LES PARTICULES S'ENVOLENT, LES ECRITS RESTENT?...
Je vous avais annoncé la parution de l'historique de Tchernobyl (1500km), ceci en rapport avec le projet de redémarrage de Superphénix (70km...). Le voici, non pas sous forme polémique, mais en comparant les faits et les écrits de l'époque.

Fait: le 26 avril 1986, le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, explosait, libérant dans l'atmosphère d'énormes quantités de produits radioactifs.

Ecrit: le 29, Pierre Pellerin, directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI), "informe" comme suit la population française "l'accident ne concerne qu'une zone très peu peuplée dans un rayon de 25km autour de Tchernobyl; en ce qui concerne l'hygiène publique il n'y a pas de réel danger et certainement pas plus loin que 10 à 20 km au nord de la centrale".

Fait: dès ce même 29, Monaco annonce une élévation de la radioactivité sur la principauté.

Ecrit: le directeur du SCPRI signale "des traces de particules, non significatives pour la santé publique"

Fait: en Italie et en Allemagne en particulier, les mesures des scientifiques amènent à interdire la consommation de lait frais pendant un mois pour les enfants et celle des légumes verts pour toute la population.

Ecrit: "il faudrait imaginer (!) des élévations de 10 à 100.000 fois plus importantes pour que commencent à se poser des problèmes significatifs; aucun aliment ne doit être retiré de la consommation".

Fait: à la demande de particuliers et de scientifiques, des prélèvements (eau de pluie, herbe et terre) sont faits par l'Institut de Physique Nucléaire de Lyon; tous les échantillons sont contaminés (iode, césium, ruthénium, tellures...) à des niveaux qui n'ont rien à voir avec les "traces de particules".

Ecrit: la préfecture de la Drôme appelle les producteurs à porter plainte contre "une association d'extrémistes dont les agissements vont les conduire à la faillite".

Fait: des prélèvements, qui sont répartis entre les laboratoires officiels et l'Institut dans le but d'analyses contradictoires, sont effectués en présence d'huissier; l'Institut publie le premier ses résultats et une semaine après (?), le SRPRI confirme la réalité de la contamination.

Les particuliers et les scientifiques ci-dessus créent une association qui, en 1989, considérant les résultats obtenus au terme de deux ans d'étude, porte plainte contre l'Etat français pour information mensongère et défaut de protection des populations, puis fait appel (après le jugement du Tribunal Administratif de Bastia le 15/7/92 qui donnait raison à l'Administration) auprès de la Cour Administrative de Lyon, étayée d'un rapport scientifique (chiffres de l'OMS en particulier) de 50 pages.

Ecrit: la réponse, en mai 93, consiste en une simple feuille recto verso rédigée par... le directeur du SCPRI (!) où il soutient que les normes n'ont jamais été dépassées et ce, malgré les photocopies des propres bulletins du SCPRI, fournies par l'association, où figurent des analyses de lait dépassant de plus de 8 fois les limites établies par la CEE, ce qui a entrainé par exemple en Corse, qu'un enfant buvant un seul litre de lait recevait à la thyroïde une dose supérieure à celle qu'il ne faut pas dépasser sur UN AN!

Pour en terminer avec ce monsieur, rappelons cette... obscénité (il n'y a pas d'autre mot) dite en tant qu'expert envoyé en Biélorussie après l'accident: ""De toutes façons vous n'avez pas les moyens de faire déménager la population""... (source: "Sous l'épaisseur de la nuit" documents et témoignages, 159 pages parues sur Tchernobyl en 1993)

Autre fait? Il y a eu l'accident de la ville secrète de Tomsk, en Sibérie, où encore une fois le SCPRI indiqua dans un communiqué que la dose reçue par les pompiers qui ont lutté contre l'incendie correspond à celle délivrée lors d'une radioscopie pulmonaire. En fait? Un village est contaminé et les enfants d'un autre ont dû être évacués... Bien sûr ce SCPRI (de trop sinistre réputation malgré tout) va être remplacé par une Agence de Radioprotection, mais la seule nouveauté réside en fait dans l'apparition d'un conseil d'administration où vont siéger, tenez-vous bien, des représentants du CEA et d' EdF!! Enfin, le nouveau vice-président (le président est le Ministre de l'Industrie) du Conseil général des Mines, qui a un rôle décisif en matière de sûreté nucléaire, n'est autre que l'actuel PDG de la COGEMA: depuis quelques mois, il n'est plus utile de présenter cet organisme, tant les chaînes de télévision nous ont abreuvé de ses spots publicitaires ("COGEMA, la matière première du nucléaire"). L'affaire du sang contaminé a montré combien il est difficile de savoir qui prend effectivement les décisions, qui est au courant et qui... préfère fermer les yeux; je vous laisse deviner en lisant cet extrait d'un texte paru dans la revue "Flux", éditée par les ingénieurs de l'école Supélec:

""Il pourrait même y avoir des conséquences positives dans les rayonnements car, et toutes les expériences le prouvent, lorsqu'on augmente le nombre des médecins, le taux de cancer diminue; (et un peu plus loin) quand on a la technique, quand on a les appareils, quand on sait s'en servir, le risque est nul"".

Yves Renaud