La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°264, mai 2012
Les dés sont lancés: que va-t-il se passer?

Un plan énergétique cohérent, ou... rien?!
/ SOMMAIRE

ERRATUM dans l’édito de la Gazette N°263 et en 1ère page col 2 (CORRIGÉ sur le site web!)
     La Cour des Comptes s’est penchée justement sur les déchets et le démantèlement. Elle a estimé avec précision combien la construction du parc nucléaire a coûté. Bilan: «96 milliards €, «soit 1,5 milliards par GigaWatt (GW) installé, contre 3,7 milliards le GW pour l’EPR, souligne La Tribune.
     C’est effectivement 1,5 milliards par GW et ce ne sont pas des MW...
     On ne prête qu’aux riches est un adage bien connu, mais bon ce n’est pas toujours juste!
     J’ai repris les lettres de suivi «post-Fukushima» pour Fessenheim et Penly.
     D’une façon assez systématique on retrouve les mêmes constats: la connaissance des divers équipements (jauge, cadrans...) est floue, la maintenance de divers équipements classés non IPS est assurée non pas en prévention, mais en incident ou en décennale.
     Les règles en cas d’accident graves assez floues : les bus pour évacuer ne sont programmés qu’aux heures ouvrables (l’accident ne peut se produire que de jour !)
     Et quant à savoir si on repère qui sort ou reste difficile de répondre. 
     Par ailleurs les jauges ont tendance à être en panne, les pompes présentent des fuites, les prises ne sont pas toujours accessibles. De la routine, avec des remarques de plus en plus pressantes des inspecteurs: au fait on fait quoi quand une jauge à fuel ne marche pas depuis 2008...
     Les fiches de travail ne sont pas correctement renseignées (vannes mal situées, robinets mal reconnus...)
     Bon, vous me direz ce n’est pas très grave: vrai et faux. En incidentelle, tout est important.
     Pour le moment le rapport de l’ASN est sorti et on attend toujours les prescriptions. Tout de même les nouvelles inspections de contrôles  1an après commencent et les autres installations vont subir leur bilan post Fukushima (type CISBIO à Saclay), 
     J’ai repris le dossier de la base chaude à Mably juste pour signaler qu’il faut toujours rester mobilisé, le démantèlement d’Ulysse tout petit réacteur destiné à l’enseignement. Ce démantèlement confié à une société privée fait pendant à la démarche ANDRA (encore plus farfelue à cause de la taille et des enjeux) de confier la réalisation du futur laboratoire à une firme privée (relevée aussi par la CNE, voir extraits page 20 et suivantes). Et dans les 2 cas, ce seront les firmes qui choisiront les options de sûreté et de radioprotection donc de protection de l’environnement. Il y a un vice quelque part. 
     Et tout ceci est en contradiction avec l’arrêté du 7 février 2012 qui en son article 2.2.3 stipule que «la surveillance des activités importantes pour la sûreté réalisée par un intervenant extérieur doit être exercée par l’exploitant, qui ne peut la confier à un prestataire. Toutefois, dans des cas particuliers, il peut se faire assister dans cette surveillance, à condition de conserver les compétences nécessaires pour en assurer la maîtrise
suite:
     Le bât blesse sur «la conservation des compétences», ce que le CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) a relevé et souligné.
     Sur les déchets le projet profond avance, mais il faut toujours intervenir pour essayer d’infléchir les choses: les études sur les stockage sont en cours et il faut continuer à les faire.
     La Commision Nationale d’Evaluation a posé de bonnes questions, d’autres moins bien. Il faut au moins s’appuyer sur leurs demandes d’études complémentaires.
     Il faut aussi obtenir que le débat sur l’énergie, s’il a lieu, porte sur toutes les étapes. Il faut aussi partir un plan ouvert, faisant intervenir ce qu’il faut mettre en œuvre dans les régions, les valoriser et rendre des possibilités de vie aux citoyens.
     Et pour finir le très grave accident de Fukushima ne doit pas s’effacer des mémoires. 
     Tous les réacteurs ont été arrêtés et doivent être mis aux normes: rehausser la sûreté, avoir une radioprotection de qualité. Cependant le nucléaire ne représentait que 25% de l’électricité, donc cela aide un peu.
     Bien sûr les Japonais aimeraient décontaminer, mais ce sera quasiment impossible: ils pourront vivre seulement en faisant toujours attention car ils ne pourront plus manger les fruits et légumes du coin de Fukushima. A Tchernobyl c’est pareil: il faut toujours faire attention.
     Cependant une petite lueur: des villages se mettent aux économies; la Corse prépare un prototype industriel d’électrolyse de l’eau avec des panneaux photovoltaïques d’où production d’hydrogène de jour, et la nuit avec une pile à combustible on recrée de l’électricité et de l’eau. C’est une bonne nouvelle que je souhaite voir arriver à terme.
     Par contre j’ai constaté qu’on repart sur le chauffage électrique, au moins en pub. 
     Là il faut intervenir: c’est un moyen pervers de rendre les personnes dépendantes de l’électricité (et une aberration).
     Or le chauffage doit être réalisé autrement: bois là où il y en a, solaire là où il y a le soleil, gaz si on a des lisiers, géothermie si c’est possible. Au choix des possibilités.
Négawatt et Global Chance ont fait des scénarios: Maintenant il est temps de se mettre au boulot: il faut construire autrement, chauffer autrement et obliger les politiques à aider les petites entreprises qui s’occupent de promouvoir ce type d’approche. Le CEA doit s’occuper de trouver comment démanteler, entreposer, gérer les déchets et ce avec l’ANDRA. Il revient  à d’autres (pas à EDF) de développer une nouvelle approche énergétique.

