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G@zette N°229/230
TCHERNOBYL

RAPPORT IRSN (IRSN/DSDRE/GT 2005)
EXTRAITS
Rapport sur le site de la CRIIRAD


     Ce rapport, resté inconnu pendant un temps certain, vient de sortir (je ne sais pas exactement quand) et se trouve sur le site irsn.org IRSN/DSDRE/GT N°3 Juillet 2005), illustrant combien l'accès à l'information est difficile. En effet, "ceux de l'IRSN" qui se sont efforcés d'une part de faire l'historique d'un mauvais fonctionnement et d'autre part de publier tous les éléments disponibles au sein de l'institut ont eu du mal à s'imposer. Ils avaient dû s'incliner mais finalement la persévérance cela paie. Après avoir été accusés de falsification car n'étaient considérées comme admissibles que les 35 mesures retenues sur 45 fournies par l'OPRI pour l'Atlas européen, ils ont imposé leur point de vue: publier les données glanées de 1986 à 2006.
     Bien sûr, toutes les mesures effectuées en 1986 n'ont pas toutes été de qualité mais de là à n'en garder que 35 il y avait de la marge.
     Pour les 20 ans de Tchernobyl, je tenais absolument à vous faire connaître ce document qui nous permet de comprendre qu'accuser le CEA et l'IRSN ou toute autre institution DANS LEUR ENSEMBLE n'est pas correct; et je suis d'autant plus satisfaite de constater que le site de l''IRSN vient de s'enrichir de cette mise au point de 2005.
     Quant à les taxer d'incompétence parce que certains du niveau directionnel tronquent les documents, ce n'est pas plus efficace. Par exemple, le fameux programme ENVIRHOM qui devait permettre de mieux comprendre les effets des faibles doses de radioactivité: chronicité d'ingestion, contamination chronique, couplage avec la chimie est plutôt en sommeil qu'autre chose. Où sont les crédits, où sont les équipes? L'IRSN, vaste institut, n'a plus, donc, de prise sur son avenir? Dommage...
     Envirhom est-il en train de sombrer? Et pourtant, les expérimentations avec du césium semblent montrer que ce corps se fixerait aussi sur la thyroïde, permettant peut être de mieux comprendre les effets si rapides du nuage sur la thyroïde des enfants. Mais aucun résultat n'est accessible, alors...
     Dans toute cette grisaille notons que, dans la publication BEH de l'Institut de veille sanitaire (InVS) un article "Controverse: les faibles doses de radiations ionisantes sont-elles carcinogéniques?" dont voici l'introduction:
     "En avril 2005, l'Académie française de médecine et l'Académie française des sciences ont présenté un rapport sur "la relation dose-effet et l'estimation des effets cancérogènes des faibles doses de rayonnement ionisants. Ce rapport s'est attaqué à un postulat très fort de la radioprotection de puis près de 40 ans: la relation linéaire sans seuil entre la dose de radiations ionisantes et le risque de cancer. L'enjeu est de taille. La relation linéaire sans seuil est la justification ultime et la base de la politique de santé publique de radioprotection concernant les irradiations de faibles doses, en pratique des doses inférieures à 50 millisieverts, c'est-à-dire l'irradiation environnementale et les radiations délivrées par des actes de radiologie diagnostique.
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     Schématiquement, si les effets pour la santé à ces doses ne sont pas seulement faibles, et donc difficiles à identifier, mais nuls en dessous d'un seuil précis qui resterait à définir, de nombreux pans des politiques publiques dans ce domaine n'ont pas de justifications scientifiques.
     Ce rapport a été publié après une étude de l'estimation de la part de cancer attribuable au radiodiagnostic (Berrigton dG, Darby S., Risk of cancer from diagnostic X rays estimates for the UK and 14 other countries. Lancet 2004, 363:345-51). Cette estimation n'était pas issue de l'observation d'une cohorte ou d'une méthodologie cas-témoin, mais construite précisément sur la linéarité, sans seuil, de la relation entre le risque de cancer et la dose de radiations ionisantes. Cette étude concluait que 0,6% à 3% des cancers seraient attribuables au radiodiagnostic. Si la relation linéaire sans seuil n'est pas fondée, les estimations de cette étude ne seraient que des constructions de l'esprit. Ce numéro du BEH a souhaité donner la parole aux points de vue opposés sur ce sujet, à travers 2 courts textes qui mettent à plat les problématiques. Ces textes sont écrits par les acteurs de ce débat. Il est bien sûr possibles à la fois de consulter des documents plus complets comme le rapport des académies françaises (www.academie-medecine.fr/) et une mise à jour de Mr Brenner (Brenner DJ, Doll R. Goodhead, et al. Cancer risks attribuable to low doses of ionising radiation: assessing what we really know - Proc Nati. Acad Sci. USA 2003, 100, 13761-6).
     On doit enfin noter qu'après réception des 2 contributions que nous rapportons ici, le Centre international de recherches sur le cancer a rapporté une très large étude épidémiologique portant sur plus de 400.000 travailleurs du nucléaire exposés à de faibles doses, malgré tout supérieures aux expositions usuelles en radiodiagnostic conventionnel (médiane 19 mSv) (Cardis E., Vrijheid M., Blettner M. et al. Risk of cancer after low doses of ionising radiation: retrospective cohort study in 15 countries. BMJ 2005, 331:77). Cette dernière étude ajoute une information dans ce débat qui est aujourd'hui tout à fait ouvert (entre-ouvert? souligne la Gazette) et que l'on peut retrouver dans la revue Radiation and Environmental Biophysics N° 44 (2006)"
     Précisions.
     La controverse ne porte pas seulement sur l''irradiation mais aussi sur la contamination. Il est alors difficile d'extrapoler Hiroshima et Nagasaki où il n'a pas eu de contamination (1 kg de matière a fissionné) au contraire des suites de Tchernobyl (facteur contamination très important).
     Et de surcroît la controverse porte aussi sur la chronicité des doses et sur les effets autres que les cancers: atteinte musculaire, neurologique, glandulaire... d'où ce que M. Fernex qualifie de "SIDA de Tchernobyl", à savoir un abaissement des défenses immunitaires et toute une population souffrant de maladies opportunistes (ils sont touchés par tous les virus et n'arrivent pas à éviter les maladies)
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1 - INTRODUCTION ET RAPPEL DE LA MISSION
     Près de vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl qui s'est produite le 26 avril 1986, la France est sans doute l'un des rares pays d'Europe, en dehors des Républiques de l'ex-URSS directement affectées par les retombées radioactives, où la polémique sur la gestion de la crise et de ses conséquences se poursuit encore.
     Les enquêtes d'opinion publiées chaque année par  l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire sur la perception des risques sociaux, naturels et industriels, montrent, s'agissant du nucléaire, que les critiques sur le manque de transparence dans ce domaine font référence notamment à la façon dont la population a été informée lors de la catastrophe de Tchernobyl.
     C'est pour contribuer à la reconstruction du dialogue et de la confiance avec le public sur ce sujet qu'en septembre 2001, le directeur de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) confiait à Daniel Robeau, coordinateur des études sur Tchernobyl à l'Institut, une mission consistant à identifier les principales critiques adressées à l'IPSN afin de s'efforcer d''y répondre à l'aide des spécialistes de l'Institut.
     La mission n'était pas encore achevée lorsque est intervenue la création de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) en février 2002 par la fusion de l'IPSN et de l'Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants (lui-même issu de l'ancien Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants, organisme de contrôle au moment de l''accident de Tchernobyl). Daniel Quéniart, administrateur provisoire de l'IRSN, confirmait en septembre 2002 la mission confiée à Daniel Robeau concernant les critiques adressées à l'organisme public de recherche d'expertise, en lui demandant d'animer un groupe de travail chargé d'apprécier la pertinence des éléments d'information rassemblés et de les compléter si nécessaire.
     Entre temps, les ministres de la santé et de l'environnement avaient confié au professeur André Aurengo une mission portant sur "la cartographie de la contamination du territoire français suite à l'accident de Tchernobyl [...]" à la suite d'une vive polémique sur la représentativité de la cartographie de la contamination en France figurant dans l'Atlas publié par la Commission Européenne. C'est pourquoi, l'administrateur provisoire de l'IRSN avait précisé dans la lettre de mission adressée à Daniel Robeau que les résultats de son travail pourraient contribuer aux réflexions du professeur André Aurengo.

     2 - Critiques adressées à l'IRSN et réponses apportées
     Le groupe a travaillé à partir des critiques formulées à l'encontre de l'IPSN dans la plainte déposée le 1er mars 2001 par l'association française des malades de la thyroïde. La Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la RADioactivité (CRIIRAD) et des personnes physiques malades de la thyroïde. Les réponses qui leur sont apportées ont été regroupées par thèmes. Ces critiques concernent la communication des informations, la qualité des cartes et des documents produits, l'appréciation des niveaux d'exposition et des conséquences sanitaires

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     - Communication sur les mesures réalisées.
     En mai 1986, l'IPSN avait pour mission d'effectuer des recherches en radioécologie et non le contrôle de la radioactivité que ce soit dans l'environnement ou dans la chaîne alimentaire, ces missions relevant alors du SCPRI. Il avait cependant accès, en tant que Direction du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), à l'ensemble des résultats des mesures effectuées dans le périmètre des Centres d'Études Nucléaires et dans leur environnement. L'Institut concevait son rôle d'information comme se situant en appui de l'organisme de contrôle, le SCPRI, auquel il communiquait toutes ses données. En outre, en tant qu'organisme de recherche, il réalisait de sa propre initiative, des études de terrain. C'est ainsi qu'il a réalisé des campagnes de mesures sur trois bassins qui ont été parmi ceux ayant reçu les dépôts les plus importants; ce qui démontre que l'Institut n'avait pas la volonté de sous estimer les retombées. Toujours en cohérence avec cette conception de sa mission, il s'est adressé, non pas au public pour faire état de ses travaux, mais à la communauté scientifique dans le cadre de séminaires dont les travaux ont fait l'objet de publications.

     - Représentations cartographiques
     De 1986 à 1989, les études radioécologiques menées par l'IPSN n'ont pas donné lieu à des représentations cartographiques. Ce n'est qu'à partir de 1997, après qu'un modèle reliant pluies et dépôts ait fourni un lien fiable entre résultats de mesure de contamination des sols et cartographie, que des représentations cartographiques ont été établies. Ce travail aurait certes pu être engagé plus tôt ; cependant, pour l'IPSN, il ne présentait pas un caractère prioritaire dans le cadre de ses missions. La décision d'engager ce travail a cependant été en partie prise à cause de l'écho médiatique de l'impact de l'accident de Tchernobyl en France.
     En 1997, l'IPSN a édité un rapport sur les conséquences radioécologiques et dosimétriques de l'accident de Tchernobyl en France, rassemblant et interprétant l'ensemble des informations connues, sur la contamination due aux retombées radioactives de cet accident. Ce rapport a été élaboré à la demande conjointe de la Direction Générale de la Santé et de la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires. Il a été présenté le 16 décembre 1997 au Conseil Supérieur de la Sûreté et de l'information Nucléaire et a été largement diffusé aux médias, associations, services de l'État et collectivités territoriales concernés. L'IPSN y présente deux sortes de cartes: celles qui donnent des valeurs moyennes de la contamination et qui correspondent aux surfaces agricoles sur l'ensemble du territoire ; celles qui représentent des zones plus contaminées, décelées ponctuellement dans plusieurs régions de France dans le cadre des études de terrain de l'IPSN citées précédemment. L'Institut, dont l'objectif était d'apprécier l'impact en terme de dose, ce qui impliquait la connaissance des contaminations des produits alimentaires, avait tendance à mettre l'accent sur les premières sans pour autant masquer les secondes, comme cela a pu lui être reproché.
     A la suite de ce bilan, de nouvelles campagnes sur les zones les plus contaminées, notamment en Corse, ont été engagées.

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     - Appréciations des niveaux d'exposition
     La critique concernant la fluctuation des doses calculées aux populations n'est pas justifiée car, au contraire, l'examen des résultats publiés permet de montrer une forte cohérence entre les doses publiées de 1986 à aujourd'hui. Il faut naturellement distinguer les doses selon les niveaux de contamination considérés.
     Ainsi pour les territoires où les niveaux sont les plus élevés, en Corse par exemple, l'IPSN, en juillet et décembre 1986, en réponse à une question du Dr Fauconnier, médecin généraliste en Corse, estimait la possibilité d'une dose de 90 mSv à la thyroïde pour des enfants de 10 ans vivant dans les zones les plus contaminées de l'île qui auraient consommé l'équivalent de 1 litre de lait frais de chèvre ou de brebis par jour. Ceci était confirmé dans un rapport publié en janvier 2002 ("caractéristiques particulières" ayant pu amener à des doses à la thyroïde dépassant 50 mSv et pouvant exceptionnellement atteindre 150 mSv).
     A partir des résultats de mesure, rassemblés en 1997, sur la contamination par l'iode 131 des différents produits agricoles, des estimations de doses à la thyroïde ont été faites, dans le rapport de l'PSN et de l'Institut National de la Veille Sanitaire publié en 2000, pour des enfants âgés en 1986, de 3 mois à 10 ans, qui résidaient dans l'Est de la France. Ce rapport avait été réalisé à la demande de la DGS et de la DSIN sur l'évaluation des conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl en France. Les résultats des ces estimations s'échelonnent entre 2 mSv et 10 mSv. Ces résultats sont du même ordre que ceux calculés en mai 1986 (6,6 mSv pour l'enfant de la région de Valduc).

