CONTROVERSES NUCLEAIRES !
SEISMES ET ENERGIE NUCLEAIRE

JAPON Fukushima Dai-Ichi (11 mars 2011)

CONTROVERSES?

Fukushima, ou l’incompatibilité du nucléaire avec le développement durable
Corinne Lepage, eurodéputée et présidente de Cap21
8 avril

     L’énergie nucléaire est incompatible avec la santé humaine, l’humanisme, la préservation de la biodiversité, la croissance économique, la démocratie et la transparence, analyse Corinne Lepage (eurodéputée, présidente de Cap21, ancienne ministre de l'Environnement, et avocate spécialisée en droit de l’environnement). Une activité, selon elle, totalement non-durable...
     «Une gestion parfaitement maîtrisée du mensonge, de la désinformation et de la propagande ont conduit à cacher les dysfonctionnements antérieurs de la centrale, à sous-estimer systématiquement les risques et à gérer la catastrophe actuelle dans des conditions qui rappellent Tchernobyl». (Corinne Lepage)
     S’il n’est pas toujours facile de définir le développement durable, nous avons en grandeur nature ce qu’est un développement non durable. La catastrophe nucléaire de Fukushima exprime en un raccourci saisissant ce qu’est l’impasse dans laquelle les choix non durables que nous avons accumulés - ou plutôt que l’oligarchie qui décide en notre nom a choisi pour nous.
     Une technologie prétendument maîtrisée dans tous les cas de figure: relisons Tepco dans le texte. Lors d'un symposium tenu en novembre 2010 à l'Institut de technologie de Niigata, cette société avait présenté un document intitulé «Evaluation des tsunamis pour les centrales nucléaires au Japon». Selon Médiapart, il s'agirait d'une étude démontrant la parfaite sécurité des centrales nucléaires japonaises grâce à une méthode de simulation hautement scientifique qui conduit à estimer la hauteur maximale d'une vague de tsunami à Fukushima, et par conséquent celle des murs de protection. La hauteur limite trouvée par les experts est 5,7 mètres. Malheureusement, le 11 mars, elle sera de 14 mètres, autrement dit, l’arrogance des exploitants et des agences de contrôle du nucléaire traduit un système d’évaluation et de gestion des risques qui ne peut que conduire à la catastrophe.
     Une gestion parfaitement maîtrisée du mensonge, de la désinformation et de la propagande ont conduit à cacher les dysfonctionnements antérieurs de la centrale, à sous-estimer systématiquement les risques et à gérer la catastrophe actuelle dans des conditions qui rappellent Tchernobyl dans la mesure où l’information sur le niveau de radioactivité est retenu par l’AIEA et les Etats. Autrement dit, démocratie et transparence sont incompatibles avec le nucléaire.

(suite)
suite:
     Des conséquences à court terme restent encore indéterminées en ce qui concerne la santé humaine. La dissimulation des niveaux réels de radioactivité rend l’évaluation impossible. Mais, malheureusement, il semble que les «liquidateurs» japonais soient dans une situation d’exposition très importante et l’étendue géographique de l’exposition laisse craindre des conséquences sanitaires importantes tant en raison de l’ingestion de produits contaminés que de l’irradiation elle-même. Le coût humain et financier est immense. Autrement dit, humanisme et respect de la personne humaine comme priorité sont incompatibles avec le nucléaire.
     Des conséquences à court, moyen et long terme pour les activités économiques sont actuellement inchiffrables : à commencer par l’agriculture rendue impropre à la consommation dans une zone qu’il conviendra de délimiter mais à continuer par toutes les activités économiques situées dans la zone contaminée qui sera interdite à l’exportation et même à l’utilisation sur le territoire japonais. Autrement dit, la croissance économique et même un développement modeste sont incompatibles avec le nucléaire.
     Des conséquences à long terme qui condamnent le territoire pour des dizaines, voire des centaines d’années, en raison de la présence de strontium à 5 cm sous la terre. L’eau est contaminée, ce qui signifie que la chaîne alimentaire, la faune, la flore terrestre et maritime sont contaminées dans des proportions et pour une durée indéterminable à ce jour et sans doute indéterminée. Autrement dit, la préservation de la vie et de la biodiversité sont incompatibles avec le nucléaire.
     Il résulte de ce qui précède que nous sommes en face de la quintessence de la non-durabilité tant sur le plan du fonctionnement démocratique de la société que du développement.
     Le développement ou plutôt, l’évolution soutenable implique une gouvernance partagée et un développement qui permette celui des générations suivantes ce qui signifie des ressources et des choix possibles. Il est clair que notre croissance fondée sur le nucléaire et les ressources fossiles tourne le dos à cette évolution. Il est donc urgent de sortir de l’hypocrisie: soit nous changeons pour nous orienter vraiment vers le développement soutenable ; soit nous arrêtons la référence constante au développement durable. Mais, le double discours ou plutôt l’océan croissant entre actes et paroles n’est plus tenable. L’humanité doit se ressaisir ou risque de se priver d’avenir. Il est temps de revenir à la raison. Comme le disait Oscar Wilde, le chaînon manquant entre l’Homme et l’animal, c’est nous.
Corinne Lepage
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