     Bonne lecture à tous et merci de vos réabonnements. 
     Et merci aussi de toutes vos nouvelles que j’essaie de relayer.
     Bon courage à tous.

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SUITE EDITO
Les réfugiés de Fukushima toujours dans l'incertitude
un an après
(©AFP / 06 mars 2012 - 8h17)

     Fukushima (Japon) - Un an après avoir été forcés d'abandonner leur domicile à cause de la catastrophe nucléaire de Fukushima, des dizaines de milliers de réfugiés vivent toujours dans l'incertitude du lendemain, sans savoir quand - ou si - ils pourront rentrer chez eux.
     Certains de ceux qui ont fui les nuages radioactifs crachés par les coeurs de réacteurs en fusion après le passage du tsunami le 11 mars 2011, pourraient être autorisés à revenir d'ici quelques années, une fois les localités décontaminées.
     Mais d'autres risquent d'attendre des décennies, car certaines villes sont devenues trop dangereuses et inhabitables.
     Douze mois après le désastre, peu de réfugiés ont reçu les indemnités espérées de la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco), qui gère la centrale Fukushima Daiichi.
     Confrontés à la toute-puissance de ce groupe tentaculaire, ils sont souvent désarmés, comme des fourmis s'attaquant à un éléphant.
     Nous sommes toujours vivants. Nous ne sommes pas encore morts, affirme un riziculteur de 70 ans, dont les rizières étaient situées à quatre kilomètres seulement de la centrale.
     Certains disent qu'on pourra rentrer chez nous dans 30 ou 40 ans, mais comment va-t-on vivre jusque-là? ajoute le vieil homme qui a refusé de donner son identité.
     Près de 2 millions de personnes devraient recevoir des dédommagements de Tepco, parmi lesquels les réfugiés expulsés d'une zone de 20 kilomètres de rayon autour de la centrale accidentée.
     Les avocats des victimes accusent Tepco de traîner les pieds pour compenser les biens - terrains et habitations - devenus invendables à l'intérieur de la zone d'exclusion.
     Outre le remboursement de frais occasionnés par l'évacuation forcée, l'opérateur a offert de verser une indemnité pour souffrances mentales de 120.000 yens (1.200 €) par mois, mais exige que les bénéficiaires renouvellent leur demande tous les trois mois, via une procédure longue et complexe.
     Tsutomu Aoki, l'un des avocats qui aident les réfugiés originaires de Futaba, agglomération où a été construite la centrale, peste contre la lenteur des versements.
     Ces personnes évacuées ont besoin d'argent pour vivre, dit-il. Leur problème est de savoir pendant combien de temps cet argent sera versé. Tepco n'a montré aucune considération pour leurs conditions de vie.
     Pour les 1,5 millions de personnes en dehors de la zone d'exclusion qui ont vu leurs terres agricoles polluées et leurs commerces fermés, l'opérateur offre une indemnité de 400.000 yens (4.000 €) pour les femmes enceintes et les enfants, montant auquel s'ajoute 200.000 yens (2.000 €) s'ils se sont enfuis volontairement, et seulement 80.000 yens (800 €) pour tous les autres.
     Ce versement unique est censé couvrir la période allant de la catastrophe au 31 décembre de l'an dernier. 
     La société n'a encore rien prévu pour la suite, mais exige de ceux qui acceptent ces sommes de s'engager à ne pas réclamer d'autre compensation pour cette période.
     L'avocat Izutaro Managi estime injuste que Tepco essaye de clore ces dossiers alors que les effets des radiations peuvent n'apparaître qu'après plusieurs années.
     L'accident n'est pas terminé et les victimes n'évaluent pas encore clairement les dommages subis, explique-t-il.
     Une porte-parole de Tepco a indiqué que le groupe essayait de régler les dossiers en attente et avait pour cela augmenté le nombre de personnes chargées de leur traitement de 3.000 à 10.000. 