     - Appréciation de l'impact sanitaire
     Le point est abordé de façon très succincte à travers deux sujets particuliers: la position de l'IRSN sur les effets des faibles doses et les données relatives au nombre de cancers de la thyroïde dans la région PACA.
     Sur le premier point, il est rappelé que l'Institut dans tous ses travaux a toujours appliqué l'hypothèse de l'existence d'une relation linéaire sans seuil entre les doses et les risques qui fait l'objet d'un consensus scientifique international. Consensus ne signifie pas qu'il n'y ait pas débat du fait de l'évolution constante des connaissances. On notera une forte demande du groupe sur ce thème qui dépassait la mission confiée à Daniel Robeau. Bien que ce thème ne soit pas développé dans le présent rapport, il convient de préciser que l'IRSN a engagé des programmes de recherche sur les effets des expositions chroniques prolongées dues à des incorporations de radionucléides, notamment par voie digestive (aliments contaminés).
     Le deuxième point, suivi de cancers de la thyroïde, avait donné lieu à une polémique en 1996 lorsque l'IPSN avait fait état, en se basant sur des données du registre des cancers de la région PACA, d'une augmentation des cancers de la thyroïde, sans pour autant les attribuer aux retombées de Tchernobyl. Le rapport précise que, dès lors que l'Institut avait eu connaissance de nouvelles données remettant en cause les premières, il avait publié un communiqué de démenti. Ces polémiques témoignent du problème récurrent de la qualité du suivi de l'incidence du cancer à travers le réseau des registres.
     C'est cette difficulté à répondre aux interrogations du public sur les retombées sanitaires qui avait conduit l'IRSN, avec l'INVS, à réaliser l'étude citée précédemment sur les doses reçues par les enfants de moins de 15 ans de l'Est de la France et afin d'évaluer, par calcul, l'excès de risque de cancer de la thyroïde, radio-induit attendu et d'apprécier la pertinence et la faisabilité d'une étude épidémiologique dont les contours seraient à définir.

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     3 - Compléments d'information sur la succession des cartes établies par les différents intervenants
     La représentation des niveaux de contamination des sols constitue un élément clé des débats sur la gestion de la crise. Il est donc apparu utile, dans le cadre du présent rapport, de faire l'inventaire des cartes produites par les différents intervenants.
     Les cartes produites par l'IPSN ne représentaient pas un outil pour la prise de décision en termes d'actions de protection puisqu'elles ne sont réalisées qu'à la fin des années 90, mais une représentation des résultats de ses études.
     La cartographie de la contamination par le césium 137 du territoire français dans l'Atlas Européen publié en 1995 par la Direction Générale de la Recherche, a constitué un sujet de polémique du fait des niveaux de contamination très faibles indiqués sur l'ensemble du territoire français et notamment dans les zones les plus touchées par les retombées. En réponse à la polémique déclenchée par la CRIIRAD, l'IPSN, dans ses échanges avec les éditeurs de l'Atlas, tout comme lors des interventions publiques de ses experts, a souligné n'avoir transmis aucune donnée à la Commission Européenne pour l'établissement de cet Atlas – ce qui était un dysfonctionnement regrettable – et s'était engagé à établir une nouvelle carte utilisant l''ensemble des données pertinentes dont il disposait. Ce qu'il a fait et qui est reproduit sur les cartes figurant dans le rapport publié lors du 17ème anniversaire de Tchernobyl
     Cette dernière représentation a été transmise au professeur Aurengo.

     4 - Compléments d'informations sur les aspects réglementaires
     Le rapport étant limité aux critiques adressées à l'IPSN, la polémique sur la gestion de la crise elle-même, c'est à dire sur les décisions prises en ce qui concerne les mesures de protection (interdiction de certains aliments,...) n'est pas abordée. On peut cependant se poser la question du rôle de l'organisme d'expertise dans ce type de situation s'agissant de l'accompagnement et de la compréhension de l'évolution réglementaire.
     On notera à la lecture de l'historique des textes sur la protection en situation accidentelle, que la réflexion des spécialistes de la radioprotection sur ce thème arrive relativement tard dans l'histoire de la radioprotection. Ainsi la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), qui constitue l'organisme de référence pour les Agences réglementaires, ne publie de recommandations spécifiques sur la situation accidentelle qu'en 1984 (CIPR 40) et recommande des niveaux d'intervention quantifiés pour la mise en oeuvre de contre-mesures. Dans le cadre européen, la Directive Euratom sur la radioprotection, qui date de 1980 (80/836 – Euratom) demande aux États membres de prendre toute mesure dès que les doses dépassent les seuils publics annuels. C'est seulement dans le contexte de l'accident qu'un groupe d'experts s'est réuni à Bruxelles le 2 mai 1986 pour définir des recommandations (recommandations du 6 mai sur les 500 Bq/l de lait à ne pas dépasser pour les nourrissons). D'autres textes vont se succéder (notamment le règlement du 30 mai 1986 fixant à 600 Bq/kg la valeur maximale à ne pas dépasser sur les autres aliments). D'autres groupes d'experts ont également été mobilisés dans d'autres instances qui ont produit des normes ou des guides multiples.
 

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     Au niveau national, le NRPB, à la différence de son homologue français l'IPSN, émettait alors des notes de doctrine en appui aux autorités sur les questions touchant à la réglementation. Ainsi, en mars 1986, un mois avant l'accident, le NRPB publiait un rapport reprenant les valeurs de la CIPR 40 et indiquait que, dans certaines conditions, elles devraient se traduire par l'interdiction du lait à plus de 2.000 Bq/l pour les nourrissons. On voit ainsi tout l'intérêt qu'il y a pour les pouvoirs publics à s'appuyer sur ce type d'expertise.
     La France n'avait pas a priori défini des niveaux d'intervention considérant que l'application de niveaux d'intervention dépend des caractéristiques de chaque site, de chaque situation accidentelle. Il s'agit donc de définir au cas par cas, les niveaux d'intervention en fonction des caractéristiques particulières de chaque situation accidentelle.
     Ces sujets continuent à être d'actualité avec notamment la polémique sur les révisions en cours du Codex Alimentarius et les prochaines révisions des textes de la CIPR.

     5 - Mode d'approche du temps de travail animé par Daniel Robeau
     La démarche retenue pour apprécier, a posteriori, le rôle joué par l'IPSN lors de la crise de Tchernobyl a été de mobiliser un groupe d'experts et de représentants de la société civile (institutionnels, journalistes, associatifs, etc...), de recueillir leur avis sur les éléments rassemblés dans les chapitres précédents.
     Pour éclairer la démarche du groupe, des exposés techniques ont été faits par des spécialistes de l'Institut sur les travaux réalisés par l'IPSN en appui de ses publications sur le thème des retombées de l'accident de Tchernobyl:
     - mesures de la radioactivité;
     - cartographie de la contamination;
     - doses à la thyroïde et risques de cancer associés.
     Il n'y a pas eu formellement d'avis des membres du groupe mais des débats ou des demandes de clarification lors des quatre réunions qui se sont tenues en 2002 et 2003.

     6 - Conclusions
     Le présent document, du fait des termes mêmes de la mission confiée à Daniel Robeau, qui limite la réflexion à l'action d'un intervenant, l'IPSN, organisme d'expertise public alors direction au sein du CEA, ne répond que très partiellement aux interrogations du public sur la gestion de la crise de Tchernobyl en France. Les documents rassemblés permettent cependant de tirer les conclusions suivantes:
     * l'effort soutenu de l'Institut dès 1986 et au cours des deux dernières décennies, pour estimer l'impact de la catastrophe de Tchernobyl en France, puis, à partir du 10ème anniversaire de l'accident, pour restituer plus largement l'information; alors même que, jusque dans le milieu des années 90, aucune demande en ce sens ne lui était venue des pouvoirs publics,
     * un décalage entre l'attente de la société civile et la conception trop restrictive à l'égard de l'information du public qu'avait l'IPSN qui, dans les années 80, était au sein du CEA chargé de recherche et d'expertise, et non du contrôle de la radioactivité dans l'environnement.
     Chapitre 1
     Eléments de réponses aux critiques adressées à l'IPSN
     Le présent chapitre reprend en les regroupant sous cinq rubriques, les critiques identifiées à partir de la plainte contre X déposée le 1er mars 2001 par l'association française des malades de la thyroïde, la CRIIRAD et des personnes physiques malades de la thyroïde. Le détail de ces critiques est rappelé en annexe au rapport.

suite:
     Point n°1: L'IPSN a disposé dès le début des informations sur la contamination des sols et des produits alimentaires, de résultats de mesure de la radioactivité qu'il n'a pas divulgués, participant ainsi à la désinformation du public.
     En mai 1986, l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire avait pour mission d'effectuer des recherches en radioécologie et non d'effectuer le contrôle de la radioactivité que ce soit dans l'environnement ou dans la chaîne alimentaire, ces missions relevant alors du SCPRI (Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants).
     Direction du CEA, l'IPSN a eu accès à l'ensemble des résultats de mesures effectuées dans le proche environnement des Centres d'études du CEA. L'IPSN a ainsi disposé –dans des délais compatibles avec la réalisation de ce type de mesure et leur diffusion- des résultats de mesures effectuées sur les échantillons prélevés dans l'environnement des Centres du CEA, à Saclay (Ile de France), Cadarache et Marcoule (Provence), Valduc (Côte d'Or), La Hague (Cotentin) et Grenoble (Isère) auxquels se sont ajoutés les résultats de mesure de la radioactivité des aérosols atmosphériques prélevés par les stations d'Orsay et de Verdun.
     Les résultats concernant ces sites ont été obtenus dès les premiers jours de mai, ce qui est cohérent avec les temps de prélèvement, de mesure, de mise en forme et de transmission officielle des résultats. Les résultats de mesure concernant les sites CEA ont été "relativement" homogènes. La radioactivité des aérosols atmosphériques détectée dès le 30 avril a été maximum le 1er mai, et n'a jamais dépassé (en moyenne sur 24 heures) 6 Bq/m3 pour le césium 137 et 18 Bq/m3 pour l'iode 131. 
     Dans l'environnement immédiat des Centres, des mesures de dépôt au sol, d'eau de pluie, de lait, de végétaux ont été réalisées. L'IPSN en a regroupé et analysé les résultats. Le dépôt au sol maximum a été mesuré à Marcoule (6.300 Bq/m2 d'iode 131 – dépôt humide). La contamination maximum d'iode 131 dans le lait de vache a été mesurée par le site de Valduc, le 4 mai (480 Bq/l). La contamination maximale d'iode 131 dans le lait de chèvre a été mesurée à Cadarache le 7 mai (2.000 Bq/l). La radioactivité de végétaux comestibles ou non a également été mesurée, ainsi parmi les valeurs les plus élevées, citons: la mesure de la radioactivité d'épinards prélevés à proximité de Marcoule, le 14 mai (166 Bq/kg d'iode 131, 121 Bq/kg de césium 137), la mesure de la radioactivité de feuilles d'arbres également prélevées à proximité de Marcoule, le 5 mai (100 à 600 Bq/kg d'iode 131). Les salades de plein champs de la Ferme de Villetain à proximité du centre de Saclay étaient mesurées à 310 Bq/kg d'iode 131 le 7 mai, les épinards étaient mesurés à 1.200 Bq/kg d'iode 131 le 7 mai près de Cadarache, enfin une salade achetée sur le marché de Mandelieu le 2 mai était mesurée à 2.750 Bq/kg d'iode 131.
     La totalité des résultats de mesures rassemblées par l'IPSN a été éditée dès le 21 mai 1986 dans un document largement diffusé y compris à la presse (Rapport IPSN-86-2).
     Dès le début du mois de mai 1986, l'IPSN a engagé des études de terrain pour évaluer l'impact de l'accident de Tchernobyl sur les écosystèmes continentaux. Il s'agissait de réaliser un programme de recherche radioécologique; trois secteurs ont été sélectionnés: un bassin versant de Corse orientale (bassin de Tavignano), un bassin versant de la côte méditerranéenne (Haut Var) et un bassin versant du nord-est de la France (bassin de la Moselle). Ces trois bassins sont parmi ceux qui ont reçu les précipitations les plus importantes entre fin avril et début mai 1986 et leur choix montre que l'IPSN avait déjà une connaissance de la proportionnalité entre pluie et dépôts et que les études avaient été centrées sur les zones potentiellement les plus marquées.
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     Les premiers prélèvements concernant les études sur le bassin versant du Var, ont été effectués dès le 2 mai. Les prélèvements se sont ensuite poursuivis jusqu'en octobre 1986. Fin mai, des résultats de mesures indiquaient des niveaux de césium 137 de plus de 1000 Bq.kg-1 sec pour les sols et l'herbe, plusieurs centaines de Bq.kg-1 frais pour les légumes. Peu de mesures d'iode 131 sont disponibles. Ces résultats ont été publiés en avril 1987 dans un rapport interne à l'IPSN distribué à 10 exemplaires dont 1 envoyé au directeur de l'IPSN avec une note d'accompagnement en date du 1er juillet 1987. Ce rapport a été réédité en 1997(22). Les résultats ont été partiellement publiés dans des conférences internationales (Bruxelles, février 1987(3); Athènes, octobre 1987(1); Cadarache, mars 1988(2)).
     Les études sur le bassin versant du Tavignano ont débuté à la fin du mois de mai 1986.  Une campagne de prélèvements supplémentaires s'est déroulée en novembre 1986. Les résultats de ce travail ont été reportés dans un rapport en date de septembre 1987(4) et dans une publication du congrès de radioécologie de Cadarache en 1988(5). Dans ces publications, très peu de résultats de mesure d'iode 131 sont mentionnés compte tenu des dates de prélèvement. Les résultats relatifs aux césiums 134 et 137, au strontium 90 et aux ruthéniums 103 et 106 sont les plus nombreux.
     Les études sur le bassin versant de la Moselle ont débuté en mai 1986 et se sont poursuivies jusqu'à la fin de l'année 1987. Ces études comprennent des résultats de mesure d'iode 131 et de césiums 134 et 137 dans divers milieux avec l'interprétation phénoménologique des résultats. Comme pour l'étude du bassin versant du Var et celle du bassin du Tavignano, l'étude du bassin versant de la Moselle a été publiée au congrès de radioécologique de Cadarache en mars 1988(6) et ensuite repris dans plusieurs publications jusqu'en 1990.
     Une synthèse de ces trois études et des résultats de mesures effectuées sur les littoraux atlantique et méditerranéen a également été présentée au congrès de radioécologie de Cadarache en 1988(7).
     Dans le cadre de sa mission de recherche en radioécologie, l'IPSN, a dès le début de l'accident engagé une compilation des résultats de mesures effectuées autour des sites du CEA et a réalisé des études dans les régions qui se sont montrées parmi les plus touchées par les retombées de l'accident de Tchernobyl en France. L'IPSN à partir de fin mai 1986 a publié de plusieurs rapports et fait de nombreuses communications dans le cadre de congrès ou de réunions internationales. Au cours du printemps et de l'été 1986, la transmission des résultats de mesure aux pouvoirs publics s'est faite à travers le SCPRI chargé d'établir la synthèse des niveaux de radioactivité en France. 

