"LA" CRISE
Dans quelques semaines, il va y avoir des choix politiques à faire... Pourtant, je vais essayer de ne pas parler de politique au sens où on l'entend généralement, c'est à dire comment on vote, mais plutôt comme je l'ai déjà dit ici, comment on vit. Vous avez évidemment entendu ce mot que l'on nous sert quotidiennement et à tous les niveaux, national ou local, professionnel ou familial et même laïc ou religieux: là, je pense à Mgr Gaillot, bien qu'il ne s'agisse pas de foi car ce mot c'est la... CRISE!

Mot devenu presque magique car il nous pousse à croire que ce n'est que passager. Et ce n'est probablement pas "innocent", même si parfois c'est inconscient: il évoque ainsi, comme dans la maladie à quoi elle me fait penser, un état normal que l'on aurait provisoirement perdu et que l'on pourrait retrouver plus tard. Je trouve cela particulièrement sournois et les discours scientifique et politique, en particulier, ne s'en privent pas: «dormez en paix, Mercure et... Ballah (!) veillent sur vous». Sournois et (car?) rassurant: «bien sûr, c'est seulement la faute des prédécesseurs mais voyez, nous en sommes sortis et plutôt bien, regardez la bourse, la croissance, la consommation...». Consommation, que ne faisons-nous pas dire en son nom! A tel point qu'elle est devenue la "pointe de touche" de nos valeurs aussi bien individuelles que collectives, censée qu'elle est de remplir tous nos vides, ce qui nous mène d'ailleurs parfois à la crise... de foie !

Le consommateur, parlons-en justement: question économies d'énergie, entre autres, c'est vrai qu'apparemment les familles actuelles n'en font pas tellement. Mais il y a de quoi être mécontent et même de quoi s'insurger: parfois pris pour enclume, parfois pour marteau, parfois entre les deux, le consommateur est accusé de tous les vices en même temps qu'on réclame de lui toutes les vertus. Il devrait savoir sans être informé et s'il cherche à s'informer, il n'a pas le droit de savoir (voir le nucléaire en particulier, dans le rapport de l'UNESCO dont je vous ai fait part il y a peu au sujet de Superphénix): il est ainsi à la fois accusé, alibi et juge.

Par exemple, en même temps qu'il lui est conseillé d'acheter des appareils économes en énergie - essence et électricité le plus souvent -, il voit des cohortes de camions transporter des marchandises qui pourraient tout aussi bien être véhiculées en train, il assiste à une multiplication des centres commerciaux (obligeant à prendre la voiture...) tandis que des petits commerçants "meurent"; et dans le même temps qu'on inonde de lumière le moindre monument, on continue, parce qu'on a trop construit de centrales, à promouvoir le chauffage "presque tout nucléaire" au rendement si désastreux: qu'on arrête ce double langage, il faut savoir ce qu'on veut!

Je crois que le consommateur est maintenant prêt à faire un effort, mais à condition de ne pas être le seul à y consentir: il en a assez qu'on ferme les yeux sur les gigantesques gaspillages de certains milieux économiques, financiers et... sportifs, même si depuis quelques années, il semble que cela aille mieux de ce côté, alors gardons... la foi!

Mais je n'oublie pas surtout que nous n'avons pas tous, les moyens de consommer... Etant obligé de résumer, je dirai que la préservation des ressources naturelles (et que l'intérêt que nous en avons) dépend des conditions de vie des gens et qu'il faut leur assurer les conditions leur permettant de continuer à se maintenir sur place pour certains et en vie pour d'autres. Cela soulève de multiples questions auxquelles il est impératif de répondre AVANT d'envisager toute politique, questions autour de notre acceptation de "l'Autre" et surtout de nos différences en termes de cultures et de traditions. Ne nous cachons pas que des changements fondamentaux seront nécessaires dans le fonctionnement de nos sociétés et que de ce point de vue, ces Autres ont à nous apprendre ne serait-ce que dans notre relation aux jeunes et aux vieux, ainsi qu'à la santé. Nous continuons à oublier que nous sommes interdépendants et à ressentir l'étranger comme une menace, non seulement l'immigrant, mais d'une façon générale toutes les populations ayant un autre mode de pensée tandis qu'au contraire, de notre côté, "notre" tourisme sexuel représente une menace infiniment plus importante pour eux et... pour nous, par conséquent soyons égoïstes et pensons aux autres!

Face à tout cela, aucune solution n'est toute prête ni même à portée de main. La situation est radicalement nouvelle, même si elle ne nous est pas "tombée dessus" et l'Histoire ne paraît pas pouvoir nous aider beaucoup. Pourtant, des pistes devraient ne pas être oubliées. On ne doit désormais plus se situer par rapport à notre seul village ou pays, en vertu (mais malheureusement le plus souvent à cause) de l'internationalité de tous les échanges. Nous devrons fonder toute action sur des principes éthiques incluant le respect des peuples futurs mais aussi lointains, ne pas justifier les moyens par la fin et ce qui peut sembler trivial, réintroduire le temps dans notre vie! Avec ces f... ordinateurs en particulier, nous faisons tout pour l'abolir, pour être soi-disant en temps réel! Si nous pouvions le défier ce temps, c'est comme si nous croyions être immortels, or c'est parce que le temps nous est compté que nous agissons. Nous ne pourrons donc pas plus échapper à la durée qu'à l'indispensable solidarité envers les Autres. Même si (apparemment) nous ne sommes pas (encore) menacés, l'enjeu est important: il en va "seulement" de l'espèce humaine. Alors, bonnes vacances "égoïstes"!

Yves Renaud