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2010
Au cœur des villes, la voiture recule
ADIT, mars
http://www.la-croix.com/
     Les unes après les autres, les enquêtes sur les déplacements des ménages dans les grandes agglomérations confirment le reflux de la voiture en ville

     «Quand on dit que la voiture recule, tout le monde prend peur, tellement le concept de mobilité est associé au dynamisme et à la croissance», note Jean-Marie Guidez, responsable du groupe «observation de la mobilité» au Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu). «Recul ne signifie pourtant pas forcément régression, argumente-t-il. La mobilité par personne est plus faible à Lyon qu'à Lille, cela ne veut pas dire que Lyon se porte plus mal que Lille
     Il reste que les enquêtes du Certu sur les déplacements des ménages confirment les unes après les autres la tendance: en ville, la voiture a moins la cote. Le phénomène fut identifié la première fois à Lille et à Lyon en 2006. Le développement régulier de la part de la voiture dans les modes de déplacement a soudainement calé.
     A Lille, l'usage de la voiture, qui occupait une part de 42% en 1976 et a grimpé jusqu'à 60% en 1998, est retombé à 56% en 2006, soit un niveau comparable à celui qui prévalait vingt ans plus tôt (55% en 1987). A Lyon, la courbe ascendante s'est révélée comparable même si elle n'a pas atteint les mêmes sommets: 38% en 1976, 53% en 1995 et 49% en 2006.

A Strasbourg, la voiture est devenue minoritaire
     Ce qui n'était encore qu'un indice s'est changé en tendance nationale, à mesure que les statistiques tombaient : Reims puis Rennes, Rouen, Toulon et, dernièrement, Strasbourg et Bordeaux... Pas une de ces villes ne fait exception sur le front du reflux de la voiture, du modeste – 2% à Reims au spectaculaire – 7% à Strasbourg.
     Dans la ville alsacienne modèle en matière de politique de transport, la voiture est même devenue minoritaire dans les déplacements (45%). En passant sous le seuil symbolique des 50%, Lyon et Strasbourg sont aujourd'hui maillots jaunes, mais d'autres villes, notamment Grenoble où une enquête est en cours, n'ont peut-être pas dit leur dernier mot.
     Quoi qu'il en soit, il se passe manifestement quelque chose au royaume de la voiture. Pour Noël Philippe, directeur des services urbains de Rennes métropole, la bascule a symboliquement eu lieu à partir de l'entrée en service du métro rennais en 2002. «Lors d'opérations de comptages de voitures sur certains grands axes urbains, on a mesuré une baisse du trafic de 20 à 30%», indique-t-il.
     Rennes, à l'instar d'autres villes, a misé sur le développement de l'offre en métro et bus; au point que le nombre de kilomètres en transports collectifs a augmenté de 40% entre 2000 et 2007, ces derniers totalisant aujourd'hui 67 millions de voyages par an.

Le vélo s'est taillé une place encore modeste mais bien visible
     Parallèlement, le vélo s'est taillé une place encore modeste mais dorénavant bien visible dans la ville pour atteindre 5,2% des déplacements. A cela s'ajoute la palette des outils pour faire refluer la voiture individuelle et favoriser les alternatives: diminution des places de parking en centre-ville au profit de parking relais en périphérie, émergence du covoiturage et de l'autopartage, et développement des plans de déplacements d'entreprise (PDE) qui concernent 40.000 des 200.000 salariés de l'agglomération.
     Sous l'influence des PDE, 26% des salariés ont changé de mode de transport, renonçant à la voiture individuelle, faisant reculer la part de l'automobile de 60 à 45%. De même à Grenoble, grâce aux PDE, le nombre de voitures sur les trajets domicile-travail a diminué l'an dernier de 4.800 unités.

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     De toute évidence, les politiques de transport, fruit d'investissements au long cours, commencent à emporter l'adhésion. «Les dépenses des ménages dédiées aux transports en commun sont passées de 1,9% à 2,1% en dix ans. Ce n'est pas du tout anecdotique», précise Flavien Neuvy, responsable de l'observatoire Cetelem de l'automobile.

La contrainte du stationnement, une arme forte
     Cette offre en transports collectifs est d'autant plus efficace qu'elle s'accompagne de restrictions en matière de stationnement pour éviter les voitures «ventouses» et organiser la rotation des véhicules. «Lorsque la contrainte se renforce, la part de la voiture dans les transports baisse toujours, mais dans des proportions variables – en recul de 12 à 40% selon les villes et les types de déplacement», souligne l'étude du Certu sur vingt ans de politique de stationnement parue en octobre dernier.
     La contrainte du stationnement est une arme forte puisque tout déplacement en voiture suppose une place pour se garer. Cependant la même étude relève la surveillance «molle», des sanctions peu dissuasives et le faible respect de la réglementation par l'usager. «Moins de deux heures par place sont payées chaque jour en centre-ville», précise Danielle Vulliet, en charge du stationnement au Certu. De fait, en vingt ans, le paiement a chuté, le prix du procès-verbal n'a pas bougé et le seuil de verbalisation s'établit à seulement 16 PV par place et par an.
     Pourtant, les Français apparaissent davantage prêts à se contraindre que ne l'envisagent les décideurs. Les enquêtes annuelles de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) sur les représentations sociales de l'effet de serre montrent qu'ils jugent souhaitable d'adopter des mesures telles que le bridage des moteurs, l'interdiction des 4 × 4 en ville ou encore l'arrêt des constructions d'autoroutes.

"Le modèle de la voiture symbole de réussite a du plomb dans l'aile"
     Toute une série d'autres explications sont avancées pour expliquer le reflux de la voiture en ville sans que l'on sache quelle part revient à chacune d'entre elles. Jean-Marie Guidez évoque la hausse du prix des carburants, les effets de la crise, la prise de conscience environnementale, l'émergence du «e-comportement», télécommerce ou télétravail, ainsi que le vieillissement de la population.
     Ainsi, tous les cinq ans, l'acheteur de voiture neuve vieillit d'un an. Il avait 47 ans en 1995, 51 ans aujourd'hui. «Ces tendances sont appelées à être pérennes et les gens ont intégré l'idée que le pétrole serait de plus en plus cher», estime Jean-Marie Guidez. C'est d'ailleurs dans les esprits que les changements sont les plus spectaculaires. «Les Français avaient autrefois une voiture dans la tête. C'est sans doute moins vrai aujourd'hui», poursuit-il. Fin 2004, acheter une voiture était plutôt un plaisir pour 67% des Français.
     Cinq ans plus tard, c'est devenu une contrainte pour 62% d'entre eux, selon l'observatoire Cetelem de l'automobile 2010. «Le modèle de la voiture symbole de réussite professionnelle a du plomb dans l'aile. La voiture est réduite à son rôle utilitaire», insiste Flavien Neuvy. «L'idée même de mobilité, longtemps symbole de modernité, a moins la cote, ajoute Jean-Marie Guidez, on lui préfère la valeur montante de proximité
     Toutefois, si la voiture recule au cœur des grandes agglomérations, elle gagne encore du terrain dans les villes moyennes et en milieu rural en raison des distances qui ne cessent de s'allonger entre résidence, commerces et lieux de travail. C'est pourquoi, au niveau national, le nombre de déplacements locaux – 175 millions par jour de semaine – a augmenté de 4,5% en quinze ans.