     Point n°2: L'IPSN, dans les cartes et documents qu'il a édités, minimise la contamination réelle des sols et des produits alimentaires.
     On distinguera trois étapes dans les travaux de l'IRSN dont les objectifs étaient d'estimer la contamination des sols et des produits alimentaires.

suite:
     1) Campagnes de mesures ponctuelles réalisées entre 1987 et 1997.
     - Une première campagne de mesure a été faite du 2 mai 1986 au 22 octobre 1987 dans le bassin du Haut-Var avec le prélèvement de 260 échantillons terrestres.
     - Une deuxième campagne a été engagée en Corse en juin et novembre 1986 dans la région d'Aléria, le Tavignano et les lacs d'altitude.
     - Une troisième campagne a été faite en Méditerranée sur les côtes corses et provençales de 1987 à 1989 avec des mesures de sédiments et de produits marins.
     - Une campagne a été également effectuée en milieu terrestre dans le bassin de la Moselle en 1986 et 1987.
     De 1986 à 1989, les études radioécologiques menées par l'IPSN n'ont pas donné lieu à des représentations cartographiques. Ce n'est qu'à partir de 1997, après qu'un modèle reliant pluies et dépôts ait fourni un lien fiable entre résultats de mesure de contamination des sols et cartographie, que des représentations cartographiques ont été établies. Ce travail aurait certes pu être engagé plus tôt ; cependant, il ne présentait pas un caractère prioritaire et il a en partie été engagé à cause de l'écho médiatique de l'impact de l'accident de Tchernobyl en France.
     Les retombées de Tchernobyl en France n'ont pas fait l'objet de mesures et d'études spécifiques à l'IPSN entre 1989 et 1996 en dehors de celles faites dans le cadre de l'observation de la contamination des sols, de l'atmosphère et du milieu marin.
     En mars 1997, une campagne de mesures a été faite près de St. Jean d'Ormont pour caractériser la contamination des sols de cette région forestière à la demande du Préfet des Vosges(10).

     2) Réalisation d'une première cartographie.
     En 1997, l'IPSN a édité un rapport(41) sur les conséquences radioloécologiques et dosimétriques de l'accident de Tchernobyl en France rassemblant et interprétant l'ensemble des informations connues, sur la contamination due aux retombées radioactives de cet accident. Ce rapport présente notamment des cartes de la contamination moyenne des surfaces agricoles sur l'ensemble du territoire, qui font ressortir quatre zones, les sols de l'Est de la France (zone 1) étant les plus contaminés (entre 3.000 et 6.000 Bq/m2 de césium 137 en moyenne).
     Il est à noter que les contaminations moyennes des sols qui se réfèrent aux sols agricoles puisque mesurées ou estimées à partir de mesures effectuées dans des produits agricoles, sont cohérentes avec celles fournies au cours de la réunion AEN des 1er et 2 septembre 1986 sur la base de l'ensemble des mesures effectuées en juin-juillet 1986(17)
     Les valeurs de contamination moyennes par région administrative y étaient estimées à 160 Bq/m2 dans la région Normandie, à 5.400 Bq/m2 dans la région Rhône-Alpes et 3.200 Bq/m2 en Corse. A titre de comparaison, dans le rapport IPSN de 1997, la Normandie est classée dans la zone IV (< 750 Bq/m2, la région Rhône-Alpes est classée dans la zone I (3.000 à 6.000 Bq/m2) et la Corse dans cette même zone I(14).

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     Le rapport IPSN 97-03(41) fournit également une carte des zones les plus contaminées, décelées ponctuellement dans diverses régions de l'Est de la France, avec une contamination en césium 137 allant de 20.000 à plus de 60.000 Bq/m2. Ce rapport a été élaboré à la demande conjointe de la Direction Générale de la Santé et de la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires. Il a été présenté le 16 décembre 1997 au Conseil Supérieur de la Sûreté et de l'Information Nucléaires et a été largement diffusé aux médias, associations, services de l'État et collectivités territoriales concernés. Ce rapport a donné lieu à un ouvrage publié en 1999 aux éditions "EDP Sciences" sous le titre "Les retombées en France de l'accident de Tchernobyl"(8). Ces cartes ne se réfèrent pas à la contamination des sols agricoles mais à la contamination de tous les sols. Les mesures in situ pour contrôler les dépôts établis à partir de la relation entre pluies et dépôts ont été faites sur des sols non remaniés donc non agricoles, à l'exception des prairies naturelles. Ces cartes ne sont donc pas à l'image de la contamination moyenne des produits agricoles.
     La radioactivité déposée sur les sols, au moment du passage des masses d'air contaminé a été fonction de l'intensité des pluies. Une étude fine de la contamination des sols et de la pluviométrie début mai 1986, dans la région d'Avignon (Bas-Rhône) (Renaud et Métivier 2001)(9) a permis de quantifier la relation "pluies-dépôts". En utilisant cette relation et les relevés pluviométriques des stations de Météo-France (3.800 pour toute la France) durant la première semaine de mai 1986, une carte des dépôts de césium 137 a été établie. La carte exprimant les dépôts initiaux d'iode 131 a été déduite de celle des dépôts de césium, compte tenu du rapport relativement constant observé entre les activités de césium 137 et d'iode 131 déposées à la suite de l'accident de Tchernobyl.
     Les territoires de Vaison (Vaucluse) à Bourdeau (Drôme), de Sisteron (Alpes de Haute Provence) à Gap (Hautes-Alpes) ainsi que l'arrière pays niçois et le Mercantour (Alpes-Maritimes) figurent parmi les zones présentant les activités les plus élevées.

     3) Nouvelles campagnes de mesures ponctuelles
     A la suite du bilan et de la détermination des zones les plus contaminées, des études ponctuelles ont été engagées:
     - De 1998 à 2000, la contamination de la région du Mercantour a été caractérisée, en particulier dans les zones où une contamination plus élevée due aux effets de relief et aux précipitations a été observée. Les facteurs locaux (couverture végétale, topographie, ruissellement des eaux, enneigement...) déterminant la formation de taches radioactives ont été étudiés dans une zone atelier. Une cartographie des dépôts par extrapolation des informations obtenues sur la zone atelier a ensuite pu être réalisée sur une zone de surface plus importante (bassin versant du Chastillon 27 km2).
     - En 2001, une campagne de mesures a été effectuée à Sisteron dans les Alpes de Haute Provence(11).
     - En 2001-2002, l'essentiel de l'effort de connaissance de la contamination a porté sur la Corse(12) (13).
     L'évolution de la contamination en iode 131 et en césium 137 des produits agricoles de Corse a pu être reconstituée à partir des mesures effectuées dans les produits agricoles locaux dans les trois mois qui ont suivi les dépôts. Ces mesures et les modélisations de la contamination de la chaîne alimentaire ont confirmé que les départements corses font partie des départements où les retombées de l'accident de Tchernobyl ont été les plus importantes. C'est dans la plaine orientale de l'île, entre le 1er et le 5 mai 1986 que les précipitations ont été les plus fortes, plus de 100 mm, et que les dépôts de césium 137 ont pu atteindre 20.000 Bq/m2 dans la région de Solenzara et 50.000 Bq/m2 dans les zones d'altitude. Les dépôts d'iode 131 ont été estimés pour leur part à cinq fois plus.

suite:
     Dans l'ensemble des critiques faites, une confusion est entretenue entre les représentations cartographiques rendant compte des contaminations moyennes des produits agricoles, et les représentations cartographiques traduisant l'intensité des retombées radioactives en 1986 et la persistance de cette contamination à l'heure actuelle.
     La première cartographie date de 1997. Il n'y a pas eu sous-estimation de la contamination réelle mais présentation des différentes composantes de la contamination: valeur moyenne de la contamination des sols agricoles afin d'estimer les doses reçues par les populations et valeurs maximales du fait des dépôts.

     Point n°3: L'IPSN remet en question le principe de la relation dose-effet sans seuil pour minimiser l'effet des doses reçues.
     Depuis plus de dix ans, l'IPSN a toujours appliqué la relation dose-effet sans seuil. Le rapport(39) sur "le risque d'induction de cancer par rayonnements à faibles doses et faibles débits de dose" établi en 1995 conclut, en accord avec le consensus scientifique international auquel adhère l'IPSN:
     "Les données relatives au rôle des mutations génétiques dans la tumorigénèse, l'origine monoclonale des tumeurs [...] sont bien établies et sont généralement conformes à la thèse que, à faibles doses et à faibles débits de dose, le risque de cancer radio-induit s'élève avec la dose et n'a pas de composante en rapport avec les dommages à l'ADN ou de composantes de réparations avec seuil. [...] Elles ne peuvent fournir une base solide pour juger si la réponse tumorigène à faibles doses ou faibles débits de dose peut avoir une composante non-linéaire qui pourrait impliquer l'existence d'un seuil de dose en dessous duquel le risque pourrait être quasi nul. En supplément des renseignements provenant des études épidémiologiques, les études des mécanismes indiquent, qu'en radioprotection, il n'est pas vraiment possible de dire que les faibles doses (autour de 10 mGy) ne comportent pas de risque de cancer, et sur la base des connaissances actuelles, il convient de présumer que le risque augmente en même temps que la dose croît".

     Point n°4: Les doses calculées depuis 1986 fluctuent dans un intervalle très large et sont très inférieures aux doses réelles reçues par la population.
     1) Remarques préliminaires:
     L'exposition des personnes aux retombées de l'accident de Tchernobyl provient, pour l'essentiel, de l'ingestion d'aliments contaminés, particulièrement le lait et les légumes feuilles.
     C'est pourquoi dans ses études ayant pour objet d'estimer les impacts radiologiques, l'IPSN considère la contamination des aliments et non la contamination des sols. 
     L'utilisation des cartes de dépôts moyens sur les surfaces agricoles directement dérivées de résultats de mesures d'activité du lait et des légumes feuilles est donc la représentation la plus appropriée pour des estimations de dose. C'est cette méthode qui est présentée dans le rapport de 1997 et sur laquelle se base l'évaluation sanitaire réalisée par l'Institut de Veille Sanitaire et l'IPSN(18).
     Il existe une variabilité des doses reçues au sein de la population considérée, du fait de deux facteurs principaux:
     - Le mode d'alimentation des personnes. La part de l'alimentation constituée de lait frais et de légume-feuilles frais, a eu une influence sensible sur la dose à la thyroïde due à l'ingestion d'iode 131 au cours des semaines qui suivirent l'accident.

