CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2008

décembre
CO2: ne nous trompons pas de combat!?
ADIT, Le Soir
     René Prieels(*), Dans le journal "Le Soir":

     Comme le rapportait encore récemment un article du Soir, le faible taux d'émission de CO2 du nucléaire est contesté (1). Il est curieux de constater que ces valeurs sont plus souvent à la hausse chez les antinucléairistes et plus réduites chez les partisans du nucléaire. Qui croire? Les sélections sont-elles biaisées, le cycle de vie complet a-t-il été correctement considéré? Ajouter un nouveau nombre sans références solides n'aurait aucun sens.
     Aussi je vous propose de nous tourner vers un institut de recherche suisse spécialisé dans l'analyse fine de toutes les émissions chimiques provenant des nombreuses activités humaines. La rigueur dans le travail et le soin que les Suisses s'accordent pour éviter toute pollution me paraissent être un gage de sérieux et d'objectivité. Mais à ceux que les nombres rebutent, je propose simplement de sauter les deux paragraphes suivants et de nous rejoindre sur la partie prospective du propos.
     Les travaux du docteur Stefan Hirschberg de l'Institut Paul Sherrer (PSI) concernent le cycle de vie des diverses productions d'énergie depuis l'extraction jusqu'au démantèlement des installations, prenant en compte tant les émissions directes que les émissions indirectes. Ce rapport explicite les sources utilisées, dont la banque de données «ecoinvent» sans cesse mise à jour et consultable (2), et précise les contributions au cycle de vie calculé. Je reprends ci-dessous quelques résultats des rapports (3) du Dr Hirschberg et de ses collaborateurs. Cette étude porte sur les émissions de CO2 issues des productions électriques spécifiquement européennes. Dans le cas du nucléaire, le taux d'émission est compris entre les valeurs de 8 et de 11 g CO2/kWhe. Les valeurs pour les renouvelables: vent et barrages, se situent entre 3 et 27 g CO2/kWhe; le photovoltaïque se stabilise autour de 79 g CO2/kWhe. Quant aux énergies fossiles: charbon, pétrole, gaz, les taux d'émission de CO2 s'étendent de 1.060 à 485 g CO2/kWhe au minimum et de 1.690 à 991 g CO2/kWhe au maximum.

Dr. S. Hirschberg:
http://4dweb.proclim.ch/4dcgi/proclim/en/Detail_Person?hirschbergs.villigenpsi

     On peut constater que dans l'article du Soir du 26 novembre 2008, le nombre de 66 g de CO2/kWh, fruit d'une compilation de M. Sovacool (4) et annoncé comme émission moyenne dans le cas du nucléaire, n'est pas compris entre les bornes de 8 et 11 g CO2/kWhe résultant des études du PSI. Précisons aussi que l'écart type de la distribution étudiée par M. Sovacool est de 30 g CO2/kWhe. Le nombre 288 grammes de CO2/kWh repris dans l'article du Soir provient de l'étude statistique réalisée par le même auteur où la valeur maximale a été choisie pour chacune des étapes participant au cycle de vie. Ce nombre ne peut donc pas être considéré comme une valeur moyenne ni intervenir dans l'évaluation globale de la qualité de la ressource. Comparons-le avec l'émission totale la plus grande, résultant de la compilation de M. Sovacool et qui est de 139 g CO2/kWhe, à plus de 2 écarts types de la moyenne de 66 g CO2/kWhe. Si en outre on retire les doubles comptages de la liste sélectionnée par M. Sovacool, la moyenne devient 51 g CO2/kWhe avec un écart type de 28 g CO2/kWhe. La dispersion reste grande, probablement liée aux estimations pour le démantèlement, aux combustibles utilisés dans l'approvisionnement en uranium et aux techniques d'enrichissement. Je laisse à chacun le choix de conclure.
     Ceci dit, il apparaît clairement que sur le plan pollution, le combat n'est pas de choisir entre les renouvelables ou le nucléaire, mais bien d'éliminer les ressources d'énergie fossile, progressivement car elles restent indispensables pour préparer l'avenir. Construire le futur demande le développement massif des énergies de type renouvelable mais aussi la conservation, voire l'amplification du parc nucléaire. En effet, le temps est compté. L'énergie facile dont nous disposons encore aujourd'hui devrait nous permettre (1) de développer tout ce qui peut réduire notre consommation (2); d'installer des pompes à chaleur efficaces; et (3) de construire des dispositifs d'énergies renouvelables adaptés aux différentes situations géographiques (éventuellement en partenariat avec des pays plus ensoleillés).
     Cependant, tout en générant beaucoup d'emploi, la faible densité énergétique des renouvelables et leur installation en quantité suffisante demanderont beaucoup d'espace, de temps (plusieurs générations). La course contre la diminution des ressources fossiles est engagée et l'énergie nucléaire sera bienvenue au moins durant la phase de transition. Le maintien du nucléaire (fission) de génération III et le développement de la génération IV (R&D) sont donc requis. Nous devrions tout engager pour achever cette mutation avant que l'énergie fossile ne devienne inaccessible. Nous ne pouvons pas miser dès aujourd'hui sur la fusion nucléaire. Si elle voit le jour, ce sera probablement après la disparition des ressources fossiles et s'il reste assez d'énergie pour la construire. C'est un défi mondial: humain, politique, économique, nécessitant la concertation, la planification, l'entente et l'engagement de tous. Il est urgent de s'y atteler et ce ne sont pas quelques petits grammes de CO2 de plus ou de moins qui changeront la donne.
(*) Bon à savoir: René Prieels est professeur à... l'Institut de Physique Nucléaire...
Note:  l'ADIT recommande la lecture du rapport suivant (en anglais), de Mark Z. Jacobson:
Review of solutions to global warming, air pollution, and energy security: http://www.rsc.org
    * Energy Environ. Sci., 2009
    * DOI: 10.1039/b809990c
Selon ce rapport, le meilleur choix est clairement l'éolien...