I / ATTENTION: "MIRAGES" DANGEREUX !
ou
un "mirage" peut en cacher un autre...
Le contrat de vente de Mirages 2000 à Taïwan est célébré par la plupart des grands médias. D'un autre côté, de nombreuses personnes du monde entier s'élèvent contre cet événement; mais en est-ce vraiment un dans la mesure où, malgré les résolutions de modération prises par les principaux exportateurs lors de la Guerre du Golfe, les exportations (très) momentanément réduites ont repris de plus belle ?!

Je sais, Dassault n'avait pas vendu un seul avion militaire depuis 1986 et licencie régulièrement; ce sont donc plutôt des considérations à courte vue de notre complexe militaro-industriel en surcapacité notoire et non pas des considérations stratégiques, qui ont décidé à déverser des tonnes de matériel sophistiqué dans des pays (Taïwan, Indes, Pakistan, Malaisie, Corée du Sud, Philippines, Thaïlande et Chine communiste, excusez du peu et encore je ne parle que de l'Orient...) dont la sécurité ne passe sûrement pas par des fournitures d'armes. Tiens ça me rappelle un autre... "complexe" (bien?!) français qui est lui aussi dans le même cas et qui est obligé de "brader" son électricité à d'autres pays européens qui n'ont pas, en plus, à se préoccuper des déchets nucléaires mais "seulement" de pannes et autres accidents (bien sûr hypothétiques!)...

Sans avoir eu la place de développer, j'avais déjà souligné l'année dernière qu'une industrie militaire était un frein sur l'emploi et donc l'économie, voici quelques autres explications "en vrac" montrant que les armes tuent également l'emploi:

Les retombées positives de la recherche militaro-industrielle dans le domaine civil sont quasi inexistantes (voir l'Usine Nouvelle du 12 janvier 89: Recherche militaire, le mythe des retombées) - par simple effet d'éviction, cette recherche et toutes commandes de matériels militaires détournent l'épargne nationale dont le secteur productif civil aurait besoin pour investir (rappelons qu'environ 40% des crédits publics de R. et D. sont absorbés par "le" militaire - lorsque la recherche est fortement militarisée, elle tend à favoriser l'émergeance de pôles industriels de très haute technologie qui n'ont qu'un très faible effet d'entrainement sur le reste du tissu industriel; le résultat est là: les entreprises françaises et étasuniennes se battent pour déverser sur le monde cette technologie de pointe (et de MORT, nous risquons de l'oublier...), et en revanche ces mêmes pays importent de la technologie allemande ou japonaise pour faire tourner leurs usines. Est-il possible d'oser faire remarquer que ces 2 derniers pays n'ont pas eu à trainer - bien sûr, plus pour des raisons historiques que par choix volontaire!... - le... "boulet" de l'armement ?! Réfléchissons-y et ne concluons surtout pas qu'il ne s'agit que d'une coïncidence...

Sachons ainsi que si cette commande va préserver - temporairement! - quelques 5000 emplois, notre "complexe" perdra de toutes manières des emplois: 100'000 (!) d'ici à 1995; pour défendre Dassault, ce qui n'est sûrement pas la même chose que défendre la France (n'oublions pas entre autres la perte du marché du métro de Canton, mais il se confirme ainsi que transporter des humains est moins... payant que de les tuer!), il a ainsi "fallu" vendre à Taïwan, en occultant autant que possible la problématique stratégique et en mettant en avant les arguments qui... "montent au créneau"(!): l'économie et l'emploi. En outre, et ce n'est pas le moindre problème: quid des problèmes de relations internationales que cela entraine?

ALORS QUOI FAIRE?

"Tout simplement", il conviendrait peut-être enfin d'engager une politique de CONVERSION de notre appareil militaro-industriel avec des moyens adéquats: loi de (dé)programmation militaire, 11ème Plan, démilitarisation de la recherche-développement publique au profit d'activités civiles susceptibles d'utiliser les technologies modernes, notamment dans la protection de l'environnement, toutes propositions existant depuis des années (pour ne pas dire des décennies) dans tous les milieux soucieux de tous les défavorisés du Nord au Sud et finalement du FUTUR.

Donc, et puisqu'après tout, ils sont notre avenir, ne serait-il pas temps de réfléchir à ceci:

SI NOUS LAISSONS VENDRE DES ARMES, NOUS N' IRONS PAS EN PRISON, MAIS... NOS ENFANTS MOURRONT A LA GUERRE !

II / GUERRE(S) ET PAIX...