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     - La part des aliments consommés produits dans les zones de contamination plus élevée. C'est pour cette raison que dans son rapport de 1997, l'IPSN a estimé la dose reçue par des personnes plus exposées en raison de leur localisation, de leur mode alimentaire particulier. En 2000, l'IPSN a réalisé une étude de sensibilité du mode d'alimentation sur la dose à la thyroïde de l'enfant qui résidait dans l'Est de la France en 1986(19). Ce rapport montre que pour un enfant d'un an, le fait de ne consommer que du lait de vache frais, augmente la dose d'un facteur 2; le fait de ne consommer que du lait de chèvre frais conduit à une augmentation de cette dose d'un facteur 20.
     2) Cohérence des différentes estimations de doses publiées par l'IRSN
     - La critique faite envers l'IPSN est assez étonnante car au contraire de ce qui est avancé, on peut montrer qu'il y a cohérence des doses publiées de 1986 à aujourd'hui.
     En mai 1986, le rapport IPSN/86-02(14) déjà mentionné ne fait référence qu'aux doses délivrées dans la région environnante du site de Saclay (Essonne) en se basant sur des résultats de mesures.
     - En juin 1986, le rapport IPSN/DPS/SEAPS-86/3(15) présentait des doses pour les populations vivant dans le voisinage des centres CEA, doses estimées à partir des résultats de mesures effectuées dans l'environnement de ces centres. Les doses efficaces ont été estimées selon les centres entre 4,5 et 78 mSv et les doses absorbées à la thyroïde de 48 à 1.800 mSv pour l'adulte, avec une dose à la thyroïde atteignant 6,6 mSv pour l'enfant dans la région de Valduc.
     - En juillet et décembre 1986, en réponse à une question du Dr Fauconnier, médecin généraliste en Corse, l'IPSN confirmait l'éventualité d'une dose de 90 mSv à la thyroïde pour des enfants corses de 10 ans vivant dans les zones les plus contaminées de l'île qui auraient consommé l'équivalent de 1 litre de lait frais de chèvre ou de brebis par jour(16).
     - Les 1er et 2 septembre 1986, la France représentée par l'IPSN à l'AEN de l'OCDE(17) a communiqué une carte de la contamination des sols par le césium 137, par région administrative qui comme cela a déjà été souligné n'a rien de contradictoire avec celle de 1997. Les doses efficaces associées à ces niveaux de contamination pour les personnes vivant dans l'Est de la France y sont estimées à 49 mSv pour l'adulte, 87 mSv pour l'enfant et 209 mSv pour le nourrisson.
     - Les doses à la thyroïde de l'enfant de 5 ans résidant dans l'Est de la France au moment de l'accident sont estimées dans un intervalle de dose de 6,5 à 16 mSv (p. 123 du livre EDP sur les retombées en France).
     - A partir des résultats de mesure de la contamination par l'iode 131 des différents produits agricoles rassemblés en 1997, des estimations de doses à la thyroïde ont été faites, dans le rapport IPSN-InVS(18), pour des enfants âgés en 1986, de 3 mois, 1 an, 5 ans et 10 ans, qui résidaient dans l'Est de la France. Les résultats de ces estimations sont respectivement de 1,9 mSv; 9,8 mSv; 5,9 mSv et 3 mSv. Ces résultats sont du même ordre que ceux calculés en mai 1986 (6,6 mSv pour l'enfant de la région de Valduc).
     Une analyse de sensibilité qui accompagne ces calculs montre que ces résultats sont influencés principalement par le type de lait et son délai de consommation, ainsi que par la zone de provenance des aliments. Aussi, un enfant de 1 an qui aurait consommé uniquement du lait de chèvre provenant de la zone I (Est de la France) en 1986, aurait reçu une dose à la thyroïde de l'ordre de 200 mSv. Cette dose est accompagnée du commentaire suivant: "les données disponibles montrent que les consommateurs de lait de chèvre (frais) sont peu nombreux (0,2% de la population) et ils sont vraisemblablement des consommateurs occasionnels".
suite:
     Les résultats de dose publiés par l'IPSN depuis 1986 montrent bien la cohérence des valeurs publiées par des personnes différentes et dans des contextes différents, ce qui ne peut que renforcer leur crédibilité.
     En janvier 2002, dans un rapport intitulé(13) "les retombées de l'accident de Tchernobyl en Corse, contamination de la chaîne alimentaire et doses à la thyroïde associées", les mesures et les calculs effectués montrent que pour la majorité des enfants présents en Corse entre mai et juin 1986, les doses délivrées à la thyroïde n'ont pas dû dépasser la dose moyenne des enfants de l'Est de la France, soit 10 mSv (valeur arrondie de 9,8 mSv). Des doses plus importantes ont pu être délivrées aux enfants qui, à cette époque, auraient consommé des produits frais provenant de zones où les dépôts ont été plus importants, comme la plaine orientale, ou par des enfants qui auraient eu un régime alimentaire particulier comportant une consommation importante de lait frais de chèvre ou de brebis. Ces caractéristiques particulières ont pu amener à des doses délivrées à la thyroïde dépassant 50 mSv et pouvant exceptionnellement atteindre 150 mSv. Ces dernières valeurs sont à rapprocher de la dose de 90 mSv avancée dans la note envoyée au Dr Fauconnier en décembre 1986. De telles populations et de telles pratiques n'ont cependant pas pu être mises en évidence.
     Point n°5: Position de l'IPSN sur les statistiques des cancers de la thyroïde de la région PACA (diffusion des résultats et communiqué diffusant d'autres résultats).
Devant la persistance de rumeurs d'apparition de cancers de la thyroïde de l'enfant, l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire a confié en décembre 1995, la conduite d'une étude à l'Observatoire Régional de la Santé de Marseille. Les données brutes révélaient une répartition temporelle des cas de cancers de la thyroïde très surprenante, conduisant à une augmentation du nombre de cas dans la période 1992-1994. Les premières vérifications ne démentant pas ces chiffres ont amené l'IPSN à faire part de cette augmentation avec les réserves d'usage, aux différentes instances à savoir le Comité Directeur et le Comité Scientifique de l'IPSN.
     Plusieurs journalistes ayant eu connaissance de la teneur de ces données, par leurs propres canaux, ont demandé à l'Institut d'apporter des commentaires. Rien n'indiquait alors qu'une répartition temporelle des cas de cancers, différente de celle évoquée était possible.
     Lorsque de nouvelles informations ont été disponibles, remettant en cause l'augmentation signalée, l'IPSN a immédiatement publié un communiqué rectificatif aux médias.

(SUPPRESSION DE L'ANNEXE AU CHAPITRE 1)

     Chapitre 2
     Éléments d'informations complémentaires:
     les niveaux d'intervention pour l'iode 131
     Une critique importante mentionnée dans la plainte contre X a été la non-utilisation des recommandations internationales de l'époque par les autorités françaises pour la mise en oeuvre de contre-mesures en cas d'accident (mise à l'abris, évacuation, distribution d'iode stable...). Il est donc important de rappeler les textes réglementaires et les recommandations en vigueur avant et après 1986. Ce point a fait l'objet d'une présentation au groupe dont les discussions sont reprises au chapitre 4.

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     Il faut tout d'abord rappeler qu'il existe deux types de "limitations" visant à prendre des mesures vis à vis des expositions aux rayonnements:
     - celles relevant des expositions dues au fonctionnement normal des installations nucléaires,
     - celles relevant des expositions exceptionnelles dues à des situations accidentelles. 
     C'est à cette seconde situation d'exposition que l'accident de Tchernobyl doit faire référence.
     Dans le cas d'exposition due à des accidents, il existe un certain nombre de valeurs de référence appelées niveaux d'intervention qui permettent d'aider les autorités dans la prise de décision des mesures à prendre vis à vis des populations en cas d'exposition ou de risque d'exposition. Il est important de faire remarquer que les niveaux d'intervention sont des valeurs guides destinées aux gestionnaires de la crise dans la mise en oeuvre de contre-mesures.

     1. LES NIVEAUX D'INTERVENTION DEFINIS AVANT LE 26 AVRIL 1986
     Au 26 avril 1986, il y avait quatre textes de référence qui traitaient de l'urgence radiologique et des niveaux d'intervention -référencés (23) (24) (25) (26) dans la liste des références bibliographiques. Dans la gestion de la crise due à l'accident de Tchernobyl en France, c'est la gestion de la contamination des produits alimentaires qui a été la plus critiquée, c'est donc sur les niveaux d''intervention des produits alimentaires que nous nous focaliserons.
     Planning for off-site response to radiation accidents in nuclear facilities – Safety Series n° 55 (1981)- (23)
     Dans ce rapport établi pour l'AIEA par un groupe d'experts internationaux dont deux experts de l'IPSN, il est fait référence aux niveaux d'intervention pratiqués par 4 pays: la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis d'Amérique. Il ressort que:
     a) La France n'avait pas a priori  défini des niveaux d'intervention considérant que l'application de niveaux d'intervention dépend des caractéristiques de chaque site, de chaque situation accidentelle. Il s'agit donc de définir au cas par cas, les niveaux d'intervention en fonction des caractéristiques particulières de chaque situation accidentelle.
     b) L'Allemagne avait en 1981 défini des niveaux d'intervention (décret radioprotection du 13/10/1976) au-dessus desquels il était nécessaire de prendre des mesures pour protéger la population, notamment en regard du risque d'exposition de la thyroïde.
     - le confinement pour des projections de dose à la thyroïde inférieures à 250 mSv,
     - la distribution d'iode stable pour des projections de dose comprises entre 250 mSv et 5 Sv et l'évacuation au-delà de 5 Sv,
     - un niveau d'intervention dérivé, exprimé en activité atmosphérique d'iode 131, défini à 0,035 Ci.s/m3 (soit l'équivalent de 15.000 Bq/m3 pour une persistance de 24 heures,, etc..) pour la distribution d'iode stable aux enfants.
     c) Grande-Bretagne
     La Grande-Bretagne comme l'Allemagne avait défini des niveaux d'intervention au-dessus desquels il était nécessaire de prendre des mesures pour protéger les populations. De la même façon, la Grande-Bretagne avait défini des valeurs dérivées concernant l'activité de l'iode, mais aussi du césium 137 et des strontiums 89 et 90 dans l'atmosphère, à la fois pour l'enfant et pour l'adulte. Notons la forte valeur de ce niveau dérivé (0,104 Ci.s/m3) équivalent à 45.000 Bqm3 avec une persistance de 24 heures.
     Des niveaux dérivés pour la contamination du lait (0,25 mCi/l) ou 9250 Bq/l et pour les dépôts au sol (herbe) de 74 000 Bq/m2 sont indiqués dans ce rapport.

suite:
     Il est à noter que le rapport AEN-1987(35) fait référence pour la Grande Bretagne à "un niveau inférieur dérivé de référence pour le lait frais" de 2000 Bq/l (iode 131) en faisant référence à la “norme” NRBP DL-10 de mars 1986(38).
     Dans le rapport NRPB-R182 de mars 1986, édité un mois avant l'accident de Tchernobyl(37), le NRPB donne un ensemble de "données radiologiques utiles" relatives aux situations d'urgence pour les installations nucléaires civiles. Dans ce rapport, le NRPB rappelle en cohérence avec la publication CIPR n°40 qu'il recommande d'appliquer les niveaux d'intervention de 50 et 500mSv en termes de dose à la thyroïde, le niveau de 50 mSv s'appliquant pour les enfants et les femmes enceintes. Le NRPB rappelle dans ce rapport qu'il s'agit de 1 à 10 limites de dose pour le public spécifiées dans la directive européenne 80/836. Ces niveaux d'intervention se traduisent, dans des conditions bien précises, par l'interdiction de la commercialisation du lait contaminé à plus de 20.000 Bq/l (2.000 Bq/l pour les enfants), lait provenant de prairie contaminées à plus de 130.000 Bq/m2. A noter que ces recommandations s'accompagnent d'une remarque de bon sens: "Careful and informed judgement is thus required...". 
     d) Etats-Unis
     Les États-Unis avaient comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne des niveaux d'intervention pour la population générale exprimés en dose, relatifs à la phase d'urgence d'une situation accidentelle (10 à 20 mSv au corps entier et 50 à 250 mSv pour la thyroïde), la valeur basse étant indiquée pour les éléments sensibles de la population, par exemple les enfants et les femmes enceintes:
     Protection of the Public in the event of a Major Radiation Accidents: principles for planning-Annals of ICRP n° 40 –1984(24)
Dose équivalente en mSv, la première année
Dose organisme entier Dose à l'organe dont la thyroïde
Confinement et distribution d'iode stable 5-50 50-500
Évacuation 50-500 500-5000
Contrôle des denréesAlimentaires 5-50 50-500
Relogement 50-500 /

     La "CIPR 40" était en 1986 le document référence pour ce qui relevait de la conduite à tenir en situation accidentelle et en matière de niveaux d'intervention. Le document propose un intervalle de dose dont la valeur basse était la valeur en dessous de laquelle, une mesure de protection (confinement, évacuation, distribution d'iode stable) n'était pas obligatoire; et dont la valeur haute était la valeur au-dessus de laquelle, une mesure palliative devait être presque certainement prise. Entre ces deux valeurs, la décision ou non de prendre la mesure palliative dépend de la situation, des conséquences négatives qui peuvent être associées à la mesure. Les intervalles de dose, faisant office de niveaux d'intervention sont rappelés dans le tableau ci-dessous. Il faut remarquer que ces intervalles de dose très larges, entraînaient certaines difficultés d'application.
     En 1991, la CIPR a révisé les niveaux d'intervention(36). Dans le paragraphe 7 du rapport n° 63, la CIPR (Summary of recommended intervention levels) indique comme niveau d'intervention concernant le retrait des produits alimentaires du circuit de la consommation, la dose efficace annuelle de 10 mSv. C'est à dire que la consommation de produits alimentaires contaminés à la suite d'un accident était tolérable si elle n'induisait pas une dose efficace, l'année suivant l'accident, supérieure à 10 mSv. La CIPR y ajoute une recommandation de niveau optimisé pour la consommation de 1.000 à 10.000 Bq/kg pour la contamination par des émetteurs béta, gamma et de 10 à 100 Bq/kg pour la contamination des aliments par des émetteurs alpha. Il est bien évident dans l'esprit de la CIPR que si des contre-mesures raisonnables permettent de ramener les doses aux populations en dessous de ces niveaux, elles doivent être mises en oeuvre.

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     Il faut rappeler que les niveaux de commercialisation sont basés sur l'hypothèse d'une consommation durant une année complète. Des niveaux dérivés d'intervention pour les produits alimentaires n'existaient pas en 1986 en dehors des niveaux figurant dans certaines réglementations nationales

     La Directive du Conseil, du 15 juillet 1980 – 80/836 Euratom(25)
     Le 15 juillet 1980, la Commission Européenne a publié une directive fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultants des rayonnements ionisants. Dans l'article 45, alinéa 4 de la Directive, il est écrit "... Chaque état membre prévoit pour le cas où se produirait un accident":
     i. des niveaux d'intervention ainsi que les mesures à prendre par les autorités compétentes et les modalités de surveillance à l'égard des groupes de population susceptibles de recevoir une dose supérieure aux limites de dose fixées à l'article 12 (soit 5 mSv/an – dose à l'organisme entier – 50 mSv/an – dose à l'organe le plus exposé, 30 mSv au cristallin)
     ii. les moyens d'intervention, personnel et matériel, nécessaire à la sauvegarde et au maintien de la santé des populations. S'il y a lieu, ces mesures peuvent être prises par un état membre conjointement avec d'autres états membres.
     A noter que contrairement aux autres textes qui avaient un caractère de recommandation, ce texte impliquait (article 46) que les "états membres [...] prennent les mesures nécessaires pour se conformer à la présente directive dans un délai de 4 ans à compter du 3 juin 1980".
     Critères de radioprotection pour limiter l'exposition du public (juillet 1982)(26)
     Ce texte est un "guide de niveaux de dose de référence établi par le groupe d'experts institué par l'article 31 du Traité Euratom". Deux représentants de l'IPSN y ont participé.
     Il est à noter que ce document, qui n'a qu'un caractère de recommandation peut apparaître en contradiction avec la directive européenne, 80/836 Euratom. "Il fixe les niveaux de dose qui établissent le système à fourchette proposé pour les doses de référence d'urgence. La dose inférieure est celle à laquelle la contre-mesure doit être envisagée ; la dose supérieure est celle à laquelle on s'attend à ce que la contre-mesure ait été mise en oeuvre, sauf dans des circonstances exceptionnelles [...]".

Voir tableau en bas de page

     Concernant la contamination des produits alimentaires, on peut y lire: "L'activité de l'iode dans le lait est maximale 24 heures environ après un rejet unique de sorte qu'une décision concernant le lait est beaucoup plus urgente que pour les autres denrées alimentaires. [...] En général, l'arrêt de la distribution de lait frais ne devrait guère comporter d'inconvénient majeur et il pourrait être indiqué d'interdire la consommation de lait afin de ne pas dépasser la limite de dose annuelle pour les membres du public".

