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N°275, février 2015

LES TEMPS TROUBLES
Malgré Fukushima, la France, pays du nucléaire, semble insuffisamment préparée à un accident
La gazette des communes février 2015

 
     Les survols de sites nucléaires par des drones et les attentats de janvier ont relancé l’inquiétude d’élus locaux, qui depuis l’accident nucléaire japonais dénoncent «l’ineptie» des plans d’urgence, ces «périmètres des plans particuliers d’intervention» (PPI - pdf de 4Mo) prévus autour des centrales. (carte pour la France)
     Alors qu’à Fukushima un périmètre de 20 km a dû être évacué, les PPI français envisagent une évacuation dans des rayons de 2 ou 5 km seulement autour des centrales. Le préfet tranche le jour de l’accident en fonction de sa gravité. Dans un deuxième périmètre de 10 km de rayon, une mise à l’abri de la population, là où elle se trouve, est envisagée. Et les habitants doivent avoir chez eux des comprimés d’iode. Ces médicaments ne protègent pas de toutes les radiations mais, pris rapidement, ils permettent d’éviter des cancers de la thyroïde.
     Dans ce contexte, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Pierre-Franck Chevet, reconnaît que «les principes d’élaboration des PPI et les périmètres associés doivent être réexaminés».
     Le périmètre des PPI élargi ?
     L’association nationale des commissions locales d’informations (Anccli) réclame un périmètre de 80 km pour tous les sites nucléaires. Les «Clis» regroupent autour de chaque site nucléaire élus, syndicats, scientifiques, voire écologistes. Bordeaux, quatrième métropole de France, soit 720.000 personnes à 45 km des réacteurs du Blayais, a demandé en novembre une extension du PPI de la centrale à 80 km.
     Au Japon, les communes concernées doivent désormais préparer une évacuation sur 30 km, un rayon plus large que prévu par les plans antérieurs à l’accident du 11 mars 2011, plans qui se sont avérés inopérants face à l’ampleur de la catastrophe. Reste que leur concrétisation s’avère complexe. En Europe, quand ils existent, les périmètres d’évacuation varient d’un à 20 km et ceux de distribution préventive d’iode de cinq à 50 km. Au Japon un village situé à cette distance de la centrale accidentée a été évacué.
     En France, où tournent 58 réacteurs dans 19 centrales, les réacteurs du Bugey (Ain) se trouvent à 35 km de Lyon, ceux de Gravelines (Nord) à 25 km de Dunkerque comme de Calais. Interrogé par l’AFP, l’Etat refuse de dire s’il envisage de modifier ses PPI comme sont en train de le faire l’Allemagne et la Suisse. En attendant, les élus dénoncent les défaillances des dispositifs au sein même des périmètres actuels.
     Un habitant sur trois rate l’alerte - «En 12 ans, on a fait quatre exercices de crise. Le système d’alerte (sirène, haut parleur, appels téléphoniques) de la population s’est à chaque fois montré peu fiable. Lors du dernier exercice, en 2012, un Flamanvillais sur trois n’a pas reçu l’alerte ou alors avec retard», raconte Patrick Fauchon, maire PS de Flamanville (Manche), qui vient toutefois d’obtenir l’installation d’une seconde sirène pour laquelle il bataille depuis des années.
     Alexis Calafat, dont la mairie est à 500 mètres de la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne) n’entend pas toujours la sirène non plus. Ce système est certes doublé partout d’un dispositif d’appels des téléphones fixes de la population sur 2 km, mais cette précaution est jugée insuffisante à l’ère du portable. Lors du dernier exercice autour de Gravelines en 2011, le système a permis de composer 6.000 numéros en 15 minutes mais 28,7% des appels ont sonné dans le vide. Et les abonnés sur liste rouge n’ont pas été contactés.
     Golfech dispose à présent d’un système d’alerte de la population par téléphone portable que l’Etat envisage d’étendre au niveau national. Les municipalités sont aussi censées passer en voiture dans les rues avec un haut parleur, mais ce dernier s’avère à peine audible, comme l’a constaté l’AFP. A l’heure du double vitrage, ce système paraît si inopérant que M. Calafat y a renoncé. Les problèmes d’alerte «c’est vrai partout», assure le président de l’ANCCLI, Jean-Claude Delalonde.
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     Où est la clé ?
     Les centrales elles-mêmes sont-elles parées? Beaucoup en doutent depuis l’exercice de crise improvisé demandé par des parlementaires lors d’une visite surprise à Paluel (Seine-Maritime) en 2011. Documentation parfois erronée, clef du tableau électrique indisponible: Claude Birraux, alors président (UMP) de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), y a constaté «des situations parfois burlesques».
