
Quelques extraits de la Journée SFEN sur le devenir
des territoires contaminés dans la CEI (Paris, 13 décembre 1994)
 
1. Introduction
     Compte tenu de l'étendue de la contamination des territoires touchés par les rejets radioactifs qui ont suivis la catastrophe de Tchernobyl, vivre dans un territoire contaminé est un problème quotidien pour des centaines de milliers de personnes. Les dernières données concernant les rejets radioactifs survenus entre le 26 avril et le 10 mai 1986, le bilan de la contamination des sols n'a certes pas permis, dans tous les cas, la reconstruction des doses délivrés aux populations durant les premières semaines qui suivirent l'accident mais ont permis de calculer avec une précision relative les doses délivrées par la suite. Elles permettent aussi d'estimer les expositions auxquelles les populations seront potentiellement soumises dans l'avenir. 
Aujourd'hui, les responsables politiques et administratifs des régions contaminées de Russie, de Bélarus et d'Ukraine doivent répondre quotidiennement aux interrogations économiques, sanitaires et sociales des populations tandis que les experts tentent de définir les niveaux de contaminations tolérables ou intolérables pour ces populations. Il ne fait pas de doute que cela amène les populations concernées à douter des gouvernants et des scientifiques (extrait SFEN). 
2. Les rejets
     Dès que l'accident a été connu, de nombreux experts se sont attachés à déterminer les caractéristiques des rejets radioactifs, en particulier, celles des rejets d'iodes et de césiums. 
fin p.3

     L'inventaire calculé du coeur, à l'instant de l'accident, a fait état [1], de 696 MCi d'halogènes dont 340 MCi d'iodes (131CsI, 132I, 133I) et 97,6 MCi pour les chalcogènes dont 9 MCi de césiums (134Cs, 134Cs, 137Cs). Des estimations successives de la radioactivité rejetée dans l'atmosphère en particulier pour les iodes et les césiums ont été proposées. Selon ces études, la part des iodes rejetée dans l'atmosphère varie entre 20 et 50% de l'inventaire du coeur du réacteur accidenté. De la même façon, la part des césiums rejetée dans l'atmosphère varie de 15 à 40 %. 
     Le réacteur RBMK accidenté contenait 190.3 tonnes d'oxyde d'uranium enrichi à 2 %. On estime aujourd'hui [2] que 135 tonnes de ce combustible, soit environ 71 %, ont fondu. Ce combustible mélangé avec les 5020 tonnes de matériaux composites qui furent déversés sur le coeur (sable, plomb, bore etc.) a formé une lave solidifiée. Les analyses de cette lave [2] montrent qu'elle ne contenait à la fin des rejets que 5% du 106Ru et 35 % du 137Cs de l'inventaire initial du coeur. Ces mesures indiquent que les radionucléides volatils ont dû être émis en quantités beaucoup plus importantes que celles initialement avancées. 
     Les rejets d'iodes et de césiums ont été très importants et l'imprécision concernant les rejets est grande, tout particulièrement pour les iodes. Le graphique ci-dessous montre que les rejets du 26 avril concernant les émissions de radionucléides volatils sont sujets à controverses. Ainsi, ils furent successivement estimés, hors gaz rares, à 15, 20, 40, puis 60 MCi. A la suite des analyses du combustible, Alexander Sich [2] avance la valeur de 185 MCi, cette valeur semble cependant élevée en regard des mesures faites dans l'environnement. 

Contamination atmosphérique

     Dans les dernières années, la radioactivité des aérosols de 137Cs mesurée au niveau du sol à 5 km du réacteur de Tchemobyl est tombée de 16.000 Bq/m3 en 1986 pendant la période des rejets à 3 10-4 Bq/m3 en 1995 avec un maximum de 1.3 10-2 Bq/m3. Ces valeurs sont à comparer à la radioactivité des aérosols de 137Cs en France qui est de l'ordre de 10-6 Bq//m3
3. Contamination des sols
3.1. Dépôt d'iode
     Les iodes sont des éléments volatils à vie courte qui ont disparu par décroissance radioactive quelques semaines après l'accident. Cependant la radioactivité rejetée et leur radioactivité sur la thyroïde ont entraîné des dommages sanitaires importants aux populations touchées.
     Les dépôts de radionucléides à vie courte sur les sols ont été imparfaitement mesurés ou estimés. Imparfaitement mesurés car les dépôts de 131I ont été établis tardivement et beaucoup de résultats ne sont pas les résultats de spectrométries gamma mais les résultats d'analogies avec les dépôts de césium. Imparfaitement estimés car le chapitre précédent montre combien les rejets d'iodes sont mal connus. 
suite:
Les contaminations les plus importantes ont été relevées dans le nord de l'Ukraine, dans le sud et l'est de la Bélarus (3) et dans les régions de la Russie Centrale (Oblasts de Toula, Orel et Briansk). Les plus fortes contaminations du sol dues à d'importantes pluies ont dépassé 1.000 Ci.km-2
3.2 Dépôts de césium 137.
     La contamination due au 137Cs (période radioactive 30,17 ans) a été deux fois plus importante que celle due au 134Cs (période radioactive 2,06 ans). La structure en taches de léopard de la contamination des sols par le 137Cs a été mise en évidence aux échelles régionales mais aussi locales. La trace Ouest qui s'étend sur une cinquantaine de kilomètres est contaminée au niveau de 35.000 Bq.m-2
     La table 1 indique les surfaces contaminées par le 137Cs en Biélorussie, Russie et en Ukraine. 
TABLE 1
Surfaces contaminées par le 137Cs en Biélorussie,
Russie et Ukraine en milliers de km2

Clairance du césium 137 dans les sols

     Un des acquis les plus importants pour la prévision à long terme des conséquences radiologiques est la clairance de la couche supérieure du sol (0 à 10 cm). La clairance d'un milieu est le phénomène d'épuration d'un polluant de ce milieu. Elle se caractérise par une demi-vie de 10 à 25 ans pour le 137Cs selon la nature du sol. Elle est plus courte, 10 à 17 ans, dans la couche en dessous de 10 cm. 
3.3. Dépôts de strontium
     La contamination due au 89Sr a été dix fois plus importante que celle due au 90Sr. Cependant, compte tenu de la différence des périodes radioactives (50,55jours pour le 89Sr et 28,6 ans pour le 90Sr), les contaminations étaient redevenues égales en novembre 1986. Les contaminations les plus fortes, si on excepte la zone d'exclusion de 30km autour du site accidenté, se trouvent au sud et à l'est de Gomel, au nord de Pinsk, au sud et à l'est de Briansk ainsi que dans les régions de Gomel, Briansk et Orel. 
Clairance du strontium 90 dans les sols
     La clairance de la couche supérieure du sol (0 à 10 cm) est 2 à 3 fois plus rapide pour le 137Cs. Cette clairance se caractérise par une période de décroissance de 7 à 12 ans selon la nature du sol. Cependant, une quantité importante de 90Sr se trouve dans la couche superficielle dans des particules chaudes. Ces particules se délitent au cours du temps, rendant ainsi le 90Sr mobile. On s'attend dans les zones les plus contaminées à voir la quantité de 90Sr croître dans les végétaux. Dès 1994, la contamination des eaux en 90Sr a en de nombreux endroits dépassé celle due au césium. Si la contamination due au 137Cs diminue, on observe souvent une stabilisation ou une augmentation de la contamination due au 90Sr.
p.4