     2. Les niveaux d'intervention définis après le 26 avril 1986
      Les recommandations de la CEE et de l'OMS
     C'est dans le contexte de l'accident qu'un groupe d'experts s'est réuni à Bruxelles le 2 mai 1986 pour définir des recommandations sur la "coordination des mesures nationales prises à l'égard des produits agricoles suite aux retombées radioactives provenant d'Union Soviétique" et qu'un autre groupe d'experts (dont 2 experts français) s'est réuni à Copenhague le 6 mai 1986 pour faire un bilan sur les premières conséquences de l'accident et faire des recommandations en particulier sur les niveaux de contamination pour la commercialisation des produits alimentaires.

suite:
     iii. Les recommandations de la CEE (28, 30, 31, 32, 33)
     Le 6 mai 1986, la CEE a recommandé aux états membres d'appliquer aux produits qu'ils exportent les mêmes règles et contrôles que ceux appliqués pour la commercialisation sur leur marché national et de veiller à ce que les tolérances maximums soient respectées pour la commercialisation sur leur propre marché:
     6 mai 1986, Laits et produits laitiers: 500 Bq/kg
     16 mai 1986, Laits et produits laitiers: 250 Bq/kg
     26 mai 1986, Laits et produits laitiers: 125 Bq/kg
     A noter que ce texte ne spécifie pas la nature des radionucléides (émetteurs béta, gamma, ou alpha) ou s'il s'agit d'une activité totale.
     iv. Les recommandations de l'OMS(27)
     Le rapport émis par l'OMS à la suite de la réunion du 6 mai 1986, montre le peu d'informations alors disponibles, à la fois en provenance d'Union Soviétique, mais aussi en provenance des pays européens. Ce rapport fait état d'un niveau d'intervention concernant la contamination du lait par l'iode 131 de 2.000 Bq/l, niveau d'intervention qui serait déjà utilisé par plusieurs pays en Europe(37,38)
     "For example, in some countries, 2.000 Bq/l is used as an action level for iodine 131 in milk (this level will cause an effective dose equivalent to 0,4 mSv per litre of milk ingested by a child). In other countries a lower value of 500 Bq/l is used, but is then applied to blended dairy milk, which does not show as high concentrations as milk from single farms. The higher action level present a risk to the most exposed infants, the lower level is intended to prevent a lower risk to become the average risk in a larger population".
     Il faut remarquer que cette valeur de 2.000 Bq/l n'est pas incohérente avec celle de 500 Bq/l, en effet le texte de l'OMS spécifie que la valeur de 2.000 Bq/l s'applique à un lait vendu frais destiné à être commercialisé via une coopérative, c'est à dire destiné à être mélangé avec des laits d'autres origines, alors que la valeur de 500 Bq/l s'applique à un lait frais directement vendu au consommateur.
     A noter que ce rapport n'est pas considéré comme officiel et véhiculant un avis de l'OMS.
     v. La réglementation européenne
     Le règlement du 30 mai 1986, n°1707/86, sans aucune référence à la recommandation du 6 mai 1986, fixe la limite de contamination pour les importations de pays tiers de lait et de produits laitiers destinés à l'alimentation des nourrissons (4 à 6 premiers mois), à 370 Bq/kg pour les césiums 134 et 137 cumulés. Cette limite est de 600 Bq/kg pour les autres produits. 
     Le règlement Euratom 3954/87 (rev. 2218/89) du conseil du 22/12/1987 fixe des niveaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour le bétail après un accident nucléaire ou dans toute autre situation d'urgence radiologique:
Aliments nourrissons Produits laitiers Autres denrées alimentaires Boissons
Isotopes du strontium (Sr-90) 75 125 750 125
Iodes radioactifs (I-131) 150 500 2.000 500
Isotopes plutonium émetteurs alpha(Pu 239 et Am) 1 20 80 20
Tout isotope de période sup à 10 jours (Cs 134 et 137) 400 1.000 1.250 1000
(exprimés en Bq/kg)
p.25
Niveau inférieur Niveau supérieur
Evacuation 100 300 1.000 500 1.500 3.000
Distribution d'iode stable / 50* / / 50 /
Confinement 5 50 50 25 250 250
Organisme entier Organe dont thyroïde Peau Organisme entier Organe dont thyroïde Peau
(Niveaux d'intervention en mSv)
  * Il est à noter page 12 du texte, concernant la distribution d'iode stable: "[...] il est moins dangereux d'administrer de l'iode stable que de ne pas le faire pour des doses potentielles à la thyroïde dépassant quelques dizaines de mSv [...]".
     Concernant la contamination des produits alimentaires, on peut y lire: "L'activité de l'iode dans le lait est maximale 24 heures environ après un rejet unique de sorte qu'une décision concernant le lait est beaucoup plus urgente que pour les autres denrées alimentaires. [...] En général, l'arrêt de la distribution de lait frais ne devrait guère comporter d'inconvénient majeur et il pourrait être indiqué d'interdire la consommation de lait afin de ne pas dépasser la limite de dose annuelle pour les membres du public".
     Le Codex Alimentarius
     C'est en 1989, que la commission du Codex Alimentarius (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et Organisation Mondiale de la Santé) a adopté les limites indicatives pour les radionucléides dans les aliments, applicables dans le commerce international à la suite d'une contamination nucléaire accidentelle. En 1989, six radionucléides faisaient l'objet d'une limitation: 90Sr, 131I, 137Cs, 134Cs, 239Pu et 241Am. Ces limites ont été conçues pour s'appliquer un an après l'accident. Ensuite, la Commission du Codex a entrepris d'élaborer des limites indicatives pour d'autres radionucléides et pour une période supérieure à un an après un événement nucléaire ayant conduit à la contamination de produits alimentaires. C'est en avril 2004, que la Commission a rédigé un projet comprenant des limites indicatives pour 20 radionucléides applicables à toute situation:
Activités massiques dans les denrées alimentaires Limites indicatives en Bq/kg
238Pu, 239Pu, 240Pu, 241Am 1
90Sr, 106Ru, 129I, 131I, 235U 100
35S, 60Co, 89Sr, 103Ru, 134Cs, 137Cs, 144Ce, 192Ir 1.000
3H, 14C, 99Tc 10.000

     Notons que ces limites ont été calculées sur la base d'une dose efficace annuelle de 10 mSv pour une consommation exclusive de produits contaminés par du césium 134 et pour l'adulte. La Commission du Codex Alimentarius a estimé que pour un pays donné seulement 10% des produits consommés devait provenir d'une zone où apparaissait ou subsistait une contamination, la première année après que soit survenu l'accident. Par la suite, la Commission du CA estime que seulement 0,01 à 0,1%  des produits consommés provenait d'une zone productrice de produits contaminés. La dose efficace annuelle de référence est donc de 1mSv la première année (ce qui est cohérent avec la valeur retenue dans la CIPR 82 pour l'exemption d'intervention) et entre 10 et 1microSv les années suivantes. Notons que ce projet a suscité des polémiques qui ne sont pas encore apaisées.
(...)

suite:
non reproduits :
Chapitre 3: cartes
chapitre 4: points abordés en Groupe de travail
(...) 

     Conclusions
     L'attention portée aux critiques adressées à l'IPSN concernant son rôle lors de la catastrophe de Tchernobyl, les débats et les réflexions, suscités par les thèmes réglementaires ou techniques litigieux, ont permis au groupe de travail de se faire une opinion sur les travaux de l'IPSN mais aussi de poser de nombreuses questions dont certaines dépassaient les missions du groupe:
     - Quels sont les effets des faibles doses sur l'organisme en cas d'exposition par incorporation de radionucléides sur de très longues périodes?
     - Les données rassemblées sont-elles suffisantes pour estimer l'impact sanitaire en France dans certaines régions plus contaminées, où les habitudes de vie sont plus pénalisantes en termes de niveaux d'exposition?
     - Comment a été géré la crise par les autorités de l'époque et par les acteurs politiques?
     La France est aujourd'hui le seul pays, en dehors des territoires contaminés proches de la centrale accidentée, où près de vingt ans après les retombées de l'accident de Tchernobyl, les conséquences sanitaires et environnementales font encore l'objet de débats et de polémiques. C'est pourtant aujourd'hui l'un des pays où la contamination des sols est la mieux connue, les cartes éditées par l'IPSN puis l'IRSN de 1997 à 2002, mais aussi par la CRIIRAD au cours de la même période, illustrent ce niveau de connaissance. La poursuite de la polémique est sans doute le résultat du débat sur la gestion de la crise elle-même durant les semaines qui suivirent l'accident.
     Ce point n'est que très partiellement abordé dans le présent rapport qui se limite, comme cela est rappelé en préambule, à l'intervention de l'un des acteurs: l'IPSN.
 

p.26

Références Bibliographiques
Voir le document IRSN: "Eléments de réponse sur les représentations cartographiques des retmbées de l'accident de Tchernobyl en France"
(1) Workshop on "Methods for Assessing the Reliability of Environmental Transfer Model Predictions" organisé par la Commission Européenne, DOE (USA), AIEA (Vienne) – Athènes, octobre 1987
(2) Impact et dynamique de la radioactivité provenant de Tchernobyl dans trois bassins versants. Impact des accidents d'engins nucléaires sur l'environnement – Cadarache, 11-18 mars 1988
(3) H. Maubert. Suivi de la radioactivité de l'herbe après l'accident de Tchernobyl dans le bassin du Var. Post-Tchernobyl Workshop – Bruxelles, 3-5 février 1987
(4) Premiers résultats des observations consécutives aux dépôts radioactifs de mai 1986 dans le bassin du Tavignano – CEA/IPSN/DERS/SERE, septembre 1987
(5) Le Tavignano en Corse – Etude d'un bassin versant après les retombées de l'accident de Tchernobyl – L. Ottavi, O. Charlent, Cadarache, 11-18 mars 1988
(6) Observations portant sur les retombées consécutives à l'accident de Tchernobyl dans la moitié Nord de la France – Cadarache, 11-18 mars 1988, C. Capat, Y. Belot et al
(7) Impact et dynamique de la radioactivité provenant de Tchernobyl dans trois bassins versants – J. Delmas, A. Grauby et al – Cadarache, 11-18 mars 1988
(8) Les retombées en France de l'accident de Tchernobyl. Ph. Renaud, H. Maubert, K. Beaugelin et Ph. Ledenvic – Ed. EDP Sciences (1999)
(9) Caractérisation des zones de France métropolitaine ayant reçu les dépôts 131I les plus importants à la suite de l'accident de Tchernobyl. Ph. Renaud, J.M. Métivier – Rapport DPRE/SERNAT/2000-32 (novembre 2000)
(10) Mission héliportée dans le département des Vosges. Mesure de la contamination radioactive dans la région de Saint-Jean-d'Ormont – Rapport IPSN/97-03
(11) Etat de la contamination en 137Cs des sols de la commune de Sisteron (Alpes de Haute Provence) L. Pourcelot, Ph. Renaud, M. Morello, J. Marquet – Rapport DPRE/SERNAT/2001-28 (juillet 2001)
(12) Synthèse des connaissances acquises par l'IPSN en Corse à la suite de l'accident de Tchernobyl, Ph. Renaud, B. Descamps, L. Pourcelot et D. Louvat – Rapport DPRE/SERNAT/2001-18 (mai 2001)
(13) Les retombées de l'accident de Tchernobyl en Corse: contamination de la chaîne alimentaire et doses à la thyroïde associées. Ph. Renaud, D. Robeau, M. Vidal, L. Pourcelot. Rapport DPRE/SERNAT/2003-P3 (à paraître)
(14) L'accident de Tchernobyl, rapport IPSN n°2/86 Rev. CEA, Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (Juin 1986) – Rév. 1 (21 mai 1986) – Rév. 3 (octobre 1986)
(15) Estimation des conséquences sanitaires en France de l'accident nucléaire de Tchernobyl à partir des mesures faites par le Groupe CEA –F. Laylavoix, C. Madelmont, N. Parmentier, D. Robeau, I. Wartenberg. Rapport DPS 86/03 SEAPS (27 juin 1986)
(16) Lettre 1380/96/IPSN du 8/12/1986 adressée au Dr D. Fauconnier
(17) Les incidences radiologiques de l'accident de Tchernobyl dans les pays de l'OCDE – AEN/OCDE, Paris 1987
(18) Evaluation des conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl en France: dispositif de surveillance épidémiologique, état des connaissances, évaluation des risques et perspectives – P. Verger, L. Chérié-Challine – Rapport IPSN-INVS – Réf. IPSN/00-15a – Décembre 2000
(19) Estimation des doses moyennes à la thyroïde reçues par les enfants en France en 1986 à la suite de l'accident de Tchernobyl et analyse de sensibilité, M. Vidal, Ph. Renaud – Note technique SEGR/SAER/00-67 – Indice 1 – Novembre 2000
(20) Estimation des doses à la thyroïde reçues à la suite de l'accident de Tchernobyl, par les enfants résidant dans les régions françaises ayant reçu les dépôts les  plus importants – M. Vidal, Ph. Renaud – Note technique SEGR/SAER/00-78 Indice 1 – Avril 2001
(21) Influence des retombées de l'accident de Tchernobyl sur l'activité en 137Cs du vin des Côtes du Rhône – Ph. Renaud, C. Colle, R. Gurarian, J. Marquet – Rapport DPRE/SERNAT/2001-24
(22) Réédition de la "Note sur les valeurs de radioactivité mesurées dans le Haut Bassin du Var" - H. Maubert, L. Jourd'heuil, J.M. Métivier et al – Rapport DPRE/97-04 – Septembre 1997
 (23) Planning for off-site response to radiation accidents in nuclear facilities – Safety Series n°55 – International Atomic Energy Agency, Vienna 1981
(24) Protection of the public in the event of Major Radiation Accidents: principles for planning - annals of the ICRP – Vol. 14 n° 2 – Pergamon Press 1984
(25) Directive du Conseil, du 15 juillet 1980 portant modification des directives fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs entre les dangers résultant des rayonnements ionisants – EUR 7330 – CCE – Radioprotection 21
(26) Critères de radioprotection pour limiter l'exposition du public en cas de rejet accidentel de substances radioactives – Commission des Communautés Européennes – DG. Emploi, Affaires sociales et éducation – Luxembourg, juillet 1982
(27) Chernobyl reactor accident – Report of a consultation – 6 may 1986 – Word Health Organisation – Regional office for Europe Copenhaguen – ICP/CEH 129
(28) Recommandation de la Commission du 6 mai 1986 adressée aux Etat-membres concernant la coordination des mesures nationales prises à l'égard des produits agricoles suite aux retombées radioactives provenant d'Union Soviétique – Journal Officiel de la CEE n° L118 du 7 mai 1986 p. 28
(29) Protection contre les rayonnements ionisants – principes généraux (décret n° 66 – 450 du 20 juin 1966)
(30) Règlement Euratom n° 3954/87 du Conseil du 22 décembre 1987 fixant les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour bétail après un accident nucléaire ou dans toute autre situation d'urgence radiologique
(31) Règlement CEE n° 1707/86 JO n° L146 du 31 mai 1986 (p. 88)
(32) Règlement CEE n° 737/90 du Conseil du 22 mars 1990 relatif aux conditions d'importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl
(33) Recommendations of an Article 31 – Working party on EU Food Restriction Criteria for Application After an Accident (29 October 1988)
(34) Intervention criteria in a nuclear on radiation emergency – Safety Series n° 109 – IAEA - Vienna, 1994
(35) Les incidences radiologiques de l'accident de Tchernobyl dans les pays de l'OCDE – Agence pour l'Energie Nucléaire – OCDE, Paris 1987
(36) Principles for Intervention for Protection of the Public in a Radiological Emergency – Publication n° 63 of the Annals of the ICRP – Vol. 22 n° 4 – Pergamon Press (1991)
(37) I.F. White, NRPB Emergency Data Handbook – National Radiological Protection Board, NRPB-R182 March 1986 (London HMSO)
(38) Linsley G.S, Crick M.J, Simmonds J.R and Haywood S.M. – Derived Emergency Reference levels for the introduction of countermeasures in the early to intermediate phases of emergencies involving the release of radioactive materials to the atmosphere. Chilton, NRPB-DL10, 1986 (London HSMO)
(39) Le risque d'induction de cancer par rayonnements à faible doses et faibles débits de dose. NRPB documents Vol 6 n°1 (1995)
(40) Analyse paramétrique pour l'estimation des doses à la thyroïde reçues à la suite de l'accident de Tchernobyl par les enfants résidant dans les régions françaises ayant reçu les dépôts les plus importants. M. Vidal, Ph. Renaud. Note technique SEGR/SAER/00-78, avril 2001 (à paraître).
(41) Conséquences radioécologiques et dosimétriques de l'accident de Tchernobyl en France. Ph. Renaud, K. Beaugelin, H. Maubert, Ph. Ledenvic – Rapport IPSN/97-03 Novembre 1997.
Le nombre de victimes de Tchernobyl largement minimisé:
Une étude révèle l'ampleur réelle de la catastrophe
COMMUNIQUE GREENPEACE