     La communication entre les autorités ne semble pas rodée non plus. Fin 2011, lors du dernier exercice autour de l’usine de retraitement d’Areva à Beaumont-Hague (Manche), qui concentre le plus de matière radioactive en Europe, la préfecture a mis 40 minutes pour parvenir à se connecter en audioconférence avec Areva et l’ASN. Les codes téléphoniques n’étaient pas les bons.
     «Nombre d’exercices demandent à la population de rester chez elle et de laisser les enfants à l’école. Mais des alertes déclenchées par erreur ont montré que quand les gens pensent que c’est un véritable accident, ils se précipitent à l’école pour prendre leurs enfants et s’en aller», témoigne Alexis Calafat, qui préside l’association des maires de communes où se trouvent des sites nucléaires.
     Des bouchons inextricables –  À Gravelines, en 2011, on a testé l’évacuation.
     Résultat: un «ballet incessant d’autobus qui se croisaient et se recroisaient au centre de Gravelines et créaient des bouchons inextricables, parce que les chauffeurs ne savaient pas où ils devaient se rendre», selon un rapport de la CLI.
     À Golfech, les exercices de crise ne sont plus pratiqués que tous les cinq ans au lieu de trois ans, pour des raisons budgétaires, déplore M. Calafat. Et dans la très nucléaire Normandie, où l’usine de la Hague est restée coupée du monde pendant deux jours en 2013 à cause de la neige avant que l’armée ne dégage la route, les élus s’interrogent sur l’accessibilité des sites.
     La France a toutefois progressé depuis 20 ans, nuancent des élus. En témoigne la création après Fukushima des Forces d’action rapide nucléaire (Farn - vidéo), composées de 230 «pompiers du nucléaire». Ce dispositif unique au monde, salué par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), est réparti sur quatre sites: Paluel, le Bugey, Civaux (Vienne) et Dampierre (Loiret).
     Lieux de stockage variables –  Depuis 2011, tous les départements doivent avoir leur stock d’iode à distribuer sur tout leur territoire. Dans le Haut-Rhin, par exemple, les lieux de stockage sont multiples. En Moselle, les comprimés sont regroupés à moins de 15 minutes de la centrale de Cattenom. Dans la Manche, en revanche, ils sont près de Saint-Lô, à une heure et demie de route de Flamanville.
     En cas d’accident, une fois les comprimés acheminés dans le canton concerné, il revient aux maires d’avoir une liste de volontaires pour les distribuer. «Les maires en sont pénalement responsables. Ils peuvent se retrouver face à un tribunal comme celui de la Faute-sur-mer», affirme Yannick Rousselet de Greenpeace France. L’ancien maire de cette commune vendéenne a été condamné en décembre à quatre ans de prison ferme pour la mort de 29 personnes lors du passage de la tempête Xynthia en 2010.
     Quant à l’Assemblée nationale, elle devrait voter jeudi, sur proposition de l’UMP, la création d’un délit pénal d’intrusion dans les centrales nucléaires, passible d’un an d’emprisonnement, pour s’opposer aux actions des militants antinucléaires.
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     FOCUS
     Accident nucléaire: en Europe, à chacun sa vision de l’urgence
     De Sofia à Paris en passant par Bucarest, les plans d’urgence des pays européens en cas d’accident nucléaire diffèrent considérablement. Par exemple, si la majorité d’entre eux ont organisé une distribution préventive de comprimés d’iode aux populations riveraines des centrales, les périmètres de distribution sont toutefois très différents d’un pays à l’autre: de 5 km de rayon en Finlande, à 50 km en Suisse.
     Entre les deux, les Pays-Bas et la France prévoient une distribution préventive aux riverains dans un rayon de 10 km, la Suède de 12 à 15 km, la République tchèque dans des rayons de 13 ou 20 km, la Belgique et la Slovaquie dans un rayon de 20 km. Aux Pays-Bas, les comprimés sont désormais envoyés directement à domicile, face au constat que peu de gens les retirent en pharmacie. En France, ils sont dans la plupart des cas à retirer chez le pharmacien.
     Parmi les pays qui n’ont pas de réacteurs, le Luxembourg, qui est proche de la centrale française de Cattenom, en prépare la distribution préventive à ses 550.000 habitants. En Autriche, chaque établissement scolaire et chaque jardin d’enfant est tenu de disposer des doses nécessaires.
