CONTROVERSES NUCLEAIRES !
SEISMES ET ENERGIE NUCLEAIRE
JAPON, le 16 juillet 2007
SUIVI
21 juillet: Sources ADIT, IRSN, Le temps,

I/ L'IRSN fait le point au 20 juillet 2007 sur le tremblement de terre Chu-Etsu-Oki du 16 juillet 2007 et ses conséquences sur la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa
http://www.irsn.fr/

     Le 16 juillet à 10h13, un séisme important d'une magnitude de 6,6 a secoué la région de Niigata au Japon; la profondeur du séisme est évaluée à 10 km.(voir fiche d’information du 17 juillet)
     L'épicentre du séisme est situé à une dizaine de kilomètres de la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa exploitée par la compagnie TEPCO; elle compte 7 tranches d'une puissance installée totale de 8.212 MWe.
     Les tranches 3, 4 et 7 en fonctionnement lors du tremblement de terre ont été automatiquement arrêtées. La tranche 2 était en train de démarrer lors du séisme; elle a également été arrêtée automatiquement. Les tranches 1, 5 et 6 étaient en période d'arrêt pour inspection.
     L'exploitant procède actuellement à un recensement des anomalies causées par le séisme; au 19 juillet, 67 anomalies avaient été recensées sur l'ensemble du site. Parmi celles-ci, selon TEPCO, les plus notables sont les suivantes:
     - A la suite du tremblement de terre, un incendie s'est déclaré sur un transformateur électrique à l'extérieur du bâtiment du réacteur de la tranche 3. Il s'agit du premier cas connu d'incendie dans une centrale nucléaire résultant d'un tremblement de terre. Cet incendie résulte probablement d'un affaissement du sol au niveau d'un pylône soutenant des câbles électriques, ce qui aurait entraîné un court-circuit et l'inflammation d'huile par les étincelles produites. Le système d'extinction semble avoir été également endommagé par l'affaissement du sol. L'incendie a été maîtrisé à 12h02, soit près de 2h après le départ du feu.
     - Une fuite d'eau a été constatée le 16 juillet vers 12h50 sur la tranche 6, dans une «zone non surveillée» (au sens de la radioprotection des travailleurs). Cette fuite proviendrait du débordement d'eau de la piscine d'entreposage de combustibles usés, mais son caractère radioactif n'a été détecté que 5h30 plus tard (à 18h20). Elle a entraîné via les systèmes de collecte un rejet d'activité dans la mer de 90.000 Bq; les doses associées sont certainement extrêmement faibles.
     - Plusieurs centaines de fûts entreposés dans le bâtiment d'entreposage des déchets solides se sont renversés et certains ont perdu leur couvercle. Ces fûts contenaient des déchets de faible activité, tels que les résidus de l'incinération de gants ou de masques portés par les opérateurs pour rentrer en zone contrôlée. Des traces de radioactivité ont été mesurées sur le sol de l'entreposage.
     - Des traces de radioactivité (iodes, chrome 51, cobalt 60) ont également été détectées dans le filtre du système de ventilation du réacteur 7. De tels éléments ont donc été rejetés dans l'atmosphère; les doses correspondantes pour la population seraient bien inférieures au nanosievert (10-9 Sv). L'origine de ces rejets est liée à un retard dans la mise à l'arrêt des systèmes d'élimination des vapeurs au sol de la turbine (système spécifique des réacteurs à eau bouillante). 
     Les valeurs d'accélération enregistrées par l'instrumentation de la centrale sont généralement supérieures aux valeurs retenues pour la conception. Ceci pourrait expliquer le nombre important d'anomalies recensées qui sont essentiellement des fuites d'huile ou d'eau, des décalages de conduits de ventilation… A ce stade des investigations, il ne semble pas y avoir d'anomalie de nature à mettre en cause le maintien à l'état sûr des installations. Toutefois, les contrôles, les réparations et les études nécessaires avant redémarrage (y compris de réévaluation sismique) dureront certainement plusieurs mois. En particulier, des investigations vont être effectuées pour reconnaître, plus précisément la localisation de la faille à l'origine du séisme.

II/ Le Japon tremble pour ses réacteurs
http://www.letemps.ch


Une faille devant la centrale de Kashiwazaki.