     Paris - 18/04/2006
     Greenpeace publie aujourd'hui un rapport inédit et réalisé par 60 scientifiques du Bélarus, d'Ukraine et de Russie, qui démontre que l'impact sanitaire de la catastrophe de Tchernobyl a été largement sous-estimé par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA). Même si des incertitudes subsistent concernant l'ampleur exacte des conséquences de Tchernobyl, le rapport conclut que 200.000 décès dus à la catastrophe ont déjà été constatés ces quinze dernières années en Russie, au Bélarus et en Ukraine. Le rapport indique de plus, qu'à l'avenir plus d'un quart de million de cancers, dont près de 100.000 cancers mortels, découleront de la catastrophe.
     Ces chiffres prouvent que le bilan mis en avant par l'AIEA, qui table sur 4.000 décès, représente une minimisation grossière de l'étendue des souffrances provoquées par Tchernobyl.  “Vingt ans après la catastrophe, le mensonge nucléaire perdure à l'international comme en France. La volonté de l'industrie nucléaire de cacher ses impacts comme les conséquences de Tchernobyl, ou encore la question des déchets nucléaires en présentant l'enfouissement comme une solution, a pour but de servir ces desseins de renaissance” déclare Frédéric Marillier, chargé de campagne Nucléaire à Greenpeace France. Greenpeace estime qu'il est temps de tourner la page du nucléaire et de construire une autre politique énergétique, axée sur la sobriété, l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
     Basées sur les statistiques nationales du Bélarus en matière de cancers, les données contenues dans le rapport(1) prévoient environ 270.000 cancers supplémentaires provoqués par Tchernobyl, dont 93.000 cancers mortels(2). Le rapport conclut aussi, sur la base des données démographiques que, durant les 15 dernières années, 60.000 personnes sont mortes en Russie, et estime qu'au total le nombre de morts pourrait atteindre 140.000 victimes supplémentaires en Ukraine et au Belarus(3).
     Le rapport se penche également sur les autres impacts sanitaires de Tchernobyl et conclut que la radioactivité relâchée par l'accident a des effets dévastateurs sur les survivants: entre autres, des dommages aux systèmes immunitaires et endocriniens, un vieillissement accéléré, une augmentation des déformations chez les foetus et enfants, des aberrations au niveau des chromosomes, ainsi que des maladies cardio-vasculaires, sanguines et psychologiques. Même si des incertitudes demeurent concernant l'ampleur exacte des conséquences de Tchernobyl, des preuves irréfutables montrent que l'accident a eu un impact important sur la santé de millions de personnes habitant une grande partie de la planète.
suite:
     Au-delà de l'impact direct des radiations, la santé des habitants de l'Ukraine, du Bélarus et de la Russie a également été affectée par de graves perturbations aux niveaux social et économique, suite à l'augmentation du coût du système de soins de santé, la perte de terres agricoles, le déplacement forcé d'environ 300.000 personnes, une force de travail affaiblie ou encore la crise économique qui a suivi la catastrophe.
     Ces conclusions contrastent fortement avec les affirmations de l'AIEA(4). En avançant le chiffre de 4.000 cancers mortels sans spécifier que ce chiffre a trait à un groupe restreint de personnes (les 600.000 "liquidateurs" et les personnes relocalisées suite à l'accident, alors qu'au moins deux milliards de personnes ont été touchées par les retombées radioactives), l'AIEA tente de minimiser le coût humain de la catastrophe de Tchernobyl.
     L'AIEA a aussi omis de se pencher sur les impact autres que ceux liés aux cancers et a tenté d'expliquer ceux-ci par une “ radiophobie ” généralisée.
     “Il est regrettable que l'impact du plus grave accident nucléaire soit ainsi minimisé par l'AIEA, souligne Ivan Blokov, chargé de campagne Energie du bureau russe de Greenpeace. Un tel déni des implications réelles est non seulement insultant pour les milliers de victimes, mais remet également en question le mandat même de l'AIEA. Comment, en effet, peut elle prétendre au rôle de gendarme nucléaire mondial si elle ne peut même pas admettre que le nucléaire a anéanti la vie de tant de personnes?

Notes:
(1) Le rapport 'The Chernobyl Catastrophe - Consequences on Human Health', est disponible ici
Le résumé est téléchargeable ici
(2) L'agenda des événements sur la commémoration de la catrastrophe de Tchernobyl est consultable ici
(3) Joint Institute of Power and Nuclear Research, Académie nationale des Sciences du Bélarus, Dr.Michail V.Malko, chercheur principal.
(4) Centre of the Independent Environment Assessment, Académie des sciences de Russie, Dr. Veniamin Khudoley et al.

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Association LES ENFANTS DE TCHERNOBYL
84, route d'Aspach  68800 Vieux-Thann
Tel/Fax : 03 89 40 26 33      Courriel : les.enfants.de.tchernobyl@wanadoo.fr
www.lesenfantsdetchernobyl.fr
Communiqué de Presse du 20 avril 2006
20 ans après l'explosion, la catastrophe de Tchernobyl se poursuit
L'association "Les Enfants de Tchernobyl" présente ses preuves

     En partenariat avec le Centre de Médecine Radioactive de l'Académie des Sciences d'Ukraine, l'association vient de démarrer un nouveau projet: quelques 500 enfants habitant des villages contaminés du nord de l'Ukraine ont fait l'objet d'une détermination de la contamination radioactive interne en césium 137 de leur organisme et bénéficient actuellement d'une cure de pectine afin de réduire cette contamination.
     Le 26 avril 1986, à 1h24, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire Lénine de Tchernobyl explose. L'explosion est 90 fois supérieure à la bombe d'Hiroshima et libère 7.000 fois plus de particules radioactives dans l'atmosphère que la bombe lancée sur le Japon en 1945.
     Deux décennies plus tard, les habitants du nord de l'Ukraine sont contraints de vivre dans un environnement radioactif et parce que leur alimentation est contaminée, les radioéléments (et tout particulièrement le césium 137) s'accumulent, jour après jour, dans l'organisme des enfants. Les principaux responsables sont le lait, les fromages, les produits de la cueillette (baies, champignons…), de la chasse et de la pêche.
     L'irradiation permanente de leurs cellules, en particulier celles du cœur, de la thyroïde et du cerveau, provoque d'innombrables lésions qui sont à l'origine de pathologies très graves, liées notamment à l'atteinte des défenses immunitaires et des organes vitaux.

     Les examens et travaux du professeur Youri Bandajevsky ont démontré une corrélation entre le taux de césium 137 accumulé dans l'organisme des enfants et les anomalies révélées par leurs électrocardiogrammes. Ils ont révélé que, pour un enfant, une charge corporelle en césium 137 de 20 Bq/kg (becquerels par kilogramme de poids) nécessite une surveillance et qu'au delà de 50 Bq/kg le risque sanitaire est avéré.
     Le césium 137 n'existe pas à l'état naturel. Celui que l'on met en évidence ne peut provenir que des activités humaines: installations nucléaires, essais atmosphériques, pollutions et catastrophes nucléaires. 
     L'association alsacienne vient de financer une campagne de mesures qui s'est déroulée du 4 au 7 avril 2006 dans les écoles des villages de Marianovka, de Ragovka, de Lugoviki et de Vovchkov. Sous la direction du professeur Perevoznikov, la charge corporelle en césium 137 de 427 écoliers et 35 adultes (essentiellement des enseignants) fut déterminée à l'aide de spectromètres gamma.
     Une valeur normale synonyme de non-contamination serait de 0 Bq/kg de césium 137. 
     Les résultats obtenus sont dramatiques: 20 ans après l'explosion du réacteur, les 462 villageois ukrainiens mesurés, petits et grands, sans aucune exception, sont tous contaminés par du césium radioactif!
     La contamination moyenne s'élève à 73 Bq/kg mais 47 personnes dépassent les 100 Bq/kg, 6 une valeur de 500 Bq/kg et 2 le chiffre de 1.000 Bq/kg. Preuve que la catastrophe de Tchernobyl se poursuit en 2006.
p.28a

CHARGES CORPORELLES EN CESIUM 137 DE 462 VILLAGEOIS UKRAINIENS
MESURES REALISEES DU 4 AU 7 AVRIL 2006
(valeur normale = 0 Bq/kg)
Lieux de mesure Nombre total d'enfants mesurés Charge moyenne en Bq/kg des enfants Nombre total d'adultes mesurés Charge moyenne en Bq/kg des adultes Nombre total de personnes mesurées Charge moyenne en Bq/kg des personnes
MARIANOVKA 166 45 9 64 175 46
RAGOVKA 59 86 8 71 67 84
LUGOVIKI 76 90 8 53 84 87
VOVCHKOV 126 85 10 179 136 92
TOTAL 427 71 35 96 462 73
© association "Les Enfants de Tchernobyl" - avril 2006
     Le processus naturel d'élimination du césium 137 peut être considérablement accéléré, en utilisant des adsorbants naturels. Les pectines de pommes se sont révélées à cet égard particulièrement performants. En partenariat  avec l'Institut Belrad de Minsk, l'association "Les Enfants de Tchernobyl" a observé son efficacité lors de sa présence dans les territoires contaminés du Bélarus.
     Depuis le 11 avril 2006, les 427 jeunes Ukrainiens bénéficient d'une cure de "Vitapect" offerte par les Français qui durera 21 jours. Il s'agit de pectine de pomme associée à 7 vitamines et à 4 oligo-éléments. Additionnée d'eau, cette poudre se transforme en une boisson aux pommes facile à donner aux écoliers. Au bout des 3 semaines de cure, de nouvelles mesures réalisées par les scientifiques de l'Institut d'Etat de Kiev permettront de mettre en évidence les évolutions des contaminations radioactives internes de ces enfants.
     Le 18 avril 2006, Lee Jong-Wook, directeur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) soulignait que "plus de cinq millions de personnes vivent toujours aujourd'hui dans des zones contaminées par les retombées radioactives de Tchernobyl... nous ne pouvons pas oublier ceux qui continuent des souffrir des conséquences de l'exposition aux radiations".
     Les trois pays les plus touchés par les conséquences de Tchernobyl, l'Ukraine, le Bélarus et la Russie paraissent incapable de faire face aux coûts générés par la catastrophe. A la place de ces indécentes tentatives de renvoyer Tchernobyl au passé ou d'en réduire le bilan, seule une solidarité internationale exceptionnelle et courageuse peut apporter une réponse à la hauteur des besoins.
     On n'a pas fini d'entendre parler de Tchernobyl...
p.28b

Europe: 16.000 décès dus à Tchernobyl
 Un centre de recherche de l'OMS réévalue le nombre de décès attribuables à la catastrophe, et efface le précédent bilan officiel qui n'était que de 4.000 morts.
(les bilans non officiels font état de 93.000 morts ou même plus)
Caroline de MALET (Le Figaro)
Voir aussi http://lci.tf1.fr/

