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N°103/104

DOSSIER FOURNI A LA SÉANCE DE MAI DU C.S.S.I.N.


LE STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS EN FORMATION GÉOLOGIQUE PROFONDE
LA DÉMARCHE DE SÛRETÉ

· L'objectif
     L'objectif à garantir pour un site de stockage en formation géologique profonde est l'isolement des déchets aussi longtemps que dure leur nuisance potentielle. Afin de démontrer que cet objectif sera effectivement atteint, l'Andra doit recueillir sur chacun des sites les données nécessaires à la démonstration de sûreté qu'elle présentera à l'autorité de sûreté (SCSIN).
     C'est la raison du programme engagé. Il peut se résumer comme suit:

Première phase: un inventaire
     Un inventaire des régions de France susceptibles de présenter des structures géologiques intéressantes a été conduit, à partir de 1983, avec l'aide du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM). Cet inventaire a été réalisé par élimination successive de toutes les zones pouvant présenter une possibilité d'instabilité à long terme, pour ne garder que des zones stables pendant des millions d'années. Les régions présentant:
     - une sismicité importante,
     - du volcanisme récent,
     - des variations d'épaisseur de la croûte terrestre par rapport à la valeur moyenne,
     - des manifestations de source géothermales, ont été écartées.
     On a par contre recherché les formations géologiques françaises les plus homogènes et les plus imperméables. C'est à partir de cet inventaire qu'a été engagée la phase suivante.

Deuxième phase: l'étude sur le terrain
     Engagée au début de 1987, la phase actuelle consiste à étudier quatre zones correspondant chacune à un matériau différent: l'argile (Aisne), le granite (Deux-Sèvres), le schiste (Maine et Loire) et le sel (Ain).
     Ces travaux ont 3 objets:
     1) recueillir les données de terrain permettant de confirmer ou d'infirmer les caractéristiques favorables du site,
     2) prospecter la zone pour y définir des volumes de roches de dimensions suffisantes pour y accueillir un éventuel stockage,
     3) Définir, à la lumière des données recueillies sur le site, les conditions techniques de réalisation d'un laboratoire puis, éventuellement, d'un stockage.
     Ces travaux comprennent:
     - des mesures géophysiques destinées à établir la cartographie souterraine (profondeur, épaisseur et limites des couches de terrains, discontinuités éventuelles...)

suite:
     - des forages destinés, d'une part, à recueillir des échantillons des diverses roches en place, d'autre part, à reconnaître les conditions hydrogéologiques du milieu (étude des écoulements d'eau souterrains).
     Ces travaux doivent permettre en 1991 la constitution d'un dossier de sûreté pour les 4 zones, en vue du choix par les Pouvoirs Publics d'un site de construction du laboratoire souterrain.

Troisième phase: le laboratoire
     Le laboratoire souterrain aura pour objectif de vérifier une nouvelle fois la capacité du site à accueillir le stockage souterrain. En effet, les résultats obtenus permettront effectivement de confirmer à nouveau si le site répond aux exigences de sûreté requises par les Pouvoirs Publics. Sinon le laboratoire sera refermé et un autre site exploré. Aucun déchet radioactif ne sera déposé dans le laboratoire.
     Les mesures réalisées dans le laboratoire complèteront celles faites depuis la surface en vue d'obtenir une connaissance précise, et surtout des données directement observées, sur la géologie, la circulation des eaux et les propriétés géochimiques de la roche. Le laboratoire doit être implanté à la profondeur requise pour le stockage éventuel. Les expériences porteront principalement sur des essais thermiques, hydrauliques, géochimiques et mécaniques.

Quatrième phase
     La dernière étape est la création et la mise en exploitation du centre de stockage. Le stockage fera l'objet d'une procédure d'autorisation de création instruite par le SCSIN, après enquête publique et démonstration complète de sa sûreté.