suite:
     Pour le cultivateur Mamoru Narita, qui vit à Koriyama, à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de la centrale, les 80.000 yens auxquels il a droit ne sont qu'une infime partie de ce qu'il estime avoir perdu dans la catastrophe.
     Je faisais pousser mon riz sans engrais ni pesticides, afin de garantir une sûreté alimentaire et protéger l'environnement, rappelle M. Narita, 61 ans.
     Aujourd'hui, tout l'environnement a été pollué et nous ne recevons que cette somme? Est-ce que nous les agriculteurs, nous devons rester sans rien faire?
     Mia Isogai, 31 ans, qui a fui avec son mari et son fils de 2 ans vers la ville de Yokohama (sud de Tokyo), affirme que sa famille est au bord de la ruine.
     On se nourrit grâce à mon salaire à mi-temps. Mais on ne peut pas payer le loyer, dit-elle, ajoutant que son mari n'a pas encore trouvé de travail.
     La famille doit recevoir au total 760.000 yens de Tepco, soit trois mois de salaire moyen au Japon.
     Notre propriétaire a dit qu'il ne demandait pas de loyer jusqu'à l'été. Mais ça va venir vite et je ne sais pas ce qu'on fera après.

Le passé du Centre de stockage de déchets nucléaires de la Manche reste flou
Source: AFP - 4/05/2012 

     L’histoire du Centre de stockage de déchets nucléaires de la Manche (CSM) reste floue et le témoignage de techniciens qui y ont travaillé va être officiellement recueilli afin de mieux l’éclairer, a-t-on appris vendredi lors d’une réunion publique.
     Premier centre de stockage de déchets nucléaires construit en France, le CSM, basé à Digulleville (Manche), près de Beaumont-Hague, a collecté 930.000 tonnes de déchets nucléaires, dont 100 kg de plutonium et 24.000 tonnes de plomb, entre son ouverture en 1969 et sa fermeture en 1994.
     Mais les modalités d’enfouissement de certains déchets, parfois hautement toxiques et à vies très longues, sont aujourd’hui jugées insatisfaisantes et demeurent mal connues, ce qui a décidé la Commission locale d’information (CLI) du CSM à annoncer vendredi la création d’un groupe de travail qui entendra plusieurs techniciens à la retraite du site.
     "Un certain nombre d’informations méritent d’être consignées de manière écrite", a relevé lors d’une réunion à Beaumont-Hague, Eric Zelnio, observateur de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) au sein de la CLI. Les témoignages seront recueillis "à huis clos" et un compte-rendu sera ensuite publié.
     La CLI, qui regroupe élus locaux, scientifiques et associations antinucléaires, souhaite notamment recouper les informations d’un ancien ingénieur sécurité du CSM, Christian Kernaonet, qui dénonce depuis des années la façon dont certains déchets ont été stockés.
     M. Kernaonet estime qu’il faut procéder à un nouveau stockage de certains déchets qui selon lui vont contaminer la nappe phréatique lorsque le métal des fûts dans lesquels ils sont contenus se sera érodé.
     L’ASN a toutefois estimé vendredi que la couche de bitume qui recouvre le CSM est le "moyen de le plus efficace" pour "bloquer les entrées d’eau" et éviter des écoulements de matières contaminées dans la nappe phréatique. Le gendarme du nucléaire a aussi rappelé qu’il existait un système de détection des pollutions.
     En 1996, la commission Turpin, créée par le gouvernement, avait estimé que la reprise de ces déchets présentait trop de risques pour les ouvriers qui seraient amenés à le faire ainsi que pour l’environnement, a rappelé vendredi le président de la CLI, le conseiller général DVD Michel Laurent.

