CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2008

décembre
En annulant ses projets d'investissement, Pretoria met en cause la relance du nucléaire
ADIT, Les Echos
     Les Echos, 08/12/08

     Eskom, l'électricien public sud-africain, a annulé un projet estimé à quelque 9 milliards € pour la construction de deux ou trois réacteurs de nouvelle génération, dits «EPR». En cause, la crise financière internationale et l'instabilité politique locale. Areva et EDF gardent pourtant espoir.
     Pour les porte-flambeaux de la filière nucléaire française, Areva, EDF, Alstom et Bouygues, cela aurait pu être le contrat du siècle: la construction de deux EPR pour environ 9 milliards € et, par la suite, une flotte de dix réacteurs du même type d'ici à 2025 pour plusieurs dizaines de milliards. Mais la crise financière et l'instabilité politique du pays ont contraint Eskom, l'électricien public sud-africain, à reporter vendredi la première partie du projet, jetant du coup le doute sur la renaissance mondiale du nucléaire.
     Eskom n'a pas remis en cause l'ensemble de son programme nucléaire et l'Afrique du Sud reste intéressée par l'atome, a réaffirmé son gouvernement vendredi. Dans l'immédiat, l'annulation porte en effet sur la première partie du projet, appelée «Nuclear 1». Dans son communiqué, le groupe d'énergie a justifié sa décision par «la magnitude de l'investissement». «C'est trop important, nous ne pouvons pas le faire», a ajouté un porte-parole.
     L'Afrique du Sud est le premier pays à remettre en cause un tel investissement. Mais d'autres Etats qui s'intéressent à l'atome se posent des questions à mesure que les cours du pétrole chutent et que la crise financière réduit leurs capacités de financement. Le nucléaire nécessite, en effet, une mise de fonds très élevée. Un élément déterminant pour Eskom, qui a vu sa notation financière dégradée cet été après avoir obtenu une hausse de tarifs du gouvernement moins forte que prévu.

     «La décision d'Eskom n'entame que marginalement la renaissance du nucléaire, relativise Jean-Marie Chevalier, qui dirige le Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières à l'université Paris-Dauphine. La chute du pétrole est provisoire et la prise de conscience sur les gaz à effet de serre [auxquels échappe largement le nucléaire, NDLR] est plus forte au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. » Deux pays où Areva et EDF ont de gros espoirs.

Relativiser les choses
     Chez Areva, tête de file du consortium, qui se trouvait en concurrence avec l'américain Westinghouse, on cherchait vendredi à minimiser la décision d'Eskom. «Nous sommes naturellement déçus, mais je veux croire que ce n'est que partie remise, a déclaré un porte-parole, reconnaissant qu'une centaine de personnes avaient travaillé sur le projet pendant deux ans. Il faut laisser cette décision dans sa dimension sud-africaine.» Chez EDF, dont la stratégie internationale repose sur quatre pays, dont l'Afrique du Sud, on cherchait aussi à relativiser les choses. «Le pays est dans une situation financière et politique particulière en ce moment», se rassure-t-on. Les marchés, qui craignent par ailleurs des baisses de tarifs imposées par le gouvernement à l'électricien français, semblent sceptiques. Vendredi, à la Bourse de Paris, le titre EDF a chuté de 9,46% en clôture. Alstom, qui, de son côté a cédé 6,26%, pourrait être le moins affecté par le virage d'Eskom. Le groupe, qui devait fournir l'îlot nucléaire des EPR, construit également des centrales à charbon. En février, il a d'ailleurs remporté un contrat de plus de 1,3 milliard € auprès d'Eskom portant sur l'équipement d'une centrale à charbon de 4.740 mégawatts. Cinquième producteur mondial de charbon, l'Afrique du Sud risque justement de se replier davantage sur cette énergie fossile.

Les projets nucléaires pour les champions français de l'atome

Chine: Pékin s'est engagé sur la construction de 2 réacteurs EPR pour 8 milliards €. Contrat signé en 2007 avec Areva, EDF et l'électricien local CGNPC.
Etats-Unis: le groupe Constellation projette de construire 4 réacteurs EPR en association avec Areva et EDF. Le choix de la technologie est arrêté, mais il doit maintenant être validé par les autorités américaines de contrôle.
Royaume-Uni: outre-Manche, EDF et sa future filiale, British Energy, devraient construire 4 EPR, auxquels s'ajouteraient 2 réacteurs du même type construits par l'allemand E.ON. Principe arrêté.
Emirats arabes unis: le projet d'investissement porte sur 2 réacteurs de nouvelle génération. Les autorités locales ont conclu un partenariat en janvier avec un consortium regroupant Total, Areva et Suez. L'appel d'offres est attendu pour l'an prochain.