La géothermie française en quelques dates
(Systèmes Solaires, No 139, 9-10/2000, p.47)
1969: première à Melun-l'Almont
    Le tout premier réseau, créé dans cette ville de la région parisienne, alimentait 3'000 foyers. L'eau puisée dans le réservoir du Dogger, un aquifère situé à 2'000 m de profondeur, est chargée en sels dissous et en gaz. Une fois ses calories "soutirées", elle est renvoyée dans le Dogger par l'intermédiaire d'un puits de réinjection. Ce forage est identique à celui par lequel l'eau remonte à la surface, le puits de production. L'ensemble constitue le premier "doublet" jamais expérimenté. La centrale pilote de Melun est toujours en activité. On y a testé le concept du "triplet" en 1995, en perçant un second puits de production, à proximité du doublet initial. Ce forage, plus large, est protégé de la corrosion par un chemisage en acier et fibre de verre. L'augmentation de débit a permis de raccorder 2'200 équivalents logement au réseau d'origine.

1980-1986: les centrales géothermiques fleurissent
    Sur la base de l'expérience positive de Melun-l 'Almont, fonctionnant sans problème depuis 14 ans, les pouvoirs publics décident de répondre à la seconde crise pétrolière en soutenant d'autres projets géothermiques. Plus de 70 opérations sont menées entre 1981 et 1986, dont la plupart destinées au chauffage urbain. Les conditions du succès étaient réunies : une énergie fossile concurrente chère, un taux d'inflation favorisant l'investissement, le soutien financier du gouvernement, des garanties couvrant le forage et la ressource pendant 15 ans, une réglementation clarifiant l'exploitation des sous-sols.

Fin 1986: le bilan
    Soixante-quatorze opérations géothermiques fonctionnent fin 1986, dont 54 dans le Bassin parisien, 15 dans le Bassin aquitain et 5 situées dans d'autres régions. Les prévisions. tiennent presque toujours leurs promesses, puisqu'on enregistre 92% de résultats positifs en région parisienne et 75% en Aquitaine. En revanche, seuls 11% des forages réalisés ailleurs sont économiquement exploitables.

1986-1990: la crise
    Dès 1986, le contexte énergétique commence à se modifier. Tandis que les prix de l'énergie chutent, les difficultés techniques apparaissent dans plusieurs centrales parisiennes. De sombres années vont suivre pour la géothermie. Les raisons de cette situation sont diverses.
    Les prix de l'énergie géothermique sont indexés sur ceux des énergies fossiles, limitant les bénéfices. L'inflation, diminuant depuis 1986, augmente peu à peu la différence entre le taux d'inflation et le taux d'intérêt des emprunts contractés au début des années 80 pour financer les projets. Toutes les installations de la région parisienne prélèvent et réinjectont de l'eau du Dogger. Riche en sulfures, celle-ci est très corrosive et endommage les parties métalliques de la boucle géothermique. Les maîtres d'ouvrage, généralement des collectivités locales, se trouvent démunis devant l'accumulation de ces problèmes financiers et techniques.

1987-1993: les remèdes
    Le gouvernement charge un préfet d'évaluer l'état d'une trentaine d'opérations en déficit et de trouver des solutions durables pour redresser leur situation financière. Un protocole est signé entre le gouvernement et les maitres d'ouvrage, définissant les obligations de chacun (refinancement de la dette, abaissement des taux d'intérêt, contribution financière des municipalités, etc.). Quelques centrales sont alors fermées. Du côté technique, on cherche des solutions curatives permettant d'éliminer les dépôts et de reconditionnor les tubages. Le but est de retrouver les caractéristiques initiales du puits de production. Parallèlement, des méthodes préventives sont étudiées. Un dispositif d'injection en continu d'inhibiteurs de corrosion, placé en fond de puits, a ainsi permis de diminuer la corrosion d'un facteur 10. Ces études sont financées essentiellement par l'Ademe, le BRGM et l'Union européenne. L'Ademe a par ailleurs subventionné l'installation du dispositif dans tous les forages géothermiques de la région parisienne.

1994-1998: la convalescence
    Après le redressement de la situation financière et la résolution de la plupart des difficultés techitiques, le temps est venu d'optimiser l'exploitation des réseaux de chaleur. La recherche de nouveaux clients, l'extension des réseaux, la modernisation des installations, en sont les outils.

1998-2000: la nouvelle donne
    Soixante et une des 74 opérations de 1986 sont fonctionnelles, dont 41 en Ile-de-France (sur les 54 des débuts). Les autres régions, n'ayant pas connu autant de difficultés techniques, ont réussi à maintenir leurs effectifs. L'ensemble chauffe et/ou alimente en eau chaude environ 200'000 équivalents logements, économisant 170'000 tep et évitant l'émission de 650'000 tonnes de C02 par an. Dans un contexte toujours assez tendu de bas prix des énergies concurrentes, un tiers des centrales de la région parisienne est rentable, un tiers est à l'équilibre et le dernier tiers enregistre toujours des déficits. Cependant, un nouvel élan nationial se fait sentir et, grâce à ses atouts environnementaux, la géothormie française pourrait bien être relancée.