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Lacunes persistantes du régime de radioprotection mondial
Réflexions relayées par Jacques Maudoux que la Gazette remercie (www.actu-environnement.com)

     Vingt-six ans après la catastrophe de Tchernobyl, le débat sur la radioprotection est animé. Des voix de scientifiques indépendants s'élèvent pour dénoncer les lacunes de la radioprotection, dont les modèles sous-estimeraient les impacts des radiations à faibles doses.
     Les premières règles pratiques de radioprotection datent de 1896, l'année qui a suivi la découverte des rayons X. Dès le début du XXème siècle, les dangers des rayonnements ionisants deviennent apparents et des comités nationaux sont créés en 1913 dans le but de les étudier. Le premier congrès international de radiologie (1925) reconnaît la nécessité d'évaluer et de limiter l'exposition aux radiations. Pour répondre à ce besoin, le Comité international de protection contre les rayons X et le Radium est créé en 1928 et deviendra (en 1950) la Commission internationale de protection radiologique (CIPR).
     À côté de la société savante qu'est la CIPR, l'UNSCEAR (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation) est l'organisation internationale de référence en matière de radioprotection. Ses rapports, publiés tous les quatre à cinq ans, servent de base aux travaux de la CIPR et à Euratom, qui définit des directives spécifiques à l'Union européenne. L'UNSCEAR, comité scientifique chargé par les Nations unies de consigner les effets des radiations, a été créé en 1955. Son président, M. Wolfang Weiss, explique la méthode d'évaluation du risque des radiations pour la santé humaine: "Nous croyons qu'il y a une relation linéaire sans seuil entre le risque et la dose. 1.000 millisieverts représentent 10% de risque de cancer. 100 millisieverts n'entraîne qu'un pour cent de risque. Donc sur cent travailleurs dans la centrale de Fukushima exposés à 100 millisieverts, un seul aura un cancer". Une arithmétique d'une sidérante simplicité de plus en plus remise en cause.
     Dans son rapport de 2008 sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, le comité calculait que la catastrophe avait fait 6.000 victimes de cancer de la thyroïde, dont quinze morts. M.Weiss estime que la mortalité par cancer n'est guère plus élevée dans les régions proches de Tchernobyl que si aucune catastrophe nucléaire n'était survenue. Sur le sort des liquidateurs de Tchernobyl, l'UNSCEAR affirme que seuls 28 sur 530.000 seraient décédés par irradiation aiguë. Mais selon un rapport exhaustif diffusé par l'Académie des sciences de New York en 2010, la catastrophe aurait causé la mort de plus de 110.000 liquidateurs et induit plus de 980.000 décès. L'UNSCEAR s'emploie-t-il à minimiser le risque à long terme de ces "faibles" doses?

     Une évaluation des "faibles doses" basée sur l'observation des "fortes doses"
     Le débat sur la radioprotection repose sur la relation dose-effet. Depuis la fin des années 1980, les principales instances internationales, l'UNSCEAR, la CIPR et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) admettent que cette relation est de type linéaire et sans seuil. L'enjeu est important car il signifie que toute dose, même très faible, est susceptible de produire un effet tel que l'induction de cancer ou l'affection de la descendance en termes probabilistes. Pour autant, cette relation ne serait prouvée que dans un domaine où les doses sont beaucoup plus élevées car elle est déduite presque exclusivement de l'analyse des données du suivi des survivants aux explosions nucléaires d'Hiroshima et Nagasaki.
     De fait, l'UNSCEAR a été créée à l'origine pour surveiller l'évolution de l'état de santé de cohortes de victimes des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki. "De cette irradiation extrême et aiguë, on a déduit la nocivité du millisievert qu'on transpose à une situation d'exposition chronique. Les catégories en matière de radioprotection s'appliquent mal aux situations d'accident de centrale nucléaire, dont les effets durent", observe Yves Marignac, directeur de WISE-Paris, agence indépendante d'information, d'étude et de conseil sur le nucléaire. Selon cet expert, les scientifiques de la radioprotection sous-estiment depuis 50 ans les effets de l'exposition chronique aux radiations: "La communauté internationale aurait dû se saisir de cette question, mais elle s'est refusé à le faire, car ses orientations sont majoritairement fixées d'avance. Elle s'arque-boute pour éviter un changement de paradigme sur le risque d'exposition chronique.

suite:
Or la situation sanitaire se dégrade dans tous les territoires contaminés. Quelle est la part des radiations dans cette dégradation? La communauté scientifique porte la responsabilité de ne pas se donner les moyens de le savoir".

