CONTROVERSES NUCLEAIRES !
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2009
juin
Du combustible nucléaire civil pour tous
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    Le projet d'une banque mondiale d'uranium faiblement enrichi, évoqué à Prague par Barack Obama, sera bientôt examiné par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)
Le 25 Mai 2009

     Il aura fallu un véritable engouement planétaire pour l'énergie nucléaire et un discours remarqué du président américain Barack Obama pour que l'idée d'une banque internationale de combustible nucléaire fasse son chemin. Au moment où une soixantaine de pays affichent ouvertement l'ambition de développer un programme nucléaire civil, ce vieux projet, serpent de mer de la politique internationale depuis 1946, pourrait fort voir le jour dans un avenir proche.

Montrer patte blanche
     Le 15 juin à Vienne, le conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), examinera pour la première fois trois propositions parallèles, une russe, une allemande et une kazakhe, visant à ériger une telle banque. Le principe est simple: il s'agirait de confier à l'AIEA une réserve importante d'uranium faiblement enrichi (UFE), le combustible classique utilisé par les 436 centrales nucléaires actuellement en activité dans le monde, pour le revendre à tous les pays demandeurs, à un prix équitable, sans préconditions politiques ou idéologiques.
     Ce système permettrait de faire entrer un maximum de pays dans un nouvel âge nucléaire, à l'heure où s'épuisent les réserves mondiales d'hydrocarbures, sans accroître les risques de prolifération. La maîtrise du cycle de l'atome resterait l'apanage de quelques puissances nucléaires maîtrisant cette coûteuse technologie, mais l'obtention de combustible ne serait plus réservée à une poignée de «nantis». Dorénavant, tout pays aux besoins énergétiques justifiant de s'engager dans le nucléaire civil pourrait frapper à la porte de l'AIEA et obtenir de la matière fissile pour ses centrales nucléaires, après avoir «montré patte blanche».
     Pour les futurs clients, le cahier des charges est déjà préétabli: ils devraient renoncer à enrichir eux-mêmes l'uranium, signeraient des accords de garantie nucléaire avec l'AIEA, ainsi qu'un régime d'inspections renforcé, afin d'éviter tout détournement de matière fissile vers des applications militaires clandestines. Des propositions soumises à l'AIEA, celle de Moscou paraît la plus simple et la plus rapide à mettre en œuvre: 120 tonnes d'uranium faiblement enrichi (UFE) seraient stockées dans le complexe nucléaire d'Angarsk (Sibérie) et chaque transaction interviendrait après le feu vert de l'AIEA.

     Plus ambitieuse, la proposition kazakhe, qui recoupe l'allemande, vise à créer de toutes pièces un centre international d'enrichissement de l'uranium, qui serait cette fois placé sous l'autorité directe de l'AIEA, le pays hôte prenant à sa charge les dépenses de fonctionnement et la protection physique des installations.
     Les dirigeants de l'AIEA n'en font pas mystère: une telle mise sous contrôle multilatérale ne constitue à leurs yeux que le premier pas vers une mise en commun, à un horizon plus lointain, de toute la production d'uranium enrichi sur la planète. Le pari semble insensé, mais le discours proféré le 5 avril a Prague par Barack Obama, dans lequel il appelait de ses vœux la création d'une telle banque de combustible au nom de la lutte antiprolifération et du désarmement nucléaire, indique un infléchissement notable de Washington sur la question.

L'apport de Warren Buffett
     Outre Barack Obama et le président kazakh, Noursoultan Nazerbayev, le directeur général de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, qui quittera son poste en novembre prochain, peut compter sur le soutien inconditionnel de l'homme le plus riche des Etats-Unis, le milliardaire Warren Buffett. En 2006, celui-ci avait promis de contribuer pour 50 millions de dollars au lancement d'une telle banque, à condition que les Etats membres de l'AIEA fournissent les 100 millions de dollars manquants pour acheter les premières 60 à 80 tonnes d'uranium faiblement enrichi nécessaires au démarrage du projet.
     C'est chose faite: les Etats-Unis ont mis 49 millions de dollars sur la table, le Koweït et les Emirats arabes unis (EAU) 10 millions chacun, la Norvège 5 millions et l'Union européenne 25 millions €. Le choix du Kazakhstan revêt en outre une dimension symbolique susceptible de faciliter l'adhésion des plus réticents: après l'effondrement de l'URSS en 1991, cette ancienne république soviétique avait d'elle-même restitué les ogives nucléaires abandonnées sur son territoire par l'ex-Armée rouge.
     Reste à convaincre certains Etats membres de l'AIEA, à commencer par l'Italie, l'Afrique du Sud et l'Egypte, qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle manœuvre des grandes puissances, peu désireuses de partager un savoir-faire aussi éminemment stratégique.

© 2009 Le Temps SA