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N°275, février 2015

LES TEMPS TROUBLES
Dossier Doël 3/Tihange 2: nouvel état de la situation
Communiqué AFCN (Autorité de sûreté belge)
http://www.afcn.fgov.be/
13 Février 2015

 
     Durant l'été 2012, de nombreuses indications de défauts ont été détectées dans les parois des cuves des réacteurs de Doel 3 et de Tihange 2 lors de leurs arrêts planifiés pour maintenance. Suite à cette découverte, l'autorité de sûreté nucléaire belge (AFCN et Bel V) a exigé qu'Electrabel lui remette un dossier de justification de redémarrage (safety case) pour chacun des réacteurs.
     Concrètement, Electrabel devait démontrer dans ses safety cases que ces indications de défauts ne mettaient pas en péril l'intégrité des cuves des réacteurs.
     Après analyse des deux dossiers de justification, l'AFCN et Bel V ont donné le 17 mai 2013 leur feu vert au redémarrage de Doel 3 et Tihange 2. Cette autorisation était assortie d'une série d'actions qu'Electrabel devait réaliser à court et moyen terme pour consolider les hypothèses avancées dans ses safety cases. Ces actions peuvent être regroupées en 3 thématiques principales:
     1. Technique d'inspection des cuves par ultrasons: détection et mesure des indications de défauts;
     2. Propriétés mécaniques de l'acier présentant des indications de défauts de type DDH (défauts dus à l'hydrogène);
     3. Intégrité structurelle d'une cuve présentant des indications de défauts.

     N.B.: Les résultats des actions des thématiques 1 et 2 alimentent l'analyse de la thématique 3.
     Des tests menés dans le cadre de la thématique 2 durant le printemps 2014, et plus particulièrement liés à la ténacité du matériau, ont donné des résultats inattendus, suggérant que les propriétés mécaniques du matériau était plus fortement influencées par l'irradiation que ce que prédisait la théorie. Par précaution, les réacteurs de Doel 3 et de Tihange 2 ont été immédiatement mis à l'arrêt. Electrabel a alors entamé une nouvelle campagne de tests afin d'expliquer ces résultats inattendus.
     Parallèlement, l'exploitant poursuit la mise en œuvre de son plan d'action à moyen terme. En voici les principaux développements à l'heure actuelle:

     Plus de précisions sur les indications de défauts
     En février 2015, Electrabel a finalisé les actions relatives à la technique d'inspection des cuves par ultrasons (thématique 1). Cette technique d'inspection est prévue à l'origine pour contrôler les soudures, le matériau adjacent ainsi que le revêtement (cladding) de la cuve d'un réacteur, mais il s'avère dans la pratique qu'elle permet également de détecter des indications de défauts dans la cuve du réacteur. Electrabel devait à ce sujet qualifier la technique, c'est-à-dire démontrer que l'inspection par ultrasons permet de trouver et de mesurer correctement toutes les indications de défauts de type DDH. Au cours de ce processus de qualification, Electrabel a constaté que la procédure d'inspection devait être modifiée et que le seuil de détection des capteurs devait être abaissé pour garantir une détection correcte de l'ensemble des indications de défauts.
     En 2014, une nouvelle inspection par ultrasons a été réalisée selon la procédure affinée et les signaux obtenus ont à nouveau été interprétés, résultant dans la détection d'un plus grand nombre d'indications de défauts que lors des mesures de 2012 et 2013. Cela signifie qu'Electrabel doit prendre en compte dans ses calculs 13047 indications de défauts pour Doel 3 et 3149 pour Tihange 2. Ces indications de défauts sont similaires à celles qui étaient jusqu'alors prises en compte dans les calculs et se situent dans la même zone de la cuve.

     Nouvelle campagne de tests sur le matériau
     Electrabel poursuit ses recherches sur les propriétés mécaniques du matériau de la cuve et sur les résultats inattendus des tests de ténacité précédents. Une 4ème campagne d'irradiation est en cours à l'heure actuelle dans le réacteur de recherche BR2 du SCK•CEN. Des échantillons présentant des indications de défauts du matériau français VB395 y sont irradiés, de même que des échantillons présentant des indications de défauts d'un matériau d'origine allemande. Les résultats de cette nouvelle campagne d'irradiation et des tests mécaniques qui s'ensuivront sont attendus pour avril 2015.

