La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°260, mai 2011
FUKUSHIMA: la catastrophe impossible/impensable

EDITORIAL / SOMMAIRE

     Dernières nouvelles en provenance du Japon:
     - Le réacteur N°1 a son cœur fondu qui a dégouliné vers le radier et il y a des tonnes d’eau radioactive à traiter;
     - Le réacteur N°2 a aussi des problèmes de cœur probablement dégouliné aussi;
     - Le  réacteur N°3 pareil;
     - Le  réacteur N°4 se bat avec sa piscine;
     Et tout ceci a, de fait, commencé dès les 12/13 mars. En effet le séisme a fait du ravage dans les installations que la vague a beaucoup agravé: canalisations fuyardes d’où dénoyages des cœurs, des piscines (?) enclenchement d’explosions hydrogène...
     Tout cet enchaînement a rendu les réacteurs incontrôlables.
     Le Japon se débat avec une situation dont il a déclaré que, depuis 1945, il n’en avait pas connu de pire.
     Mais cette catastrophe survenu dans un pays très industrialisé montre la faiblesse de nos systèmes. En effet, cette admiration sans bornes de la technique, nous faisant vivre dans un monde de probabilités où les risques existent bien sûr, mais où on est sûr de les dominer parce que, soit disant, on a tout prévu. Eh oui sauf l’accident, car tous nos scénarios sont basés sur ce que nous connaissons et l’accident est toujours ce que nous ne connaissons pas.
     Notre monde de «technolâtres» (mot très réaliste inventé par je ne sais plus qui, mais parfaitement adapté au sujet) n’a plus les pieds sur terre.
     Bien sûr l’Europe a pris peur et prépare (difficilement) une revue de détails dans le parc européen. En effet les réacteurs du pays voisin peuvent envoyer leurs rejets partout, mais chacun veut rester maître chez lui, ce qui complique et édulcore fortement les actions.
     Je vous livre un témoignage que m’a envoyé un lecteur marié à une Japonaise qui suit avec angoisse et compassion ce qui se passe dans son pays natal. On y constate que notre recours à des entreprises prestataires est une copie du système japonais. On y constate que les industriels japonais ont aussi tendance à vouloir des kWh au détriment de la sûreté, entraînant une radioprotection aléatoire* pour les travailleurs et des rejets impactant les populations et leur environnement. 
     Rien de bien nouveau, mais un récit prenant de ce que peut subir un travailleur probablement de haut niveau. Et peu importe qu’il soit écrit par un consortium de travailleurs ou une association, je crois que c’est un texte à méditer.
     Par ailleurs avec Raymond nous avons fait un point sur l’accident: nous étions persuadés, dès mars que l’accident était très grave et nous pensions que les cœurs avaient été dénoyés. En effet, les explosions visibles sur les vidéos étaient vraiment impressionnantes et ne pouvaient pas être liées uniquement à de la radiolyse, comme l’affirmait le CEA. C’était une hypothèse!!!, on peut en donner d’autres surtout à la lumière (2 mois) des nouvelles déclarations de TEPCO.
* Voir SEBES (accès webmaistre), et entre autres:
- Radioprotection et droit nucléaire (accès webmaistre)
- La radioactivité et le vivant (accès webmaistre)
suite:
     J’ai confronté cet accident à nos façons françaises de gérer inondations et séismes ainsi que les actes de malveillance. Pour cela je suis repartie des rapports de visites décennales (Golfech2-VD1, Fessenheim1-VD3, leBlayais1-VD2).
     Il y a encore de chemin pour mettre à niveau le parc. J’espère que, dans les révisions en cours sur la problématique accidentelle les analyses seront menées sans s’appuyer sur les probabilités et aussi en s’efforçant d’oublier les mesures palliatives prévues, mais qui seraient inopérantes comme au Japon.
     2 accidents réacteurs graves (hors Winscale 1957, hors St Laurent 1969 et 1981): l’un avec des rejets faibles et une explosion hydrogène contenue, soit Three Mile Island (1979) et un avec deux explosions (nucléaire puis hydrogène) et la dispersion d’environ 10/15% du cœur, soit Tchernobyl (1986).
     Il faut cette fois tirer toutes les conséquences de Fukushima.  Bien sûr les réacteurs japonais sont différents des nôtres, mais cela ne doit pas  nous aveugler: au Blayais on a frôlé la catastrophe, mais on a fini sur le refroidissement avec les générateurs de vapeur. Or justement il n’y en a pas sur les réacteurs à eau bouillante.
