RÉSEAU SOL(ID)AIRE DES ÉNERGIES !
Les énergies renouvelables, une réalité

L'aspect politique des énergies renouvelables.
Présentation de l'agence suisse des énergies renouvelables
Dans le cadre de la politique mondiale, européenne et suisse, le rôle que cette agence va avoir à jouer.
John Dupraz

I. L'Agence Suisse de l'énergie
1. Création de l'Agence
    L'Agence suisse des énergies renouvelables (ASER) a été créée par plus de 40 association économiques, organisations et cantons le 11 mai 1998 à l'initiative de SWISSOLAR et des associations rnembres. Madame Régine Aeppli, Conseillère nationale (PS/ZH) et le Conseiller aux Etats Bruno Frick (CVP/SZ) sont les noveaux co-présidents dc 1'ASER. En sa qualité de président de SWISSOIAR, le conseiller aux Etats représente toute une série d'associations professionnelles de la branche des installations du bâtiment, dont des associations solaires. De son côté, Madame Régine Aeppli, co-présidente de Solar 91, parle également au nom des consommateurs suisses.

Voici les noms des vice-présidents de l'ASER:
M. Dick Marty, Conseiller aux états (PRDS/TI), ancien président de la Conférence des gouvernements des cantons de montagne;
M. John Dupraz, Conseiller national (PRDS/GE), membre du comité de l'Union suisse des paysans;
Monsieur Christophi Eymann, Conseiller national (PLS/BS), directeur de 1'Union cantonale des arts et metiers de Bâle-Ville;
Mme Dori Schaer-Born, Conseillère d'Etat, direction des travaux publics, des transports et de l'énergie du canton de Berne;
Monsieur Hermann Weyeneth (UDC/BE), président de l'association bernoise Econornie forastière.

    La présidence réunit donc des représentants de tous les partis gouvernementaux. L'agence est une structure ouverte: il va sans dire que d'autres associations, cantons et communes peuvent y adhérer si leurs objectifs concordent avec ceux de l'ASER. L'agence suisse des énergies renouvelables est une société inscrite au registre du commerce.

