CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE NUCLEAIRE
2008
février
Finlande

I/ Visite radioactive à Olkiluoto (http://www.info-finlande.fr):
visite "pro-nucléaire"...
Auteur: Eljas Repo
     Sur une admirable presqu'île du littoral maritime de la Finlande de l'Ouest, le réacteur  nucléaire en construction sera le plus grand du monde. Il aura une puissance de 1.600 mégawatts sur le site d'Olkiluoto, dans la commune d'Eurajoki. Les travaux de construction ont débuté en 2005 mais le projet ne progresse pas comme prévu initialement; le retard, on le sait, sera d'au moins deux ans.

Olkiluoto et ses trois centrales nucléaires. Les deux, à droite, ont été construites dans les années 1970. La centrale située plus près du littoral est une manipulation d'image de l'OL3
l'achèvement de sa construction est prévu pour 2011.

     La compagnie finlandaise TVO a passé la commande de la centrale d'Olkiluoto ou OL3 comme on l'appelle dans le projet. Sa construction a été confiée à un consortium formé par le français Areva et l'allemand Siemens.
     C'est au tournant du millénaire que le gouvernement finlandais a entrepris de promouvoir le nucléaire. Une attitude courageuse quand on sait que dans le reste du monde occidental, les projets relatifs au nucléaire n'ont pas obtenu d'aval politique. L'indépendance par rapport  aux importations énergétiques en provenance de Russie, une alternative plus propre sur le plan climatique et le prix avantageux de cette source d'énergie étaient les arguments invoqués, proposés aux députés finlandais pour fixer leur choix. Fort de ces arguments, en 2002 l'Eduskunta (le parlement finlandais) s'est prononcé, par 107 voix contre 92, en faveur du nucléaire, alors que la majorité de la population n'aurait  probablement pas accepté le projet.
     Alors qu'en Finlande, les travaux de construction d'une centrale nucléaire de la
troisième génération sont en cours depuis un couple d'années, en France, grande puissance en matière de centrale nucléaire, la construction du premier réacteur EPR n'a recu l'aval que le printemps dernier. La centrale nucléaire qui doit être construite à Flamanville, en Normandie, sera un brin plus puissante: capacité prévue 1.630 mégawatts.
     Le parc nucléaire français compte, au total, 59 centrales nucléaires, et 78% de l'électricité requise dans le pays est d'origine nucléaire (Ndw: mais "seulement" 17% en terme d'énergie primaire...). La Finlande ne compte  que quatre centrales; un cinquième seulement de l'électricité produite provient du nucléaire.
     En Europe, on ne dénombre que quatre pays où une centrale nucléaire est en construction. En plus de la Finlande et de la France, des projets sont en cours en Roumanie et en Slovaquie. Toutefois, les centrales nucléaires de ces pays sont nettement plus petites.
     Selon la World Nuclear Association, c'est en Russie que l'on construit le plus de centrales nucléaires; 7 y sont en chantiers, contre 6 en Inde et 4 en Chine. Par leurs tailles, toutes ces unités sont plus petites que la centrale d'Olkiluoto en Finlande. (www.world-nuclear.org/info/reactors.html)
     Le Commissaire à l'énergie de l'Union européenne, Andris Piebalgs, est venu en Finlande cet été pour juger de la puissance de la centrale nucléaire. Il a tenu à l'Agence télégraphique de Finlande des propos élogieux sur OL3, dont la construction est en cours en Finlande.
     "Le réacteur en construction à Olkiluoto est la première centrale nucléaire de la troisième génération construite dans le monde. Olkiluoto fait aussi figure de précurseur car on y construit également le premier site de stockage définitif de déchet nucléaire hautement radioactif."