     L'EXPLOSION, au matin du 26 avril 1986, du bloc numéro 4 de la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl, devrait se solder par la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes en Europe. A l'approche de la commémoration du vingtième anniversaire de la catastrophe, les experts revoient à la hausse le bilan de la tragédie. Aujourd'hui, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), qui fait partie de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), publie une enquête évaluant à 16.000 le nombre de décès que devrait entraîner la dissémination, dans les premiers jours qui ont suivi l'explosion, du nuage radioactif au-dessus du continent. Pour sa part, le scientifique britannique Ian Fairlie, mandaté par le groupe des Verts au Parlement européen, avance une fourchette de 30.000 à 60.000 décès. Enfin, l'organisation écologiste Greenpeace - qui se base sur une étude de l'Académie russe des sciences - évoque le chiffre de 93.000 morts.
     Une enquête controversée
     En septembre 2005, le Forum Tchernobyl, qui regroupe notamment l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et les trois pays les plus contaminés par les retombées radioactives (Biélorussie, Ukraine et Russie), avait publié une enquête très controversée limitant à 4.000 le nombre de décès liés à Tchernobyl, principalement des enfants âgés de moins de 15 ans en 1986 souffrant de cancers de la thyroïde. Le travail avait été jugé "inacceptable et non scientifique" par des experts proches des écologistes. 
     Mercredi, à Bruxelles, le Britannique Ian Fairlie reprochait à l'OMS d'avoir limité son évaluation aux seuls territoires proches de la centrale et de sous-estimer les conséquences d'une exposition humaine à de faibles doses radioactives. Pour sa part, Fairlie estime que 600.000 personnes auraient été exposées à des doses de 1 sievert (soit mille fois l'équivalent de plusieurs radios du poumon). Selon lui, 10% de cette population pourrait en mourir.
     En publiant aujourd'hui, dans l'International Journal of Cancer, une évaluation portant sur l'ensemble du continent européen, soit une population de 570 millions de personnes, le Circ franchit un mur que l'AIEA et l'OMS s'étaient jusqu'alors gardées de franchir. Quatre-vingts ans suivant l'accident "16.000 cas de cancers de la thyroïde et 25.000 autres cas de cancers pourraient être dus aux rayonnements consécutifs à l'accident, et environ 16.000 décès en résulteraient", déclare Elisabeth Cardis, chef du groupe rayonnements au sein du Circ.
     La nouveauté de l'étude du Circ par rapport aux évaluations de l'AIEA et de l'OMS, c'est de "considérer que même les doses les plus faibles peuvent contribuer à augmenter le risque de cancers", souligne Elisabeth Cardis. 
     En effet, le Circ ne réévalue pas à la hausse le nombre de décès par cancer chez les personnes exposées à de fortes doses de radiation dans les régions proches de la centrale (9.000 morts). En revanche, il étend le calcul de l'impact des retombées radioactives de Tchernobyl à l'ensemble du continent européen. Dans des zones moins contaminées que la Biélorussie, l'Ukraine ou la Russie, les radionucléides dispersées sur tout le continent pourront causer la mort par cancer de 7.000 personnes de 1986 à 2065.
suite:
     Ce calcul repose sur de nouveaux modèles établis par le Comité de l'Académie des sciences des Etats-Unis pour l'étude des effets biologiques du rayonnement ionisant. Le Circ devrait prochainement publier une évaluation des décès par cancer pays par pays. Une enquête de la revue Nature d'hier lève par ailleurs le voile sur un épisode peu glorieux du bilan présenté par l'OMS et l'AIEA en septembre 2005. En effet, lors de la conférence de presse, seul le nombre de 4.000 décès, correspondants aux liquidateurs et aux personnes les plus irradiées avait été communiqué. Le bilan de 9.000 morts, prenant en compte les populations habitants dans les zones contaminées - déjà connu à l'époque - n'avait pas été rendu public. 
     "Le nombre de cancers liés au tabac dans la même population sera des milliers de fois plus élevé" que l'effet de Tchernobyl, relativise néanmoins le Circ. Cette comparaison ne devrait pas être du goût des anti-nucléaires qui entendent profiter de la commémoration de ce triste anniversaire pour remettre en cause cette énergie.

Un bilan humain difficile à évaluer

     Quatre mille morts? Seize mille? Quatre-vingt-treize mille? On ne saura probablement jamais combien de victimes l'accident de Tchernobyl aura provoquées, tant un tel bilan s'avère complexe. 
     Des études épidémiologiques ont bien été menées sur 80.000 survivants des bombes de Hiroshima et de Nagasaki. Car, "dans ces deux cas, il s'agit d'une irradiation du corps entier en quelques secondes, qui permet de reconstituer grâce à des calculs précis, en fonction de l'emplacement de la personne, une dose reçue fiable", explique Margot Tirmarche, responsable du laboratoire d'épidémiologie de l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). (Commentaire Gazette: calculs précis qui ont été réévalués au moins 4 ou 5 fois et sur lesquels subsistent des doutes)
     Or la tâche est moins aisée pour les victimes de l'accident de Tchernobyl. En premier lieu, parce que la dose reçue par les liquidateurs (nom donné aux héros qui ont nettoyé la centrale après son explosion) est très variable selon non seulement leur localisation exacte, mais également leur activité. Cette estimation est encore plus délicate pour les populations civiles des environs, qui, selon leur mode de vie, notamment le type de laitage ingéré, ont pu être victimes d'une irradiation externe ou d'une contamination chronique.
     Archives sous scellés à Moscou
     La méthode la plus fiable est encore de comparer les registres de cancers des régions contaminées avant et après la catastrophe. Mais c'est loin d'être la plus précise. D'autant que nombre d'archives sur la catastrophe sont désormais gardées sous scellés à Moscou, qui protège jalousement ses secrets d'Etat auxquels l'Ukraine, théâtre du drame, devenue indépendante en 1991, n'a plus guère accès.
     Par ailleurs, il est quasiment impossible d'isoler le risque radiologique sur la santé de populations de régions où les conditions économiques et sanitaires, déjà très précaires, se sont dégradées à la suite du drame. "Ce qui augmente plutôt les causes de décès 'naturels' et relativement précoces, autres que le cancer”" met en garde Yvon Grall, ancien chef du service de médecine nucléaire de l'hôpital Lariboisière et membre du GR21 (groupe de réflexion sur l'énergie et l'environnement au XXIe siècle de la Société française d'énergie nucléaire).
     En tout état de cause, aucun bilan n'est anodin. L'alourdir, c'est légitimer les demandes d'aide émanant de régions sinistrées. Le minimiser revient à s'affranchir de payer une dette morale dont certains se sentent redevables.

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Incertitude sur les cancers de la thyroïde en France
Le Figaro (Yves Miserey)
Avril 2006

     En attendant que le CIRC publie son évaluation du nombre de décès induits par Tchernobyl en France, on peut toujours se tourner vers une étude publiée en septembre 2000 par l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et l'INVS (Institut de veille sanitaire). Les chercheurs avaient évalué le nombre de cancers en excès pour des enfants vivant dans l'est de la France en 1986 (2,27 millions d'enfants). Les résultats montraient un nombre de cas en excès compris entre 7 et 55 pour la période de 1991 à 2015. Un excès à comparer avec le nombre de cancers de la thyroïde spontanés sur la même période, qui aurait été de 899 avec une incertitude de plus ou moins 60 cas. Au vu de ces chiffres, les deux organismes avaient estimé que le risque était trop proche de l'incertitude sur la mesure pour être appréhendé par une étude épidémiologique. 

     COMMENTAIRES Gazette:
     La première constatation sur les "études épidémiologiques ne pouvant permettre d'appréhender une détermination d'excès de cancers de la thyroïde" ne doit pas conduire au rejet de telles études REPOSANT SUR DES REGISTRES BIEN CONSTRUITS. De tels registres n'existent quasiment pas en France (17 environ et souvent axés sur des pathologies particulières) alors que le Royaume Uni couvre l'ensemble de son territoire et a donc des moyens pour mieux analyser les effets sur la santé.
     Le rapport IRSN de 2005 essayait de calculer quelles doses auraient pu recevoir certains enfants buvant du lait de chèvre ou de brebis.
     L'institut arrivait pour la Corse et l'Est de la France à des doses pouvant atteindre 200 mSv. Mais ils concluaient d'une part "les données disponibles montrent que les consommateurs de lait de chèvre (frais) sont peu nombreux (0,2% de la population) et ils sont vraisemblablement des consommateurs occasionnels". et d'autre part: "En janvier 2002, dans un rapport intitulé 'les retombées de l'accident de Tchernobyl en Corse, contamination de la chaîne alimentaire et doses à la thyroïde associées', les mesures et les calculs effectués montrent que, pour la majorité des enfants présents en Corse entre mai et juin 1986, les doses délivrées à la thyroïde n'ont pas dû dépasser la dose moyenne des enfants de l'Est de la France, soit 10 mSv (valeur arrondie de 9,8 mSv). Des doses plus importantes ont pu être délivrées aux enfants qui, à cette époque, auraient consommé des produits frais provenant de zones où les dépôts ont été plus importants, comme la plaine orientale, ou par des enfants qui auraient eu un régime alimentaire particulier comportant une consommation importante de lait frais de chèvre ou de brebis. 

suite:
Ces caractéristiques particulières ont pu amener à des doses délivrées à la thyroïde dépassant 50 mSv et pouvant exceptionnellement atteindre 150 mSv. Ces dernières valeurs sont à rapprocher de la dose de 90 mSv avancée dans la note IPSN envoyée au Dr Fauconnier en décembre 1986. De telles populations et de telles pratiques n'ont cependant pas pu être mises en évidence."
     Cette controverse entre "les enfants moyens" et ceux à régime particulier a alimenté des séances entières du Groupe Radioécologie du Nord Cotentin.
     Elle a également alimenté des discussions sans fin en Norvège, en Suisse, en Allemagne...
     Il semble évident qu'on doit traiter le problème région par région (ou même simplement village après village) et certainement pas de façon globale car les régimes alimentaires, les retombées varient conidérablement d'un individu à l'autre. La moyenne ne peut être qu'une indication à compléter par les fourchettes haute et basse des estimations. 
     Chaque fois qu'on arrive à toucher du doigt cet argumentaire: nuage en provenance de Tchernobyl, régime des pluies, nourriture locale dans les campagnes ou nourriture d'origine plus variée dans les villes, on se heurte à des ukases. Cessons une fois pour toute de parler moyenne, de calculer moyen. Il faut donner tous les chiffres pour chaque comportement, pour chaque type d'aliments et ajouter les doses selon le mode de vie et les régimes alimentaires de chaque individu et ce ne sera ni irrationnel, ni irréaliste, simplement adapté à la diversité des humains. 
     Il faut aussi bannir "l'individu moyen" quand on essaie de comprendre les divers mécanismes d'atteinte: les êtres humains ne sont pas moyens. On doit absolument considérer les diverses classes d'âge, les diverses périodes de la vie (bébés, enfants, adolescents, femmes enceintes, adultes et vieillards). Les réactions vont différer et la même ingestion de becquerels ne conduira pas aux mêmes effets. Ce qui compte en définitive c'est de minimiser les rejets chimiques et radioactifs à la source. Si on est face à un accident traitons-le comme tel et ne minimisons rien dès lors que c'est parti dans l'environnement: c'est avant qu'il faut oeuvrer, après il faut faire avec.

     La France doit accepter ses erreurs: Tchernobyl a été mal géré et ce qui compte c'est de ne jamais recommencer. 

     FORCE EST DE CONSTATER 20 ANS APRES QUE CE NE SERAIT PROBABLEMENT PAS LE CAS.

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Tchernobyl 20 ans plus tard. Les problèmes de santé s'aggravent
Controverse à l'ONU
Professeur Michel FERNEX
édition du mercredi 26 avril de la revue Le Dniepr de l'association humanitaire "Les Enfants de Tchernobyl".

