CONTROVERSES NUCLEAIRES !
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2009
mai
D'inexplicables leucémies près d'une centrale nucléaire en Allemagne
ADIT

GEESTHACHT, Allemagne (AFP)

     Depuis 20 ans, une paisible région rurale allemande affiche un taux de leucémies infantiles trois fois supérieur à la moyenne et des militants mettent en cause les installations nucléaires toutes proches.
     En vain jusqu'à présent: les expertises se contredisent.
     "On nous dit que c'est normal, mais on nous prend vraiment pour des imbéciles. Les chiffres sont frappants, ce n'est pas un hasard", s'emporte Uwe Harden, un élu local social-démocrate qui préside "l'Association citoyenne contre les leucémies dans la région de l'Elbmarsch" (BI).
     Dans un rayon de quelques kilomètres autour de la centrale nucléaire de Krümmel, située au bord du fleuve Elbe à environ 30 km en amont de Hambourg, 19 cas de leucémies ont été recensés depuis fin 1989 chez des enfants de moins de 15 ans. C'est trois à quatre fois plus que l'incidence normale.
     Le dernier cas en date, celui d'une petite fille de six ans, a été rendu public en début d'année.
     "Une telle fréquence de leucémies, c'est unique au monde", souligne le Dr Hayo Dieckmann, responsable des services sanitaires dans la petite ville voisine de Lunebourg, et militant antinucléaire déclaré.
     Fin 2007, une étude statistique nationale basée sur l'ensemble des centrales allemandes avait d'ailleurs montré que le risque de cancer infantile augmentait nettement pour les riverains des réacteurs.
     Les entreprises du secteur, elles, réfutent tout lien de cause à effet.
     Dans l'"Elbmarsch", une région aisée parsemée de maisons aux toits de chaume, les autorités locales ont multiplié les missions d'enquête et les expertises, mais sans parvenir à des résultats acceptés par toutes les parties.

     De son côté l'association BI accuse la centrale nucléaire de Krümmel, mais aussi et surtout le centre public de recherches scientifiques GKSS, vaste campus boisé jouxtant le fleuve, à moins de deux kilomètres de la centrale. Quelque 700 chercheurs y travaillent sur des thèmes liés au climat ou au développement de nouveaux matériaux de construction.
     Or le GKSS exploite à Geesthacht, depuis 1958, un réacteur nucléaire de faible puissance, qu'il utilise comme source de neutrons, pour examiner les structures de la matière.
     Les militants de BI croient en l'hypothèse d'un accident qui serait survenu au GKSS le 12 septembre 1986, l'année de l'accident de Tchernobyl, et qui aurait donné lieu à un dégagement anormal de rayonnements radioactifs.
     "Une légende", répond le centre de recherches. "Il n'y a pas eu d'accident ce jour-là. C'était un jour tout à fait normal", assure Iris Ulrich, biologiste et chargée de communication au GKSS.
     Pour en avoir le coeur net, l'association BI a fait procéder à des prélèvements dans le sol, à proximité de la centrale. Un physicien nucléaire de Minsk, Vladislav Mironov, y a trouvé des matériaux très radioactifs "qui n'ont rien de naturel".
     Mais un autre scientifique, le géochimiste Axel Gerdes, un spécialiste des isotopes radioactifs qui enseigne à l'Université Goethe de Francfort, a procédé à ses propres prélèvements, à la demande du GKSS. "La radioactivité était absolument normale", indique-t-il à l'AFP.
     "En revanche, dans ces échantillons j'ai trouvé des métaux lourds: plomb, arsenic, zinc, nickel, chrome, etc.", ajoute le chercheur.
     Des résidus qui pourraient s'expliquer par l'histoire de la région: pendant huit décennies, une immense usine d'explosifs était installée à l'emplacement actuel de la centrale nucléaire et du centre de recherches. C'est d'ailleurs sur ce site, fondé en 1865 par le chimiste suédois Alfred Nobel, que fut inventée la dynamite.
     Or la fabrication d'explosifs rejette des métaux lourds.
     Une thèse qui ne convainc pas Uwe Harden, qui continue à privilégier l'hypothèse d'un accident en 1986.
     "Ca n'est pas correct de fuir ses responsabilités. Le problème, c'est que les autorités sont de mèche avec les acteurs de l'énergie nucléaire", déplore l'élu local.