3.4 Dépôts de plutonium
     Une large part de la région du «Polesseye» qui est maintenant classée «en réserve écologique et radiologique» est réglementée par un décret limitant considérablement les activités humaines dès que le dépôt de 239+240Pu dépasse 3,7Bq. m-2. Des niveaux inférieurs, 0,7 Bq. m-2, ont été mesurés dans les régions de Toula et Kalouga en Fédération de Russie. 
     Ce sont plus de 5.000 km2, en dehors de la zone d'exclusion des 30 kilomètres, qui ont été contaminés à des niveaux supérieurs à 0,4 kBq. m-2
4. Contamination des eaux
     Les eaux de surface ont été contaminées pendant la phase de rejet à raison de plusieurs milliers de Bq de 131I et de 137Cs par litre, puis en juin et juillet à raison de 20 à 50 Bq/1 de césium et de strontium. Depuis la radioactivité des eaux est de quelques Bq/l de 90Sr et de 137Cs, elle ne dépasse jamais 10 Bq/1. 
     La table 2 indique les concentrations annuelles moyennes de la rivières Pripyat près de la ville de Tchernobyl et du bassin de refroidissement de la centrale nucléaire de Tchernobyl. 
TABLE 2
Concentration annuelle moyenne, kBq/m3,
de la rivière Prypiat et du bassin de refroidissement
de la centrale nucléaire de Tchernobyl (1986-1995)

     La table 3 indique l'activité des rejets de la rivière Pripyat dans le réservoir d'alimentation en eau de Kiev entre 1986 et 1994. 

TABLE 3

5. IMPACT RADIOLOGIQUE DES IODES.

     Les gammamétries de thyroïde (500.000 mesures en Biélorussie) ont mis en évidence dans la région de Gomel des doses supérieures à 2 Sv pour 25 % de la population et de plus de 10 Sv pour 5 % de la population enfantine.
     La dose à la thyroïde due à la consommation de produits contaminés est essentiellemènt due à l'131I avant qu'il ne disparaisse par décroissance radioactive. 
suite:
Les transferts directs peuvent être difficilement estimés car on ne dispose pas de mesure les concernant. La production de lait a été contaminée les premiers jours qui suivirent l'accident. Dans les zones les plus contaminées, on a mesuré des radioactivités atteignant près de quatre millions de Becquerels de 131I par litre. Une consommation durant 3 à 4 jours de ce lait aurait pu entraîner des doses à la thyroïde supérieures à 10 Sv. 
Les dernières estimations publiées par les ministères char­gés de Chernobyl des Républiques de Bélarus, de Russie et d'Ukraine font état respectivement de doses collectives aux enfants de 500.000 à 700.000 h.Sv, 400.000 à 600.000 h.Sv et 200.000 à 300.000 h.Sv. 
6. Impact radiologique du césium
6.1 Impact sur la production agricole
     Les problèmes rencontrés pour l'organisation des structures de production agricole ont été et sont encore considérables. La stratégie adoptée par les gouvernements des trois républiques au cours des années 1986-1996 a été: 
- d'établir le contrôle le plus rigoureux des productions, ce qui a été réussi dans les structures de production étatisées, mais pas dans les structures de production privées, 
- de changer le type de production et la rotation des productions en fonction des niveaux de contamination des sols, 
- d'introduire des contre-mesures: ajout massif d'engrais, chaulage, assèchement des zones humides, création de prairies, utilisation de ferrocyanide dans l'alimentation des bovins. 
     Ces mesures ont eu pour effet une diminution moyenne de la contamination des produits agricoles bruts d'un facteur 3,5 à laquelle il faut ajouter les diminutions dues aux transformations agro-alimentaires. Cependant, la production agricole globale a pendant cette période beaucoup diminué dans les zones les plus contaminées, d'une part compte tenu de la difficulté à trouver des marchés pour les produits en provenance des zones contaminées même lorsqu'ils répondent aux critères sanitaires en vigueur. 
     La table 4 indique la production de produits agricoles au dessus des normes sanitaires (137Cs) en regard des règlements successifs (VDU - 1986-1989, RKU - 1990-1992, RDU -1993-1994) en Biélorussie. 
TABLE 4

     La table 5 indique la production de lait présentant un excès de 137Cs en regard des réglementations (RDU-92) dans les structures étatisées des régions les plus contaminées de Biélorussie.

p.5

TABLE 5
     Les figures 1 et 2 indiquent respectivement le nombre d'échantillons de lait et de pommes de terre contaminés en Ukraine dans la période 1992 à 1994 pour 4681 villages. 

Figure 1.
Distribution du nombre de villages d'Ukraine en function de la contamination de la production laitière (1992-1994)

Figure 2.
Distribution du nombre de villages d'Ukraine en fungtion de la contamination de la production de pomme de terre (1992-1994)

137Cs : Transfert sol-plante

     Un des principaux paramètres pour l'estimation des conséquences radiologiques à long terme est la connaissance de la clairance des végétaux permanents tels les herbages et les prairies. Cette clairance est caractérisée par une demi vie de 2 ans entre 1986 et 1989, 4 ans entre 1989 et 1994 sur des sols ayant des propriétés mécaniques légères. La clairance des végétaux poussant sur des sols tourbeux est 2 à 3 fois plus longue. 
Contamination des forêts
     La contamination du bois par le 137Cs est très différente selon les variétés d'arbres. L'accumulation de césium dans les bouleaux, les chênes et les trembles est 2,3 à 2,4 fois plus élevée que dans les pins. La contamination des aulnes est du même ordre de grandeur que celle du pin.
     Le niveau dérivé d'intervention concernant l'utilisation du bois est 3.700 Bq/kg. L'exploitation des forêts n'est en conséquence possible que sur les sols contaminés à un niveau infé­ieur à 1.500Bq/m2 (40 Ci.km-2). 
     La quantité de césium présente dans la partie aérienne des arbres représente 2,9 % de la radioactivité contenue dans les sols racinaires.
     L'accumulation du strontium dans les arbres est 2 à 5 fois supérieure à celle du césium en fonction de l'espèce. La contamination du bois se stabilise car l'apport en strontium dans le bois compense la disparition due à la décroissance radioactive. 
suite:
6.2 Impact sur l'homme
     A titre d'exemple, l'impact radiologique dans les zones significativement contaminées par le césium est présenté à partir des mesures de contamination de l'environnement et de la chaîne alimentaire effectuées dans 4 localités russes de l'Oblast de Briansk. Ces localités sont respectivement contaminées à 5, 15, 40, et 80 Ci/km2 de 137Cs. Les doses sont reconstituées pour les 5 premières années qui ont suivi l'accident et sont également estimées pour la vie complète des indi­vidus exposés: 
- (1) la dose annuelle par irradiation externe due au dépôt, en tenant compte des facteurs de protection, 
- (2) la dose efficace engagée annuellement par ingestion de produits alimentaires contaminés par le 137Cs, 
- (3) la dose vie par irradiation externe, en tenant compte des facteurs de protection, 
- (4) la dose vie efficace due à la consommation de produits alimentaires contaminés par le 137Cs. 
     Ces doses définies ci-dessous sont regroupées dans le tableau 2.
* (1) la dose annuelle par irradiation externe due au dépôt, en tenant compte des facteurs de protection,
* (2) la dose efficace engagée annuellement par ingestion de produits alimentaires contaminés par le 137Cs,
* (3) la dose à moelle osseuse engagée annuellement par in­gestion de produits alimentaires contaminés par le 90Sr,
* (4) la dose délivrée sur les 70 ans de la vie d'un individu par irradiation externe, en tenant compte des facteurs de protection,
* (5) la dose efficace sur les 70 ans de la vie d'un individu due à la consommation de produits alimentaires contaminés par le 137Cs,
* (6) la dose à la moelle osseuse sur les 7 ans de la vie d'un individu due à la consommation de produits alimentaires contaminés par le 90Sr.
(extrait des comptes rendus SFEN) 
     L'analyse des doses dues à l'irradiation externe et à la contamination interne des individus, l'analyse de la contamination des sols et des produits alimentaires indiquent que le niveau d'intervention de 350 mSv est respecté, sans perturbation du mode de vie, dans les territoires dont la contamination du sol est inférieure à 15 Ci.km-2. En appliquant des contre-mesures se traduisant par des restrictions de consomnation de produits alimentaires et des restrictions d'activités professionnelles, les doses délivrées aux populations dans les zones contaminés à plus de 15 Ci.km-2 respectent le niveau d'intervention de 350 mSv fixé par la Commission Nationale de Protection Radiologique de l'URSS en 1988-1989.
p.6

