"ILS N'ONT QU'A FAIRE MOINS D'ENFANTS?"
Voici un résumé de ce que l'on peut répondre à une affirmation entendue trop souvent concernant la croissance démographique au Tiers Monde (TM); il ne s'agit pas là seulement de réflexions personnelles mais également de celles de nombreuses "sources autorisées" telles l'Unesco et de "voix" de plus en plus nombreuses d'économistes et sociologues du monde entier.

Avant tout, quelques mythes à détruire: il est tout d'abord indispensable de relativiser ce que l'on appelle "l'explosion démographique" dans ces pays car chaque nouveau-né aux USA coûte à l'environnement et aux ressources naturelles autant que, par exemple 55 indiens, 168 tanzaniens et... 900 népalais; sachez que pour les européens, vous n'avez qu'à diviser ces chiffres par 2 ...

Ensuite, il est utile de savoir que les femmes du TM voudraient faire moins d'enfants si elles le pouvaient (résultat d'une enquête mondiale de l'UNESCO). Les pays industrialisés y ont préconisé le contrôle des naissances comme solution évidente, mais des décennies de pratique n'ont apporté que des résultats médiocres, car tant que les enfants représenteront la seule sécurité sociale pour la vieillesse, ces programmes ne seront d'aucune utilité; donc, jusqu'à ce qu'ils puissent survivre en grand nombre, ils continueront à naître en grand nombre... Et ne peut-on pas juger plutôt sinistre qu'il y ait tant d'argent pour contrôler la vie et si peu pour la promouvoir?

Il est également trop souvent affirmé que cette démographie galopante serait le trait commun de ces pays: or, il existe des pays du TM sous-peuplés! De plus, même les densités de population par rapport aux surfaces de terres arables sont comparables avec la moyenne mondiale (Unesco 1974). Une caractéristique plus flagrante y serait plutôt la prédominance de la jeunesse. Non, le principal point commun est le sous-développement. Enfin, nous nous gargarisons des victoires de "l'homme blanc" sur certaines de leur maladies, mais déjà qu'il n'a pas en même temps rendu possible la santé, il ne faudrait pas oublier non plus qu'au début de la "conquête" il a d'abord augmenté leur mortalité (maladies importées, travaux forcés,etc...)!

Essayons de résumer les conditions, s'imposant sur le plan social, pour une diminution réelle de la croissance démographique: 1/ la fécondité des femmes diminue quand le revenu de la famille augmente. 2/ les femmes plus instruites ont moins d'enfants 3) plus la mortalité infantile est élevée, plus on désire d'enfants. 4/ la fécondité diminue avec la prolongation de l'allaitement maternel (ce qui rejoint les boycotts successifs dirigés contre des multinationales qui affirment que le lait "artificiel" est meilleur, alors que l'utilisation de ce lait entraine la mort de 4000 enfants par jour - à cause de la mauvaise qualité de l'eau - chiffre Unesco encore). 5/ l'exode rural vers les "bidonvilles" est une cause essentielle de déracinement, d'appauvrissement et d'insécurité sociale pour des millions d'êtres humains. Ces conditions étant valables dans n'importe quel contexte, pourquoi donc le TM suivrait un autre processus que celui suivi par les pays aujourd'hui développés et de plus, comment oserions-nous exiger (des Africains en particulier) qu'ils fassent en quelques années ce que nous avons fait nous-même en plusieurs siècles?

Le maintien d'une forte natalité ne doit donc plus être considéré comme le reflet de l'imprévoyance, du fatalisme, de la primauté des intérêts sexuels ou de la marque d'une indifférence à l'égard de la promotion sociale, car elle procède de comportements hérités d'un très ancien passé, de valeurs spirituelles estimables et enfin surtout de l'intérêt de familles placées dans des conditions économiques et sociales rendant nécessaire un grand nombre d'enfants. L'augmentation de la population est ainsi surtout excessive par rapport à une croissance économique restreinte; elle n'aurait pas pu prendre une telle ampleur et engendrer de telles difficultés avec un réel développement économique et social: elle est plus un effet qu'une cause et bien que la masse de la population soit un facteur non négligeable, il ne faut surtout pas confondre la partie et le tout.

Une note d'espoir: quand on voit ce "qu'ils" arrivent à faire dans des situations de dénuement, il ne serait pas étonnant qu'ils obtiennent des résultats spectaculaires avec des ressources plus importantes.

En résumé et puisque, que cela plaise ou non, il est fort probable que la population mondiale commencera par doubler avant de se stabiliser, il faudra bien que les pays riches admettent enfin que les problèmes démographiques (et ceux qui touchent à l'environnement...) resteront sans solution tant que des intérêts immédiats l'emporteront sur les objectifs à long terme; ils faudra bien aussi qu'ils admettent que "leurs" problèmes sont aussi "nos" problèmes.

A noter que je n'ai fait qu'effleurer (en introduction) le volet "pollution" car cet aspect est déjà suffisamment mis en avant pour présenter la surpopulation comme LE danger majeur, probablement du fait que la misère du tiers monde n'émeut plus guère les pays riches, car ce n'est pas tant le développement du TM qui nous intéresse que la conservation du nôtre!...

Yves Renaud