     Si les riverains des centrales allemandes n’ont pas d’iode chez eux, des stocks sont en revanche prévus dans les mairies ou pharmacies pour toutes les personnes vivant dans un rayon de 10 km autour des centrales. Dans un rayon de 25 km, pharmacies et mairies doivent avoir des stocks pour la population âgée de moins de 45 ans et pour les moins de 18 ans dans un rayon de 100 km. Mais ces règles sont en cours de réévaluation.
     En France, au-delà de la distribution préventive, chaque département dispose d’un stock correspondant quasiment à sa population à distribuer en cas d’accident si nécessaire.
Périmètres d’évacuation
     Quant à l’évacuation, elle est plus ou moins préparée d’un pays à l’autre. Certains pays comme la Roumanie ou la Bulgarie n’ont pas de périmètre prédéfini. D’autres envisagent deux périmètres d’évacuation entre lesquels choisir en fonction de la gravité d’un accident nucléaire. C’est le cas de la France (2 ou 5 km de rayon autour d’une centrale) et de l’Allemagne (2 ou 10 km).
     En dehors des pays qui n’ont pas de périmètre prédéfini, les plus petits plans d’évacuation se trouvent au Royaume-Uni: entre 1 et 3,5 km selon les centrales.
     Les plus grands (20 km) concernent la République tchèque et la Slovaquie. En Suisse, les périmètres d’évacuation sont en cours de révision, de 3 à 5 km de rayon actuellement à 20 km.
La Slovénie prévoit une liste des villes et villages à évacuer à une distance de 10 à 16 km de la centrale. Des «mises à l’abri» à l’endroit où les gens se trouvent sont aussi prévues en cas d’émissions radioactives passagères dans des périmètres plus larges.

COMMENTAIRE GSIEN
EXTRAITS du Rapport GSIEN fait pour l’ANCCLI suite à Fukushima et à la démarche «ECS»
(Evaluations Complémentaires du Sûreté)

Décembre 2011

     En Préambule
     Cette démarche «La gestion des situations accidentelles des réacteurs à eau sous pression en France» a fait l’objet de nombreux rapports: nous allons rappeler celui du 5 juillet 1988.
     Dans ce rapport, préparé à l’intention du Conseil Supérieur de la Sûreté et de l’Information Nucléaire, les autorités notent que la sûreté repose sur une démarche déterminisme «progressivement complétée en France dans deux voies: l’approche probabiliste et l’approche des accidents graves.»
     L’approche en accidents graves a conduit à définir un terme source (rejet typique associé à une classe d’accident). Cette approche a aussi conduit à la mise en place de PUI et PPI.
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     Pour ces plans, il a été défini après «un examen attentif des possibilités raisonnables d’évacuation et de confinement des populations» (..) «la possibilité des mesures suivantes: dans un délai de 12 à 24 heures après le début de l’accident, il est possible de procéder au déplacement de la population jusqu’à 5 km et au confinement des autres personnes jusqu’à 10 km
     Il en découle que ces mesures sont seulement adaptées à un rejet de type S3 (c’est à dire le plus faible: enceinte de confinement intègre).
     Et de toute façon, dans ce rapport, S1 est éliminé (rupture de l’enceinte donc le rejet le plus important) car:
     «les accidents correspondants au terme source S1, sont de fait exclus pour des raisons physiques (impossibilité de décrire un enchaînement de phénomènes conduisant à une défaillance précoce du confinement sur des bases réalistes)»
     Reste le cas S2, «pour cela, toujours dans le but de gérer au mieux les situations accidentelles, une réflexion a été menée sur les dispositions permettant d’améliorer la dernière barrière de confinement d’où les procédures Ultimes» et on est ramené au cas S3.
     Ces procédures (U1 à U5) complètent les procédures dites Hors Dimensionnement (H1 à H5).
     Elles sont toujours en service en 2011.

     I - Petit rappel historique
     En juillet 1988 le Conseil Supérieur de la Sûreté et de l’Information nucléaire (CSSIN) était destinataire d’un document DSIN (ASN en 2011) intitulé «la gestion des situations accidentelles des réacteurs à eau sous pression en France».