     En 1990, le niveau d'intervention a été fixé à 1 mSv par an. Ce niveau annuel de 1 mSv n'est applicable qu'au prix de restrictions importantes dans les zones où la contamination de 137Cs est supérieure à 15 Ci.km-2. Cependant, en adoptant ce niveau, des populations non évacuées en 1986 et satisfaisant le niveau d'intervention de 1988 (5 mSv la première année) se sont retrouvées, en 1991, susceptibles d'être évacuées. 
     C'est le 27 septembre 1993 que de nouveaux niveaux de commercialisation concernant la consommation de produits alimentaires ont été fixés (table 7) en Fédération de Russie. 
TABLE 7

7. La situation sociale et économique

     Après l'accident de Tchernobyl, une loi, votée par le parlement de l'Union Soviétique a défini les conditions d'habitation dans les zones contaminées, les catégories de zones, les catégories et statuts des personnes exposées aux radiations et les privilèges et indemnités dont celles-ci pouvaient bénéficier. 
     Les zones contaminées prises en compte sont celles évacuées en 1986 et celles où, depuis 1991, soit la dose efficace annuelle engagée est supérieure à 1 mSv, soit la contamination en 137Cs est supérieure à 15 Ci/km2. 
     On distingue: 
     7.1 - Les zones d'exclusion où les populations ont été évacuées ou déplacées, 
     7.2 - Les zones d'évacuation présentant une contamination supérieure ou égale à 15 Ci/km2 en 137Cs, à 3 Ci/km2 en 90Sr, à 0,1 Ci/km2 en 239Pu et 240Pu 
     Les populations des territoires où la contamination est supérieure à 40 Ci/km2 ou exposées, du fait de l'accident, à une dose efficace annuelle engagée supérieure à 5 mSv doivent être obligatoirement évacuées. Sur le reste de ces zones la population a droit à une évacuation volontaire et des avantages sociaux précisés par la loi. 
     Certains territoires présentant des caractéristiques favorables à la migration des radioéléments peuvent être inclus dans cette zone même s'ils présentent une contamination surfacique plus faible. 
     7.3 - Les populations des zones d'habitation contaminées de 5 à 15 Ci/km2 en 137Cs ou exposées à une dose efficace annuelle engagée supérieure à 1 mSv du fait de l'accident peuvent faire valoir leur droit à l'évacuation. 
     7.4 - Les populations habitant les zones de 1 à 5 Ci/km2 en 137Cs ou exposées à une dose efficace annuelle engagée supérieure à 1 mSv, imputable à l'accident, peuvent faire valoir leur droit à un statut socio-économique privilégié. Dans ces zones, il est prévu un ensemble d'actions protectrices incluant des actions médicales et des actions de radioprotection, des structures économiques garantissant l'amélioration de la qualité de la vie et compensant la surcharge émotionnelle liée à l'accident. 
suite:
     Les gouvernements successifs des Républiques ont dû consacrer une part importante des budgets au soutien économique et social de la population et à la mise en place de contre-mesures. Un budget global de 70 millions de roubles a été mis en place chaque année par la Fédération de Russie. Aujourd'hui un débat important porte sur la prolongation de cette aide qui n'est plus réévaluée et qui, compte tenu de l'inflation, diminue d'année en année. Une conséquence importante, nous l'avons vu précédemment, est la diminution de la production agricole, et en 1994 et 1995 une augmentation de la contamination des produits agricoles bruts car les agriculteurs n'appliquent plus ou de façon très relâchée les contre-mesures nécessaires à la diminution de la contamination. 
    Une étude très intéressante a porté sur l'efficacité des contre-mesures agricoles prises durant cette dernière décennie. Cette étude qui sera publiée par l'Académie des Sciences de Russie, fait un bilan de l'efficacité radiologique et économique des contre-mesures prises. La table 8 résume cette analyse coût-bénéfice en fonction de la nature de la contre-mesure et du niveau de contamination des sols (5-15 Ci/km2 et 15-40 Ci/km2). On y observe qu'un homme sievert évité peut, selon le cas, coûter de 0,2 à 354 millions de roubles soit de 220FF à 354.000FF. 
TABLE 8
Indicateurs de l'efficacité des contre-mesures agricoles prises. Cette efficacité est exprimée en millions de roubles russe par homme sievert évité

8. Conclusions

     La situation radiologique des zones contaminées est maintenant cernée. Compte tenu des surfaces concernées, les actions de réhabilitation et de décontamination ne peuvent s'appliquer que ponctuellement et en conséquence la contamination des sols persistera.
p.7

Il faut donc s'intéresser au devenir d'une région et d'une population soumises à une exposition qui durera longtemps. L'exposition d'origine externe ne peut être que très faiblement atténuée par des contre-mesures, à l'exception de l'évacuation. L'exposition d'origine interne peut être très fortement atténuée par la mise en oeuvre de contre-mesures. Cette situation d'exposition chronique a un impact radiologique qu'il faudra suivre avec soin. Cela même si, au moins pour les zones contaminées à moins de 40 Ci.km-2, cet impact n'est pas plus important que celui dû aux rayonnements naturels ou au radon dans certaines régions du monde.
NB: Dans le présent document on a utilisé à la fois les anciennes et les nouvelles unités de radioactivité, les contre-mesures ayant été exprimées à l'origine sur la base des anciennes unités. Pour faciliter la lecture on rappelle que:
15 Ci/km2 = 55.104 Bq/m2 et que 40 Ci/km2= 148.l04Bq/m2

Tableau 1 : Contamination des sols en 137Cs de plus de 5 Ci.km-2 dans les états de la CEI (exprimée en milliers d'hectares)
suite:

Tableau 2 : Doses délivrées aux populations, extrait CR SPEN

RÉFÉRENCES

[1] A.R. SICH. The Chernobyl Accident Revised: Source Term Ana­lysis and Reconstruction of Events During the Active Phase.
- Departement of Nuclear Engineering - Massachusset Institut of Technology - January 1994 
[2] The Chernobyl Source Term: A Review. Environmental Effects, Nuclear Safety, Vol 31, No3, July-September 1990. 
[3] L'impact de l'accident de Tchernobyl - Société Nucléaire de l'URSS (1990). 
[4] Tchernobyl: cinq années difficiles - Ministère de la Santé de la Fédération de Russie (1992) 
[5] Proceding IAEA Conference - Vienna - 09.28.87 IAEA CN 48/68).
[6] The ChernobyL Disaster, its consequences and Ways of overcoming in Belarus. National Report. Chernobyl State Commitee of the Republic Belarus, 1994.
p.8