· La réflexion en matière de sûreté
     Lors du débat sur l'énergie de l'automne 1981, le Gouvernement a créé, au sein du conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaire, un groupe de travail chargé d'examiner la gestion des combustibles nucléaires irradiés. Ce groupe, présidé par le professeur Castaing, était notamment composé de personnalités extérieures au milieu nucléaire.
     Le rapport, remis en décembre 1982, conclut que le retraitement et le non-retraitement sont au plan de la sûreté des options envisageables pour la gestion des combustibles irradiés.
     La seconde tâche du groupe a ensuite consisté à examiner le programme de gestion des déchets nucléaires présenté en 1982 par le CEA. Il a remis son rapport en avril 1983.
     Pour ce qui concerne les déchets stockables en profondeur, il a recommandé le choix de plusieurs roches favorables (granite, argile, sel et schiste). Il a surtout insisté sur la nécessité de confirmer sur des sites réels les qualités attendues.

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     Une troisième mission a été confiée au groupe «Castaing» à la fin de 1983. Il s'agissait de recenser les travaux de recherche et de développement à effectuer pour mener à bien le programme de gestion des déchets.
     Le rapport remis en octobre 1984 a de nouveau insisté sur l'urgence à entreprendre la prospection géologique sur le site et a demandé la création d'un groupe chargé de définir des critères de choix de site. Les conclusions de ce rapport ont fait l'objet de directives du ministre de l'industrie au CEA.
     Un état d'avancement des recherches a été présenté en mai 1988 par le SCSIN au conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaire. Dans son avis, le conseil a recommandé particulièrement que les actions de recherches permettent de disposer au moment du choix de site des connaissances nécessaires à la compréhension des transferts de radioactivité dans chacun des milieux étudiés.
     En 1985, le Gouvernement a demandé au professeur Goguel (voir dossier précédent de cette Gazette), géologue de renommée mondiale, de présider un groupe de travail scientifique chargé de définir des critères techniques de choix de site.
     Ce groupe a remis ses conclusions en juin 1987. Pour le choix d'un site, il ressort deux critères essentiels:
     - la stabilité géologique du site. Il faut démontrer, à l'aide de l'histoire géologique du site, que les phénomènes tels que: glaciation, séisme, rejeux de faille... , susceptibles de se produire à long terme, n'auront pas de conséquences significatives sur la sûreté du stockage.
     - les écoulements d'eau souterrains sont les vecteurs de retour de la radioactivité vers la surface. Ils doivent donc être nuls ou très faibles dans les couches géologiques au voisinage du stockage.
     En outre, doivent également être pris en compte les critères suivants:
     - les propriétés géochimiques, qui gouvernent la corrosion des déchets et des matériaux les entourant, et la rétention de la radioactivité lors de son éventuel transfert vers la surface.
     - une profondeur de quelques centaines de mètres est nécessaire pour protéger les stockages des activités humaines courantes (fondations, tunnels ... ) et de l'érosion.
     - pour prévenir les intrusions humaines, les roches constitutives du site ne doivent pas renfermer des ressources de valeur.
     - les propriétés mécaniques de la roche d'accueil doivent être suffisantes pour assurer la sécurité minière du stockage pendant la mise en place des déchets dans les cavités.
     Le SCSIN a alors demandé à l'Andra d'apporter la démonstration que les quatre sites recherchés sont conformes aux critères définis par le groupe «Goguel».
     Les groupes Castaing ont donné les orientations de sûreté et le groupe Goguel a défini les critères de sûreté.

· Le suivi de l'Andra
     Dès le début de la phase actuelle, le SCSIN a demandé à l'Andra de présenter pour chacun des sites son programme de prospection et d'en démontrer la cohérence avec les objectifs fixés par les critères du groupe «Goguel». L'examen de ces documents, en 1988, a montré que ceux-ci ne convenaient pas car ils énuméraient simplement les travaux à réaliser mais ne faisaient pas apparaître la logique de la démarche de l'Andra.
     Le SCSIN a alors demandé à l'Andra de présenter une synthèse pour chacun des sites sur la base de données bibliographiques, et d'ajuster en conséquence son programme de prospection. Les synthèses sont issues du résultat des prospections du BRGM, des pétroliers et de thèses universitaires.
     Un nouvel examen a permis de vérifier la cohérence des travaux vis-à-vis des objectifs de sûreté recherchés:
     - la stabilité à long terme du site,
     - de faibles écoulemnets d'eau en profondeur
     et de préciser les confirmations sur la géologie à apporter pour le choix de site.