     Ce document commençait par un rappel à propos de «la démarche générale suivie en matière de sûreté et comment elle a été progressivement approfondie et complétée au fur et à mesure de l’avancement du programme électronucléaire français et de l’acquisition des connaissances
     Ensuite il était précisé que  «la sûreté nucléaire repose sur:
     - l’interposition en série entre les produits radioactifs et l’environnement de barrières étanches, surveillées en permanence;
     - des systèmes de sûreté permettant de ramener les paramètres de fonctionnement dans des domaines prescrits en cas de dépassement de limites; ces systèmes de sûreté doivent eux-mêmes répondre à des exigences strictes de fiabilité et de redondance
     Dernier point guidant la stratégie: il est également reconnu que «pour chacun des paliers de tranches, conformément à la pratique américaine, la justification des dispositions de conception retenues pour éviter tout risque inacceptable a été et reste aujourd’hui apporté par des études déterministes des conséquences radiologiques d’un nombre limité de situations conventionnelles. Ces études sont faites avec des marges de sécurité (choix d’hypothèses et calculs pessimistes) et les situations étudiées sont classées par catégories de fréquence; les conséquences jugées admissibles sont d’autant plus élevées que la fréquence estimée correspondante est plus faible».
     Cependant «cette démarche dite déterministe a été progressivement complétée en France dans deux voies: l’approche probabiliste et l’approche des accidents grave...»
     Dès 1977 et ce pour le palier 1300 MWé, «les organismes de sûreté ont fixé un objectif probabiliste global. Il fallait d’une part que la probabilité de conduire à des conséquences inacceptables soit inférieure à 10-7 par an, cette valeur ne pouvant être dépassée que s’il était possible de démontrer que les calculs de probabilités étaient suffisamment pessimistes.»
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     Mais, en 1988, il était précisé:
     «la probabilité de 10-7 par an est une valeur “objectif”; cette valeur sert de référence, mais la justification des dispositions de conception retenues pour éviter tout risque inacceptable reste fondée sur des études déterministes
et tout de même que le développement de l’approche probabiliste «a permis de montrer la nécessité de mesures complémentaires pour obtenir un niveau de sûreté satisfaisant».
     En particulier les organismes de sûreté ont demandé à EDF «d'examiner tout particulièrement les probabilités et conséquences de:    
     a) la défaillance de l’un des systèmes permettant l’évacuation de la chaleur produite dans le réacteur vers «la source froide» ou «la défaillance de cette source froide;
     b) la défaillance simultanée de l’ensemble des alimentations électriques.»
     La suite de ces études a conduit «à définir des procédures spécifiques dites procédures H (H pour Hors  - dimensionnement).
     - H1: défaillance totale de la source froide externe à l’installation;
     - H2: défaillance totale de l’alimentation en eau des générateurs de vapeur (alimentation normale et de secours);
     - H3: défaillance totale des sources électriques (externes et internes);
     - H4 (complétée par la procédure U3, mettant en œuvre des moyens mobiles): secours réciproque des systèmes d’aspersion dans l’enceinte et d’injection de secours à basse pression, pendant la phase de refroidissement à long terme;
     - H5 protection des sites en bord de rivière contre une crue dépassant la crue de référence (millénale)
     Et l’accident de Three Mile Island (TMI2) a conduit au développement de procédures supplémentaires (dites Ultimes), procédure U1 reposant sur une approche des états de refroidissement du réacteur. En effet “l’approche événementielle” suppose une compréhension des événements ayant conduit le réacteur à l’accident, par contre l’approche par état” est plus globale et cherche à ramener le réacteur en situation sûre à partir des paramètres thermodynamiques transmis en salle de contrôle.
     L’approche par accident grave” a conduit à la définition de termes sources et de procédures Ultimes complétant les procédures Hors dimensionnement.
     «Dans l’approche accident développée en France, on a défini, en vue de la protection des populations, dans le cadre de la préparation des plans d’urgence (PUI et PPI) des grandes classes d’accidents et on utilise l’expression « terme source » dans un sens bien précis : un terme source est un rejet typique, caractéristique d’une classe d’accidents; il est considéré pour définir les actions correctrices à prévoir à l’égard de cette classe d’accident
     Et, dès 1977 il a été défini 3 termes sources de référence, «correspondant à 3 catégories d’accidents comportant toutes la fusion complète du cœur. Ce sont par ordre de gravité décroissante (Termes Source)»:
     - S1 pour une rupture précoce de l’enceinte de confinement suite à une explosion vapeur ou d’hydrogène.
     Il est à noter que progressivement il a été admis que «les accidents correspondants au terme source S1, sont de fait exclus pour des raisons physiques (impossibilité de décrire un enchaînement de phénomènes conduisant à une défaillance précoce du confinement sur des bases réalistes)»
     - S2 pour des accidents conduisant à «des rejets hors de l’enceinte de confinement à la suite d’une perte d’étanchéité différée, après un délai de un à plusieurs jours : typiquement il s’agit d’une montée lente de la pression suite à des dégagements gazeux».