Conséquences de la contamination des populations
par les iodes radioactifs émis lors de l'accident de Tctiernobyl
Dr M. Bertin
Electricité de France - Comité de Radioprotection
 
     La seule conséquence apparente jusqu'à présent de la contamination est l'augmentation des cancers de la thyroïde de l'enfant. Bien qu'en 1992 beaucoup d'experts aient été sceptiques, maintenant tout le monde l'admet.
     Les enfants ne sont pas soignés comme il serait souhaitable. Enfin ceci pose le problème de la distribution d'iode stable en cas d'accident.
· Cancers de la thyroïde de l'enfant
     La revue Nature a publié dans le même numéro de septembre 1992 deux lettres: l'une du ministre de la Santé de Bélarus (nouveau nom de la Biélorussie) et de deux hauts responsables de la Santé Publique; l'autre d'un expert de l'O.M.S., de trois anatomopathologistes suisses et anglais et d'un endocrinologue italien.
     La première signalait une importante augmentation du nombre des cancers de la thyroïde de l'enfant en Bélarus: 4 en moyenne par an de 1986 à 1989 (17 en tout), 114 en deux ans et demi de 1990 à juin 1992. La deuxième confirmait le diagnostic histologique pour la quasi totalité des cas qui leur ont été soumis (102 sur 104 cas dont les lames ont été relues).
     Depuis la publication de 1992, le nombre de cas en Bélarus continue à être très élevé et semble croître encore:
 1986     2     1990     29
 1987     4     1991     57
 1988     5     1992     66
 1989     6     1993     79
 1994   59 (en 9 mois)

     En Ukraine parmi les enfants exposés, qu'il s'agisse ou non de personnes évacuées, le nombre de cas recensés était de 4 à 9 an avant 1989; il a aussi augmenté.
 1989     21     1991     40
 1990     38     1992     70

     Récemment il a été annoncé que 40 cancers avaient été dépistés dans la région de Briansk, région très contaminée de Russie bien qu'elle soit à plusieurs centaines de kilomètres de Tchernobyl.
     En définitive environ 500 cancers supplémentaires ont été recenses.

· Caractéristiques de ces cancers
· Ils sont apparus très précocement; l'augmentation a commencé trois à quatre ans après l'accident, donc bien plus tôt qu'il n'est habituel pour les cancers de la thyroïde radioinduits décrits dans la littérature. C'est une raison pour laquelle les publications de Nature ont suscité tant de critiques.
· Ils concernent des enfants contaminés très jeunes. En Bélarus 8 l'auraient été in utero et 54 sur 251 (statistique publiée en 1994) l'auraient été avant l'âge de deux ans, les autres avant douze ans. Sur 310 cancers, (dernières statistiques de Biélorussie) 72,5 % l'ont été entre 1 mois et 5 ans.
· Le sex ratio est de 40 % de garçons et de 60 % de filles. Il est donc différent du sex ratio habituel.

suite:
· L'augmentation est considérable et évidemment significative au plan statistique.
     Le cancer de la thyroïde de l'enfant est un cancer rare. A l'Institut Gustave Roussy 106 cancers de la thyroïde ont été observés chez des sujets de moins de 17 ans entre 1950 et 1993 parmi les 2200 patients traités pour cette affection.
     L'incidence est normalement très modeste: 0,04/100.000/an en Pologne, - 0,1/100.000/an dans les pays nordiques, 0,3/100.000/an aux États-Unis. Il existait en Bélarus un registre des cancers de la thyroïde de l'enfant depuis 1966: le nombre de cas enregistrés de 1966 à 1985 s'est élevé à 21 soit un par an c'est à dire un taux voisin de la Pologne mais bien entendu il n'est pas possible de s'assurer de l'exhaustivité de ce recueil.
     En 1993, l'incidence annuelle pour 100.000 enfants était en Bélarus de 3,4; il est plus de 50 fois important qu'avant l'accident et il est de 6,7 dans la région de Brest et de 9,5 dans celle de Gomel; l'étude du professeur AURENGO concernant 4.000 enfants évacués de Pripyat fait état de 18 cancers jusqu'à présent, alors que le nombre attendu est de l'ordre de 0,06/an.
· Il s'agit presque toujours de cancers papillaires. Ceci a été confirmé dès 1992. Le Dr ASTAKHOVA indique que c'est la cas de 93 % des cancers diagnostiqués en Bélarus jusque fin 1993.
· Ce sont des cancers en général étendus, souvent multifocaux: leur taille au moment du diagnostic est dans 70 % des cas supérieure à 1 centimètre; l'envahissement ganglionnaire et (ou) celui des tissus périthyroidiens est constaté dans les 3/4 des cas et les métastases à distance sont nombreuses. Ce sont des cancers qu'on peut considérer comine très agressifs et sûrernent pas des cancers infra cliniques ou occultes, dépistés parce qu'on les a recherché systématiquement. Ils sont trop nombreux et trop étendus pour qu'on puisse les considérer comme tels.

· Causes des cancers
     Lors de l'accident de Tçhernobyl, les quantités d'iodes radioactifs rejetées ont été considérables.
     Les évaluàtions ont varié; les activités de 131I indiquées ont varié de 7,5 millions de Ci à 50 millions de Ci. Cette dernière valeur est celle qui est le plus couramment admise actuellement.
     A cela s'ajoutent (comme lors de l'accident des îles Marshall) les activités en iodes à périodes plus courtes [1] : une heure après l'arrêt d'une tranche d'un réacteur à eau sous pression occidental de 900 MW leurs activités sont sept fois plus importantes que celle de l'131I et à Tchernobyl, où leurs activités étaient aussi sûrement très élevées, leur rôle durant les 24 ou 48 premières heures a sûrement été important dans la contamination des personnes exposées.
     Les retombées ont été très différentes de ce qui avait été prévu en 1986-1987. Ce n'est qu'en 1990-1991 qu'une cartographie complète de la contamination par le césiurn en ex URSS a été publiée.
     Comme les iodes ont des périodes courtes, il n'existe que très peu de mesures d'activité; 

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par contre on peut faire l'hypothèse que les cartographies des retombées des iodes et du césium sont voisines. On estime que la contamination par 131I a varié de 10 à l50Ci/km2 dins les «oblasts» de Gomel, Brest et Mogilev. Le maximum estimé est de 1.400Ci/km2.
     C'est aussi dans ces zones qu'on trouve le maximum de cancers de l'enfant. La Biélorussie est divisée en six régions administratives ou oblasts et le nombre de cancers y est effectivement fonction de l'importance de la contamination. L'oblast de Gomel est de loin le plus contarniné, suivi par celui de Brest; le moins atteint est celui de Vitebsk.
     Quant aux doses reçues effectivement au niveau de la thyroïde les évaluations en ont été très difficiles et varient beaucoup.
     En Bélarus des dizaines de milliers d'enfants auraient reçu au moins 1 Gy, quelques milliers plus de 5 Gy et plusieurs centaines plus de l0 Gy.
     Enfin, il faut ajouter que les populations des zones les plus contaminées (Bélarus et nord de l'Ukraine) avaient un régime alimentaire carencé en iode. Une supplémentation iodée leur a été assurée jusqu'en 1981; elle a alors été interrompue pour des raisons économiques.