suite:
     Notons que le contrôle du SCSIN s'exercera également par des inspections sur le terrain dès que les travaux pourront reprendre. Il s'agit de vérifier la qualité de l'exécution des protocoles de prélèvement et de mesure prévus à l'Andra.
     Enfin, pour préparer les analyses de sûreté qui seront effectuées lors de l'examen des dossiers de choix de sites, le SCSIN a demandé à l'Andra de proposer des «scénarios» des événements possibles après la fermeture du centre de stockage, qui doivent être développés pour l'évaluation de l'impact radiologique du stockage. Le SCSIN, avec l'appui d'un groupe d'experts spécifiques, examine les propositions de l'Andra. L'ensemble des observations émises seront reprises par l'Andra qui établira un document explicitant sa démarche et présentant les scénarios retenus.

· Entreposage et sûreté
     Aujourd'hui, les volumes cumulés jusqu'en 2010 des déchets susceptibles d'évacuation en stockage profond sont de 4.000 m3 pour les déchets vitrifiés et de 130.000 m3 pour les déchets a qui contiennent des radionucléides à vie longue. Dans les projets de stockage envisagés, les déchets vitrifiés doivent être entreposés de 30 à 50 ans avant d'être disposés dans le stockage. Par contre, les déchets a qui représentent un volume important, peuvent être placés dans le stockage dès que celui-ci sera en service.
     Un retard significatif dans le projet conduira à créer des sites d'entreposage d'autant plus nombreux et important que le retard pris sera plus grand.
     La multiplication des entreposages, l'augmentation des quantités de déchets entreposés et des durées d'entreposage, en l'attente d'une solution définitive, ne constituent certainement pas une solution optimale, du point de vue de la sûreté.

NOTE pour
le Conseil Supérieur de la Sûreté et de l'Information Nucléaire

Objet: Stockage des déchets en formation géologique profonde.

     Le 9 février 1990, le Premier ministre a décidé d'arrêter les travaux de reconnaissance menés par l'Andra sur les quatre sites présélectionnés. Le Collège de la Prévention des Risques Technologiques a été saisi par le Gouvernement et a été chargé d'étudier les questions relatives au programme de gestion des déchets radioactifs à vie longue. Le Collège commence sa réflexion par des auditions de l'Andra, de la Cogéma et du SCSIN. L'Office Parlementaire d'évaluation des choix technologiques sera également consulté.
     Le Ministre de l'Industrie et de l'Aménagement du Territoire a indiqué qu'il souhaite que les points suivants soient abordés:
     - étude des différentes solutions envisageables en matière de gestion des déchets radioactifs à vie longue, perspectives du retraitement poussé, réversibilité et sécurité du stockage;
     - analyse des solutions étudiées à l'étranger, perspectives de coopération européenne dans ce domaine;
     - examen pour les zones considérées des incidences économiques de l'implantation d'un stockage de déchets nucléaires.
     La fiche jointe fait une synthèse des actions qui ont été menées jusqu'à présent: réflexions en matière de sûreté et contrôle de l'Andra.

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BLAYAIS (Gironde)
Dilution intempestive de l'eau
du circuit primaire du réacteur 4

     Le samedi 3 mars, alors que le réacteur était à l'arrêt (combustible en cuve) pour des opérations de contrôle et maintenance, une erreur réalisée lors d'une intervention sur le générateur de vapeur n°2 a conduit à introduire de l'eau non borée, en provenance du circuit secondaire, dans le circuit primaire.
     Lorsque le combustible est en place dans la cuve du réacteur, son refroidissement est assuré par une circulation d'eau dans le circuit primaire par l'intermédiaire d'un circuit particulier (le RRA). Cette eau doit contenir du bore afin d'assurer une réserve d'antiréactivité destinée à prévenir toutes possibilités de reprise de la réaction nucléaire.
     Lors d'une opération de remplissage avec de l'eau de la partie secondaire du générateur de vapeur n°2, une fuite a eu pour conséquence l'introduction d'eau non borée dans la partie inférieure du générateur de vapeur, c'est-à-dire dans le circuit primaire. Cette fuite à travers la «plaque tubulaire» est due à une omission de bouchage de l'orifice correspondant à un tube qui avait été extrait, pour expertise, du générateur de vapeur.
     Cette fuite a conduit à introduire 30 m3 d'eau non borée dans le circuit primaire et donc à diminuer les réserves d'anti-réactivité disponibles. En première analyse, celles-ci sont néanmoins restées, grâce aux actions engagées par l'exploitant, à un niveau suffisant pour faire face à une éventuelle reprise de la réaction nucléaire.
     Une inspection de l'autorité de sûreté a eu lieu sur le site le jeudi 8 mars 1990.
     Le redémarrage du réacteur est, par ailleurs, soumis à l'autorisation du chef du SCSIN.
     Compte tenu des enseignements importants qu'il convient de tirer de cet incident et de ses conséquences potentielles, il est classé au niveau 2 de l'échelle de gravité. Une analyse plus approfondie est en cours et pourra donner lieu à une éventuelle modification de ce classement.

