CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE DES CONTROVERSES...

2009
mai
AREVA au Niger
ADIT, http://www.asso-sherpa.org/

     AREVA a exploité pendant de nombreuses années, au Gabon et au Niger, des mines d'uranium en méconnaissance totale des règles les plus élémentaires de santé et de sécurité. Les mineurs et leurs familles ont été délibérément laissés dans l'ignorance des conséquences de la radioactivité. Aujourd'hui, nombre d'entre eux souffrent de graves problèmes de santé directement lié à l'exposition radioactive. Il est essentiel qu'AREVA leur octroie réparation et change radicalement les méthodes et conditions de travail dans toutes les mines qu'elle exploite.
Les mines d'uranium d'AREVA au Niger et au Gabon
AREVA au Niger
     AREVA est l'actionnaire principal de deux sociétés minières SOMAÏR et COMINAK qui exploitent une série de gisements d'uranium dans le Nord du Niger à environ 250 kilomètres d'Agadez. Deux mines d'uranium, Arlit et Akouta, sont exploitées.
     SOMAÏR, la Société des Mines de l'Aïr, a été crée en 1968. COGEMA contrôle 69,4% des parts et l'Office National des Ressources Minières (ONAREM, société nigérienne) en détient 30,6%. C'est une mine à ciel ouvert à une profondeur de 50 à 70 mètres. Une usine de traitement du minerai se trouve à proximité de la mine et produit de l'uranate de soude, un concentré aussi appelé «yellow cake». En 2003, la SOMAÏR employait 543 salariés.
     COMINAK, la Compagnie Minière d'Akouta, a été créée en 1974. Son capital est détenu à hauteur de 34% par AREVA, 31% par l'ONAREM, 25% par la Compagnie japonaise OURD et 10% par l'actionnaire espagnol ENUSA. A proximité de cette mine souterraine à une profondeur de 250 mètres se trouve une usine de traitement du minerai. En 2003, la COMINAK employait 1.035 salariés.
     Pendant longtemps, ces deux mines ont fourni l'essentiel de l'uranium utilisé en France pour la production d'électricité et d'armes nucléaires.
     La ville d'Arlit est située dans le désert du Sahara au Nord du Niger à 200 km de la frontière algérienne. Elle a été créée à la suite de la découverte et de la mise en exploitation en 1969 des gisements d'uranium d'Arlit et Akouta par les autorités nucléaires françaises.

AREVA au Gabon
     Mounana est située dans la région du Haut-Ogooue au sud-est du Gabon, à 90 km de Franceville et 500 km de Libreville.
     La mise en exploitation du gisement d'uranium de Mounana a débuté en 1958.
     Fin 1960 furent réalisées pour un montant de 5 milliards d'anciens francs l'édification d'une usine, de logements et de bureaux.
     En avril 1961 la production industrielle démarrait et l'usine produisait les premières tonnes d'uranate de magnésie. L'activité s'est développée dans les années suivantes:
     - la carrière de Mounana de 1961 à 1967, puis, après agrandissement, de 1972 à 1975;
     - la mine souterraine de 1965 à 1971;
     - le gisement d'Oklo à partir de 1968;
     - le gisement de Boyindzi depuis fin 1980.
     Les principaux actionnaires étaient l'état Gabonais, la Compagnie de Mokta et AREVA.
     L'exploitation a été définitivement arrêtée en juin 1999, faute de réserves économiquement exploitables.
     Mounana, petit village à la lisière de la grande forêt et de la savane, au sud-est du Gabon est devenue au fil du temps une ville de 7000 habitants. Toutes les infrastructures inhérentes à la vie locale ont été créées: écoles, hôpital , habitations, approvisionnement, lieux de cultes, terrains de sports...

