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ACTUALITE INTERNATIONALE de L'ENVIRONNEMENT
Faut-il un statut pour les réfugiés de l'environnement?
ADIT septembre 2007, http://www.liberation.fr

     «Le climat pourrait faire doubler le nombre de migrants»: tous les lundis, un expert décrypte une question d'actualité. Aujourd'hui, François Gemenne, chercheur à l'université de Liège.
     Faudra-t-il lever les ponts-levis ou tisser des passerelles? C'était la question que se posaient, vendredi, les patrons français lors d'un atelier consacré aux réfugiés climatiques à l'université du Medef. En guise de témoin, Laurence Parisot avait fait venir Tavau Teii, vice-Premier ministre de Tuvalu, petit bout de terre du Pacifique, dont la survie est menacée par la montée des eaux. Chercheur à l'université de Liège, François Gemenne décrypte les enjeux de cette nouvelle immigration.

Comment définir un réfugié environnemental?
     La notion de réfugié environnemental reste assez floue et difficile à cerner, car il n'existe pas encore de définition du concept qui fasse l'unanimité. Généralement, c'est une personne forcée de quitter l'endroit où elle vit suite à un changement de son environnement, qui peut être brutal (tremblement de terre, tsunami…) ou progressif (désertification, montée des eaux…), naturel (éruption volcanique…) ou anthropogène (déforestation…). Parmi les réfugiés environnementaux, les réfugiés climatiques sont ceux dont la migration est motivée par des bouleversements directement liés aux changements climatiques. Mais attention, le terme «réfugié» est trompeur et utilisé à mauvais escient. Ce concept est strictement défini par la convention de Genève de 1951, et il était taillé sur mesure pour les réfugiés d'après-guerre. De surcroît, une partie des réfugiés environnementaux choisit de migrer volontairement et pour d'autres raisons, économiques, politiques, et sociales.

Peut-on prévoir le nombre de réfugiés environnementaux dans le monde?
     Le rapport Stern sur les conséquences économiques du changement climatique, publié l'an dernier, estime que le nombre de personnes déplacées par le changement climatique pourrait s'élever à 200 millions en 2050 (un chiffre de l'écologiste Norman Myers), c'est-à-dire le double du nombre total de migrants actuels. En réalité, ce chiffre est basé sur le nombre de personnes qui vivent dans des régions à risque. Le nombre réel de personnes déplacées dépendra surtout de l'ampleur des modifications climatiques, c'est-à-dire de ce que nous ferons aujourd'hui pour en limiter les effets, mais surtout des mesures d'adaptation qui seront prises pour aider ces populations à faire face aux conséquences du changement climatique. Mais le phénomène de déplacement des populations a déjà commencé, en Afrique subsaharienne ou dans les Etats insulaires du Pacifique Sud, par exemple.

Quel statut accorder aux réfugiés environnementaux?
     Une réflexion est en cours dans les milieux académiques, qui tente d'évaluer les avantages et les inconvénients de chaque régime de protection possible. Certains Parlements se sont saisis du débat: une résolution a été votée l'an dernier au Sénat de Belgique, demandant à ce que la délégation belge aux Nations unies pousse à la reconnaissance internationale du statut de réfugié environnemental, et des résolutions similaires ont été déposées au Parlement européen et au Conseil de l'Europe.

En Australie, une proposition de loi a été introduite par le parti écologiste, demandant la création d'une nouvelle catégorie de visas, et le Parti travailliste a aussi produit un document similaire. Enfin, il y a une amorce de réflexion au sein du Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés, sur la question d'une éventuelle révision de la convention de Genève. Mais si on met aujourd'hui ce sujet sur la table, beaucoup craignent que le régime d'asile soit en réalité restreint plutôt qu'élargi.

Comment cet afflux de migrants va-t-il modifier les politiques d'immigration?
     Les migrations environnementales recouvrent des types de déplacements extrêmement diverses (préventifs ou non, liés à une catastrophe naturelle ou bien à des dégradations beaucoup plus lentes). Certains migrants peuvent rentrer chez eux après un certain laps de temps, tandis que d'autres sont condamnés à un exil définitif. Des migrations différentes appellent donc des réponses différentes. D'une manière générale, on manque d'éléments: s'il y a beaucoup de travaux menés sur les migrations économiques ou politiques, nous connaissons encore assez mal les migrations environnementales.

Comment réagissent les Etats face à ces vagues de migrants?
     Quand ils y sont confrontés, c'est généralement l'impréparation qui prévaut. Deux ans après le passage de l'ouragan Katrina, un très grand nombre de personnes déplacées vivent encore dans des caravanes, notamment parce que les autorités n'étaient absolument pas préparées. C'est vrai aussi pour le Darfour, où la sécheresse a provoqué les premiers mouvements de populations. Or dans de très nombreux cas il y a urgence: les populations déplacées par des désastres environnementaux ne sont absolument pas (ou mal) assistées et leur migration n'est pas encadrée. Toutefois, les déplacements environnementaux sont souvent des migrations à l'intérieur d'un seul Etat, et la question se pose donc un peu différemment. Mais le changement climatique pourrait bien sûr modifier cet état de fait.

Et les populations?
     Dans le cas de Katrina, on a vu que les populations des villes voisines de La Nouvelle-Orléans, comme Houston, avaient d'abord très bien accueilli les immigrants, mais, au bout de quelques mois, avaient manifesté une hostilité croissante à leur égard. Des problèmes de racisme et de discrimination sont devenus plus criants: après la réaction émotionnelle du début s'est installée une certaine exaspération. Cela sera d'autant plus vrai si ces problèmes sont couplés à des problèmes de surpopulation, d'accès aux ressources ou à l'eau potable. 


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