HUMANITAIRES OU HUMANITE ?
Grâce à une habile provocation de Mr Boutros-Ghali, la Somalie est apparue "à son tour" sur nos écrans: il a déclaré à propos de la Yougoslavie qu'elle était une "GUERRE DES RICHES"! C'est "gonflé", car les victimes n'auront sûrement pas apprécié, mais il a voulu dire que l'Europe et les USA en tête, se préoccupaient plus de cette guerre proche que de la situation en Somalie; car dans ce pays les "candidats" à une mort prochaine se comptent par millions.

Même si encore une fois, médias aidant, elle risque d'être éphémère, une certaine prise de conscience est apparue et des moyens humanitaires ont été débloqués; cela dit, "Médecins sans frontières" s'est mobilisé et a multiplié les cris d'alarme depuis janvier 91...

Entre parenthèses, même s'il y a plusieurs façons d'aborder le problème, déclarer que "le problème doit se traiter sur le territoire de l'ex-Yougoslavie" (M.Bérégovoy) signifie que ceux qui se trouvent sous les bombardement sont priés d'y rester; serait-il même de bon goût qu'ils y meurent héroïquement? Pendant ce temps la France reste aux Français... ethniquement pure! Sans doute est-il naturel d'être davantage préoccupé par ce qui se passe à proximité, mais à partir de quel degré d'indifférence peut-on parler "d'épuration ethnique", au moins passive? En serbo-croate cela donne:

ETNICKO CISCENJE
en somalien, je ne sais pas et je ferme la parenthèse.

Ce que je voulais dire c'est que l'on a tendance à mettre les humanitaires "à toutes les sauces": au nom de leur éthique, on les envoie en éclaireurs pour voir s'ils vont ou non se faire... canarder; si le convoi passe c'est qu'il y a encore quelque-chose à tirer du pays, sinon même l'action humanitaire n'a plus qu'à plier bagages et le pays reste soumis à la loi du plus fort.

Seconde parenthèse, au sujet d'une intervention militaire "limitée, chirurgicale" (on sait ce que cela a donné...), les militaires eux-même se montrent enfin prudents, voire sceptiques et pour une fois on ne peut que les approuver quand ils affirment que la moindre intervention serait terriblement meurtrière.

Les médecins, infirmiers et tous les autres tentent donc de soigner ou de faire parvenir de la nourriture, mais outre qu'ils sont otages d'une situation anarchique, ils sont surtout otages de notre bonne (?) conscience, bonne conscience largement encouragée par les médias et... les gouvernements. Bien sûr, l'aide humanitaire est indispensable; bien sûr que les problèmes yougoslaves et somaliens (tiens, aurions-nous déjà oublié les kurdes ?!) échappent à la rationalité géopolitique - preuve que le "nouvel ordre mondial" reste un mythe - ; bien sûr qu'une aide humanitaire, même dévoyée par des arrières-pensées politiciennes ou pillée par quelque milice locale, c'est mieux que rien du tout; bien sûr que l'action de ces "humanitaires" interdit désormais cette sinistre affirmation d'il y a 50 ans "Nous ne savions pas", MAIS ces gestes se multiplient pour masquer notre impuissance, pour faire oublier l'apathie, l'atonie des diplomates et des politiques (et... des nôtres!), et le courage des uns risque d'apparaître un jour, et peut-être rapidement, comme une duperie, ce qui ne serait bon ni pour l'humanitaire, ni pour le politique, ni... pour l'humanité.

Certes, il y a la notion d'ingérence qui progresse, avec toutes ses ambiguïtés aussi, notemment celle d'une militarisation de l'humanitaire, mais nous y (re)voilà: celle-ci ne sera finalement et une nouvelle fois que le résultat de la militarisation de l'humanité...

Alors en guise de conclusion je citerai simplement ceci:

"IL Y A PLEIN D'HUMANITAIRES PARCE QU'IL N'Y A PLUS ASSEZ... D'HUMANITE"

(D.L.Pélegrin)

Ne soyons donc plus seulement spectateurs devant nos écrans, devenons acteurs de nos vies... et des "leurs".

Yves Renaud