Les faits: l'exposition des employés et de leurs familles au risque radioactif
Des mesures de sécurité inadaptées
     En dépit de la dangerosité des tâches et de l'environnement d'une exploitation de gisements d'uranium, au Niger comme au Gabon, les sociétés minières filiales d'AREVA n'ont pas pris les mesures de protection et de sécurité qui s'imposaient:
     - absence ou insuffisance d'information des employés sur les questions de sécurité et les risques liés à la radioactivité;
     - pendant longtemps, absence de tenues de travail, les employés travaillant avec leur tenues de ville et regagnant leur domicile avec leurs vêtements couverts de poussières de minerai; même lorsqu'il existait des vêtements de travail, ceux-ci étaient nettoyés au domicile familial;
     - absence ou insuffisance des équipements de protection individuelle (masque, gants...)
     - absence ou insuffisance de suivi dosimétrique, permettant de comptabiliser les quantités de rayonnement ionisants et de poussières de minerai reçues par un individu; même lorsqu'il existait un suivi dosimétrique, les employés étaient mal informés et les dépassements observés n'apparaissent pas sur les registres
     Dans les mines du Niger, des améliorations ont été entreprises à partir de la fin des années 80. Cependant, les mesures de sécurité demeurent insuffisantes. En effet, les injonctions répétées de l'inspection du travail montrent que de graves lacunes subsistent, notamment en ce qui concerne les équipements de sécurité et la situation des travailleurs sous-traitants (lesquels représenteraient, selon l'inspection du travail, près de 60% de l'effectif global). Par ailleurs, ces mesures étant intervenues de manière très tardive, les employés qui ont intégré la SOMAÏR au début de l'exploitation (fin des années 60- début des années 70) ont par conséquent été largement exposés à des risques importants durant une longue période.

Un environnement contaminé
Contamination de l'eau
     Au Niger, les eaux d'alimentation sont puisées et distribuées par les société minières.
     Des échantillons prélevés en 2003, 2004 et 2005 et analysés par la CRIIRAD montrent que les eaux distribuées dépassent largement les normes de potabilité internationales. Cela signifie que de l'eau contaminée est distribuée quotidiennement aux travailleurs depuis au moins début 2003. Aucune mesure de précaution ni d'information n'a été prise à ce sujet.
     Au Gabon, il semble que l'eau potable provenait de sources proches des résidus miniers, ce qui laisse présumer une éventuelle contamination de l'eau.
     Plus généralement, au Gabon, les eaux des rivières Ngamabougou et Mitembé seraient devenues acides du fait du traitement industriel de l'uranium. Cette contamination aurait des répercussions sur le développement de la vie aquatique et aurait entraîné des conséquences sur la chaîne alimentaire.
     De plus, une partie des résidus a été déversée dans la rivière et se retrouve sur les rives et le fond de la vallée.

Utilisation des résidus miniers pour la construction des habitations et bâtiments publics
     Au Gabon comme au Niger, un certain nombre d'habitations et de bâtiments et édifices publics ont été construits à l'aide de résidus ou des remblais provenant de l'exploitation de la mine.
     Au Gabon, à Mounana, des contrôles de radioactivité dans la maternité, une partie du camp des infirmiers, la salle consultation de l'hôpital, l'école de Massango, la dalle et la terrasse du marché ont mis en évidence un niveau de radioactivité important (la maternité a pour cette raison été détruite puis reconstruite).

Les problèmes de santé rencontrés
     Au Niger comme au Gabon, Les témoignages recueillis font état d'un très grand nombre de pathologies pulmonaires, tant pour les travailleurs que les membres de leur famille, mais également de pathologies associées telles que des problèmes dermatologiques, ophtalmiques ou cardiovasculaires. Leur proportion est plus élevée pour les employés ayant travaillé directement à la mine, et s'accroît en fonction du nombre d'années travaillées.
L'insuffisance du suivi médical
     Au Niger, Deux hôpitaux ont été construits et sont financés par les sociétés minières dans les villes d'Arlit et Akokan. Les employés de la mine et leurs familles y sont soignés gratuitement. Les médecins-chefs des deux hôpitaux miniers qui assurent le rôle de médecins du travail sont salariés des sociétés minières.
     Les témoignages recueillis font état de dysfonctionnements graves dans le suivi médical effectué:
     - cas de maladies pulmonaires et de leucémie au stade final non diagnostiqués dans les hôpitaux miniers et décelés trop tard dans des hôpitaux publics d'autres villes, en l'occurrence Agadez et Niamey.
     - Absence ou insuffisance d'information des patients sur les maladies dont ils souffrent, et plus particulièrement lorsqu'elles concernent des problèmes respiratoires ou pulmonaires ou des cancers. M. Mamourou, médecin chef de l'hôpital COMINAK et pneumologue, confirme qu'il n'a jamais dit à un patient qu'il avait un cancer du poumon, selon lui dans un souci de ménager ces patients.