· Autres cancers
     Il n'y a pas, pour l'instant, d'augmentation de fréquence des leucémies, ni en Bélarus ni en Ukraine bien que le délai soit déjà suffisant pour qu'un accroissement qui serait dû à Tchernobyl soit détectable. Il n'y en a pas non plus en Finlande et en Suède.
Il existe des incertitudes à propos des cancers de la thyroïde de l'adulte. Les statistiques bélarus font état d'une augmentation notable: 1.076 cas de 1979 à 1986, 2.195 de 1987 à 1993 (soit 130 et 300 par an) mais les experts bélarus ne pensent pas que le recensement avant Tchemobyl puisse être considéré comme exhaustif et se gardent d'affirmer qu'il y a une réelle augmentation. La question reste posée.
     Parallèlement même si des statistiques partielles laissent penser qu'il y a un accroissement des différentes pathologies de cette glande et notamment des tumeurs bénignes de la thyroïde, aucune statistique importante comparant la situation actuelle et la situation avant Tchemobyl n'existe, tout au moins à notre connaissance.
     Enfin, pour les autres cancers, il est trop tôt pour qu'on puisse conclure  en dehors des leucémies l'augmentation des autres cancers n'a commencé chez les survivants d'Hiroshima et Nagasaki qu'après un délai de dix ans.

· Traitement prophylactique par l'iode stable
     Il existe un traitement préventif simple des cancers de la thyroïde dus aux iodes radioactifs, l'ingestion d'iode stable en cas de contamination ou même en cas de risque de contamination.
     En ex URSS de l'iode stable aurait été distribuée à 5,4 millions de personnes, mais ceci beaucoup trop tardivement (des textes officiels récents font état d'une distribution commencée au plus tôt le 30 avril en Bélarus, soit 3 jours après l'accident). D'autre part la contamination a été très différente de ce qui avait été «prévu» et le bilan n'en a été fait que bien plus tard.

suite:
     La distribution a donc été faite en aveugle.
     En Pologne, de l'iode stable aurait été distribuée à 18 millions de personnes dont dix millions d'enfants. Les autorités polonaises présentent cette distribution comme un succès (réduction notable des doses reçues); il est vrai que le nuage y est passé plus tardivement et qu'on commençait à comprendre ce qui se passait mais il existe quand même bien des incertitudes sur les résultats obtenus.      Cependant cette distribution a démontré l'innocuité de cette pratique (deux hospitalisations très courtes; 0,4 % des nouveau-nés traités par l'iode quelques jours après leur naissance auraient présenté une hyperthyroïdie biologique mais elle aurait été transitoire et aurait guéri sans séquelle; aucune augmentation de l'incidence de l'hypothyroïdie à la naissance n'a été rnise en évidence chez les nouveau-nés dont les mères avaient pris de l'iodure de potassium à un moment quelconque de leur grossesse).
     En conclusion, de l'iode stable a été distribué en ex URSS et en Pologne parce que des stocks importants existaient. En France aucun stock significatif n'existait alors... (souligné par le webmaistre...)
     Des stocks ont été constitués depuis (EDF 3,5 millions de comprimés, ministère de la Santé 4,8 millions de comprimés) mais les modalités de distribution n'ont toujours pas été définies. En pratique l'organisation en est difficile car on ne peut s'organiser pour faire face à n'importe quel accident et aucun pays d'Europe occidentale n'a défini un système qui paraisse totalement satisfaisant.

· Avenir
     Le premier problème concerne le traitement de ces enfants cancéreux. Ils sont mal soignés. Des critiques sévères ont été faites à propos du traitement chirurgical. Le fait essentiel est cependant le manque de moyens. L'équipement échographique est récent. En Bélarus, par exemple, la plupart des appareils n'ont été mis en place que depuis l'accident de 1986 et le plus souvent grâce à l'aide occidentale. Il n'y avait pas de gamma-caméra disponible jusqu'en 1994. La production de technétium-99 est très insuffisante et il n'y a pas de production d'131I. Il est donc difficile d'apprécier l'extension des cancers et impossible de traiter certaines métastases, d'assurer et de surveiller le traitement substitutif nécessaire.
     Les enfants ne bénéficient pas du traitement optimal: 6 sur 14 des enfants examinés par le professeur AURENGO à Paris, avaient des métastases pulmonaires non dépistées; il en est de même de plus de 50 % des enfants bélarus traités à Essen en Allemagne.
     Le deuxième problème est celui de l'importance de «l'épidémie». Le nombre des cancers continue à augmenter. Les délais d'apparition ont été très courts et on sait que les cancers radioinduits apparaissent en général après un délai plus long (10 ans) et qui peut durer jusqu'à 30 ans. On peut donc voir apparaitre un nombre très élevé de cancers de la thyroïde chez les adolescents et les adultes en Bélarus et en Ukraine. C'est une probabilité mais il est aussi possible que l'épidémie ne se développe pas car la radiosensibilité de la thyroïde du jeune enfant est bien plus importante que celle de l'adulte. Actuellement les moyens pour les soigner correctement n'existent pas. C'est peut-être la question prioritaire à régler.

Conclusions
· Les conséquences de Tchemobyl ne peuvent être comparées à celles d'Hiroshima-Nagasaki: dans le premier cas l'activité rejetée est 100 à 200 fois plus élevée que dans le second, le nombre de décès, dans les premières semaines, est de quelques dizaines et non de 200.000.

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· Nous ne ferons pas de prospective pour être sûr de ne pas nous tromper, à notre tour, sur les conséquences sanitaires possibles de Tchemobyl.
     Les évaluations basées sur la notion de dose collective nous paraissent vouées à l'échec puisque le terme source lui-même est connu de façon imprécise. Les prévisions à propos de l'iode se sont avérées inexactes. On ne peut comparer les conséquences de la dose collective due à l'irradiation à fortes doses et à forts débits de dose des iodes radioactifs aux conséquences de celle due au césium 137 qui se fait à faibles doses et à très faibles débits de dose.
     L'Académie des Sciences en 1987 avait raisonnablement estimé qu'on ne pouvait évaluer à l'avance, de façon, rigoureuse, les conséquences d'un tel accident puisque les auteurs concluaient que le nombre de cancers mortels attendus pourrait varier de 0 à 10.000 tout en étant plus près de zéro que de 10.000. Comme en même temps le nombre de cancers mortels au cours des 70 prochaines années, parmi les 75.000.000 de citoyens de l'ex Union Soviétique exposés sera de l'ordre de 20 % +- quelques pour cent et qu'il n'y avait pas d'enregistrement valable des causes de décès avant 1986, les éventuels 10.000 décès par cancer supplémentaires ne pourront être mis en évidence. L'épidémiologie n'a de sens que sur des groupes particuliers très exposés sur le site (liquidateurs), ou très irradiés au niveau d'un organe (thyroïde).
     · Nous voudrions insister sur le problème des iodes radioactifs.
     Bien soignés, les enfants atteints de cancer de la thyroïde peuvent être guéris à 90 %.
     Les cancers de la thyroïde peuvent être en grande partie évités si un traitement précoce par de l'iode stable est fait. Pour cela il faut avoir des stock importants d'iode stable et que les modalités de distribution soient soigneusement préparées.
     L'accident américain de TMI (Harrisburg) en 1979 était aussi comme à Tchemobyl une fusion partielle du coeur. La conception du réacteur a fait que quelques dizaines de curies d'iode ont été relâchées à l'extérieur, soit un million de fois moins qu'à Tchemobyl. Les conséquences humaines ont donc été nulles.
suite:
     Donc dans le cas des accidents des installations nucléaires, la question de la conception de l'installation, au plan de la sûreté, est le vrai problème. Si un accident de l'ampleur de Tchernobyl paraît infiniment peu probable en France, un rejet d'iode sur un site ou à proximité reste possible. Le problème actuel est d'organiser enfin le traitement préventif par l'iode stable.

