CONTROVERSES ENER...ETHIQUES
et NUCLEAIRES

Documents importants
Campagne de cartes postales REZO
à destination des candidats à l'élection présidentielle de mars 2002
Réponses du président de l'UDF et du président de la République

Texte des cartes postales à destination des candidats

        Madame, Monsieur le (la) candidat(e) à líélection présidentielle,

    La sortie du nucléaire doit être un thème de débat central lors de la campagne présidentielle. Líénergie nucléaire níest ni propre, ni sûre, ni rentable. Des solutions de remplacement existent, plus respectueuses de líenvironnement et fortement créatrices díemploi. Il níy a pas díobstacle technique à une sortie rapide du nucléaire en France. Une décision immédiate de sortie du nucléaire síimpose. Comme première étape, je vous demande de vous engager sur 4 points concrets :
    - le basculement des crédits de recherche et díinvestissement (actuellement monopolisés par le nucléaire) au profit des alternatives énergétiques ;
    - líarrêt díune première centrale nucléaire, comme celle de Fessenheim, en Alsace, qui est la plus ancienne ;
    - líarrêt de líinutile, coûteux et polluant retraitement à la Hague, dans la Manche ;
    - líarrêt du centre díenfouissement de déchets radioactifs de Bure, dans la Meuse; je serai très intéressé de recevoir votre position écrite sur cette question essentielle, qui serait de nature à influencer mon vote. Veuillez recevoir mes très sincères salutations.


Réponse de Mr François Bayrou
le 15/03/02 et complétée le 21/03/02

    Je pense que le problème du nucléaire a été très mal traité, qu'il doit être abordé à partir de ce constat simple et indiscutable qu'il s'agit de l'énergie qui respecte le plus notre atmosphère (souligné par le webmaistre). Si l'on veut lutter contre l'effet de serre, le nucléaire est une arme précieuse à condition qu'on se fixe comme objectif d'obtenir un "nucléaire propre". Cette expression de nucléaire propre résumera la politique que je souhaite suivre.
    J'ai rencontré de très nombreux experts mondiaux sur le sujet: la condition que j'en tire est que d'ici quelques 15 à 20 ans on peut espérer non seulement le traitement mais même la disparition de l'essentiel des déchets nucléaires par le traitement et l'utilisation de ceux-ci comme de nouveaux combustibles. Je ne prétends pas qu'elle soit juste, je dis que cela mérite un débat national en entre expert, national et européen.
    Atteindre le nucléaire propre ce serait obtenir un résultat formidable en matière d'indépendance énergétique de l'Europe, et en matière de respect de notre atmosphère et c'est le seul moyen d'atteindre les objectifs fixés à Kyoto. Il n'existe aucune perspective d'obtenir les objectifs fixés à Kyoto si on renonçait au nucléaire. C'est la raison pour laquelle je me suis prononcé contre la privatisation d'EDF. Je considère que la responsabilité des centrales nucléaires, de leur sécurité, de leur démantèlement un jour, de la réponse au problème des déchets c'est la responsabilité de l'Etat. Cette responsabilité à mes yeux, ne peut pas être déléguée et en particulier pas à des structures capitalistes anonymes.
    Donc ma ligne c'est obtenir le nucléaire propre.
    Pour cela, il faut favoriser une recherche européenne. Si l'on veut traiter sérieusement ce problème cela mérite aussi que soit mise en place une agence européenne des déchets à risques, avec toutes les expertises extérieures nécessaires. Car la clef du nucléaire propre c'est la transparence, c'est que chacun des acteurs intéressés puisse avoir communication et vérification des résultats obtenus.
    Dans le même temps, je souhaite engager un grand programme de recherche et développement sur les énergies renouvelables et lancer une campagne sur les économies d'énergie. La France est l'un des pays de l'OCDE qui fait le moins d'effort pour la recherche et le développement des énergies renouvelables. Un grand programme de recherche, mobilisant tous les acteurs du secteur, doit être lancé pour rendre compétitives les filières des énergies renouvelables. En s'inspirant des fonds d'investissement locaux pour les énergies renouvelables comme il en existe en Allemagne, je souhaite créer un système d'incitation pour que les collectivités locales expérimentent les technologies de demain, comme les piles à combustible.