suite:
     - Evacuations sanitaires tardives ou refusées
     - Demandes de réaffectation pour inaptitude médicale non suivies d'effet
     - délivrance de certificat de fin de contrat y compris pour les employés qui quittent la mine en mauvaise santé, les pathologies rencontrées n'étant jamais considérées comme pouvant avoir un lien avec leur activité professionnelle
absence ou insuffisance de prise en charge des anciens travailleurs
     - défaut de surveillance médicale des sous-traitants, n'étant pas considérés comme faisant partie du personnel
     De manière significative, deux cas seulement de maladies professionnelles ont été déclarées par les sociétés minières à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale depuis 1968 (un cas de surdité et un cas de dermatose).
     MM. Mahazou et Tanimoune, respectivement médecin-chef et chirurgien chef de l'hôpital SOMAÏR, continuent d'affirmer que selon eux, «Aucune pathologie qui pourrait avoir un lien avec la radioactivité n'a jamais été détectée. (...) L'activité de la mine n'a eu aucun impact sur la santé des travailleurs et de la population en général
     Au Gabon, il semble que les employés pouvaient bénéficier d'un suivi médical qu'ils estiment satisfaisant (même s'il est avéré qu'il ne s'agissait pas de médecin spécialisé en matière nucléaire et que la nature des examens pratiqués ne permettait pas de détecter une contamination interne). Mais il y a un fort ressentiment exprimé envers la fin de ce suivi après la fermeture du site. Les employés ont le sentiment d'avoir été abandonnés alors que les problèmes de santé se manifestent de manière plus aiguë.

La responsabilité d'AREVA: des manquements en toute connaissance de cause
L'existence d'un risque connu
     Nul ne peut contester que les risques encourus par les mineurs d'uranium, quelle que soit la teneur en uranium de ce minerai, sont authentiques. Ils s'ajoutent de plus aux risques habituels du travail des mines. En effet, l'extraction de ce minerai, élément radioactif, conduit à une irradiation externe du corps chez les mineurs et à une contamination interne par les gaz et poussières inhalés ou ingérés, essentiellement dans les poumons et les os à cause des émissions alpha.
     En ce qui concerne le radon, gaz radioactif naturel, qui en se désintégrant émet des particules alpha et engendre des éléments solides eux-mêmes radioactifs, il est considéré comme responsable d'une action cancérigène au niveau des poumons. En outre il est incolore, inodore et inerte.
Sachant par ailleurs que le vent éparpille de fines poussières radioactives issues des zones de résidus, atteignant ainsi les travailleurs et les résidents alentour il est difficilement détectable. Et qu'en outre, les résidus de traitement ayant été fréquemment utilisés pour la construction de maisons, le personnel employé par la COMUF a supporté une exposition disproportionnée en toute connaissance de cause de la part de l'entreprise.
     Les industriels étaient évidemment parfaitement informés de l'existence de ces risques, et ce dès l'ouverture des sites miniers. La question est alors celle de l'évaluation de ces risques. Une approche scientifique permet habituellement d'établir avec une bonne certitude statistique la relation entre le nombre et la nature des pathologies constatées, a fortiori des décès par cancers, et des doses de rayonnements reçues.
     Une telle étude ne semble jamais avoir été entreprise dans un quelconque pays africain où AREVA est intervenue alors que déjà depuis plusieurs années les experts internationaux et les responsables de la santé publique se préoccupent de l'induction des cancers du poumon par le radon présent dans les habitations. Des réglementations sont mises en place dans de nombreux pays. Elles sont assez laxistes dans leur application pratique et ressemblent plus à des recommandations qu'à de véritables règlements. En France le problème de l'exposition au radon dans les bâtiments n'est pris en compte que depuis 1999.

