CONTROVERSES NUCLEAIRES !

2008
août
Accroissement du nucléaire = succès de la lutte contre le CO2?
http://www.ouest-france.fr

     Sous le soleil de la Provence, le Commissariat à l'énergie atomique planche sur la quatrième génération de réacteurs nucléaires.
Marcoule. De notre envoyé spécial

     A la centrale de Flamanville, dans le nord de la Manche, EDF construit, avec quelques soucis, son premier EPR, réacteur nucléaire dit de 3e génération. Pendant ce temps, dans le Gard, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) planche sur la 4e génération de réacteurs. «Notre objectif est de produire cinquante fois plus d'électricité avec la même quantité d'uranium», annonce Philippe Pradel, directeur de l'énergie nucléaire au CEA. On est loin de la «pile» G1, mise en service en 1956, dans le but de fabriquer du plutonium pour l'armée française.

Six projets dans le monde
     Une campagne de tests débute à l'automne. «L'expérience consiste à placer des pastilles de combustibles élaborées selon un nouveau procédé.» Au lieu de récupérer séparément plutonium et uranium appauvri, comme le fait actuellement, lors du traitement des combustibles usés, l'usine de retraitement Areva de La Hague (Manche), «il s'agit de capter, ensemble, plutonium et uranium. Cette nouvelle méthode rend très difficile l'extraction du plutonium à des fins militaires», souligne Christian Bonnet, directeur du centre de Marcoule. «C'est une manière de lutter contre la prolifération
     En introduisant ces nouvelles barres de combustible dans le réacteur à neutrons rapides Phénix, installé à Marcoule et qui sert aux expérimentations nucléaires en France, le CEA veut vérifier son comportement sous irradiation. C'est une première étape. Mis en service en 1974, Phénix, dont le coût de fonctionnement s'élève à 4,5 millions € par mois, «va cesser définitivement son activité en juin 2009», indique Didier Dall'Ava, responsable du programme.

     Les expériences suivantes, les scientifiques du CEA iront les pratiquer au Japon, en utilisant le réacteur expérimental de Monju.
     Actuellement, six projets sont étudiés dans le monde (notamment au Japon et aux États-Unis). La France mise sur deux options à neutrons rapides (hélium ou sodium), inspirées de Superphénix, le surgénérateur fermé depuis 1997. «Il faut que l'Europe lance la construction de deux réacteurs expérimentaux, dont un à Marcoule, à l'horizon 2020, si nous voulons rester leaders dans le domaine», plaident les chercheurs du CEA. Une construction annoncée à 2 milliards € pièce.
     L'objectif du CEA est d'épauler les industriels du nucléaire dans leur quête de marchés à l'export. «On estime qu'il va falloir construire au moins 300 réacteurs dans le monde pour 2030*», prédit Philippe Pradel. Des sommes colossales sont en jeu. Sommes-nous en capacité industrielle de répondre à ces projets? «Aujourd'hui, clairement non, mais on peut réactiver la filière en quatre à cinq ans», estime Philippe Pierrard, chef du département «traitement et conditionnement des déchets». Récemment, Areva et ArcelorMittal ont signé un accord pour augmenter les capacités de l'aciérie française destinée à la filière nucléaire.

     *Si tous les réacteurs en projet sont réalisés, en 2030, le nucléaire représenterait autour de 18% de l'électricité produite sur la planète et 10% de l'énergie primaire. Pas suffisant pour gagner, seul, la bataille contre les rejets de CO2...

Jean-Pierre BUISSON.