suite:
     Le discours du commissaire à l'énergie a été accueilli avec plaisir en Finlande, car les autorités n'avaient pas fait les louanges d ce projet de construction. Le Centre finlandais de radioprotection et de sûreté nucléaire a rapporté, durant le projet de construction, l'existence de nombreuses anomalies tant sur le plan de la qualité que du fonctionnement; en conséquence, le calendrier de réalisation du projet connaîtra des retards. L'estimation actuelle prévoit que l'achèvement de la centrale en 2011, c'est à dire deux ans plus tard que prévu; Areva devra probablement verser des pénalités de retard considérables.
     La technologie de la nouvelle centrale de la troisième génération  est celle d'un réacteur à eau pressurisée et le modèle celui du  réacteur pressurisé européen (EPR). La centrale aura une puissance de 1600 MW. La turbine à vapeur qui l'équipera sera la plus grande dans le monde.
     Le parc nucléaire finlandais compte quatre centrales en activité. Les deux situées à Loviisa sont gérées par la compagnie Fortum; les deux autres, à Olkiluoto, sont gérées par TVO. Toutes ont été construites dans les années 1970. Contrairement aux autres pays occidentaux, la décision d'avaliser la construction d'une centrale nucléaire a vu le jour, en Finlande, dans les années 2000. Le Premier ministre d'alors, Paavo Lipponen, qui entretenait de bons rapports avec l'industrie et voyait le nucléaire d'un bon œil, avait influé dans ce sens.
     Depuis son retrait de  la vie parlementaire, le printemps dernier, Lipponen a relevé de nouveaux défis. La surprise est venue en août 2007, lorsque l'ancien Premier ministre puis président sortant de l'Eduskunta a annoncé son intention de se faire consultant à temps partiel près la compagnie d'énergie Pohjolan Voima. Ce travail, selon Lipponen, absorbera «quelques jours par mois» et lui offrira «la possibilité d'exercer son influence sur les décisions internationales sur le climat et l'énergie».
     L'expérience que possède Lipponen dans l'art de négocier sera utile lorsque TVO, filiale de Pohjolan Voima règlera ses comptes avec les fournisseurs français de la centrale nucléaire; ou encore lorsqu'elle demandera  le permis de construire une nouvelle centrale nucléaire.
     Le gouvernement conduit par Matti Vanhanen s'est mis au travail le printemps dernier, au lendemain des élections parlementaires. Dans le programme gouvernemental, un bref signal  a été  donné, le 19 avril 2007, indiquant que la construction d'une nouvelle centrale nucléaire était envisageable ou, pour reprendre les termes exacts: «Aucune forme de production non génératrice de déchets ou génératrice de peu de déchets ou encore neutre sur le plan des déchets, durable et rentable en terme de structure des coûts, ne doit être exclue ; toutes les formes d'énergie, au contraire, doivent être évaluées dans l'intérêt global de la société
     Les compagnies d'énergie ont réagi rapidement. Un mois après la publication du programme gouvernemental, le ministère du Commerce et de l'Industrie a reçu de TVO une étude préliminaire, relative aux projets de centrale pour une nouvelle capacité supplémentaire de 1.000 à 1.800 MW. Une autre proposition est venue de la compagnie boursière Fortum, dont l'État détient 50%.
     Et puis, il y a une  troisième demande relative à une centrale nucléaire; elle émane de la nouvelle entreprise Fennovoima, derrière laquelle on trouve le géant européen de l'énergie E.ON. Celui-ci ne détient, il est vrai, qu'un tiers de Fennovoima, les autres actionnaires étant les sociétés industrielles Outokumpu et Bolide ainsi que des compagnies d'énergie locales.
     Le  Conseil des ministres et  l'Eduskunta devrait examiner le nouveau  projet de  centrale nucléaire durant la législature en cours, c'est à dire avant que la nouvelle centrale d'Olkiluoto ne reçoive l'autorisation nécessaire à sa mise en service. Les compagnies d'énergie aspirent à ce qu'une sixième centrale nucléaire finlandaise - voire une septième - démarre en 2016-2018. 
II/ Europe's newest nuclear plant (http://www.cafebabel.com):
visite moins "pro-nucléaire"!
Angela Steen - Finlande - 8.2.2008
Reportage
     Olkiluoto, c'est le petit nom donné au premier réacteur construit en Europe depuis la catastrophe de Tchernobyl. En route pour la Finlande, dans les entrailles de cette structure de béton.

Les employés de la centrale nucléaire
(Photo: Angela Steen)

     Au loin, des rangées de vignes au bord d'une forêt. Le vert profond se dessine sur un ciel bleu. Il y a une légère brise. On pourrait se croire en France sauf qu'à l'horizon, deux énormes structures de béton et des grues rouges surplombent les vignes. Nous sommes loin de la carte postale d'un paysage ensoleillé du Bordelais. Bienvenue à Olkiluoto, la plus grande centrale nucléaire de Finlande, là où les vignes sont irriguées par l'eau du circuit de refroidissement de la centrale. Je suis toujours partante pour un verre de vin. Aujourd'hui je résisterai à la tentation....
     «Bien sûr que non! Nous n'allons pas le vendre», lance Olli-Pekke Luhti, cadre chargé de l'environnement. D'un air amusé, il répond aux questions que je lui pose sur la production de ce vin: «C'est pour nos fêtes de bureau», dit-il en souriant. «Nous produisons environ 2.400 litres par an.» De quoi célébrer de nombreux départs à la retraite et congés maternité! Cependant, le personnel de la centrale a eu des raisons de trinquer. Il y a cinq ans le gouvernement a donné son accord pour la construction d'une troisième unité de production de dernière génération appelée Olkiluoto 3. Ce sera le premier réacteur nucléaire construit en Europe depuis le désastre de Tchernobyl et, bizarrement, l'opinion publique finlandaise y est plutôt favorable.