PALUEL
Dégradation de la cheminée de ventilation du réacteur 2

     Le mercredi 28 février, alors que le réacteur était a l'arrêt pour visite partielle et rechargement du combustible, de fortes rafales de vent ont entraîné une dégradation de la cheminée se traduisant par un début de déboîtement d'un tronçon situé au niveau de l'anneau support fixé sur la partie cylindrique du bâtiment réacteur. Cet incident a provoqué une inclinaison de quelques degrés de la cheminée.
     Les quatre cheminées des réacteurs de ce site sont composées d'un empilement de plusieurs tronçons en matériau composite collés entre eux. A la suite de la chute de la cheminée d'évacuation du réacteur 1, qui s'était produite le 25 janvier au cours d'une tempête, l'exploitant avait procédé, à la demande du SCSIN, à une vérification des cheminées des 3 autres réacteurs du site. Les contrôles visuels réalisés suite à cette demande n'avaient pas mis en évidence de début de déformation.
     Compte tenu de l'état de l'installation, la sûreté n'est pas affectée par cette situation.
     Le SCSIN a demandé le 1er mars à EDF d'effectuer dans les meilleurs délais un contrôle approfondi de l'ensemble des cheminées du parc de conception analogue à celles de Paluel.

suite:
     Le mercredi 7 mars, la partie supérieure de la cheminée du réacteur 2 de Paluel a été redressée. Elle est actuellement maintenue - dans l'attente d'une solution définitive - en position verticale par 3 câbles de haubanage.
     L'exploitant étudie une réparation permettant de supprimer ultérieurement ces trois câbles et d'assurer une rigidité suffisante de la cheminée. Les résultats de cette étude seront soumis à l'approbation de l'autorité de sûreté.
     Le redémarrage du réacteur a été autorisé par le SCSIN le 13 mars.
     En raison des enseignements à en tirer, cet incident est classé au niveau 1 de l'échelle de gravité.

