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Energies renouvelables
(et curiosités énergétiques
Agrocarburants: "un remède pire que le mal?"
ADIT, http://tempsreel.nouvelobs.com/, décembre 2008

     Un groupe de chercheurs de très haut niveau réuni par Jean-Marc Salmon pour réfléchir sur les impacts environnementaux des agrocarburants a remis en début d'après-midi son rapport. Nouvelobs.com l'a lu en exclusivité.
     Un groupe de chercheurs de très haut niveau réuni par Jean-Marc Salmon pour réfléchir sur les impacts environnementaux des agrocarburants a remis en début d'après-midi son rapport au MEEDDAT. Et un séminaire est réuni dans la foulée. Il est à noter que ce rapport est préfacé par Yvon Le Maho Président du Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel et de la Biodiversité qui a déjà alerté sur ses impacts potentiels de ce nouveau carburant sur la biodiversité ainsi que sur l'usage et la qualité des eaux. A l'évidence il apparaît à la lecture des contributions que les espoirs d'une "énergie verte", sous entendu propre, tant vantés au début des année 2000, résistent mal à une évaluation environnementale globale. Et se révèlent contradictoires avec les directives de la Commission européenne sur la protection de l'eau, de la biodiversité et même de la réduction des gaz à effets de serre.
     Premier enseignement: les agrocarburants affichent des rendements parmi les plus faibles qui soient. Nettement moindre, notamment, que le solaire via les techniques photovoltaïques. Le même solaire dont les tenants du tout nucléaire se gaussent parfois de la faible rentabilité. Second enseignement: ces cultures, nécessitent un élargissement très sensible des surfaces cultivées et une réduction des jachères. Choc en retour : un boom des intrants azotés et phosphorés mais aussi de pesticides dont les conséquences sur la qualité des eaux sont connues. Il faut savoir en effet que la culture du cozla, la plante privilégiée en Europe pour produire des agrocarburants, nécessite nettement plus de pesticides que le blé. Alors que l'objectif européen est de réduire de 50% les produits phytosanitaires d'ici 2018... D'autant plus préoccupant qu'en France, "les cultures énergétiques se développent dans des régions où la disponibilité des terres est importante et les sols relativement peu fertiles, et qui sont "vulnérables" en termes de pollution azotée et phytosanitaire de l'eau (Bretagne, Nord-Pas-de-Calais, Ile-de-France, Poitou-Charentes, Pays de Loire).
     Conclusion de Bernard Seguin de l'INRA: "Ces considérations plaident d'abord pour une limitation du développement des agrocarburants en France".
     Eric Vindimian, Chef du service de la recherche au MEEDAT ne mâche pas non plus ses mots: "Les risques sur la fonction essentielle des sols en matière de stockage du carbone, donc de limitation des émissions de CO2, n'ont pas été évalués. S'ils s'avéraient importants, il faudrait alors considérer que les agrocarburants constituent un remède pire que le mal, y compris ceux de la deuxième génération. L'importation d'agrocarburants pourrait également constituer une source d'externalisation des problèmes environnementaux vers les pays du sud, toujours au détriment de la biodiversité, mais également des services apportés par les écosystèmes aux populations locales".
     Troisième enseignement: La rentabilité des agrocaburants sans subvention n'est toujours pas assurée sous nos latitudes. Quatrième enseignement: dans les pays où la production d' agrocarburants est devenu significatif, comme aux USA ou au Brésil, l'impact sur la flambée des prix des céréales et des tourteaux est avérée. "Pour certains, leur rôle est marginal - il pèserait au plus 15% dans l'augmentation des prix agricoles/…/ Pour d'autres, il est majeur - des chiffres approchant 75% sont avancés", note Jean Marc Salmon qui ajoute: "Les risques énergétiques, climatiques et alimentaires interagissent entre eux."
     Cause première: la compétition pour les terres cultivables dont les agrocarburants sont voraces: aux Etats-Unis, en 2006, l'éthanol de maïs qui représente 90% des agrocarburants américains a mobilisé 6 millions d'ha de maïs, soit 16% des surfaces en maïs et 3,5% des terres labourables. Et l'objectif de 7% des terres labourables est pour demain au vu de projets d'usines déjà déposés.
     La plupart des chercheurs plaident donc pour une limitation ou une révision des objectifs adopté par l'Union européenne et donc la France dans la course aux carburants pas si verts que ça.
     "En septembre 2004, souligne le rapport, le gouvernement français a lancé un plan de développement des biocarburants industriels afin d'atteindre l'objectif de 5,75% d'incorporation de biocarburants à l'horizon 2010 conformément à la 'directive biocarburants' (2003/30/CE). La loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 fixe comme nouveaux objectifs d'atteindre un seuil de 5,75% pour l'année 2008 et non en 2010, de 7% en 2010 et 10% en 2015. Ces objectifs vont au-delà des engagements communautaires et accélèrent la mise en œuvre du plan de développement des biocarburants industriels. S'en tenir à l'objectif de 10% risquerait de projeter une lourde empreinte écologique sur les pays du Sud. /…/ Ne serait-il pas illogique de laisser s'accomplir leur destruction au nom de la lutte contre l'effet de serre dans les pays du Nord, et ce pour dégager des surfaces agricoles propices aux exportations d'agrocarburants vers l'Europe, demande le conseil scientifique de l'Agence Européenne de l'Energie?"
     A l'évidence, le doute s'installe à Bruxelles comme à Paris, premier producteur agricole de l'Union et 3° producteur européen d'agrocarburant. «Il semble, confie Jean Marc Salmon, que la Commission de Bruxelles n'a toujours pas verrouillé son texte sur l'objectif de 10% qu'elle s'est fixé. Elle attend les évaluations et les études d'impact qui lui seront soumis par les pays membres ». Une partie de bras de fer, car les lobbys agricoles sont bien entendu particulièrement intéressés à un système qui leur permettrait de conserver les subventions qu'ils sont en train de perdre pour l'élevage et les céréales.
Guillaume Malaurie
http://tempsreel.nouvelobs.com/file/614297.pdf (143 pages) 
Pour en savoir plus:
Conclusion d'une étude de Stanford University: "les voitures thermiques à agrocarburants sont 1.000 fois moins écologiques que les voitures électriques alimentées par de l'électricité éolienne!" (Les produits de la combustion de l'éthanol sont, de plus, dangereux pour la santé), voir le "blog OBJECTIF TERRE":
http://www.electron-economy.org/article-25876516.html