François Bayrou

Réponse de Mr Jacques Chirac
le 21 mars 2002

        Mesdames et Messieurs les membres du conseil díadministration,
    Mes propositions en la matière se fondent sur une conviction: la croissance des besoins fait que nous aurons líusage de toutes les formes díénergies disponibles. Cíest pourquoi, il me semble quíil faut dépassionner le débat et ne síenfermer dans aucun dogme car la seule réponse possible, cíest  un «mix énergétique» assurant notre indépendance et la meilleure efficacité possible avec un impact environnemental minimal
    Aujourdíhui, dans un contexte marqué à la fois par la poursuite de la croissance des besoins en énergie et par les exigences environnementales pour maîtriser entre autres les émissions de gaz à effet de serre, une politique énergétique efficace doit díabord chercher à maîtriser líévolution de la demande, puis à offrir une offre díénergie diversifiée et adaptée à chaque besoin.
    Avant même de chercher à modifier líoffre actuelle díénergie, ma première priorité est díagir pour accroître líefficacité énergétique. Nous devons relancer les efforts pour économiser líénergie, car cíest une des réponses les plus élémentaires à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
    Ensuite, il me paraît nécessaire díagir en priorité dans deux direction: les transports et líhabitat, car ce sont les deux secteurs dont les besoins en énergie vont continuer à fortement progresser.
    Pour les transports, ma priorité stratégique est le développement díune voiture propre et líélimination par des actions incitatives des véhicules les plus anciens.  En matière díhabitat, la recherche que nous entendons fortement encouragée doit se porter sur le solaire photovoltaïque et thermique, la pile à combustible et sur les matériaux díisolation.
    40 ans après les premières décisions, et pour des raisons parfois différentes d'alors, le choix du nucléaire reste aujourd'hui pertinent la France.
    En effet, le nucléaire reste aujourd'hui particulièrement adapté aux besoins d'alimentation de líindustrie et de nos villes et présente objectivement plusieurs avantages: bas coûts, énergie la plus propre quant à líeffet de serre, contribution à líindépendance énergétique.
    Il est illusoire à court et moyen terme de trouver une source díénergie de substitution qui présente autant díavantages. Ni líéolien, ni le solaire, ni le gaz sont susceptibles de constituer des alternatives économiquement et même environnementalement crédibles. Dans ces conditions, si il ne faut pas rejeter ces sources díénergies, il faut aussi assurer à notre filière nucléaire, dont la France peut être fière, une plus grande visibilité quant à sa pérennité.
    Cíest pourquoi, je suis favorable à un projet de loi cadre qui, précédée díun débat au Parlement, redéfinira líavenir de la filière à líhorizon des vingt prochaines années.
    Le débat sur le renouvellement du parc de centrales électro-nucléaires devra avoir lieu. Les stricts besoins de production níentraînent pas la nécessité de décision immédiate. Cependant, la France doit prendre une décision à relativement court terme concernant la réalisation díune tête de série du réacteur franco-allemand EPR, en tenant compte des délais nécessaires à son rodage.
    Se situant dans la continuité des Réacteurs à Eau sous Pression, líEPR en améliore encore la performance en termes de sûreté, de compétitivité économique et de réduction du volume de déchets.
    LíEPR permettra aussi díassurer la jonction entre les réacteurs díaujourdíhui et ceux de 2030 et de conserver líexpertise humaine, qui se perdrait sans cela. En outre, cela permettra de disposer díun réacteur intégrant líensemble du retour díexpérience connu à ce jour avec les technologies les plus récentes.
    Par ailleurs, les perspectives à líexportation (Chine) nécessitent de disposer díun exemplaire de démonstration en Europe. Il reviendra au prochain gouvernement de prendre une décision dans les 5 ans de la nouvelle mandature.
    Sur la question des déchets nucléaires, la loi Bataille de 1991 a fixé un rendez-vous en 2006 pour que soit choisie la manière dont seront traités et stockés les déchets ultimes du nucléaire. Plusieurs voies définies par la loi sont à líétude. Ces recherches sont donc faites au vu et au su de tous. Il n'y a pas de déficit démocratique, comme le prétendent certains. Au 2/3 du délai prévu par cette loi, un certain nombre de résultats scientifiques et techniques sont déjà disponibles. Sur cette question, il serait donc contraire avec les délais quía choisi le Parlement de prendre des décisions irréversibles dès à présent. Arrêter le retraitement comme vous le proposez, serait une confiscation du débat démocratique qui est prévu en 2006 par nos lois. Je vous rappelle que la loi Bataille interdit le stockage de déchets nucléaires dans le laboratoire souterrain de Bure dans la Meuse. Seul, le parlement pourrait décider de transformer ce laboratoire de recherche en site díenfouissement à líissue de cette loi en 2006.
    Face aux menaces díapprovisionnement qui pèsent à plus ou moins long terme sur les énergies fossiles, et compte tenu des contraintes internationales en matière díémission de gaz à effet de serre, augmenter le recours aux énergies renouvelables est une nécessité. Cependant, il convient de bien évaluer leurs potentialités et  leurs conséquences (notamment procéder à un bilan complet díémission de CO2).
    La France dépend ("dépend" ?! souligné par le webmaistre) moins que díautres pays des sources díélectricité renouvelable en raison de son parc électronucléaire, qui fournit 80% de la consommation díélectricité.  Contrairement à líEspagne ou líAllemagne, notre pays produit davantage díélectricité que sa consommation. Cette surcapacité de production, qui est une source de richesse, puisque nous exportons de líélectricité, est assurée encore pour une dizaine díannée avec le parc actuel de centrales. Dans ces conditions, la diversification est nécessaire, mais elle níest pas urgente; ce luxe doit nous permettre díétudier sereinement et de manière dépassionnée, toutes les hypothèses (énergie éolienne notamment les projets de ferme éolienne off-shore, solaire voltaïque, solaire thermique, géothermie, pile à combustible avec le cycle hydrogène, biomasse, petit hydraulique, énergie des mers, Ö).
    De plus, notre pays, grâce à ses investissements importants en matière hydro-électrique, dispose déjà díune capacité de production «díélectricité verte».
    Pensant avoir répondu à votre questionnement par une réponse équilibrée et raisonnable, je vous prie de croire, Mesdames et Messieurs du conseil díadministration, en ma considération distinguée.

Jacques CHIRAC