DAMPIERRE (Loiret)
Remplacement des trois générateurs de vapeur du réacteur 1

     Le réacteur 1 a été arrêté le 17 février pour visite décennale, rechargement du combustible et changement des 3 générateurs de vapeur.
     Ce réacteur de 900 MWe (filière à eau pressurisée) est équipé de 3 générateurs de vapeur assurant le rôle d'échangeur thermique entre l'eau du circuit primaire, portée à haute température dans le cœur du réacteur, et l'eau du circuit secondaire, qui se transforme en vapeur destinée à alimenter les turbines. 
Sur les tubes des générateurs de vapeur (3.300 tubes par GV) des réacteurs à eau pressurisée, des phénomènes de corrosion sous tension et d'usures mécaniques ont été observés.
     Il en résulte:
     - d'une part, des inétanchéités entre le circuit primaire et le circuit secondaire nécessitant un arrêt de la tranche pour intervention et donc une perte de disponibilité.
     - d'autre part, une augmentation des risques de rupture brutale des tubes et par conséquent un impact sur la sûreté des installations.
     Ces difficultés techniques apparaissent, à des degrés divers, sur tous les générateurs de vapeur (500) en exploitation dans le monde.
     Le maintien en fonctionnement des générateurs de vapeur touchés par ces phénomènes nécessite la mise en œuvre d'un important programme de surveillance et de maintenance afin d'assurer un niveau de sûreté satisfaisant et une disponibilité optimale.
     Néanmoins, et malgré les améliorations technologiques apportées sur les générateurs de vapeur des réacteurs en service en France, le remplacement à terme d'une partie d'entre eux doit être considérée comme inéluctable.
     Compte tenu de la présence de défauts en nombre plus important, sur le réacteur 1 de Dampierre, par rapport aux autres réacteurs du parc national, celui-ci a été choisi pour effectuer en 1990 la première opération de remplacement des générateurs de vapeur.
     Ces générateurs de vapeur appartiennent à la famille de ceux qui équipent les 24 premières tranches de 900 MWe.
     La décision d'EDF a été prise sur le fondement de critères économiques (coût de la maintenance, coût du changement), techniques et à la demande du SCSIN.
     Le réacteur 1 sera arrêté environ 6 à 7 mois, dont 5 pour le remplacement du générateur de vapeur (RGV). Le reste de l'arrêt sera consacré aux opérations prévues dans le cadre de la visite décennale.
     Les opérations de décontamination du générateur de vapeur n°3 et de préparation à la découpe des tuyauteries du circuit primaire des générateurs de vapeur sont en cours.
     Dès le 12 mars, les tuyauteries d'alimentation en eau du circuit secondaire des générateurs de vapeur et les tuyauteries auxiliaires ont été découpées.

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SUPERPHÉNIX
L'ARRÊT DU RÉACTEUR
Septembre 1989 - Mars 1990

1. Introduction
     Le mercredi 30 août 1989, le ministre de l'industrie et de l'aménagement du territoire et le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs ont autorisé la poursuite du fonctionnement de la centrale de Creys-Malville.
     Rappelons que le fonctionnement du réacteur est actuellement limité à l'utilisation du combustible présent dans le cœur. Aucun rechargement n'aura donc lieu avant la mise en service, prévue en 1991, du nouveau poste de transfert du combustible (PTC) chargé de remplacer l'ancien barillet.
     Il convient néanmoins de signaler que dans le cas hypothétique d'une fuite de la cuve principale du réacteur, des moyens permettant l'évacuation du combustible sont disponibles sur site depuis octobre 1989 conformément au calendrier de réalisation initial.
     D'ici là, un certain nombre d'arrêts du réacteur sont prévus afin, d'une part, de maintenir la puissance et la sûreté du cœur par des réaménagements internes (permutations d'assemblages, remplacements de barres de contrôle) et, d'autre part, d'effectuer les travaux les plus importants du chantier de construction du PTC.
     L'arrêt du 7 septembre 1989, intervenu après un fonctionnement équivalent à 160 jours à pleine puissance du réacteur, a donc permis de réaliser des permutations d'assemblages et, de plus, d'effectuer des opérations de maintenance.

2. L'arrêt du réacteur
     Cet arrêt se plaçait dans le cadre habituel des arrêts programmés des réacteurs et a fait l'objet, de manière similaire aux autres centrales, d'un suivi de l'autorité de sûreté. Ainsi, le programme prévisionnel des opérations devant être effectuées a été transmis à l'autorité de sûreté avant l'arrêt, et a été modifié à la demande du SCSIN.
     Deux principaux types d'opérations sont effectués au cours d'un arrêt:
     - contrôles et essais d'équipements,
     - modifications de matériels ou de systèmes.
     En ce qui concerne le premier point, le SCSIN s'est tout d'abord assuré que le programme des contrôles et essais correspondait à ce qui était prévu dans les règles générales d'exploitation et prenait en compte les résultats acquis notamment à l'occasion des arrêts précédents. Par ailleurs, la conformité aux critères fixés des résultats ainsi obtenus a été vérifiée.