2. Objectifs de l'ASER
L'Agence suisse des énergies renouvelables vise les objectifs suivants:

  1. Promouvoir les énergies renouvelables et l'utilisation rationnelle de l'énergie sans déroger aux règles de la concurrence, afin d'angmenter l'apport des agents renouvelables à la couverture des besoins globaux d'énergie de la Suisse.
  2. Assumer des tâches dans le cadre des législations fédérales, cantonales et communales.
  3. En vue d'optimiser le mécanisme de la concurrence sur le marché de l'énergie, concevoir des mesures d'encouragement telles qu'il n'y ait pas distorsion du marché an sein d"un secteur. Prendre en compte les coûts externes et faire bénéficier les énergies renouvelables d'un soutien privilégié.
  4. Déployer son activité dans toutes les régions géographiques et linguistiques de la Suisse.
  5. Assumer à l'occasion d'autres tâches conformes aux chiffres 1-4, notamment la collaboration avec des organisations analogues en Suisse et à l'étranger (cf. Statuts, app. 1).
    Le conseiller aux Etats Bruno Frick fait partie des parlementaires qui militent en faveur d'une taxe sur l'énergie. Lors de l'assemblée constitutive, il a résumé ainsi les objectifs et les taches de l'ASER (trad. très librement): «L'ASER n'est pas une quelconque association, c'est le centre d'excellence en matière d'énergies renouvelables et d'utilisation. rationnelle de l'énergie. Pour la première fois, tous ceux qui s'investissent dans l'utilisation des énergies renouvelables en Suisse se retrouvent dans un seul et même organisme. C'est un événement du fait de la diversité des origines et parce que beaucoup n'ont jamais ou presque jamais collaboré auparavant. Ainsi l'ASER s'affirme d'emblée comme une pépinière de solutions aux problèmes d'énergie et un repoussoir des stratégies conflictuelles.»
    L'assemblée constitutive a réuni pratiquement toutes les catégories d'énergies renouvelables: force hydraulique, bois et autre biomasse, soleil, chaleur ambiante. De même y sont représentés les principales associations professionnelles des branches des installations du bâtiment et des bureaux d'ingénieurs-concepteurs. Les cantons de leur côté ont accompagné le processus de création.
    Concernant la politique énergétique actuelle de la Suisse, Monsieur Frick devait déclarer:
    «Depuis 1990, la Confédération assume un mandat constitutionnel d'encourager les énergies renouvelables et le rendement énergétique. Il avait été prévu initialement que le programme Energie 2000 disposait cette année de 170 millions de francs à cet effet. En réalité, il table sur moins d'un tiers de cette somme. La promotion des énergies renouvelables et du rendement énergétique n'est pourtant pas un but en soi. Nous gaspillons les ressources d'énergies fossiles et pillons les ressources naturelles au détriment de nos enfants et de nos petits-enfants. Ceux-ci ne disposeront plus d'agents fossiles, ou alors à des prix exorbitants.
    Même en Suisse, le potentiel des énergies renouvelables est inépuisable. Il suffirait d'un effort modéré pour leur permettre de couvrir l'essentiel des besoins de chaleur des ménages, des arts et métiers et de l'industrie. Notre objectif doit être de les amener rapidement à fournir un apport élevé, en complément des énergies traditionnelles. Dans les 25 ans qui viennent, les énergies renouvelables peuvent accomplir beaucoup plus que nous ne le croyons aujourd'hui
    La nouvelle loi fédérale sur l'énergie permet la délégation accrue de certaines tâches à des organisations privées. Mais l'ASER veut aussi militer en faveur de la mise en oeuvre des taxes d'incitation et pour la réforme fiscale écologique, dans la mesure où la loi l'y autorisera.
    Monsieur Frick a terminé par ces mots: «L'ASER veut être l'avocate des énergies renouvelables et du rendement énergétique en Suisse. Elle approuve la création d'autres agences de l'énergie, car son intention n'est pas d'obtenir des mandats de faveur de la Confédération et des cantons: nous voulons démontrer nos qualités dans la concurrence avec les autres agences et groupes d'intérêts
    La loi sur 1'énergie prévoit la possibilité pour la Confédération, de transférer certaines tâches d'exécution à des organisations privées et de coopérer avec des organisations économiques. Lieu de rencontre des acteurs économiques dans le domaine des énergies renouvelables, l'ASER entend assumer des tâches d'éxécution pour le compte de la Confédération. Plusieurs de ses membres sont déjà actits à ce titre; leur engagement peu coûteux donne entière satisfaction. La haute surveillance exercée par la Confédération sera un gage de qualité de premier ordre à l'avenir aussi
    A l'occasion de la première conférence de presse de 1'ASER, le 15 mai 1998, la co-présidente, Madame Régine Aeppli, a relevé que la Suisse dépend des énergies importées à raison de 85% et qu'en outre, nous n'utilisons dans ce pays que 40% de l'énergie primaire. Je reviendrai sur la question dans la deuxième partie de cet exposé.

3. A l'étranger, des agences de l'énergie qui connaissent le succès
    Chacun sait qu'il existe dans différents pays des agences de l'énergie qui font du très bon travail pour le soutien au rendement énergétique et la diffusion des agents renouvelables. L'une d'entre elles, située en Haute-Autriche, a obtenu des résultats exemplaires, que je me voudrais de passer sous silence. Vous remarquerez que la puissance installée en chauffages alimentés à la biomasse / au bois déchiqueté a augmenté de façon continue depuis 1984 (cf ann. 2, et "Schweizer Solarpreis" 1997 p. 75-77). On note une évolution tout aussi réjouissante pour les équipements à capteurs solaires de ce même petit pays (cf ann. 3). Celui-ci possède aujourd'hui un plus grand nombre d'équipements alimentés à la biomasse et d'installations solaires que par exemple l'Espagne ou l'Italie. La qualité du travail de cette agence est manifeste et ici en Suisse, elle fait rêver: de 1991 à 1996, les rejets de C02 ont été réduits de 11,1%! C'est dû principalement à l'utilisation du bois et de la biomasse dans le domaine du chauffage, puis de l'énergie solaire pour la préparation d'eau chaude (cf app. 4).