[1] Iode 132: période 2,38 h
133 : période 20,8 h
134: période 53 mm
135 :période5,7h

Commentaire Gazette
     Plusieurs points sont importants à souligner
     - d'abord la difficulté de distribution de l'iode même si EDF et le Ministère de la Santé ont constitué des stocks ainsi que les autres pays, depuis 1986 bien sûr,
     - La reconnaissance que les enquêtes épidémiologiques peuvent porter sur des groupes faibles mais ciblés tels les enfants car irradiés au niveau de la thyroïde ou les liquidateurs. Ceci n' exclue pas les enquêtes autour des sites pour en étudier l'impact non pas mortel mais simplement somatique.
     - l'épidémie touche non seulement les enfants mais aussi les adultes, on pouvait rester sceptique en 94 mais en 96 il n'y a plus de doute.
     Il est vrai que la conclusion sur la nécessité d'une bonne sûreté est une bonne approche. Et la demande d'une organisation du traitement préventif par l'iode est aussi une bonne approche. Mais est-ce suffisant?
     Tchernobyl souligne qu'une catastrophe nucléaire reste un événement ingérable par nos moyens et que nul n'en est à l'abri. De plus la connaissance de la situation est difficile car les autorités cherchent à minimiser les effets et dans ces conditions le suivi se fait mal. Les effets globaux sur la santé ne sont pas assez étudiés. Cette attitude est regrettable car, de fait les quelques rejets d'iodes accidentels (IIes Marshall, résultat d'un test aérien de bombes) avaient montré ce type d'atteinte des enfants. La statistique était faible, il d'agissait d'un test militaire on a donc évité de diffuser les informations. Dommage!

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Extraits de
Un bilan des conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl
Denis Bard, Pierre Verger, Philippe Hubeit
IPSN, février 1996
 
Extrait no1

1. Introduction
     Le 26 avril 1986, le réacteur no4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) explosait, avec pour conséquence le rejet dans l'atmosphère, durant 10 jours, de quantités considérables de radionucléides (tableau I). Le déplacement du nuage de particules radioactives en Europe a provoqué des contaminations à des degrés variables selon les régions (Note Gazette: voir les Gazettes 100, 108/109, 139/140).
     Les particules les plus lourdes (provenant du combustible, par exemple) se sont déposées à moins de 100 km de la centrale, tandis que les éléments plus volatils comme le césium et l'iode ont pu être transportés sur de très longues distances (Balonov 1993). 

Tableau I
Principaux rejets de radionucléides dans l'environnement suite à Tchernobyl

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     Les conséquences de l'accident sur la santé publique, dix après, ne sont pas connues avec certitude. D'abord parce que les études ont été, ou sont, mises en place très tardivement. Il est donc possible qu'un certain nombre d'effets aigus n'aient pu être mis en évidence. En deuxième lieu, les effets chroniques comme les cancers ne se manifestent que de nombreuses années après l'exposition aux rayonnements. Par exemple, le pic d'apparition des leucémies' est de 5 à 10 ans après l'exposition, tandis que le temps de latence moyen d'apparition des cancers solides est en règle générale plus long, de 10 à 15 ans (SHIMIZU 1988). U faut bien sûr aussi que les études aient la puissance statistique nécessaire.
La survenue d'un certain nombre de manifestations pathologiques, comme les cancers de la glande thyroïde ou les leucémies, était, ou est, envisageable, sur la base des connaissances scientifiques accumulées sur les effets des rayonnements ionisants. D'autres manifestations pathologiques comme les effets du stress ne sont pas spécifiques de l'action de ces derniers mais apparaissent en situation d'accident ou de catastrophe de toutes natures (Bromet 1995). Enfin, il est fait état de diverses manifestations inattendues. Par exemple, des atteintes mal précisées des systèmes digestif, endocrinien ont été évoquées et mises en rapport avec l'accident.

Tableau II
Estimations des doses (mSv) efficaces cumulées sur 70 ans pour les populations des zones contaminées (115.000 évacués, 270.000 sur zones strictement contrôlées (SCZ) (supérieur à 15 Ci/km2), 3.700.000 sur zone de 1 à 15 Ci/km2

     Ces estimations de dose n'indiquent en réalité qu'un ordre de grandeur. Elles ont été établies à partir des données de contamination des sols, de facteurs de transferts moyens vers l'individu et en faisant des hypothèses de consommation alimentaire. Elles sont donc applicables à des groupes et ne tiennent pas compte des caractéristiques individuelles intéressantes sur un plan épidémiologique ou dosimétrique (âge par exemple). Les travaux continuent pour reconstituer ou mesurer les doses individuelles. Il est donc vraisemblable que de fortes variations individuelles seront constatées.

     Depuis l'article publié dans la Gazette 139/140, quelques points ont été précisés. Toutes les autres rubriques, malformations congénitales, avortements, dommages au matériel génétique peuvent être consultées dans cette Gazette)



extrait no2

3. Effets induits par les rayonnements ionisants ou susceptibles de l'être
3.1 Effets à court terme
3.1.5 Effets immunologiques
     Dans une étude de l'AIEA, aucune différence de statut immunologique n'a été observée entre les populations résidant dans les zones contaminées et celles des zones témoins. Cette
évaluation a porté sur 1.356 sujets répartis en 5 groupes d'âge (enfants nés en 1988, 1985, 1980, adultes nés entre 1950 et 1930). 

suite:
Ces sujets ont été échantillonnés dans des villages contaminés (>5Ci/km2) et indemnes de contamination (AIEA 1991, Ginzburg 1991). Des atteintes immunologiques (diminution des lymphocytes CD8 +) ont été observées en 1991 chez 63 liquidateurs dont l'exposition externe était comprise entre 0,1 et 0,5 Gy (Yarilin 1993). Des atteintes lymphocytaires persistant des années ont été observées chez des patients irradiés à fortes doses (UNSCEAR 1988). Une diminution des lymphocytes CD8 a été également observée (Tuschl 1995) dans un petit groupe de sujets autrichiens exposés professionnellement à de faibles doses (dose efficace moyenne due au tritium 1,9 mSv, dose externe moyenne 1,4 mSv).

3.2 Effets à moyen et long terme
3.2.1 Atteintes oculaires
     Une étude de prévalence d'atteintes cornéennes a été conduite chez des enfants ukrainiens de 5 à 17 ans, ayant reçu des doses externes cumulées de 29 à 85 mSv selon les estimations. Le groupe témoin a été sélectionné dans une zone non contaminée et apparié par âge et sexe. Au total, 996 sujets représentants 35 à 40 % des enfants dans la zone de forte exposition et 791 témoins ont été retenus. Le groupe exposé présentait un excès faible mais significatif (p <0.001) d'atteintes cornéennes sous-capsulaires postérieures subcliniques semblables à celles observées chez les survivants d'Hiroshima et Nagasaki (Day 1995). Cependant les doses reçues par le groupe exposé sont inférieures à celles (200 mSv) généralement retenues comme valeur-seuil pour l'apparition de tels effets. Cependant il ne semble pas exister de données sur les doses b liées à l'exposition à des poussières contaminées. Les auteurs formulent l'hypothèse que les lésions provoquées par les rayonnement pourraient apparaître de façon stochastique, mais admettent que des biais peuvent expliquer leurs résultats (Day 1995).

