"PLUS QU'HIER, MOINS QUE DEMAIN"(*)
(Rosemonde Gérard, 1871-1953, femme de lettres française.
Elle fut l'épouse d'Edmond Rostand et la mère de Jean Rostand)
Qu'on veuille bien m'excuser d'utiliser cette formule tellement utilisée par les amoureux, car même s'il va être dans une mesure certaine question de sentiment humain, il ne s'agit pas de celui qui nous habite quand on pense à l'être... de nos pensées. Mais en cette période de préparation festive, comment ne pas penser à cette augmentation du nombre d'exclus: car quelque soit notre milieu nous avons tous besoin de manger, quelque soit notre culture nous avons tous besoin de rire, quelque soit notre couleur nous avons tous... la même ombre.

Pour cette occasion et pour la seconde fois, j'émaillerai mes réflexions de mes notes de lecture d'un livre: il s'agit de "Repenser la solidarité" publié aux Editions Universitaires en 1991 par le "BIEN" (Basic Income European Network), organisation internationale qui, voulant répondre à une urgence de solidarité, milite pour l'allocation d'un revenu d'existence à toute personne vivante. Autour de la théorie développée par l'économiste Y.Besson, il a été créé en France un groupe de travail réuni par le Pr. Henri Guitton, membre de l'Institut.

Lorsque nous regardons autour de nous, il y a de moins en moins d'emplois et de plus en plus de "biens"; mais comme il y a de moins en moins de... "Bien", il y a de plus en plus de pauvres. Et pourtant nous continuons à croire en un système économique qui non seulement oblige à être (ou avoir été) titulaire d'un emploi pour avoir des ressources, ce qui montre déjà un oubli certain de solidarité (pensons aux handicapés, aux retraités et surtout aux femmes à la maison qui sont partout les plus oubliées), mais surtout qui exclut ceux qui n'ont plus de ressources, ce qui est tout simplement inhumain voire criminel.

Il y a malheureusement une relation ambigüe et même entretenue entre le travail et le salaire: tout ce qui n'est pas salarié ne serait pas digne du mot travail; ainsi entendons-nous souvent dire au sujet des sus-nommés que leurs activités les "occupent" et même: "qu'on leur donne une pension mais qu'ils ne nous prennent pas notre boulot"! Résultat, on invente souvent n'importe quoi pour distribuer un salaire et pendant cela, toute une série d'activités ne peut pas être correctement rétribuée faute de fonds: hôpitaux, maisons de repos, aides à domicile... Alors on en arrive à ce paradoxe qu'il faut obliger les gens à travailler pour ne plus être exclus alors qu'il est toujours répété que le travail est aliénant! Permettez une "horreur" (pas plus grande que le problème dont je parle...): on pourrait peut-être se rappeler que l'esclavage et pourquoi pas le goulag ignorent le chômage; en sont-ils les seuls remèdes?! Est-ce aller trop loin de rappeler également que ce même mot est utilisé pour désigner aussi bien l'activité de la ménagère, de celle qui accouche, que celle de la p...?! Serait-il également choquant de dire que le drame du chômeur est moins celui de la privation d'emploi que celui du drame de la misère et de la privation d'un revenu? Et pourquoi ne pas rappeler qu'on nourrit bien les criminels en prison?!

Autres questions inattendues: comment se fait-il que les riches, marginaux par définition, sont toujours respectés (sinon acceptés...) alors que les pauvres sont toujours exclus et méprisés? Ces questions, et beaucoup d'autres doivent nous confirmer que notre système n'est plus adapté, comme l'esclavage ou le servage en d'autres temps. Le RMI a essayé d'y répondre, mais il n'est qu'une solution d'urgence, sans doute immédiatement nécessaire, qui ne sort pas de cette autre contradiction qui entraîne à payer les pauvres à condition qu'ils veuillent travailler alors que dans le même temps on paye les chômeurs "à condition qu'ils ne travaillent pas"! (cela est à peine exagéré!)

Changeons quand même de registre: il a été utilisé le mot "inventer"; quel grand inventeur, savant, artiste, fondateur de religion n'a pas au moins commencé sa "carrière" en tant que marginal? Ils sont pourtant exceptionnels et donc au sens propre MARGINAUX, en dépit d'une activité qui ne les insère nullement. Et pourtant, sans eux, l'humanité en serait toujours à l'âge de pierre et peut-être aurait-elle même disparue! N'oublions pas non plus cette relativement récente prise de conscience que la survie d'une espèce est liée à la plus grande diversité possible: LES MARGINAUX SONT DONC LA CHANCE DE NOTRE SOCIETE (cqfd...).

Je recommande à ceux qui veulent entrer dans la réalité économique de ce revenu, la lecture de ce livre particulièrement facile à lire; sachez également que de nombreuses autorités scientifiques participent à ce projet, entre autres le Pr. Meade, rien moins que Prix Nobel d'économie!

Pour terminer et comme souvent, je vous confie cette pensée pour bien finir l'année et bien initier la prochaine:

«Renoncer à l'idée de meilleur des mondes mais vouloir un monde meilleur. Comprendre que le temps n'est plus à la "lutte finale" mais à la lutte initiale» (Edgar Morin), la plus dure étant sans conteste celle que nous allons devoir fournir contre nos habitudes et nos égoïsmes...

(*) extrait de ce poème:
Et, comme chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain
Qu'importeront alors les rides du visage,
Si les mêmes rosiers parfument le chemin?

Yves Renaud