CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2008

février
Des physiciens réclament des moyens accrus pour faire face au trafic de matières radioactives
ADIT
AFP, Le Monde
LE MONDE 20.02.08
BOSTON (Massachusetts) ENVOYÉ SPÉCIAL
     Dans un contexte marqué par la renaissance du nucléaire civil, la communauté internationale doit s'investir davantage dans la lutte contre le trafic de matières radioactives. C'est, en substance, la conclusion d'un rapport de chercheurs en "physique nucléaire légale" (nuclear forensics), rendu public samedi 16 février à Boston, lors du congrès annuel de l'Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS).
     Ce commerce illicite, tangible depuis l'effondrement du bloc soviétique, a pris une ampleur nouvelle depuis 2002. Selon Anita Nilsson, qui dirige le département de sûreté nucléaire à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), "environ 1.300 incidents ont été enregistrés depuis 1993". Entre 1993 et 2002, le nombre annuel de saisies n'a jamais dépassé 80. Mais il a été de 90 environ en 2003 et est demeuré, depuis, entre 140 et 160. La plupart des cas concernent des matériaux non fissiles, impropres à la fabrication d'armes. Mais, selon les chiffres de l'AIEA, depuis 1993, un total de 17 kg d'uranium hautement enrichi et de 400 g de plutonium ont été interceptés.
     Le rapport enjoint aux pouvoirs publics de renforcer les moyens des laboratoires de "physique nucléaire légale", discipline à même de déterminer la nature, l'origine et la date de fabrication de matériaux radioactifs saisis ou de débris issus d'une explosion nucléaire. L'intérêt est évident dans le cadre des investigations qui suivent une saisie. "Par exemple, en février 2007 à Hanovre, un particulier a spontanément appelé la police pour déclarer qu'il avait trouvé dans son jardin des pastilles de combustible nucléaire", raconte Klaus Lützenkirchen, chercheur à l'Institut des éléments transuraniens de Karlsruhe (Allemagne), un laboratoire de l'Union européenne. "Nous avons déterminé que ces pastilles avaient été fabriquées dans une usine allemande aujourd'hui fermée et nous avons surtout pu déterminer qu'elles avaient été dérobées en 1990, un an avant que la sécurité des installations soit considérablement renforcée."
     Selon Michael May, directeur émérite du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) et principal auteur du rapport, "ce genre d'analyse peut aujourd'hui prendre plusieurs jours ou semaines". Or, ajoute-t-il, en cas d'attentat terroriste utilisant des matériaux radioactifs, le pouvoir politique doit être informé très rapidement de leur origine pour pouvoir prendre les décisions appropriées.
PERTE DE COMPÉTENCES
     Le renforcement des capacités d'analyse passe d'abord par le partage des informations sur les différents matériaux produits, enrichis et stockés dans chaque pays. En particulier, a déclaré David Smith, chercheur au LLNL, "l'un des défis est de convaincre la Fédération de Russie de coopérer pleinement". Un plan de formation ambitieux est également nécessaire. Aux Etats-Unis en particulier, selon le rapport, trente-cinq à cinquante scientifiques sont impliqués dans des programmes de "physique nucléaire légale", mais plus de la moitié d'entre eux seront à la retraite dans les dix à quinze années à venir. En raison de la désaffection des filières scientifiques, le renouvellement de ces compétences n'est plus assuré outre-Atlantique, selon M. May. "C'est une dramatique perte de compétences", a-t-il ajouté.
     Interrogée sur l'identité des groupes qui cherchent, aujourd'hui, à se procurer des matières radioactives, Mme Nilsson a déclaré qu'"il n'y a pas suffisamment d'informations pour répondre". "Les données ne fournissent pas une image très claire, permettant de pointer tel ou tel groupe", a-t-elle précisé. Des affaires résolues existent pourtant, mais Mme Nilsson s'est refusée à en dévoiler le détail.
Stéphane Foucart


L'Allemagne propose une "banque nucléaire"
     L'ambassadeur allemand auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a proposé, mardi 19 février, la création d'un centre international d'enrichissement de l'uranium, qui serait placé sous le contrôle de l'AIEA. Peter Gottwald a estimé qu'un tel centre permettrait de répondre à la demande croissante de combustible nucléaire civil, tout en minimisant les risques de prolifération. Cette "banque nucléaire", gérée par un opérateur privé, jouirait d'un statut international d'extraterritorialité. L'Allemagne estime qu'elle devrait être implantée hors de pays disposant déjà de capacités commerciales d'enrichissement: France, Allemagne, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Russie, Etats-Unis. Ces deux pays ont fait des propositions voisines. - (AFP.)