3.2.2 Pathologie cardio-vasculaire
     Des médecins russes (AIEA 1991) font état d'une augmentation de la pathologie cardiovasculaire ischémique (par exemple, infarctus du myocarde), chez les liquidateurs en particulier. Bien que les méthodes utilisées ne soient guère détaillées, ce résultat peut être mis en rapport avec les observations effectuées chez les survivants des bombardements atomiques d'Hiroshima Nagasaki. En effet, les travaux de la Radiation Effect Research Foundation (RERF) font état d'une possible relation entre irradiation externe lors des bombardements et divers facteurs (calcifications artérielle, altérations de la coagulation, hypertension artérielle) qui contribue à l'artériosclérose, donc à la maladie coronarienne. Les auteurs concluent que leurs données suggèrent qu'une augmentation significative d'incidence des infarctus du myocarde, en rapport avec l'exposition, s'est manifestée au cours des dernières années chez les sujets exposés à au moins 2 Gy. L'excès de risque est le plus significatif chez les sujets âgés de moins de 40 ans lors du bombardement, y compris après prise en compte du sexe, de l'âge, de la pression artérielle et du cholestérol sanguin (Kodama 1993, 1995). La même équipe a effectué une étude transversale des infarctus cérébraux, des calcifications aortiques, de l'hypertension systolique isolée pour évaluer le degré d'artériosclérose dans un échantillon de 655 survivants dans la Adult Health Study (AHS). Les résultats suggèrent une relation entre l'exposition au rayonnement et la prévalence de l'artériosclérose. 

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Cependant Darby et al. n'observent pas d'excès de risque de maladie cardiovasculaire chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante traités par rayons X (Darby 1987). La démonstration d'une association causale avec l'exposition aux rayonnements à faibles doses et pour une exposition relativement prolongée reste à faire. Il serait également intéressant de tenir compte de l'effet stress.

Extrait no3

3.2.4 Autres effets
     Les médecins des pays de la CEI font état d'une série de manifestations pathologiques observées selon eux, anormalement fréquemment après l'accident chez les populations exposées (AIEA 1991). Il semble donc normal, sous réserve de vérification épidémiologiques, de les discuter comme effets possibles des rayonnements.

Altérations de la fonction de reproduction chez la femme
     Kulakov et al (1993) concluent à une augmentations des pathologies extra-génitales de la grossesse (anémie, troubles rénaux, hypertension transitoire, anomalies du métabolisme des graisses), dont la prévalence aurait augmenté de 50 % et 700 % respectivement dans 2 districts en parallèle avec le niveau de contamination. Le taux de migration est évaluée par les auteurs à moins de 3 %. L'augmentation observée n'est donc probablement pas liée à un changement de structure de la population. Cependant, les indicateurs retenus sont très sommairement décrits et peu spécifiques. Le fait que la prévalence de ces pathologies avant l'accident différait d'un facteur 3 dans ces districts (23,1 % pour le premier, 7,1 % pour le second) laisse à penser que l'attention portée à ces pathologies variait selon les zones et qu'un dépistage plus intensif depuis l'accident peut expliquer cette observation. Les faits ne paraissent pas établis, mais on ne peut les rejeter pour autant. Les mêmes remarques s'appliquent aux augmentations d'incidence alléguées dans ces districts pour la toxémie gravidique et les anomalies du travail.

Altérations de la santé des nouveau-nés
     Dans l'étude de Kulakov et ai (1993, déjà citée), il est rapporté que la mortalité néonatale a globalement augmenté d'un facteur 3 et 2 dans les districts les plus et les moins contaminés, respectivement, entre les périodes 1983-1986 et 1986-1990. Pour des troubles particuliers, par ex. les syndromes hémorragiques (incidence multipliée par 9 après l'accident), l'incidence n'était pas plus marquée dans le district le plus contaminé. L'AIEA conclut à une baisse de la mortalité périnatale depuis l'accident, peut-être en raison de l'amélioration du système de soins (AIEA 1991). A l'inverse, d'autres auteurs indiquent qu'il n'est pas apparu d'excès de manifestations pathologiques, à l'exception peut-être des cas de détresse respiratoire postnatale, chez les nouveau-nés des "SCZ" d'Ukraine dans la première année après l'accident. Cependant, il s'agit de déclarations et non d'une présentation d'études épidémiologiques au format scientifique (Pyatat 1989).
     En Allemagne de l'Ouest, les logarithmes de taux de mortalité infantiles sont en accord avec un modèle linéaire, décroissant entre 1975 et 1985 dans toutes les régions. Il a été observé une déviation marquée vers un excès de mortalité infantile à partir de mai 1986 dans les seules régions du sud, les plus contaminées par les retombées de Tchernobyl (Lüning 1989). Le lien causal avec l'accident reste à démontrer. Un excès significatif de poids de naissance inférieur à 1500g et de mortalité périnatale a été observé en Suède en juin et juillet 1986 après ajustement sur l'âge maternel et la parité (Källen 1988).

suite:
Vegetative dystonia
     Un syndrome appelé "vegetative dystonia" comportant fatigue, pâleur, inattention, douleurs abdominales, maux de tête et mauvais résultats scolaires serait très fréquent chez les enfants d'Ukraine. L'examen clinique retrouve la pâleur, des ganglions lymphatiques gonflés, une glande thyroïde augmentée de volume, et des extrémités froides et moites. Des examens complémentaires, non pratiqués dans les pays occidentaux, comme la thermographie "corps entier", permettent de préciser la forme clinique et de guider le traitement (Stiehm 1992). L'origine de ce syndrome est attribué par les médecins ukrainiens à une exposition à de faibles niveaux de rayonnements dans l'air, le sol et l'alimentation, en conséquence de l'accident. Une prévalence de 75 % est avancée chez les enfants de la région de Kiev et 25 % des enfants hospitalisés dans cette ville présenteraient ce syndrome. Les enfants hospitalisés pour traitement de la dystonie le sont pour une durée de 4 à 6 semaines. Stiehm relève la ressemblance de ce syndrome avec le "syndrome de fatigue chronique" lui aussi très discuté.
     La pertinence du regroupement de ces symptômes en un syndrome individualisé reste problématique en l'absence d'études sérieuses d'épidémiologie clinique. Il n'en demeure pas moins que le retentissement, même indirect, de l'accident sur la santé publique pourrait être important, même si son ampleur est difficile à évaluer.