     Des structures comme l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et son porte-parole, le Comité scientifique des Nations Unies pour les Effets des Rayonnements Atomiques (UNSCEAR), censés orienter les avis et actions des Nations Unies (ONU), minimisent les conséquences sanitaires de Tchernobyl, afin de poursuivre la promotion du nucléaire commercial. En effet, l'objectif statutaire principal de l'AIEA est "d'accroître et d'accélérer la contribution de l'énergie atomique à la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier".
      Le négationnisme nucléaire (en anglais "denial syndrome") du lobby de l'atome, faisait que ces agences de l'ONU ne reconnaissaient qu'une trentaine de décès dus aux rayonnements, jusqu'en 2001. Ils ont fini par être forcés d'admettre en 1996, quelques 2.000 cancers de la thyroïde chez les enfants, que les médecins biélorusses avaient noté dès 1990-91. Ce retard a nui aux victimes, étant donné le coût du traitement. En 2005, au Congrès géant de l'AIEA, entourée d'autres agences de l'ONU, 44 morts et un plafond possible de 4.000 décès, qui pourraient survenir dans  un avenir indéfini, ont été fixé. Il semblerait que les promoteurs considèrent que ces chiffres approximatifs ne gêneront pas trop la promotion de nouvelles centrales atomiques commerciales.
     Dans ce contexte, l'Iran démontre une fois encore, que l'industrie atomique commerciale, dite "pacifique", n'est que le frère siamois de l'industrie de l'armement atomique, alors que l'AIEA n'a pas su bloquer la production de bombes atomiques, ni en Afrique du Sud, ni en Israël, ni au Pakistan ni en Inde...
     D'autres agences de l'ONU comme l'OCHA, responsable des affaires humanitaires et le Secrétaire Général des Nations unies, Kofi Annan, évoquent 9 millions de victimes suite à Tchernobyl, ce nombre ne faisant qu'augmenter, car il affecte les générations futures.
     La section suisse de l'association des Médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire (IPPNW), a convié à des symposiums scientifiques, dans le cadre de la Faculté de médecine de Bâle puis de Berne, des médecins et experts indépendants, confrontés aux problèmes engendrés par les retombées radioactives de Tchernobyl en Ukraine, dans l'Ouest de la Fédération de Russie et au Bélarus.
     Lors du premier symposium, nous avions concentré les présentations sur les maladies dues aux rayonnements des enfants et celles qui survenaient chez les foetus. Cela permettait d'éviter les discussions que les négationnistes nucléaires ont l'habitude d'avancer: "Ces maladies sont dues à la paresse, aux revendications, au stress, à la peur propagée par les médias". A Vienne, on ressuscitait le terme "radiophobie", on accusait  l'alcoolisme et le tabac, parfois la pollution, qui a beaucoup baissé depuis Tchernobyl, l'agriculture n'ayant plus les moyens de gaspiller les pesticides, des usines polluantes, entre autres d'armements, étant fermées.
     Nous avons étudié la pathologie liée au césium (Cs-137), du fait de l'étendue des territoires d'Europe touchés par les retombées de ce radionucléide, dont la période, ou demi vie physique, est de 30 ans. Dans les régions les plus touchées, le Cs-137 est sans cesse recyclé par les végétaux et les animaux, ainsi le Cs-137 persiste dans la chaîne alimentaire, l'homme étant au sommet de cette chaîne, donc la principale victime. La limite géographique des zones contaminées change, du fait de la baisse de la radiation externe et de la circulation libre d'aliments contaminés dans le pays. La maladie est aussi devenue un problème social, les familles riches peuvent acheter des aliments propres, les pauvres consommant le lait de leur vache, les poissons des étangs, les légumes de leurs potagers, fertilisés avec les cendres du bois des forêts voisines et contaminées, les baies sauvages, qu'ils vendent aussi le long des routes.
suite:
Commencer par les enfants
     Dans un même environnement, l'enfant incorpore davantage de Cs-137 que l'adulte; il est plus vulnérable aux rayonnements ionisants que le sujet plus âgé, en particulier du fait de la multiplication des cellules lors de la croissance. Les enfants nés après mars 1987 n'ont pas connu le "choc d'iode radioactif" d'avril-mai 1986, dû aux isotopes d'iode 132 puis 131, qui représentaient les premiers jours ou semaines la principale source d'irradiation. Le césium 137 a bientôt pris le relais. Cette contamination a causé une grande vulnérabilité des chromosomes dans les cellules de beaucoup d'habitants. Les répercussions tardives sur la santé peuvent se traduire par des cancers dans beaucoup d'années. Cette instabilité génomique persiste dans les tissus, mais peut aussi se transmettre de générations en générations, ce qui se traduit en troubles de la fertilité, en maladies génétiques et malformations congénitales.

Le rapport de l'Ambassade d'Ukraine d'avril 2005

     Ce rapport distribué aux médias le 25 avril 2005, signalait que 3.500.000 Ukrainiens, dont un tiers étaient des enfants, avaient été fortement irradiés en Ukraine, suite à Tchernobyl. 160.000 ont été évacués, 7% du territoire national étant fortement contaminé. Le premier janvier 2005, on compte 2.646.106 Ukrainiens officiellement victimes de cette catastrophe. La situation sanitaire se détériore d'année en année, 90% de sujets évacués sont malades. Ce rapport ajoute qu'en 2004 94% des liquidateurs étaient malades. Ces données diffèrent énormément de celles fournies par l'AIEA en septembre 2005.
     Ainsi en 2005, le sujet d'étude retenu par IPPNW Suisse a été le groupe des "liquidateurs", une population de 6 à 800.000 adultes sains, sélectionnés,  dont l'âge moyen était de 33 à 34 ans. La moitié était représentée par de jeunes militaires de l'armée soviétique, les autres étaient techniciens, maçons, mineurs, pilotes, conducteurs, contraints d'éteindre l'incendie du coeur du réacteur qui avait explosé, de décontaminer la zone des 30km évacuée autour de la centrale, de construire un "sarcophage" au dessus de la ruine. Toute cette activité se réalisait dans un milieu hautement radioactif, riche en poussières d'oxyde d'uranium insoluble, cuit à très haute température, et de plutonium.
     IPPNW a cherché à savoir quelles étaient les maladies dont souffraient cette sélection d'adultes sains, militaires ou techniciens, dont normalement le pronostic en ce qui concerne la santé devait être bien au dessus de la moyenne nationale. Comme le congrès de l'AIEA mettait en cause l'état psychique des liquidateurs, leur stress et leur peur ou radiophobie, terme qu'à cette occasion on a ressorti, nous avons cherché à saisir avec précision les maladies neurologiques et psychiatriques qui surviennent chez ces jeunes adultes, avec l'aide de professeurs de psychiatrie hautement compétents.
L'atteinte organique du système nerveux central
     Konstantin Loganovsky de Kiev a montré que les liquidateurs souffraient de troubles  neuro-psychiques. Il a subdivisé ces travailleurs en fonction des doses radioactives auxquelles ils ont été soumis. Statistiquement il démontre que la fréquence et la gravité des syndromes cliniques sont proportionnels à la dose reçue. A des doses relativement faibles mais prolongées, il note déjà des signes de vieillissement précoce (un syndrome autrefois reconnu par les instances internationales, mais "oublié" depuis quelques années). Dans une enquête systématique, Loganovsky montre que 36% des liquidateurs souffrent de troubles mentaux, contre 20,5% dans la population non irradiée. Chez ces maladies, les états dépressifs sont fréquents et peuvent conduire au suicide. Même la schizophrénie est cinq fois plus fréquente chez les irradiés que dans la population non irradiée. Les neuropsychiatres qui suivent ces maladies irradiés, trouvent des atteintes ou pertes des neurones de structures localisées dans l'hémisphère cérébral gauche (chez les droitiers).
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     Le professeur Pierre Flor-Henry de l'Université d'Alberta au Canada, trouve les mêmes maladies, à savoir une difficulté à penser, une perte de la mémoire cognitive, une fatigue intense et persistante (syndrome de fatigue chronique), un état dépressif, une impuissance sexuelle, des douleurs neuro-musculaires et articulaires et des céphalées chez les irradiés de Tchernobyl de Russie et d'Ukraine et chez les vétérans des guerres où des soldats ont été exposés aux fumées d'obus perforants d'uranium-238 pur à plus de 99% (dit uranium appauvri). Ces militaires avaient donc inspiré des micro- ou nano particules d'oxyde d'uranium insoluble, les mêmes fumées que celles émises par le réacteur de Tchernobyl en flamme, avec en plus du plutonium.
     Après un temps de latence de quelques années, les maladies neurologiques apparaissent avec une rapide aggravation de toute la symptomatologie. Les liquidateurs plus jeunes sont plus vulnérables que ceux qui étaient plus âgés en arrivant à Tchernobyl. Les atteintes neuro-psychiatriques graves des liquidateurs ressemblent au syndrome "boura-boura" des rescapés des bombes atomiques au Japon. On peut retrouver ces symptômes chez des militaires qui ont participé aux essais nucléaires. La localisation dominante des lésions dans l'hémisphère gauche, dans ces divers syndromes neurologiques d'irradiés, est reconnue à l'électroencéphalogramme, ainsi que par des technologies récentes comme le spectromètre à résonance magnétique. On retrouve cette localisation des dommages cérébraux dans l'hémisphère gauche chez des sujets ayant survécu à un syndrome d'irradiation aiguë, de même que chez les enfants irradiés in utero peu après l'explosion du réacteur de Tchernobyl.
     Les maladies des vétérans de la guerre du Golfe, vainqueurs américains, apparaissent avec le même retard qu'à Tchernobyl. Elles comprennent des troubles neuropsychiques, avec localisation des lésions dans l'hémisphère cérébral gauche. Ces soldats ont inspiré les micro- ou nano-particules de fumées d'oxyde d'uranium-238. Ces particules insolubles et radiotoxiques pénètrent dans les alvéoles pulmonaires. À l'endroit où elles se fixent, elles irradient de façon durable les cellules avoisinantes, entraînant des maladies dégénératives, voire des cancers.
     A l'impact, le projectile d'uranium-238 pur à 99% (dit "U-appauvri") s'enflamme, brûlant les occupants du char. La fumée noire formée à très haute température renferme des particules d'oxydes d'uranium, qui se dispersent en fonction des vents, et des sols. Ces mêmes fumées, riches en oxyde d'uranium ont été émises après Tchernobyl. Ces syndromes neuropsychiques de Tchernobyl, ne se retrouvent pas chez les vétérans soviétiques de la guerre (perdue) d'Afghanistan, qui fut cependant un calvaire pour les combattants, même à leur retour.

L'atteinte de l'oeil

     L'atteinte des structures de l'oeil des liquidateurs, comporte comme chez l'enfant contaminé par le Cs-137, des opacifications de cristallin pouvant conduire à une cataracte précoce. Pourtant la contribution de P. Fedirko de Kiev révèle une altération du système vasculaire de l'oeil chez les irradiés de Tchernobyl, avec atteinte de la rétine et maculodystrophie, dont la fréquence passe de 31,4% en 1993, à 87,4% en 1997, dans une cohorte de liquidateurs suivie à Kiev,. Aux doses minimes, il note déjà des troubles de l'accommodation, avant que des atteintes morphologiquement détectables surviennent. La cécité peut aussi contribuer à un état dépressif. Ce sont des conséquences tardives et mal connues, surtout suite à une irradiation par des faibles doses.
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L'atteinte de la cochlée
     Les troubles de l'oreille interne et des organes de l'équilibre sont également très fréquents chez les liquidateurs comportent des troubles de l'équilibre, avec vertiges, souvent associés à des troubles de l'audition. Il peut s'agir d'atteintes vestibulaires, c'est à dire de l'oreille interne ou d'altérations du système nerveux central.

Un temps de latence prolongé

     Les maladies énumérées ci-dessus surviennent des années après l'exposition aux rayonnements ionisants, elles ont tendance à affecter un nombre toujours croissant de sujets, l'évolution progressive vers la cécité est connue chez nous dans des classes d'âge beaucoup plus élevées. Pourtant, suite à l'irradiation, ces lésions ont un temps de latence prolongé, comme les tumeurs malignes.

Les cancers de Tchernobyl

     L'épidémie de cancers de thyroïde de l'enfant était notée dès 1990 déjà. Dix ans après Tchernobyl, le professeur A.E. Okéanov de Minsk constatait chez les liquidateurs une augmentation des cancers du côlon et de la vessie, de même que des leucémies (...). L'incidence des maladies malignes dépendait de la durée du travail dans le rayon de 30 km autour de Tchernobyl, davantage que de la dose reçue. En effet, ceux qui ont été le plus fortement irradiés (...) sont restés dans la règle très peu de temps sur place. La durée du travail de décontamination et de construction du sarcophage vont de pair avec l'inspiration de poussières d'oxydes d'uranium et de plutonium. Lors de son exposé à Berne en 2005, Okéanov montre que l'ensemble des cancers a maintenant augmenté. Pour 7 différents cancers, cette augmentation est devenue statistiquement significative depuis 1997, par rapport à l'incidence dans la région de Vitebsk, province peu radio-contaminée.
     L'épidémie maligne s'est généralisée chez tous les liquidateurs, mais elle affecte aussi les populations demeurées stables en région rurale contaminée. Cette épidémie est une des manifestations graves, souvent mortelles, du vieillissement précoce. C'est d'autant plus évident que cette augmentation touche davantage les sujets jeunes, que ceux âgés de plus de 50 ans, au moment de leur intervention  à Tchernobyl.

Les maladies cardiovasculaires, première cause de mort

     Cette cause de mort chez les liquidateurs a augmenté dix fois plus vite que dans le reste de la population. Il y a de nombreux facteurs de risques cardiovasculaires augmentés dans cette population de liquidateurs, parmi celles-ci l'infarctus du myocarde et l'hypertension, qui survient aussi chez les enfants, en fonction de la charge de Cs-137 dans leur organisme. L'hypertension d'abord instable et aisée à contrôler, devient persistante et maligne, engendrant des complications.
     Le professeur D. Lazyuk montre que la mortalité due aux maladies cardiovasculaires augmente de 2,5% dans l'ensemble du Bélarus de 1992 à 1997, alors que chez les liquidateurs, pendant cette même période, cette mortalité augmente de 22,1%. Ces différences sont statistiquement hautement significatives (p<0,01). Pendant cette période, les zones contaminées comme celle de Gomel, ont une croissance de la mortalité due aux maladies cardiovasculaires de 3,1%, contre 0,2% à Minsk.
Conclusion

     Ces données ne résument pas tous les problèmes dont souffrent les adultes irradiés de Tchernobyl. Il reste les maladies liées à l'atteinte du système immunitaire, le "Sida de Tchernobyl", les maladies autoimmunes, dont certaines hypothyroïdie, les diabètes sucrés type I et type II, et d'autres maladies endocriniennes, y compris la stérilité. Les maladies génétiques et les malformations congénitales des enfants nés de liquidateurs méritent une grande attention, les maladies digestives, gastrites et ulcères duodénaux, le retard pour la cicatrisation des plaies ou pour la réparation des fractures mériteraient aussi d'être traités. Les années qui viennent nous réservent beaucoup de problèmes à examiner à propos de Tchernobyl, en particulier les maladies qui surviendront dans les prochaines générations.
     Le professeur Elena Burlakova montre que la majorité de ces maladies touchent davantage des adultes jeunes et se traduisent par un vieillissement prématuré, lié aux faibles doses de rayonnement chronique. Cette même vulnérabilité aux rayonnements faibles, mais de très longue durée, a été confirmée par les travaux de l'équipe du professeur Rose Goncharova, qui constate l'augmentation des mutations après 20 générations, chez des rongeurs sauvages (campagnols roussâtres), comme chez les souris de laboratoire élevées dans les sols de Tchernobyl, situés entre 40 et 300 km de la centrale.

Lien vers le dossier FAIBLES DOSES

     Pour les humains, il ne faut pas imaginer que les problèmes s'estomperont avec la commémoration des 20 ans de Tchernobyl. Le souvenir s'inscrit dans le futur.

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