FAUT-IL VRAIMENT ETRE CHAMPION EN TOUT?
ou: "la raison du plus fort est-elle toujours la meilleure"?
Bon, puisque le titre est déjà choisi, il n'y a qu'à écrire l'article...
""Bonjour, je voudrais acheter un pistolet mitrailleur
- J'ai plusieurs modèles, je vais vous les montrer""

Un tel dialogue peut s'entendre dans l'un des 230.000 points de vente d'armes à feu qui existent aux USA; l'autorisation de posséder une arme chez soi est considérée comme un droit et en interdire la possession serait perçu comme une atteinte aux libertés fondamentales garanties par la Constitution... Et l'état confédéral américain accepte, au nom du droit, que des millions de citoyens non armés soient exposés à la violence potentielle d'inconscients et de criminels. Nous avons là une parfaite illustration du dilemme que tout état rencontre: "faut-il mettre une limite aux libertés?" Quant à l'Etat américain, peut-il prétendre pacifier la société (et la terre tout entière...) tout en autorisant une coutume qui lui coûte cher en morts et en blessés?

Les chiffres sont accablants, hallucinants: parce que 200 millions d'armes (répertoriées!...) sont en circulation et que certaines personnes ont le toupet de s'en servir, il y a en moyenne un meurtre toutes les 22 minutes soit plus de 26.000 par an; pendant la guerre du Golfe, il y a eu plus d'assassinats à Washington que de soldats américains tués durant toute la durée de l'opération "Tempête du désert". Plus de 60 millions de foyers, soit un sur deux, possèdent une arme à feu; des enfants et des adolescents emportent parfois un pistolet à l'école. Le phénomène a pris une telle extension que pour limiter les dégâts, des entrées de lycées sont maintenant équipées de détecteurs d'armes. Toujours est-il qu'en 1992, 10 mineurs sont morts chaque jour des suite d'une arme à feu. Remarque subsidiaire: est-il possible de rappeler que les USA ont réintroduit la peine de mort pour les enfants?

La possession d'arme(s), aux USA, est autorisée pour que tout citoyen puisse réagir dans le cas où il serait attaqué. Favoriser à ce point la légitime défense par le recours à la violence est la racine du mal: d'ailleurs les statistiques révèlent que les pistolets et fusils achetés pour "protéger sa maison" servent plus souvent pour résoudre des disputes et drames familiaux que pour réagir en cas de cambriolage ou d'agression.

En mars 1991, une loi a été votée par le Congrès qui prévoit une période d'attente obligatoire de 7 jours en vue de vérifier les "qualifications" (?) des acheteurs: ne pourront pas acheter d'arme les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation criminelle, les immigrants clandestins (...), les drogués et les personnes souffrant de troubles mentaux; mais cette loi, ambigüe dans sa démarche discriminatoire, n'est en vigueur que dans quelques Etats et n'a rien fait changer aux statistiques des meurtres, car il demeure facile à n'importe quel criminel en puissance d'aller acheter une arme à feu dans un Etat voisin où aucun contrôle n'est imposé...

Le président Clinton parviendra-t-il à mettre un point final à l'autorisation d'acheter des armes? Il est permis d'en douter, malgré la teneur de ses propos tenus lors de sa campagne électorale: en effet, une telle mesure serait si impopulaire qu'on peut se demander si Clinton aurait le courage politique de la prendre... Entre parenthèses, ceci montre le poids de l'opinion (voir plus loin).

Vous direz peut-être que la France n'est pas (encore?) concernée par cette sorte de record.... Voire, elle aussi sait être championne du monde en "articles de mort":

1) vente d'alcool, drogue licite et meurtrière s'il en est...

2) consommation de tranquillisants: aux USA on croit se protéger du conflit en le... "supprimant", en France on fait l'autruche... n'y a t-il vraiment que ces deux choix?

3) commerce des armes (record par habitant), trois records dont on se passerait bien... Nous avons peut-être (je ne connais pas les chiffres de tous les pays) aussi un 4ème record qui est celui du gâchis dans l'aide au développement: sur 40 milliards de FF, il n'en arrive que 5% à destination...Cependant à ce sujet, "même" les médias traditionnels commencent à parler de l'action de plusieurs associations, OSI (Organisations de Solidarité Internationale, nouveau nom des ONG) et mouvements de citoyens auprès des parlementaires et du gouvernement, ce qui prouve le poids de l'opinion. Jusque-là, le dire ne changeait pas grand chose, il semble que cela évolue, mais n'oublions pas et Amnesty International le montre chaque jour:

""Ecrire, c'est faire un pas hors du rang des meurtriers"" (F.Kafka)

Sources: Le Monde Diplomatique (avril 92) et Alternatives Non Violentes (avril 93)

Yves Renaud