3.2.5 Cancers
Cancers de la thyroïde. Doses reçues à la thyroïde
     Dans le cas d'un réacteur nucléaire, la famille des iodes constitue une part importante des rejets (tableau I). En l'absence de prise préventive d'iode stable pour saturer la thyroïde, les iodes radioactifs se fixent préférentiellement sur celle-ci elle est donc dans de telles circonstances l'un des organes recevant les plus fortes doses. Après l'accident de Tchernobyl, l'administration d'iode stable semble avoir été très limitée et souvent effectuée trop tard pour être efficace: une enquête réalisée durant le «International Chernobyl Project»(Mettler 1992) révèle que seules 25 % des personnes interrogées résidant dans les zones les plus contaminées avaient reçu de l'iodure de potassium. La durée moyenne de la prophylaxie pour ces personnes était de 6,2 jours.
     Après rejet dans l'environnement, l'iode-131 disparaît en 2 mois tandis que les iodes à vie courte tels que l'iode-133 et le tellure-132 disparaissent en 1 semaine et 15 jours respectivement. Par conséquent, seuls les groupes de population qui ont été exposés directement au nuage ou ensuite via la chaîne alimentaire pendant les premiers mois après l'accident ont reçu une dose à la thyroïde. Les «liquidateurs» qui sont intervenus plus tard ne sont donc pas concernés par un risque de cancer radio-induit de la thyroïde.
     Les estimations des doses reçues à la thyroïde par les populations exposées sont en partie basées sur les mesures spectrométriques thyroïdiennes effectuées pour environ 400.000 personnes dans les semaines après l'accident dans les 3 pays (Likhtarev 1993, 1994, Williams 1993, Znonova 1993). Ces mesures ont porté uniquement sur l'iode-131 et ont été faites, selon les endroits, dans des conditions et avec des appareils différents (Likhtarev 1993). Il n'y a pas eu, en revanche de mesure portant sur les iodes à vie courte (Williams 1993).
Les estimations de doses individuelle à la thyroïde dans un territoire donné peuvent varier de façon importante (jusqu'à 4 ordres de grandeur). De plus, elles dépendent de l'âge à l'exposition: elles sont de 2 à 10 fois plus élevées chez l'enfant que chez l'adulte dans des territoires de niveaux de contamination équivalente (Likhtarev 1993, 1994, Williams 1993, Zvonova 1993). 

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En effet, la masse de la thyroïde étant plus faible chez l'enfant et la captation d'iode par celle-ci plus importante que chez l'adulte, la dose reçue à activité incorporée égale est plus élevée (UNSCEAR 1988).

Ukraine
     Chez les personnes évacuées de la ville de Pripyat, la dose individuelle moyenne à la thyroïde est estimée à 2,8 Gy pour la tranche d'âge 0-7 ans au moment de l'accident et à 0,4 Gy pour les autres tranches d'âge. Pour la population de la ville de Kiev, les estimations sont plus faibles.

Biélorussie
     Dans les zones les plus contaminées, la dose individuelle moyenne à la thyroïde est estimée à 0,1-0,3 Gy pour la population entière et a 0,4-0,7 Gy pour les enfants âgés de moins de 8 ans au moment de l'accident (Illyin 1991). 8 % des enfants de la tranche d'âge 0-7 ans ont reçu des doses supérieures à 2 Gy, 0,6 % des doses supérieures à 10 Gy (Buldakov 1993).

Russie
Dans les zones contaminées à plus de 0,6 MBq/m2 de la région de Briansk, la dose moyenne à la thyroïde est estimée selon les districts entre 0,07 et 2 Gy pour les enfants âgés de moins de 7 ans et entre 0,014 et 0,05 Oy chez l'adulte (Tsyb 1994). Pour la région de Kaluga, 25 % des enfants et adolescents auraient reçu entre 0,03 et 2 Gy à la thyr6ide tandis qu'environ 2% auraient reçu plus de 2 Gy.



extrait no4

4. Effets indirects
4.1 Effet stress
Discussion
     De nombreux travaux ont été réalisés sur l'impact psychosocial des catastrophes et il est maintenant bien admis qu'elles comportent un risque pour la santé mentale. Les victimes des catastrophes peuvent souffrir de conséquences psychiques à court, mais aussi à long terme. Les réactions des individus à ces événements sont très variables (Adshead 1995, Bromet 1995).
     Après l'accident de Tchernobyl, peu d'études épidémiologiques comparatives sur les conséquences psychologiques de l'accident ont été effectuées ou sont en cours, en dehors de celle de Viinamäki et al. (1995). La nature et la prévalence des troubles possibles dans les différent groupes de population ne sont donc pas connus. Ceci constitue un handicap pour la prise en charge adéquate des populations impliquées. Les travaux menés au plan international depuis une dizaine d'années pour valider et quantifier des indicateurs d'effets psychologiques devraient permettre l'établissement de protocoles scientifiquement solides pour la conduite d'études épidémiologiques afin de valider et préciser les informations sur l'impact psychique de l'accident, en évaluer la répercussion en terme de morbidité et en comprendre les principaux déterminants.

suite:
     Différentes publications ont examiné ces derniers (Girard
1995, Drottz Sjöberg 1994). Elles soulignent la multiplicité et l'intrication des facteurs de stress: politique initiale d'information marquée par le secret et gestion autoritaire des mesures de protection, absence de confiance du public dans les autorités, dans le corps médical et dans les médias, bouleversements politiques et économiques survenus dans les pays de l'ex-URSS depuis 1989, perception des risques liés à l'accident, absence de confiance dans le futur.

extrait no5

5. Conclusion
     Les données épidémiologiques disponibles sur les effets de l'accident de Tchernobyl appartiennent toutes au même genre, les études écologiques. Les limitations de ce type d'études sont bien connues, en particulier parce qu'elles ne permettent pas des conclusions de nature étiologique. Les études du type avant-après une même unité géographique fournissent des arguments étiologiques plus convaincants, en minimisant certains facteurs de confusion.
     Parmi les effets attribuables à l'action des rayonnements, seule l'augmentation d'incidence des cancers de la thyroïde chez l'enfant dans les trois Républiques riveraines est à ce stade sûrement imputable à l'accident.
     Pour ce qui concerne les autres effets, ils appartiennent à 2 catégories.
     D'abord, les manifestations (conséquences psychologiques) dont on est raisonnablement sûr de l'augmentation, mais dont la nature et l'ampleur reste à déterminer.
     En deuxième lieu les effets variés, allégués dans divers articles, dont les changements d'incidence sont moins massifs et moins bien individualisés que le cancer de la thyroïde: la réalité de leur augmentation d'incidence reste à démontrer, puis leur relation causale avec la catastrophe. C'est le cas de tous les troubles somatiques divers dont font état de nombreuses équipes de scientifiques russes.
     De nombreuses études épidémiologiques ont débuté ou sont prévues dans les 3 pays de l'ex-URSS les plus touchés. Ces études ont pour but de fournir, dans la mesure du possible, des réponses aux questions posées plus haut en ce qui concerne le cancer de la thyroïde et de vérifier qu'il n'existe pas d'excès décelable d'autres pathologies chroniques. Elles impliquent de nombreux partenaires internationaux et sont conduites en population générale d'une part et chez les "liquidateurs" d'autre part (WRO 1995).
     En dehors de ces études sur les effets biologiquement plausibles, peu d'études épidémiologiques semblent prévues au plan international pour étudier les effets indirects (stress, nutrition...), ou d'enquêtes conduites pour répondre aux interrogations, voire à l'angoisse des populations, dans une problématique de santé publique, comme cela a été fait à TMI, ou à Sellafield. Enfin, l'excès de très nombreuses pathologies, digestives, endocriniennes, neurologiques, immunologiques et autres, dont font état de nombreux médecins des pays de la CEI, devrait aussi faire l'objet d'études épidémiologiques ngoureuses.

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COLLOQUE EUROPÉEN «TCHERNOBYL -10 ANS DÉJÀ», Mulhouse, 26-28 avril1996

Organisé par l'Association humanitaire «Les enfants de Tchernobyl» (Antenne Alsace)
Débats, conférences, expositions, projections. Forum des asssociations et partenaires.
Contact: Les Enfants de Tchernobyl,
6 rue de la Scierie, 68420 Herrlisheim-Près-Colmar. Tél.: (02) 89 49 23 41


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