CONTROVERSES ENERG...ETHIQUES !
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DEVELOPPEMENT
La malédiction du pétrole frappe les habitants d'un village soudanais
mars 2008

     Chassés par l'expansion pétrolière de leurs tranquilles bourgades de pêcheurs sur le Nil, des villageois dans le sud du Soudan accusent la raffinerie toute neuve de les contraindre à l'exil, de ravager l'environnement et de propager des maladies.
     Les écologistes renchérissent: l'arrivée dans l'Etat d'Unity, en 2006, de la Société pétrolière du Nil blanc (WNPOC), filiale du groupe indonésien Petronas, menace les marais du Sud, la plus grande superficie au monde de marécages.
     Les villageois affirment avoir été chassés par milliers, pour faire place à l'industrie du pétrole brut dans le sud et le centre du pays.
     "Depuis 2006, 27 adultes et trois enfants sont morts, empoisonnés par l'eau contaminée par le pétrole", accuse Paul Bol Ruoth, administrateur du comté de Koch, à 70 km de la capitale de l'Etat, Bentiu.
     Les tentatives pour obtenir un commentaire de la WNPOC sont restées vaines, mais les autorités locales confirment qu'un millier d'habitants des environs souffrent de maladies non identifiées et que la compagnie pétrolière n'a versé des indemnités que pour trois cas de décès.
     Malgré les sanctions internationales, à l'initiative des Etats-Unis, pour pousser le Soudan à stopper l'effusion de sang dans la région du Darfour, l'investissement direct étranger dans le pays n'a cessé de progresser. Il a atteint 2,3 milliards de dollars en 2006, sept ans seulement après le début des exportations de brut, et à l'initiative des économies asiatiques aux grands besoins énergétiques, Chine et Malaisie en tête.
     "La compagnie (WNPOC) n'a aucun droit. Ce sont les habitants qui ont le droit sur leur terre parce que qu'ils ont besoin de pâturages et d'eau potable", affirme Paul Bol Ruoth.
     "Depuis que l'eau est contaminée, nous avons perdu plusieurs vaches et chèvres", ajoute un vieil homme, qui ne veut pas révéler son nom aux journalistes de passage.
     "On a besoin d'aide", poursuit-il en désignant les fumées s'échappant de la raffinerie Thar Jath, qui porte le nom de l'ancien village évacué par la population et situé au coeur des marais, partiellement drainés.
     Les villageois peuvent être impressionnés par les nouvelles routes et les câbles électriques, mais ils ont vu peu d'amélioration de leurs conditions de vie.
     "Le développement qui nous est promis ne nous intéresse pas. Tout ce que nous voulons, c'est notre vieux et sain environnement", dit Peter Riek Gieng, 25 ans et au chômage.
     Selon une ONG présente localement, Signe d'espoir, la teneur très élevée en nitrates dans l'eau en raison des techniques d'extraction du brut "peut avoir de graves effets, notamment sur les enfants".
     "Les enfants de moins de six mois qui boivent cette eau peuvent devenir très malades, voire mourir", affirme dans un communiqué le directeur de l'ONG, Reimund Reubelt.
     "Nous voyons aussi une catastrophe écologique naissante pour les marais les plus vastes au monde. Pour assurer la santé publique, le gouvernement doit améliorer la qualité de l'eau et, en même temps, empêcher une catastrophe environnementale", ajoute-t-il.
     Dans le village de Riek, où les habitants ont été relogés après avoir cédé la place à la raffinerie distante de 6,5 km, des enfants jouent autour d'un puits abandonné en raison de son eau polluée.
     Un employé de la raffinerie dit avoir vu d'autres travailleurs pétroliers jeter des déchets dans un puits à proximité, qui, en saison des pluies, devrait déborder et polluer les terres du village.
     "Si le gouvernement ne nous entend pas, on va faire comme au Nigeria", menace un villageois, Martin Luang, en référence à la vague d'enlèvements de travailleurs du secteur pétrolier qui a lieu dans le sud du Nigeria.