     Le point crucial est aussi le manque de prise en charge par TEPCO du risque séisme: la digue n’a pas été réhaussée, les diesels sont restés en sous-sol... Donc ceci devrait nous guider pour améliorer nos systèmes de secours.
     Il y a une émotion certaine, mais on se rend compte avec Tchernobyl de l’oubli rapide. Sans sombrer dans le pessimisme il faut que les questionnements émanant des associations, des CLI, des municipalités soient entendus et que l’on réponde autrement que «dormez en paix nous veillons pour vous».
     Les citoyens ne veulent plus d’une telle vision: la sûreté doit être en question et être examinée par des yeux neufs à chaque étape. Il faut co-construire et non pas essayer d’obtenir une adhésion de façade.
     La co-construction se fait avec les travailleurs, les riverains et de façon générale avec tous les citoyens qui ne doivent pas ignorer les contraintes venant du programme énergétique qu’ils doivent aussi pouvoir discuter et donc modifier le cas échéant: le dialogue oui bien sûr, mais surtout la co-construction des prises de décisions est indispensable, incontournable...
     Je vous invite à signer et faire signer la pétition du GSIEN qui est un appel à la raison.
     J’ose espérer que vraiment notre ASN pourra donner des avis sans subir de pressions. 
     Fukushima nous montre que la sûreté suppose une surveillance sans concession, un IRSN qui a les moyens et un InVS qui puisse faire des suivis de santé.
     Il est aussi nécessaire d’avoir des CLI et une ANCCLI (voir Communiqué ci-dessous) qui peuvent travailler, gérer des expertises et des associations fortes et ayant des moyens pour exercer leur vigilance.
Bonne lecture et bonnes vacances.
N’oubliez pas de vous réabonner.
p.1
Communiqué
     L'Association Nationale des Comités et Commissions Locales d'Information (ANCCLI) regroupe l'ensemble des CLI français. Les CLI sont adossées uniquement aux activités nucléaires: elles sont obligatoires. On en dénombre 37 autour des installations nucléaires de base. Il y en a également autour des installations dites secrètes, soit près de 50 au total. 
     L’ANCCLI a un cahier des charges lui permettant d’assurer un travail constructif.
Résumé des propositions 
     * Instituer une obligation de réponse lorsque que la CLI formule une demande à l'adresse de l'exploitant, de l’ASN et de l’IRSN pour instruire ses dossiers; 
     * Instaurer des processus de concertation en permanence entre l'exploitant et la CLI;
     * Mettre en place de dispositions qui permettent aux CLI d’être mieux associées dans le cadre d’une enquête publique pour laquelle elles doivent émettre un avis; 
     * Disposer d'un secrétariat scientifique dans chaque CLI;
     * Mettre en place pour toutes les missions des CLI, un cadre au niveau national, qui s’applique de la même façon au niveau local;
     * Mettre à disposition 1% de la taxe nationale sur les INB pour financer les CLI;
     * Mutualiser une partie des dépenses de fonctionnement entre CLI et CLIC en conservant la spécialisation des compétences;
     * Faciliter et généraliser les processus de retour d'expérience des CLI, leur montée en compétence et leur accès à l’expertise visant à une instruction citoyenne des dossiers techniques.

SOMMAIRE
EDITO
* FUKUSHIMA: FNE; Leçons de Tchernobyl; Panique à Golfech; Iter; Bilan technique et bilan rejets; Témoignage de travailleurs japonais (ce dernier existe aussi en .doc)
* Et l’Europe; Et la France; Inondations: le point en 2010; Séismes: visite décennale de Golfech (2004) et de Fessenheim (2010)
* Nouvelles en vrac: Le point sur les piscines de la Hague par G. Quetel; Les vétérans: communiqués; La fédération Grand Est Stop déchets nucléaires; communiqué ANCCLI; Déclaration CLI, Conseils Généraux, municipalités
* Foire aux questions: un bilan du HCTISN; Bibliographie: Global Chance: Nucléaire, le déclin de l’empire français; Tritium: CS-ANCCLI, une compilation des connaissances
* PETITION: APPEL PUBLIC DE SCIENTIFIQUES AUX PARLEMENTAIRES ET RESPONSABLES POLITIQUES
Voir également le site de suivi du séisme sur Infonuc

Année 2011
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