II. Réformer la politique Suisse de l'énergie, une tâche pour l'ASER

1. 1999, anée de la nouvelle constitution fédérale - un motif de fête?
    Cette année nous avons fêté le 150ème anniversaire de la création de notre état fédéral. Les buts de notre Confédération et les articles constitutionnels acceptés recemment par le peuple doivent être repris avec aussi peu de modification que possible. «Assurer l'indépendance de la patrie» contre l'étranger et «l'accroissement de la prospérite commune» font partie de ces buts (art. 2 CF). Avec 130.000 personnes sans emploi, on doit se poser la question de savoir si l'acroisscment de la prospérité commune est encore promue. Dans le secteur de l'énergie, il est facile de répondre à la question de l'indépendance vis-à-vis de l'étranger. Nous avons perdu notre indépendance dans de grandes proportions et sommes à 85% dépendant de l'étranger pour notre approvisionnement énergétique. Je vous renvoie au graphique annexé (consommation d'énergie finale en Suisse de1930 à 1995, annexe 5). Vous pouvez en déduire que la Suisse avait un taux d'auto-approvisionnement d'encore environ 36% on 1950. Aujourd'hui nons disposons d'un approvisionnement indigène situé entre 15 et 17% selon la variation de la production hydraulique. Nous importons donc environ 85% de nos agents énergétiques de l'étranger. Comparé avec le reste de l'Europe, nous sommes au moins trois fois moins bons. En Europe, en effet, l'auto-approvisionnement se situe à environ 50%. (Comparaison de la comrnission européenne, livre vert pour une stratégie Communautaire, Bruxelles,20.1.96, page 19).
    Cependant, en 1990, 71% des Suissesses et des Suisses ont décidé: "La Confédération encourage le développement de techniques énergétiques, en particulier en rnanière d'économie d'énergie et d'énergies renouvelables" (art. 24... CF), Lorsque nous considérons la situation actuelle avec 85% d'énergie importée, nous devons dire que nous n'avons pas rempli le mandat populaire du 23.9.90. Certes, nous avons depuis édicté l'arrêté fédéral sur l'énergie (AEn) et une ordonnance. Mais le résultat escompté n'est de loin pas atteint.

2. Réduire le gaspillage de 60% d'énergie et promouvoir les énergies renouvelables
    Si nous considérons ce qui se passe avec la large importation d'énergie, nous devons constater que du point de vue énergétique, il n'y a pas de quoi fêter en 1999. Alors qu'en 1930 et 1950 l'efficacité énergétique se montait encore à environ 50% par rapport à la consommation d'énergie primaire, elle est tombée en-dessous de 50 à 41,5% aujourd'hui. Cela signifie que nous utilisons mal cette énergie et en gaspillons 58,5% en raison de rendements misérables et de systèmes de transport d'énergie peu efficaces. Sur le diagramme du flux énergétique simplifié de la Suisse, on peut voir l'importance des pertes d'énergie. On constate de même que des immeubles d'habitation actuels consomment 20 l de mazout par m2 et par année; c'est-à-dire qu'un apparternent d'une surface habitable de 100 m2 a besoin de 2.000 l de mazout par an En revanche, les nouvelles constructions à affectation commerciale et d'habitat qui ont obtenu le prix solaire ou qui respectent la norme Minergie nécessitent seulement 2 l de mazout au m2, soit 10% de ce que veulent les bâtiments traditionnels. Par ailleurs, ces nouvelles constructions ne dépendent pas du mazout, mais des agents renouvelables, avant tout l'énergie solaire et le bois. Ainsi nous pourrions atiliser de manière plus judicieuse et plus efficace non seulement 58%, mais 90% de notre énergie ! L'accroissement des pertes énergétiques depuis 1970 jusqu'à aujourd'huii est très préoccupant. De ce point de vue non plus nous n'avons pas rempli le mandat constitutionnel de 1990.
    Il est du devoir de chaque parlementaire de s'impliquer pour la réalisation des principes fixés dans la Constitution. Ainsi, le Conseil national a accepté la motion David/Suter resp. 1998 / redevance écologique , demandant une taxe de 0.6 ct/kWh sur tous les agents énergétiques non renouvelabtes. J'ai soutenu cette mesure l'an passé et je continuerai à la soutenir.
    Si cette motion l'emportait aussi au Conseil des Etats, nous aurions la chance d'améliorer au moins partiellement l'auto-approvisionnement énergétique après 25 à 30 ans. Selon certains calculs, nous pourrions, avec la décision du Conseil national, (Arrêté fédéral concernant une redevance écologique sur l'énergie ou des propositions semblables telles que prévues par l'initiative solaire), accroître l'auto-approvisionnent de 15 à environ 40 à 45 % et ainsi diminuer massivemant notre dépendance énergétique. Il est évident que le bois et la biomasse joueront un rôle essentiel dans cette perspective car ces agents énergétiques sont stockables facilement.

