Le PRIX ou la VALEUR du Monde ?
La fin de l'année est proche. Pour beaucoup, elle est synonyme de fête ou plutôt de fêtes; pour d'autres, beaucoup plus nombreux, ils ne seront pas "de la fête" ni surtout "à la fête"; pour certains des premiers, il s'agira de (se faire?) croire que tout va bien dans le meilleur des mondes, pour la plupart des seconds, il s'agira de constater que tout va de plus en plus mal.

"Dans ce monde où tout a un prix mais où plus rien n'a de valeur" (Pierre Rabhi: voir chronique "Pour une terre humaine"), il va de nouveau y avoir cette frénésie d'imitation mutuelle que vivent la plupart de nos contemporains pour avoir et paraître plus, frénésie qui accentue jour après jour les clivages entre nantis et pauvres. Et bien peu encore pressentent ce qu'elle a de pernicieux pour chacun et pour tous, et bien au delà des conséquences économiques et "terre à terre": pendant cette période, plus encore que durant le reste de l'année, nous allons privilégier l'urgence, nos petites urgences aux dépends de l'essentiel. Cet essentiel, même et parce que nous n'avons pas tous les mêmes valeurs (à défaut d'avoir les mêmes Valeurs...) pourrait pourtant être résumé en quelques phrases simples:

"Là où des hommes vivent dans la misère, les droits de l'homme sont violés; s'unir pour les faire respecter est un devoir sacré" (Père Joseph Wresinski; phrase gravée dans la pierre sur le parvis des Droits de l'homme au Trocadéro).

"Nous ne devrions pas pouvoir décemment vivre dans un monde une moitié libre et l'autre esclave de la maladie, de la misère, de la guerre, de la dictature, où l'on ne peut pas vivre... décemment" (transcription de la parole d'Abraham Lincoln: "Notre nation ne peut vivre moitié esclave et moitié libre").

Est-ce donc une coïncidence si l'on voit "fleurir" à cette époque, au milieu de toutes les publicités... "alléchantes", toutes ces sollicitations pour des "coups de coeur" parlant des pays et des gens qui connaissent des difficultés dramatiques et à qui on (permettez-moi l'expression) "aumône" des aides, avant d'oublier et de passer à autre chose: pour nous donner bonne conscience? On ne peut plus se contenter de ces à-coups, même et surtout parce que ce phénomène est lié à notre mode de vie, et même si, comme je l'ai déjà écrit, ces actions sont et seront toujours nécessaires.

Malheureusement, sur cette planète (c'est dommage de ne pas savoir ce qui se passe sur les autres, mais on serait capable de vouloir faire pire, le cas échéant...!) gouvernée par l'économie, l'heure n'est pas à la solidarité: la fameuse "reprise" dont on nous rebat les oreilles étant d'abord celle des pollutions et injustices de toutes sortes; même des réalisations apparemment utiles ne sont pas exemptes d'injustice, comme les investissements dans les zones qui "gagnent", alors qu'il serait plus juste et encore plus utile à long terme d'assurer une réelle solidarité entre les zones riches et celles qui cumulent les handicaps historiques (la région Rhône-Alpes en connaît...).

Pourtant, même d'un point de vue... purement (?!) égoïste, nous devrions avoir des motivations très fortes à ce que cette situation ne se perpétue pas ainsi, ne se focalise pas entre deux mondes ("trois"?: avec les Tiers et Quart Monde...) qui s'observent et qui demain risquent de plus en plus de s'affronter; c'est notre intérêt immédiat (plus essentiel que "l'urgence" des fêtes...), ce n'est pas seulement un acte de générosité. Malheureusement les cas les plus spectaculaires, donc les plus médiatiques - la presque impossible survie de l'Afrique - sont souvent les plus lointains ("loin des yeux, loin du coeur" est toujours d'actualité...) et s'ils sont proches mais pas (ou mal...) médiatisés - sans logis, sans travail, sans santé - on ferme les yeux fermant peu à peu nos coeurs.

Voilà, je me suis efforcé de retenir mon "en crier", mais la coupe est pleine pour de trop nombreux laissés pour compte, n'attendons pas que la dernière goutte la fasse déborder: le PRIX de nos VINS donnerait-il vraiment une VALEUR à nos VIES ? Pensons-y en vidant nos verres souvent trop pleins pendant ces fêtes...

Yves Renaud