L'absence coupable d'information et le maintien volontaire dans l'ignorance
     Qu'il s'agisse du site d'Arlit ou de Mounana, du personnel local ou expatrié, qualifié ou non, personne à de très rares exceptions n'indique avoir été sérieusement et complètement informé des risques inhérents à cette activité minière. C'est en toute confiance et inconscience que ceux-ci et leur famille ont séjourné et continuent de séjourner sur la zone d'exploitation ou à proximité de celle-ci.
     Cette absence d'information se constate à tous les moments de l'exercice des métiers de mineur ou de travailleur de l'usine. Ainsi, ni lors de l'embauche, ni lors de l'affectation à certains postes, ni à la fin de l'activité il n'est évoqué une transmission d'information sur les risques encourus et les précautions élémentaires à prendre.
     Une alliance objective semble en outre se créer entre l'entreprise et les autorités sanitaires et politiques locales car le coût non seulement des études épidémiologiques serait élevé et les résultats dérangeants, mais aussi l'impact économique et social pourrait être considérable dans l'hypothèse de l'établissement d'un lien de causalité entre l'exposition au rayonnement et les maladies développées.
     Le maintien dans l'ignorance est la parade la plus sûre. A ce sujet il est symptomatique de savoir que personne n'a eu connaissance du rapport d'enquête de radioprotection effectuée en 1986 à Mounana. Il est aussi édifiant de connaître la réponse adressée à Sherpa par AREVA à propos de la demande de communication des rapports annuels de radioprotection effectués à Arlit:
     "(...) j'ai bien noté votre demande de transmission des rapports annuels radioprotection Cominak et Somaïr (2003 est effectivement paru).
     Nous allons regarder la possibilité de vous transmettre ces dossiers, néanmoins, je vous rappelle, ainsi que nous l'avons dit, que d'une part ces rapports ne sont compréhensibles que par des experts et ne sont pas destinés à une diffusion publique; et d'autre part étant réalisés pour le compte de l'administration nigérienne nous devons au minimum les informer, voire leur demander une autorisation pour toute transmission."
     Dans un tel contexte il sera très difficile à un travailleur de faire la preuve que la pathologie dont il est affecté est due à son exposition professionnelle. Se pose dès lors la question de la limite raisonnable d'exposition des travailleurs. Or on peut se demander si il est possible d'avoir des niveaux d'exposition raisonnables, en se basant sur ce que permet la technologie considérant que personne n'est vraiment d'accord sur le niveau d'exposition sécuritaire à retenir.
     Dans ces conditions la limite raisonnable sera pour l'employeur celle que justifiera le coût de mesures protectrices contre d'éventuelles poursuites judiciaires. La santé du travailleur devient alors une question de gestion de risque au mépris de la santé publique.
     On comprend encore mieux ainsi la culture du secret développée par AREVA.

Rapports (format PDF):
- rapport d'enquête sur la situation des travailleurs d'AREVA au Niger
- rapport d'enquête sur la situation des travailleurs d'AREVA au Gabon
- synthèse des rapports
- étude de la CRIIRAD sur l'impact de l'exploitation d'uranium des filiales d'AREVA au Niger

Problématiques
# Chaîne d'approvisionnement et responsabilité des sociétés mères
# obligation de reporting social et environnemental
# Responsabilité de la société mère pour les actions de ses filiales à l'étranger

Recours

Opérations
# Mission au Gabon
# Mission au Niger

Partenaires
# CRIIRAD

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