     Le séisme de lundi a réveillé les pires craintes quant à la sûreté des centrales.
     Une catastrophe majeure vient-elle d'être évitée au Japon? Nul doute que le puissant séisme qui a secoué l'ouest et le centre du pays lundi (avec un bilan provisoire de 10 morts, 1.000 blessés, 10.000 sans-abri et 2.000 bâtiments détruits) aurait pu causer des dégâts bien plus graves. L'épicentre du séisme a été localisé en effet à neuf kilomètres à peine de la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, la plus grande au monde en termes de production électrique (elle fournit 35% de l'électricité du Japon, dont celle de Tokyo).
     Aussi, lundi, quand la terre a tremblé à 10h13, la centrale a vibré. Des bâtiments se sont fissurés. Des installations annexes et des circuits auxiliaires aux (sept) réacteurs de la centrale, ainsi que des postes électriques, ont souffert. Un transformateur a même pris feu, causant un épais nuage de fumée noire qui a semé la panique parmi les 93.500 habitants de Kashiwazaki. Il a fallu deux heures pour vaincre l'incendie. Plus grave, la centrale connaît depuis lundi des fuites radioactives. Clairement, elle n'était pas conçue pour résister à un séisme de cette magnitude.
     La première fuite radioactive, qualifiée de «légère» par un porte-parole de la compagnie électrique Tepco (Tokyo Electric Power), gérant la centrale, était une «flaque d'eau radioactive» de 1,2 mètre cube, aussitôt récupérée, qui flottait près du site à la surface de la mer du Japon. Mardi, Tepco a reconnu un second incident et indiqué que «des fûts contenant des déchets faiblement radioactifs», empilés les uns sur les autres, étaient tombés au moment de la secousse. Des experts de l'Agence (gouvernementale) de la sûreté nucléaire ont alors précisé que parmi les 438 fûts d'acier hermétiques entreposés, destinés à recueillir les gants et autres vêtements irradiés, une quarantaine s'étaient «ouverts». Mercredi, une nouvelle fuite radioactive a été détectée dans le filtre d'un réacteur. Elle serait «sans danger» pour l'homme et l'environnement. «Aucune radiation» n'aurait été détectée à l'extérieur du site, selon Tepco.
     Le doute reste néanmoins permis. Car les Japonais le savent trop: Tepco n'est pas un modèle de transparence. Son image est ternie. Son nom reste associé à de mauvais souvenirs. En 2003, ce géant électrique avait dû stopper 17 réacteurs nucléaires pour «raisons de sécurité»: des fissures et des fuites radioactives avaient été cachées aux autorités. Plus récemment, en mars, les Japonais ont carrément appris, ahuris, que Tepco avait étouffé toute une série d'incidents nucléaires depuis vingt ans. L'un s'était produit en 1993 à Fukushima. Un autre, plus sérieux, était survenu à la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, la même qui fuit depuis lundi! A chaque fois, Tepco avait réussi à «gérer la situation». Et une fois au moins à éviter le stade critique d'une réaction en chaîne incontrôlée.
     Dans un Japon pauvre en énergies fossiles, qui dépend à 35% de l'énergie nucléaire pour son électricité, où le rejet du nucléaire militaire reste une question de principe (le pays est aussi le seul à avoir été atomisé), le séisme de lundi a réveillé les pires craintes quant à la sûreté des centrales du pays et de leurs normes parasismiques. Si le Japon tremble pour ses centrales, c'est aussi parce que les quatre derniers accidents nucléaires dans le monde se sont produits au Japon, dans les centrales de Mihama en 2004 (5 morts et 6 blessés), Tokaïmura en 1999 (2 tués, 600 irradiés, 300.000 réfugiés) et 1997 (37 irradiés) et Monju en 1995. Le pays n'en continue pas moins de bâtir des centrales. Il possédera 80 réacteurs en 2010. Des ambitions qui confèrent au lobby nucléaire nippon des devoirs en matière de sécurité.
     Sous pression, alors que l'inquiétude de la communauté internationale grandit, le gouvernement nippon promet une enquête qui aidera à comprendre «comment le séisme [de lundi] a pu dépasser les normes de résistance prévues» à la centrale de Kashiwazaki, fermée jusqu'à nouvel ordre. Le ministre de l'Economie et de l'industrie, Akira Amari, a indiqué que tout allait être fait pour «vérifier si les réacteurs nucléaires [du Japon] peuvent résister aux divers scénarios de tremblement de terre». Il serait temps en effet... Mercredi, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a proposé ses services au Japon. Les installations nucléaires de ce dernier semblent soudain presque plus inquiétantes que celles de la Corée du Nord.