     - S3 «pour des accidents conduisant à des rejets indirects, du fait de l’existence de voies de transfert avec rétention entre l’enceinte de confinement et l’atmosphère extérieure; c’est le cas typiquement d’accidents comportant la traversée du radier par les matériaux fondus et relâchage des gaz et aérosols après filtration par le sol».
     En fonction de l’activité du cœur rejetée, ces niveaux de rejets correspondant ont été évalués «sur la base des connaissances disponibles en 1977».
     Ils sont respectivement (S1 puis S2 et S3 au bout d’un jour avec filtration) pour:
     S1 (gaz rares 80%, iode organique 1% et non organique 60%, césium 40% strontium 5%)
     S2 (gaz rares 75%, iode organique 1% et non organique 3%, césium 6%, strontium 0,5%)
     S3 (gaz rares 75%, iode organique 0,6% et non organique 0,3%, césium 0,4%, strontium 0,05%)
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     «Par ailleurs, il a été procédé à un examen attentif des possibilités raisonnables d’évacuation et de confinement des populations, compte tenu des caractéristiques des sites français de centrales nucléaires. Cet examen a conduit à retenir la possibilité des mesures suivantes: dans un délai de 12 à 24 heures après le début de l’accident, il est possible de procéder au déplacement de la population jusqu’à 5 km et au confinement des autres personnes jusqu’à 10 km
     Sachant tout de même que «la comparaison de l’ampleur de ces mesures avec le niveau supposé des rejets radioactifs montrent qu’elles sont compatibles dès lors que ceux-ci ne dépassent pas les caractéristiques du terme source  S3»
     Si l’on considère que ces normes d’évacuation reposent sur des règles de radioprotection des années 70, on peut être surpris de constater que les PPI reposent toujours sur ces cercles de 5 et 10 km : nos prédécesseurs étaient prudents sachant le niveau de connaissances de 1977, par contre en 2011 ces notions sont à revoir d’urgence.
     S1 étant déclaré impossible, il fallait s’occuper de S2 et ce fut l’occasion de l’introduction des fameuses procédures Ultimes:
     - U1: approche par état;
     - U2: repérer et pallier les défauts de confinement se produisant à l’interface du BR avec les bâtiments périphériques (BAN, BK), se manifestant par des fuites de produits radioactifs hors de circuit véhiculant de l’eau provenant du circuit primaire ou de l’air de l’enceinte;
     - U3: mise en œuvre des moyens mobiles de secours;
     - U4: suppression dans les radiers du BR des chemins d’évacuations des produits radioactifs («EDF étudie des dispositifs pour obturer ces chemins, qui pourront être réalisés d’ici 1989»);
     - U5: éviter la rupture de l’enceinte par la montée en pression interne, «utilisation d’un filtre à sable  pour écrêter la pression interne dans l’enceinte à la valeur de dimensionnement, pour réduire le relâchement des produits radioactifs (pour filtrer les rejets gaz et aérosols), canaliser les gaz filtrés vers la cheminée (mesure avant dispersion dans l’environnement)».
     Ce rapport précisait également; «L’ensemble des dispositions évoquées permet donc de gérer, sur le plan technique, les situations accidentelles graves, pour ce qui concerne les conséquences de ces situations à court terme
     D’autres réflexions prenant en compte un rejet type S3 sont poursuivies concernant la gestion à plus long terme (contamination des eaux, celles servant à l’alimentation). La conclusion: «le délai disponible pour la mise en œuvre de parades est de l’ordre de quelques jours et les doses calculées restent en dessous du seuil de non intervention défini par la CIPR 40».

     Ces réflexions de 1988 ont été longtemps une base, mais depuis 2004 (naissance d’une nouvelle approche post accidentelle en étude par l’ASN) on essaie d’améliorer les concepts.
     Fukushima va y aider.

     II COMPARAISON entre les approches 1988 et 2011
     Ces extraits d’un rapport de 1988 sont comparés à la méthode appliquée aux rapports fournis par EDF suite à Fukushima (2011).
     Une remarque préliminaire: la sûreté repose toujours sur une démarche déterminisme mais en choisissant des accidents réalistes ou vraisemblables ce qui est alors une démarche probabiliste. Il a été déterminé des termes sources qui sont associés à des situations hors dimensionnement qu’on encadre par des procédures. Cette approche qui date des années 70, a été améliorée dans les années 80, MAIS JAMAIS CHANGÉE et l’on retrouve cette vision dans les chapitres «0 introduction».