     Nouvelle réunion du panel international d'experts
     Electrabel fournit régulièrement à l'AFCN et Bel V les résultats des tests et analyses réalisés. L'autorité de sûreté prend le temps nécessaire pour étudier ces nouvelles informations et poursuivra son analyse durant les premiers mois de 2015.
(suite)
suite:
     À cette fin, elle fait appel à des experts internationaux, spécialistes des mécanismes de dégradation causés par l'irradiation et des tests de résistance mécanique. Ce panel international d'experts (International Review Board) s'est réuni une première fois à Bruxelles début novembre 2014. La principale conclusion de cette rencontre était que la méthodologie d'Electrabel n'était pas encore suffisamment aboutie pour que les experts internationaux puissent émettre un jugement fondé. Ceux-ci ont donc formulé une série de suggestions d'actions et d'études complémentaires, sur base desquelles l'autorité de sûreté a émis une série d'exigences et de suggestions à l'attention d'Electrabel dans le but que l'exploitant puisse parfaire sa méthodologie et valider les hypothèses qui sous-tendent son argumentation.
     L'AFCN organisera au mois d'avril 2015 une nouvelle rencontre du panel international d'experts afin de recueillir son avis sur les résultats des nouveaux tests et des nouvelles informations fournies d'ici là par Electrabel. 

Complément d’information
25 février 2015

     Nouvelle inspection par ultrasons avec abaissement du seuil de détection et dimensionnement conservatif
     Par ailleurs, pour garantir la détection de l'ensemble des indications de défauts, Electrabel a augmenté la sensibilité de la détection ultrasonique de la machine MIS-B.
     En mai et juin 2014, l'exploitant a mené, à la demande de l'AFCN, une nouvelle inspection par ultrasons à Doel 3 et à Tihange 2 en appliquant ces nouveaux paramètres de détection et a ensuite interprété les résultats obtenus à l'aide de la méthode de dimensionnement modifiée.
     La combinaison de ces deux améliorations a mené à la détection d'environ 60% d'indications de défauts en plus dans l'acier des cuves de Doel 3 et de Tihange 2.
     La nouvelle méthode a tendance à regrouper des signaux de très faibles amplitudes, caractéristiques de petites indications de défauts qui n'auraient pas pu être détectées avec les seuils de détection appliqués en 2012. Ces regroupements entraînent de ce fait un surdimensionnement des indications de défauts.   La taille moyenne et la taille maximale des indications de défauts ont donc elles aussi à nouveau augmenté.
     Electrabel a transmis à l'AFCN une synthèse finale des nouvelles données obtenues courant du mois de février. (tableaux non reproduits en cours d’analyse)
     Le 16 décembre 2014, l'augmentation du nombre d'indications de défauts détectées a été portée à la connaissance de la sous-commission Sécurité Nucléaire de la Chambre des Représentants et annoncée dans le «rapport intermédiaire 2014» publié par l'AFCN sur son site web.
     L'AFCN insiste sur le fait qu'il s'agit de données brutes, qui doivent encore être vérifiées et validées par l'autorité de sûreté nucléaire et par l'organisme de contrôle agréé AIB-Vinçotte.
     En outre, l'AFCN  tient à formuler deux précisions importantes:
     - les nouvelles indications de défauts détectées sont situées dans les mêmes zones que les indications précédemment détectées, de sorte que leur présence se traduit essentiellement par une augmentation de la densité locale d'indications de défauts. Celles-ci sont laminaires (parallèles à la paroi) et sont situées dans l'acier des cuves et pas dans le revêtement (cladding), à une profondeur comprise entre 5 et 150 millimètres. L'augmentation de la sensibilité de détection par ultrasons a permis de les détecter.
     - les indications de défauts déjà détectées en 2012 n'ont pas évolué entre 2012 et 2014. Pour évaluer une éventuelle évolution entre 2012 et 2014, Electrabel a appliqué les anciens seuils de détection et la nouvelle procédure d'interprétation aux mesures réalisées en 2014. De cette manière, l'exploitant a pu comparer des données mesurées de façon identique.
     Enfin, l'AFCN rappelle que:
     - l'analyse de l'impact de la présence de ces indications de défauts sur les propriétés mécaniques de l'acier des cuves est toujours en cours (lire à ce sujet notre communiqué du 13 février 2015 - texte ci-dessus). Ces nouvelles informations ne permettent donc aucunement de tirer des conclusions sur l'intégrité structurelle des deux cuves et a fortiori sur l'issue de ce dossier.
     - les rapports qu'Electrabel doit remettre à l'AFCN pour justifier un éventuel redémarrage des deux réacteurs feront l'objet d'une analyse approfondie par l'autorité belge de sûreté nucléaire. L'entièreté du dossier sera également soumis pour analyse à un laboratoire indépendant.
     Comme en 2013, selon son principe de transparence, l'AFCN publiera sur son site web le rapport définitif qui lui sera remis par Electrabel.
p.19

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