Il y a beaucoup de choses à dire sur le sujet... douloureux de la guerre, et de la violence en général. Je ne peux donc prétendre répondre à toutes les questions, surtout en si peu de place, mais en complément de ma récente chronique sur la vente des Mirages 2000, voici quelques autres réflexions beaucoup plus générales, à commencer par l'étonnement que l'on n'ait pas encore compris que l'histoire nous montre que si la guerre est toujours à recommencer c'est qu'elle n'est sûrement pas la solution pour résoudre les conflits! Même les animaux apprennent en se trompant (voir les expériences de Pavlov), pas nous, semble-t-il... L'histoire nous apprend aussi que la démocratie exige des citoyens responsables AVANT d'être des citoyens prêts à tuer ou "seulement" à vendre des armes.

Croire aussi que nous ne serions pas en guerre dans nos pays (la Yougoslavie est pourtant en Europe!), serait oublier les guerres économiques qu'ils créent et entretiennent au Tiers Monde, dont la situation économique désespérée y suscite des fuites en avant dans des conflits internes ou externes et dont les risques sont évidemment aggravés par l'irresponsabilité des marchands d'armes; comment imaginer que ces conflits nous laisseraient toujours indemnes? Quel poète a dit: "les riches flottent dans l'océan des pauvres"? Beaucoup de personnes et donc de peuples n'ont pas encore compris combien nous sommes liés à la survie des pays dits du "Sud" et combien notre pays dit "des droits de l'homme", s'il n'est pas totalement coupable, est responsable des droits de ces hommes là en particulier, c'est à dire que nous aurons donc à "répondre" (sens original de "responsable"...) devant les générations futures, de l'état où nous aurons laissé la planète et ses habitants en "partant". Sous quelque angle que l'on prenne le problème de notre survie à tous, ce n'est donc sûrement pas en éparpillant des armes partout qu'on le résoudra.

L'emploi détourné de croyances et théories, même scientifiques (entre autres celle de l'évolution!), pour justifier la guerre et son cortège inéluctable de violences, n'est pas nouveau; ceci est d'ailleurs résumé dans la fameuse "Déclaration de Séville" faite en 1986, année internationale de la Paix(!) par des savants et scientifiques du monde entier... (je suis prêt à la fournir à toute personne intéressée). Et contrairement à ce qu'une majorité de personnes croit encore, l'histoire montre aussi que les guerres n'ont pas toujours existé, cf les recherches et découvertes de nombreux ethnologues.

Autre chose: plusieurs pays ont choisi d'être sans armée et ne s'en portent pas plus mal, au contraire: le Costa-Rica en est l'exemple le plus récent dont le Président a même obtenu le Prix Nobel de la Paix pour cela... D'ailleurs, il faudrait peut-être réfléchir sur le fait que les 2 plus grandes puissances économiques du 20ème siècle sont l'Allemagne et le Japon qui - bien sûr, involontairement! - n'ont pas pu "investir" dans l'armement... Question subsidiaire: que faut-il penser des licenciements dans les industries militaires du monde entier? J'en profite enfin pour rappeler qu'il y a eu de multiples victoires non-violentes et cela, même pendant la seconde guerre, la plus connue étant celle du roi du Danemark qui, après l'ordre aux juifs de porter l'étoile jaune l'a porté lui-même et a donné l'exemple à tous les Danois: devinez le résultat... Je signale qu'il existe même un livre qui a été écrit sur ce type d'actions durant cette guerre: "sans armes face à Hitler" de Jacques Sémelin, ceci pour répondre à la question la plus souvent posée: "mais qu'auriez-vous pu faire contre lui" (comme si les menaces les plus graves venaient toujours des "autres", qu'il s'agisse aussi bien de personnes, de races, de cultures, de coutumes, de religions et en oubliant surtout que "les nôtres" ne sont qu'un amalgame multi-millénaire de toutes celles-ci...).

A long terme, ceux qui "gagnent" ne sont donc pas toujours ceux que l'on croit: ne pas se cacher que s'il y a (apparemment) un gagnant, ce n'est pas forcément celui qui a "raison" mais souvent le plus déterminé ou... le plus armé, donc celui qui a "investi" le plus dans la Mort!...

Alors, puisque de toutes façons, on FINIT TOUJOURS par lui, pourquoi ne pas COMMENCER par le dialogue?! Et réfléchissons enfin sur cette pensée de Rudyard Kipling:

""La première victime des guerres est la vérité""

Yves Renaud