DES CANONS A NEIGE AUX... CANONS
Deux fois ne sont pas coutume, mais cette chronique est encore un écho à un article de H.B. paru dans le «Pays Gessien» du 24 juin: les chiffres annoncés aussi bien en nombre de "canons" qu'en coût d'installation pour enneiger artificiellement Crozet-Lélex, ainsi que la phrase «Vous avez le choix d'écraser le blessé ou de le soigner», m'ont fait revenir à l'esprit l'introduction du "Symposium contre les exportations d'armes" tenu à Genève l'année dernière en présence d'un expert de l'ONU:

« S'il fallait 1000F en 1914 pour tuer un homme à la guerre, la haute technologie militaire de notre temps en requiert des millions pour arriver au même résultat». Je rajouterai que l'ensemble des dépenses militaires mondiales représente la production nationale de la Chine, de l'Inde et du Mexique soit 2 milliards de personnes...

Au delà des conséquences économiques, sociales et politiques d'un tel état de fait, comment ne pas oser dire que non seulement les guerres continuent de vider les coeurs de leur sang - que nous avons tous le même, quelque soit notre religion, notre couleur, notre race, nos idées ou... notre ethnie- mais que dans le même temps elles emplissent d'or "certains" coffres; là, je ne montre pas seulement du doigt ceux des marchands de canons mais plus gravement ceux de dirigeants de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud.

Même si l'analyse des causes historique, politique ou "ethnique" des conflits actuels est incontournable, tant que nous ne répondrons pas à la question «QUI excite des belligérents et leur fournit les moyens de s'entretuer, QUI profite de la situation, marchands d'armes, gouvernements ou cartels financiers?», nous ne montrerons que notre cynisme et notre volonté que cela dure. Il n'y a qu'à voir la foire, pardon le salon de l'armement Eurosatory du Bourget, «dans un marché où on voit poindre de nouvelles perspectives suite au changement de mission des armées occidentales» (qui a osé dire "humanitaires"?). Certains disent que les entreprises vont être "obligées" de se reconvertir, en particulier dans le recyclage des déchets (mais ne faisaient-elles pas déjà que cela?!). Certains se plaignent d'un exode de cerveaux: mais quand le philosophe disait qu'il valait mieux une tête bien pleine qu'une tête bien faite, pensait-il pleine d'argent (qui plus est... sale)? Savez-vous que le coût du porte avions Charles de Gaulle, ses avions et équipements représente 1% du PIB de la France?! Et quel coût, en vies humaines ou en argent, devons-nous retenir des (ir)résolutions successives de l'ONU, que le général sus-nommé qualifiait de "Machin"? Atermoiements qui discréditent toute idée de droit international, même si ce droit que l'on voudrait voir s'exercer sur la planète ne garantirait pas à coup sûr la «paix perpétuelle» (Emmanuel Kant), mais au moins une réelle volonté.

Mais voilà, il s'agit encore et toujours d'un problème de responsabilité personnelle, qu'il s'agisse des guerres que nous laissons faire par les armes que nous laissons vendre ou des pollutions que nous entretenons par les déchets que nous produisons (liste non limitative). Et on se rassure grâce à cette f... TV, on se crée une bonne conscience en donnant cent francs au Téléthon, on devient résistant parce qu'on montre l'héroïsme de ceux qui ont débarqué, on fait sa bonne action parce qu'on a vu des images du Rwanda, et puis on passe à autre chose... Je crois que les gens se laissent "un peu paumer" par ce monde devenu artificiellement trop grand (ah, les soi-disant prodiges du direct, du temps réel et cette réalité dite virtuelle dont on nous rebat les oreilles de plus en plus!), qui nous fait vivre les uns à côté des autres au lieu de vivre ensemble, et par ces médias qui nous occultent les éléments essentiels pour mieux comprendre les conflits récents ou actuels. Mais enfin quoi, les questions de sécurité, défense, course aux armements, conflits internationaux ne peuvent pourtant plus s'aborder et surtout se résoudre sans parler d'écologie, de développement et de justice entre le Nord et le Sud!

Nous ne devons donc plus faire l'économie d'une remise en question, nous devons réaliser enfin que la "vraie" information, la rencontre et le dialogue font plus pour la paix que les canons qui laissent les vaincus et les "vainqueurs" (?) aussi victimes les uns que les autres des marchands d'armes: puisque de toutes façons, les guerres et les conflits se terminent toujours autour d'une table de négociation, la sagesse de nos "intellectuels", de nos dirigeants (et la nôtre!) ne devrait-elle pas énergiquement soutenir le droit à la différence, à la parole, à la confrontation des idées?

En cette période des vacances qui j'espère, ne sera pas une période de... "vacance" de notre solidarité, je vous propose de réfléchir sur cette phrase de l'abbé Pierre extraite de son «Testament»:

«LA VIE, C'EST APPRENDRE A AIMER»

Encore une fois, bonnes vacances à ceux qui partent et surtout bon courage à ceux (plus nombreux...) qui restent!

Yves Renaud