CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ESSAIS NUCLEAIRES ET SANTE

Le bilan des essais nucléaires français en Algérie
http://www.lefigaro.fr/
20 mars 2007

    Il subsiste encore quelques traces radioactives des dix-sept explosions atomiques réalisées dans le Sahara entre 1960 et 1966...

JEAN-LUC NOTHIAS.

     COMME il l'avait fait pour les essais nucléaires réalisés en Polynésie, le ministère de la Défense vient de rendre publique un dossier de présentation des essais nucléaires et de leur suivi au Sahara. Le dossier, avec photos, cartes et graphiques, retrace l'historique des tirs, les mesures de sécurité, les études radiologiques aussi bien sur les lieux que sur les hommes et détaille les principaux accidents qui s'y sont produits.
     La France a mené dix-sept essais nucléaires dans le Sahara algérien entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966. Une première série de tirs a eu lieu à une cinquantaine de kilomètres au sud de Reggane, oasis située à 700 kilomètres de Colomb-Béchar qui comptait alors quelques centaines d'habitants (près de 35.000 aujourd'hui). Quatre tirs atmosphériques ont été réalisés. Gerboise bleue, le 13 février 1960 était une bombe de 70 kilotonnes (kt) disposée sur un pylône. Les suivants, les Gerboise blanche (1er avril 1960), rouge (27 décembre 1960) et verte (25 avril 1961), deux sur pylône et un au sol, étaient d'une puissance de moins de 5 kt.
     La deuxième série de tirs, treize du 7 novembre 1961 au 16 février 1966, a été effectuée à un autre endroit, dans le massif du Hoggar, à proximité d'In Ekker. Ils n'étaient plus atmosphériques: les engins étaient placés au fond de galeries en forme de colimaçon de manière à ce que l'onde de choc générée par l'explosion obture la galerie et piège les produits radioactifs sous terre. Pourtant, 4 essais n'ont pas été confinés et des produits radioactifs se sont échappés.
     L'accident le plus sérieux s'est produit le 1er mai 1962 lors de l'essai Béryl (moins de 30 kt). La galerie s'est ouverte et un important nuage radioactif s'est échappé. De plus, un changement de direction du vent l'a amené à passer au-dessus du poste de commandement. Une quinzaine de personnes ont ainsi été assez sévèrement exposées. Parmi elles, deux ministres, Pierre Messmer et Gaston Palewski. Ce dernier, qui décédera d'une leucémie, pensait que sa maladie était due à cette irradiation. De plus, 9 militaires ont séjourné en zone contaminée. Après décontamination, ils ont été transportés à l'hôpital Percy de Clamart et ont fait l'objet d'un suivi médical. Les huit qui sont encore en vie ne présentent pas de maladie liée à la radioactivité, dit-on au ministère de la Défense.

Des manoeuvres en zone radioactive
     Il est un point dont l'armée n'est pas très fière aujourd'hui. Lors des premiers essais aériens, des exercices impliquant une centaine de militaires ont été réalisés en milieu contaminé. Des hélicoptères guidant des blindés et des fantassins, munis d'équipements de protection, ont manoeuvré en zone radioactive. Même s'il n'y a pas eu mise en danger de ces soldats au vu des doses de radioactivité rencontrées, de telles manoeuvres seraient aujourd'hui, loin de l'esprit « guerre froide » des années 1960, totalement exclues. La France a par ailleurs été accusée d'avoir utilisé des cadavres lors de ces essais pour tester l'effet de l'explosion. Ce que le ministère de la Défense réfute catégoriquement, affirmant que ce sont des mannequins revêtus, ou non, des tenues de protection qui ont été utilisés. Enfin, on reconnaît officieusement que si le nettoyage des sites et des installations au moment où les Français sont partis se faisait aujourd'hui, il serait plus rigoureux.
     Que reste-t-il aujourd'hui de la radioactivité libérée par ces essais? Il subsiste bien, dans le désert, quelques zones radioactives qui pourraient poser des problèmes sanitaires. Un rapport établi par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en 2005 relève 4 zones contaminées, autour des essais Gerboise blanche et bleue, de manière faible et localisée, et au sortir des tunnels des essais Béryl et Améthyste dans le massif  Tan Afella. C'est là que la radioactivité résiduelle est la plus forte. Avant leur départ en 1966, les Français avaient construit une vaste clôture pour empêcher l'accès aux lieux des essais souterrains. Au fil des années, cette clôture s'était dégradée. Elle est actuellement en cours de réfection.
     L'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) n'est pas satisfaite de ce rapport et reproche au ministère de la Défense d'entonner «à nouveau le refrain de la bombe propre». «Alors qu'il serait de la responsabilité du gouvernement français, en accord avec le gouvernement algérien, de mettre en place une surveillance de la radioactivité des sites, comme celle installée à Moruroa et à Fangataufa, de nettoyer les zones contaminées comme les Britanniques l'ont réalisé en Australie, le ministère de la Défense s'autocongratule sur l'absence d'incidence environnementale de ses essais», déplore l'Aven.