suite:
     Pour ce qui concerne le second point, l'autorité de sûreté a analysé les modifications qui pouvaient avoir un impact sur la sûreté du réacteur. En particulier, le SCSIN a suivi la modification relative au remplacement des deux réservoirs en acier 15 D3 et susceptibles d'être en contact avec du sodium. Il faut rappeler que cet acier a été à l'origine responsable de la fuite observée sur le barillet du réacteur. De ce fait, ils ont été remplacés par de nouveaux réservoirs en acier inoxydable.
     A la fin des opérations décrites précédemment, l'exploitant a présenté à l'autorité de sûreté un bilan de cet arrêt. Ont été notamment évoqués les événements survenus durant cette période, dont les principaux sont présentés dans la fiche n°1 en annexe à la présente lettre (ci-dessous).
     Le SCSIN a jugé satisfaisantes les actions menées au cours de cet arrêt.
     Par ailleurs, l'autorité de sûreté a demandé à l'exploitant de tirer, avant le démarrage du réacteur les enseignements de l'incident survenu à Phénix au cours de l'été 1989. Ce retour d'expérience a été effectué. La fiche n°2 en annexe à la présente lettre décrit ce dossier.

3. Programme ultérieur d'exploitation
     L'exploitant va poursuivre avec le combustible actuel le fonctionnement et les essais du réacteur pendant une durée équivalente à 405 jours de marche à pleine puissance.
     Durant cette prochaine période, deux autres arrêts sont programmés.
     Le premier de ces arrêts, qui interviendra après une durée équivalente à 240 jours de fonctionnement à pleine puissance, permettra le remplacement des 21 barres de commande principales et le montage du bec de cafetière du PTC.
     Le deuxième arrêt, après une période de fonctionnement équivalente à 320 jours de marche à pleine puissance, permettra, quant à lui, de remplacer les 3 barres du système d'arrêt complémentaire et de mettre en place le bouchon fixe du PTC.

FICHE N° 1
Incidents au cours de l'arrêt

1. Chute d'un engin de manutention dans le bâtiment réacteur
     Le lundi 2 octobre 1989, un engin de manutention provisoire mis en place sur le pont tournant du bâtiment réacteur est tombé d'une trentaine de mètres sur la partie supérieure du dôme du réacteur.
     Il convient de rappeler que la partie supérieure de la cuve principale est fermée par une dalle de plusieurs mètres d'épaisseur, elle-même recouverte par un couvercle, appelé dôme, protection métallique de plusieurs centimètres.

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     L'engin a ainsi heurté dans sa chute l'une des coupoles de ce dôme sans provoquer l'endommagement de celle-ci ni d'aucun matériel important pour la sûreté.
     Une visite de surveillance relative aux causes et aux conséquences de cet incident a immédiatement été effectuée par des inspecteurs du SCSIN. Suite à cet incident, et après prise en compte des demandes complémentaires formulées par l'autorité de sûreté, le bilan des réparations et contrôles effectués a été transmis au SCSIN qui l'a jugé satisfaisant.
     En raison des conséquences potentielles d'une telle chute, et compte tenu des enseignements qu'il convient d'en tirer, cet incident a été classé au niveau 1 de l'échelle de gravité.

2. Rupture d'une ampoule de gaz radioactif
     Le dimanche 25 février 1990, une ampoule de gaz radioactif a été brisée prématurément dans le dôme du réacteur, entraînant l'évacuation des neuf personnes présentes. Cette ampoule contenait 2 gigabecquerels (environ 55 millicuries) de krypton 79 devant être utilisé comme traceur au cours d'un essai de vérification du bon fonctionnement des purgeurs du réacteur.
     Les contrôles effectués par le service médical de la centrale n'ont montré aucune contamination significative des personnes présentes sous le dôme du réacteur au moment de la rupture de l'ampoule.
     Cet événement n'a eu aucune incidence sur la sûreté du réacteur, il n'est donc pas classé dans l'échelle de gravité.