3. La majorité du Conseil des Etats empêche-t-elle l'accomplissement du mandat constitutionnel ?
    Le Conseil national a à nouveau essayé en 1998, comme en 1997 et 1996 et 1995, d'accroître la part des agents énergétiques indigènes et pour cela de baisser la promotion de l'énergie nucléaire (fission et fusion) d'environ 5 A 6%. En décembre 1997, nous l'avons décidé trois fois an Conseil national. Malheureusement, le Conseil des Etats a continuellement empêché notre proposition. On peut constater également combien l'encouragement à la recherche eut injustemenr réparti. Bien que le souverain suisse ait décidé par 71 % des voix en 1990 d'encourager les énergies renouvelables et l'efficience énergétique, nous enregistrons encore 60% de pertes énergétiques et environ 65 à 70 millions de francs pour la recherche dans l'industrie nucléaire, 9 ans après la votation populaire de 1990...
 Pour encourager les technologies suivantes, il reste seulement pour chacune une portion d'environ 5 millions de francs: bois, solaire thermique, photovoltaïque et petites centrales hydrauliques.
    On peut également apercevoir la situation énergétique telle qu'elle sera dans 20 ans, si la majorité du Conseil des Etats devait continuer s'imposer comme 1997 et 1998. Dans 20 ans, nous aurions depensé au total environ 4600 millions de francs pour la recherche sur l'énergie nucléaire (fission et fusion) (1956-2020). A partir de la décision populaire de 1990 (Encouragement des énergies renouvelables et de l'efficience énergétique),la Suisse aurait investi environ 450 millions de francs pour l'utilisation de l'énergie solaire thermique, photovoltaïque, le bois et la biomaze. Ceci serait environ un dixième du montantque la Suisse aurait alloué au total à l'industrie nucléaire. Nous sommes clairement d'avis qu'une base constitutionnelle pour une telle "politique énergétique" manque et qu'elle est en contradiction avec la décision populaire.
    L'Autriche prouve qu'il est possible d'entreprendre quelque chose dans le domaine du bois et de la biomasse. L'Antriche produit aujourd'hui ca. 50 milliards de kWh à partir du bois, de la biomasse et du soleil. La Suisse au contraire ne peut montrer qu'une part de 5.9 milliards!...
    Selon moi. il saute au yeux qu'il n'est pas possible de continuer de cette manière. Aussi longtemps que les décisions du peuple ne sont pas réalisées, il n'y a pas d'autre choix que d'agir en conséquence. Nous soutenons très clairement les propositions du conseiller national qui ont passé le cap du Conseil national, mais aussi celles provenant des cantons de montagne (Motion CE Maissen) des directeurs cantonaux pour l'énergte etc. Si celles-ci n'étaient pas acceptées, nous n'hésiterions pas à soutenir l'initiative solaire. En tant que parlementaire, je ne peux pas simplement rester à observer comment un mandat clair du peuple est empêché dans le Palais fédéral, au détriment de nos descendants et de la sécurité d'approvisionnement de la Suisse.