VERS PLUS DE JUSTICE?
    La pauvreté ne s'étale pas au grand jour; on en parle peu, pourtant elle est bien là avec ses formes diverses de précarité, d'inégalités et d'injustice. Voici quelques réflexions autour "des" pauvretés, au NORD comme au SUD.
    Revenu imposable moyen par foyer fiscal à Paris: 114.260F, dans l'Aveyron: 58.00F; éventail des salaires en France: 2.91 en 1984, 2.99 en 1988; au niveau du monde, les 20% les plus riches, donc nous..., se partagent 82.7% du revenu mondial tandis que les 20% les plus pauvres "ont droit" à 1.4% ! Et comme par hasard les pays qui investissent le plus dans le militaire sont les plus mal classés en terme de "développement humain". Aurons-nous le courage de faire un lien avec le fait que notre pays est le 3ème exportateur d'armes du monde, commerce qui soit-disant (voir semaine précédente) "maintient l'emploi" ?!
    Ces quelques chiffres pour nous rappeler que cette croissance économique, que l'Occident attend comme une manne, est en réalité une croissance des injustices; d'accord, les les plus pauvres vivent peut-être mieux en 1992 qu'en 1942 ou 1789, mais les plus riches y vivent tellement plus riches... Ce phénomène est encore plus criant dans les pays les plus pauvres; et, suivez mon raisonnement..., les plus pauvres des pays les plus riches "s'enrichissent" plus vite que les plus pauvres des pays les plus pauvres: on ne peut même pas imaginer une solidarité du type "pauvres de tous les pays unissez-vous!".
    Face au chômage, on se lamente sur le manque de travail; permettez-moi de dire "quelle bêtise!": le travail manque-t'il vraiment quand on voit tout ce qui n'est pas réalisé, ne serait-ce que dans le domaine social ? Certes le travail rémunéré se restreint, mais en fait l'écart des salaires fait que la création d'un haut salaire supprime plusieurs bas salaires; et comme l'écart continue à se creuser la croissance augmente le chômage. C.Q.F.D; et voilà pourquoi réapparaît cette idée de partage du travail...
    Mais qu'est-ce qui nourrit ce phénomène ? En plus d'une logique intrinsèque à la sacro-sainte craoissance, c'est en fait surtout le désir, impossible à assouvir, de posséder toujours plus (désir de plus sans cesse stimulé par la publicité...). Et alors, comment casser ce processus ? Et bien, j'ose à peine dire qu'il suffit d'inverser le modèle du désir: désirer avoir moins... Ce que Gandhi avait aussi voulu dire avec son fameux "talisman: quand tu entreprends quelque chose, demande-toi si cela permettrait d'améliorer le sort du plus pauvre" (il rajoutait "que tu as vu aujourd'hui"...). Alors, si avant un regard sur le haut de l'échelle des revenus, on donnait un coup d'oeil vers le bas, cela donnerait peut-être le vertige de se voir si haut et sait-on jamais, l'envie de redescendre un peu ?!
    Si de moins en moins de gens ont de plus en plus, et si de plus en plus ont de moins en moins de travail, où va-t'on ? Vers la guerre !! Car pour mater la révolte des miséreux, il faudra bien inventer "une bonne guerre" qui (apparemment...) va relancer la... croissance, diminuera la démographie et re-répartira les richesses... toujours dans le même sens....
    Finalement, pour ne pas être complice de ce système, il devient nécessaire de commencer à diminuer ses besoins, limiter ses désirs de possession, se trouver d'autres modèles, bref repenser notre rapport au partage (et pas seulement des salaires): pas avec les riches mais avec les pauvres. C'est là, me semble-t'il un autre premier pas: après le changement de regard, premier pas vers l'espoir (voir chronique précédente), voici le premier pas vers plus de justice.

P-S: ATD Quart Monde nous rappelle qu'il organise depuis 5 ans une journée contre l'exclusion et la pauvreté, le 17 octobre (en souvenir de l'action du Père Joseph Wrésinski, aujourd'hui décédé). A Paris, la manifestation a lieu sur le parvis du Trocadéro, endroit symbolique, puisqu'en 1948 y fut signée la déclaration universelle des droits de l'homme: à 15 heures, heure française, un texte texte du Père sera lu dans 200 villes de 50 pays des cinq continents.

Yves Renaud