A CHACUN SON CRI
Cette chronique sera courte mais les chiffres que je viens d'apprendre sont à "l'en crier". Nous sommes à la fin des vacances d'été. Une proportion importante de vacanciers est allée ou ira cette année encore dans un pays appartenant de près ou de loin à ce qu'il est hypocritement convenu d'appeler les pays en voie de développement: de quoi? De leur mieux être ou de celui des "tours operators"?! (mais une chronique a déjà été consacrée à ce problème...).

On parle peu dans "nos pays", du paludisme contre lequel certains de ces vacanciers prennent leurs petites pilules d'un geste automatique et anodin. Pourtant l'Institut Pasteur vient de publier un essai de bilan: le paludisme, c'est deux milliards d'individus exposés (environ le tiers de l'humanité!); un milliard infectés; trois à quatre millions de morts par an dont un à deux dans le seul continent africain... L'incertitude même de ces chiffres exprime clairement le déficit de moyens et donc de volonté actuels; je précise "actuel" car au début il y eut la quinine; malheureusement, les produits de synthèse, s'ils ont permis de limiter la zone critique aux régions tropicales, ont favorisé l'extension géographique de parasites résistant à cette arme dite "idéale". En aparté (parce que la découverte de la quinine le fut grâce aux Amérindiens) il serait temps de reconnaître que les pays pauvres ont quelque chose à dire aux nations riches. N'oublions pas que de nombreuses conquêtes de ces peuples dits "autochtones" font partie de notre vie quotidienne, le plus souvent sans que nous le sachions, aussi bien dans le domaine de la nourriture, des médicaments à base de plantes et même du langage. Nous aurions donc beaucoup à apprendre de leur savoir ancestral et de leur attitude face à cette nature que nous massacrons sous prétexte de la domestiquer...

Revenons aux chiffres ci-dessus: ils sont tellement énormes qu'à la limite ils ne parlent plus; alors voici une comparaison trouvée dans la revue "La Recherche", comparaison insoutenable: le budget mondial de la recherche contre cette maladie est d'environ 50 millions de francs; bon, pourquoi pas, car là encore, nous ne manipulons généralement pas personnellement de telles sommes; et bien, ce n'est que 10% de ce qui a été recueilli en cette fameuse et récente soirée télévisée pour le SIDA à la TV française (donc dans un seul pays...), mais il représente aussi le budget audio-visuel d'une heure pour l'anniversaire du débarquement en Normandie et, pis encore, tenez-vous bien, celui de la journée d'inauguration du... parking des Champs-Elysées ! (chiffres toujours pris dans La Recherche, donc).

Puis-je préciser enfin que c'est presque 10.000 fois moins que ce qui est fait (et qu'il est légitime de faire, je le précise..) en faveur du Sida? Et pendant ce temps là, il y a donc et dans l'indifférence mondiale, six fois plus de victimes que n'en aura fait le génocide rwandais, qualifié par tous les médias (toujours à juste titre...) de «catastrophe humanitaire sans précédent» et cela à chaque trimestre!

B.B., elle, pousse son fameux cri médiatiquement pour aider "nos amis les bêtes" victimes des hommes se comportant commes des parasites pour elles. Moi je pousse le mien ..."chroniquement" et cette fois pour rappeler que nous continuons de nous comporter (comme il est hélas toujours convenu aussi d'appeler) "bestialement" vis à vis de nos "frères de couleur" comme dirait le Chef Seattle. Il est vrai que nous ne nous étonnons si peu de voir nos villes et nos campagnes se déshumaniser, alors que dans le même temps que nous continuons à tant consacrer à la machine reine qu'est la "bagnole", de voir nos enfants se droguer sous plein de formes alors que nous faisons tant de publicité pour les cigarettes, le tabac, l'alcool... Je vois que nous ne nous rendons pas encore compte que chaque jour, "quelque part", nos comportements ont à voir avec l'injustice et la violence; alors, pendant que ce drame inacceptable se perpé..."tue", même s'il est devenu de plus en plus résistant par notre faute et même s'il frappe nos semblables, vous comprenez qu'on à autre chose à faire que de se préoccuper du sort d'un moustique !!!...

En espérant ne pas avoir trop gâché le souvenir de vos vacances, je vous souhaite une reprise moins "bourdonnante" que celles de ces f... moustiques.

Yves Renaud