FICHE N° 2
Le retour d'expérience Phénix

1. Rappel de l'incident de Phénix
     Le dimanche 1er octobre, le réacteur de Phénix a été volontairement arrêté par l'exploitant afin d'effectuer des investigations relatives aux arrêts automatiques survenus les 6, 24 août et 14 septembre 1989, et déclenchés par une indication de baisse anormale de réactivité dans le cœur.
     L'analyse de ces arrêts a mis en évidence que cette variation de réactivité avait été provoquée par le passage d'une certaine quantité d'argon (gaz neutre placé au dessus du sodium) dans le cœur du réacteur. Ce passage avait été rendu possible par le fait que les assemblages dits purgeurs, qui sont chargés d'évacuer l'argon présent sous le sommier, ont été bouchés lorsque les pompes primaires ont fonctionné à grande vitesse, la température du sodium étant de 150°C.
     Suite à l'analyse de cet incident, classé au niveau 2 de l'échelle de gravité, l'exploitant a effectué à la demande du SCSIN et en préalable au redémarrage du réacteur:
     - le remplacement des purgeurs par de nouveaux purgeurs dont l'efficacité a été vérifiée lors d'essais dans le réacteur,
     - la modification des procédures de fonctionnement pour éviter à l'avenir ce genre de problème,
     - la démonstration de l'innocuité du phénomène observé.

2. Application à la centrale de Superphénix
     Même si, sur Superphénix, aucun phénomène de ce type n'a été constaté en fonctionnement, ce réacteur appartenant comme Phénix à la filière des réacteurs à neutrons rapides doit bénéficier du retour d'expérience acquis, conformément à la démarche constamment utilisée dans le domaine de la sûreté nucléaire.

suite:
     Dans ce cadre, le SCSIN a demandé à l'exploitant de Superphénix de lui apporter avant redémarrage une démonstration de sûreté portant sur trois points:
     - le bon fonctionnement des purgeurs,
     - l'analyse des procédures de fonctionnement utilisées,
     - l'étude des effets du passage d'une bulle d'argon dans le cœur du réacteur dans l'éventualité d'un bouchage des purgeurs.

2.1. Le fonctionnement des purgeurs
     Tout d'abord, une comparaison des caractéristiques des purgeurs des deux réacteurs a été présentée au SCSIN. Celle-ci montre que les purgeurs placés dans Superphénix sont mieux conçus pour éviter un bouchage. En effet, la pression aux bornes des trous de purge est nettement plus élevée que celle rencontrée sur le réacteur de Phénix, une obstruction est donc plus difficile. De plus, dans l'assemblage purgeur, deux voies différentes de circulation du fluide sont possibles, ce qui rend improbable un bouchage simultané de ces deux voies.
     Par ailleurs, à la demande de l'autorité de sûreté, l'exploitant a effectué un essai, dans le réacteur, d'injection dans le sommier d'un mélange d'argon et de krypton radioactif.
     Cet essai a permis de confirmer le bon fonctionnement des purgeurs de Creys-Malville.

2.2. Conditions de fonctionnement du réacteur
     Même si l'essai réalisé au cours de cet arrêt a montré que les purgeurs de Superphénix n'étaient pas bouchés, l'exploitant s'est assuré que les conditions de fonctionnement du réacteur n'avaient pu conduire par le passé à un tel phénomène et surtout, qu'elles devaient, à l'avenir, empêcher tout bouchage des dispositifs de purge. L'analyse réalisée a en particulier porté sur les phases de remplissage du réacteur en sodium et d'essais à basse température.
     De plus, l'essai d'injection de gaz, a permis de démontrer que le gaz ne pouvait se retrouver piégé sous le sommier en fonctionnement normal. En effet, lors de cet essai, une poche de gaz a été créée artificiellement sous le sommier, les pompes de circulation étant à l'arrêt. Le démarrage et le fonctionnement des pompes a conduit a l'élimination de cette poche.

2.3. Etudes du passage de gaz dans le cœur
     Bien que les éléments cités ci-dessus apportent l'assurance qu'un phénomène du type de celui de Phénix ne peut se produire dans le réacteur de Superphénix, une évaluation des effets d'un passage de gaz dans le cœur a néanmoins été effectuée dans le cadre de la défense en profondeur.
     La réalisation d'une telle analyse répond à l'objectif de toujours disposer de plusieurs «lignes de défense» en série vis-à-vis des incidents susceptibles de survenir.
     Pour ce faire, deux principaux scénarii ont été étudiés s'appuyant sur l'hypothèse d'une formation d'une poche de gaz en périphérie ou au centre du sommier.
     L'ensemble des études réalisées pour ces différents cas montre que le passage hypothétique de ce gaz dans le cœur ne peut mettre en cause l'intégrité de la gaine des assemblages combustibles.

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