     Dans ce chapitre EDF déclare à propos des situations accidentelles à considérer: «certaines situations n’ont, par nature, pas de parade raisonnable ni possible à mettre en œuvre, ce qui pourrait conduire à la remise en cause de l’acceptabilité des installations complètement à tort, puisque ces situations ne sont pas plausibles».
     Évidemment, il est tout de même accepté l’accident ayant pour conséquence des rejets importants. Mais ce sujet est juste évoqué pour les Plans d’Urgence Interne et pour les Plans Particuliers d’Intervention existants s’appuyant pour le long terme (?) et sur la Force d’Action Rapide  Nucléaire (FARN) en gestation (démarrage possible début 2012).
p.22

 
     EDF a donc précisé que certes elle mènerait une démarche déterminisme, mais se propose de «répondre ainsi au cahier des charges ASN:
     - hypothèse de la perte successive des lignes de défenses, de façon déterministe et indépendante de toute probabilité d’occurrence, pour déterminer à partir de quand intervient une situation engendrant des rejets importants dans l’environnement:
     - examen de la vraisemblance de ces situations, en utilisant notamment des considérations probabilistes;
     - détermination de parades éventuelles pour les situations en fonction de leur degré de vraisemblance et en tenant compte de leur caractère raisonnablement possible. L’objectif, pour les situations les moins vraisemblables retenues, est de prévenir les rejets importants dans l’environnement»
     Or rappelons: l’accident n’est jamais «plausible» ou «vraisemblable», il se produit. Donc on peut seulement espérer qu’une installation y résistera si, a minima, les lignes de défenses ont été bien conçues.
     En effet, comme l’ASN a demandé de «supposer la perte successive des lignes de défense, en appliquant une démarche déterministe, indépendamment de la probabilité de cette perte.», EDF répond «cette démarche n’est pas bornée puisqu’elle doit être indépendante des probabilités d’occurrence, c-à-d. indépendante du caractère plausible ou non à la fois des aléas retenus et de leurs conséquences sur les lignes de défense
     et conclut «A l’évidence, elle (cette démarche) conduit donc inéluctablement à des rejets importants dans l’environnement, indépendamment de leur caractère plausible ou non.
     Qui plus est, dans des scenarii où toutes les lignes de défense doivent forfaitairement être supposées perdues (...)
(suite)
suite:
     De façon générale, la situation redoutée à prévenir pour le cœur correspond à la fusion du cœur (entrée en accident grave), celle-ci étant consécutive au découvrement du combustible dans la cuve suite à la perte du refroidissement du cœur. Si, malgré toutes les nombreuses mesures prises, il y avait quand même entrée en accident grave, la situation redoutée à prévenir serait un rejet important de radioactivité dans l’environnement.
     La situation redoutée à prévenir pour les piscines de stockage du combustible usé est le découvrement des assemblages combustible entreposés dans la piscine suite à la perte totale du refroidissement de la piscine. Un tel découvrement ne garantirait en effet plus les deux fonctions assurées par l’eau de la piscine, à savoir la protection radiologique contre les rayonnements des assemblages usés et leur refroidissement» (pages n°0-7 & 8)
     Cette notion de “situation redoutée” est ambiguë car, dans ces rapports, ces situations sont de toute façon considérées comme non plausibles.
     La notion selon laquelle des séquences seraient «physiquement impossibles» n’est PAS ACCEPTABLE. Répétons le, nous ne pouvons modéliser l’accident avant sa venue car l’accident est souvent la superposition de petites séquences dont on n’avait pas pu prédire l’enchaînement et si, on l’avait entrevu, les parades auraient dû déjà exister: à Fukushima il semble que l’on ait quelque peu négligé l’intensité possible du séisme et le tsunami pouvant lui être associé. Mais est-ce qu’en France on utilise bien le retour d’expérience? et est-ce que parfois on ne recule pas une maintenance ou un changement pour des raisons d’obtention de kW?
     Il faut donc traiter l’accident en grandes causes: pertes de toutes les alimentations électriques (internes et externes) et de tout refroidissement (sources froides, aspersion et bâches de secours) pour chercher des parades.  Par exemple si on suppute rajouter des diesels il faudrait au moins qu’ils soient de constructeurs différents... et avec des coussinets corrects...
p.23

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