     A la recherche d'un nouveau modèle
     Selon la scientifique canadienne, Rosalie Bertell, médecin et épidémiologiste, le modèle de la CIPR, créée dans le contexte de la Guerre froide et de la promotion de l'industrie nucléaire civile, n'est pas valide. Les critères de la CIPR, marqués par une certaine complaisance vis-à-vis de l'industrie nucléaire civile, ne permettraient pas d'évaluer les risques liés aux faibles doses inhérentes à l'industrie nucléaire, et ne seraient pas susceptibles de proposer des normes de sécurité suffisantes pour les travailleurs du nucléaire et pour le public exposé à des dégagements de radioactivité.
     En 2003, le Comité européen sur le risque de l'irradiation, le CERI, propose un nouveau modèle de radioprotection mettant l'accent sur les impacts des doses absorbées. Fondé en 1997, ce comité, composé d'une cinquantaine de scientifiques internationaux, demande que les normes de radioprotection de la directive Euratom 96/29, adoptée en mai 1997 par le Conseil européen, soient revisitées. Selon les fondateurs du CERI, cette directive, en autorisant le recyclage de déchets faiblement radioactifs dans des matériaux du bâtiment et des produits de consommation, expose la population européenne aux radiations à faibles doses, dont les risques sont insuffisamment pris en compte par le modèle en vigueur de la CIPR. Le comité interroge ainsi le problème éthique posé par l'exposition de populations – nées et à naître - à des substances mutagènes sans qu'elles le sachent et sans qu'elles y consentent.
     Ses premières recommandations, publiées en 2003, se fondent sur des données épidémiologiques. Le comité estime que la base physique du modèle de la CIPR date d'avant la découverte de l'ADN. "Comme tous ces modèles, elle est de nature mathématique, réductrice et simpliste, note le CERI dans un communiqué de presse. Par analogie, un tel modèle ne ferait pas de distinction entre l'énergie moyenne transférée à une personne qui se chaufferait devant un feu de cheminée, et celle transférée à une personne qui avalerait un morceau de charbon ardent".
     Le CERI a donc développé des facteurs de pondération, afin de tenir compte des divers dangers, associés à différents types d'expositions. Les nouvelles pondérations, dites "facteur de danger biophysique" (Wj) et "facteur de danger lié à la biochimie de l'isotope" (Wk) revisitent l'estimation des atteintes à la santé dues à une irradiation chronique par de faibles doses, suite à l'ingestion ou à l'inhalation de radioéléments rejetés dans l'environnement, dans le cadre d'autorisations légales ou suite à des accidents. Le CERI a appliqué ces nouveaux facteurs de pondération aux données de l'UNSCEAR pour la dose collective due à des retombées radioactives, y compris des essais nucléaires, jusqu'en 1989. L'impact total sur la santé humaine est calculé et comparé avec les données de la CIPR. L'estimation du CERI sur le total des morts par cancers est 60 fois supérieure à la celle de la CIPR: 61.619.512  contre 1.173.606 pour le CIPR. Même facteur pour le total des cancers radio-induits : 123.239.024 selon le CERI, 2.350.000 selon la CIPR.
     Réagissant aux recommandations du CERI, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français (IRSN) a critiqué la méthode, mais reconnu que le CERI posait des critiques pertinentes sur le modèle en vigueur de la CIPR repris par l'UNSCEAR. En particulier, l'IRSN ne contredit pas le fait – sur lequel insiste le CERI - que les expositions internes sont beaucoup plus dangereuses que les expositions externes aux radiations en raison de l'incorporation des produits radioactifs au sein même des cellules et des constituants cellulaires comme l'ADN.

     Radiophobie
     Alors qu'elle est vitale pour les victimes des accidents nucléaires et des guerres atomiques, la radioprotection semble relever d'une science édulcorée par des organismes dont les ramifications signalent leur proximité avec le monde industriel et les agences d'expertise officielle. La Commission internationale de protection radiologique (CIPR) rassemble en effet des institutions scientifiques, mais aussi des membres de l'industrie électronucléaire russe, du Commissariat à l'énergie atomique, ou du groupe français EDF, à la fois liés à la CIPR et l'AIEA, structures elles-mêmes reliées à l'UNSCEAR au sein d'un système de radioprotection mondial dont la gouvernance demeure trouble.

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Notre AG s'est tenue le 4 février 2012,
un CR sera disponible dans une prochaine Gazette
SOMMAIRE
*
* Dossier ANDRA: inventaire 2012
* Dossier Penly: 1- Lettre de suivi du 6 avril 2012, 2- Avis IRSN, 3- lettre de suivi du 13 avril 2012
* Post Fukushima, Penly et Fessenheim
* Dossier MABLY, Association Energie Partagée, Démantèlement de ULYSSE (Saclay)
* Commission Nationale d'Evaluation (CNE): Gestion des matières et déchets radioactifs, Synthèse et annexes 1-3-5-7-8-9

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