Un réacteur grand comme 27 terrains de foot
     «Les Finlandais soutiennent l'énergie nucléaire parce qu'on ne leur cache rien à ce sujet», se réjouit Anneli Nikula, la directrice de la communication adjointe. On imagine mal cette gentille grand-mère, vêtue d'un tailleur pastel et le sourire chaleureux accroché aux lèvres, auprès des pro-nucléaires. Et pourtant, quelques instants plus tard, dans une blouse de chimiste et portant un casque, elle se tient devant une piscine d'eau noire, désignant les coffres de déchets nucléaires. Bardée de diplôme et à un poste important, cette dame peut se targuer d'avoir été à l'origine les derniers projets nucléaires finlandais.
     Les centrales nucléaires ne sont pas franchement des endroits très pittoresques. Éloignée, isolée, Olkiluoto se trouve sur une île de la côte Est finlandaise. Et pourtant, même les sapins qui ont été plantés autour du site ne peuvent la cacher entièrement. A lui seul, le nouveau réacteur couvrira une surface équivalente à 27 terrains de football. Il est difficile de rendre une centrale nucléaire agréable même si les responsables du projet font de leur mieux en accueillant les visiteurs dans une pièce au mobilier en pin du tout nouvel accueil.


3rd reactor in construction
Photo, Angela Steen

    Le design finlandais ne fait pas oublier les structures rouges construites dans les années 70 qui se dressent par la fenêtre. Il n'y a ni ouverture, ni bruit, pas même d'énormes cheminées fumantes comme à la centrale qui emploie Homer Simpson, à Springfield. Une évidence quand on entend l'argument de vente de l'énergie nucléaire, à savoir, l'absence de gaz à effet de serre émis par la production de cette électricité. Il reste seulement un "petit" problème: celui des déchets radioactifs. Mais aujourd'hui, à en croire mes oreilles, tout semble réglé.

Des déchets biodégradables...


Anneli Nikula
Photo, Angela Steen

     Cette question a été au centre des débats lors de la construction d'Olkiluoto 3. Les piscines noires ne devaient être que des décharges temporaires pour les milliers de tonnes déchets que les deux premiers réacteurs ont déjà produits. Mais le troisième réacteur devait en ajouter d'autant plus. Il n'y avait qu'une solution: l'enfouissage. «Les déchets sont enterrés ici», continue Anneli Nikula alors qu'un bus de la centrale nous conduit à travers des tunnels. 500 mètres sous la couche rocheuse, nous pouvons voir les coffres de cuivre qui contiennent des déchets hautement radioactifs. Un message d'information est accroché à la paroi grise: «Les substances radioactives ne peuvent pas contaminer la nature», disent les panneaux. Un peu plus bas, il est ajouté que «la radioactivité des déchets disparaît assez rapidement», et enfin «en quelques siècles».


Fraggle Rock?
Photo, Angela Steen
     De retour à la surface, nous devons tous porter un petit détecteur de radiation en marchant le long des couloirs venteux et des escaliers sans fin du bâtiment du réacteur. La sécurité est très présente à l'entrée mais, une fois à l'intérieur, le personnel peut se promener tranquillement sur des petits tricycles noirs qui me rappellent les Doozers des Fraggle Rock. L'intérieur de la centrale n'est qu'une myriade de tuyaux, de panneaux signalant un danger et des barils gris. Tous les employés portent les mêmes blouses blanches, des chapeaux bleus et des chaussures verts. Je suis un peu nerveuse mais je ne comprend pas vraiment pourquoi. Olkiluoto a une excellente réputation quant à ses normes de sécurité mais tout ce qui touche au nucléaire me met mal à l'aise et je me rends compte que je regarde constamment mon détecteur de radiation qui reste à un rassurant taux de 0.000 durant toute l'heure de visite.
     Au moment de partir, nous devons faire la queue devant une énorme machine argentée, en se collant à un panneau qui détecte toute exposition à des radiations. Un ingénieur devant son ordinateur indique d'une voix mécanique à la fin de chaque scanner: «Pas de contamination». Je rends mon casque.... Je prendrais bien un petit coup à boire, moi!
Voir le dossier sur:
http://www.cafebabel.com/fr/dossier.asp?id=274