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N°169/170
INTRODUCTION A LA REVERSIBILITE

Commentaire GSIEN

     Je vous livre les conclusions de la CNE, conclusions qui n'ont pas plu, ça, vous pouvez en être sûr. Et pourtant, ces «sages», membres de la CNE ont, à la lumière de tout le suivi qu'ils font par ailleurs, examiné le problème sous tous ses aspects.

     Il n'y a aucun miracle à attendre: la réversibilité est un concept pour faire passer la pilule des déchets. Un stockage ne peut pas être éternellement réversible. On pourra, à la rigueur, intervenir pendant sa période de fonctionnement. Et encore faut-il le prévoir et concevoir les galeries, les emballages et tout ce qu'il faut en fonction de ce concept. Concept qui heurte de plein fouet la tenue et surtout l'étanchéité du stockage. En conséquence et pour sauvegarder les générations futures nous devons au moins limiter le recours au nucléaire. Le limiter à ce que nous pourrons traiter. En l'état de nos connaissances nous ne pouvons continuer plus avant.
     L'analyse du stockage en profondeur est difficile. D'une part, pour des raisons de retour lent vers l'homme, on pourrait penser qu'un stockage en profondeur est plus performant. D'autre part, si on ajoute le temps de stockage, la perte éventuelle de mémoire et la non connaissance de l'évolution géologique, cela nous conduit à préférer un stockage en subsurface dont nous pourrons garder la mémoire.
     Cependant à la lumière des affaires de pollution chimique, de pollution radioactive, on ne peut pas faire confiance. Manifestement, quelles que soient les lois et décrets, certains sont incapables de les respecter. De plus ils sont même incapable d'accepter leurs responsabilités. 

Ce qui me frappe dans les affaires de pollutions: fûts sur un quai, abandonnés sans surveillance, déchets radioactifs dans un incinérateur d'ordures ménagères, boues radioactives à cause des rejets d'un hôpital, etc., c'est l'inconscience généralisée des protagonistes. Ceux qui ont envoyé leurs fûts n'ont pas vérifié où ils allaient et ceux qui les ont accepté ne savaient pas quoi en faire mais ne l'ont expliqué à personne. Ceux qui ont discrètement mis leurs fioles de résidus chimiques et radioactifs dans leurs corbeilles à papier n'ont rien dit et restent muets. Ceux qui rejettent des produits de traitement du cancer n'ont aucune idée des normes et des effets secondaires.

     Tout ceci est navrant et sans la vigilance de quelques-uns on aurait bien des déboires...
     Le choix des labos n'est pas fait mais ce n'est sûrement pas loin.

     INTERVENEZ MASSIVEMENT AUPRES DU MINISTERE DE L'ENVIRONNEMENT, AUPRES DE VOS DEPUTES, AUPRES DU GOUVERNEMENT. FAITES FEU DE TOUT BOIS. VOUS DEVEZ FAIRE CONNAITRE VOTRE POINT DE VUE. CE SONT NOS ENFANTS QUI VIVRONT DEMAIN ET DEVRONT SUPPORTER NOS ERREURS.
     A VOS PLUMES...

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Commission Nationale d'Évaluation Relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactif juin 1998
RÉFLEXIONS SUR LA RÉVERSIBILITÉ DES STOCKAGES
Résumé et Principales Conclusions
A. Motivations de la réversibilité
     Le problème de la réversibilité du stockage des déchets nucléaires comprend l'ensemble des mesures techniques et administratives permettant de pouvoir, si on le désire, reprendre la matière considérée comme déchet de façon sûre, avec un avantage net pour la société. Cet avantage peut être basé sur des progrès scientifiques et technologiques (par exemple des avancées sur la transmutation permettant de diminuer la nocivité potentielle des radionucléides à haute activité et à vie longue), sur une évolution économique (valeur énergétique des déchets), sur des considérations de sûreté (mauvaise évaluation initiale du risque décelée par un contrôle permanent) ou d'éthique (ne pas imposer nos choix aux générations futures). Dès le débat sur la loi de 1991, le souci de ne rien engager d'irréversible était apparu, ouvrant ainsi la porte à la notion de réversibilité potentielle d'un stockage et de reprise effective des colis placés dans ce stockage. Le même souci se retrouve dans le rapport de Monsieur le député Christian BATAILLE (20 décembre 1993) qui accorde de l'importance aux dispositifs de réversibilité, lesquels constituent une "garantie autant scientifique que morale".
     Des discussions scientifiques et techniques comparent les avantages et les champs d'application respectifs de l'entreposage de longue durée en surface ou subsurface, et ceux du stockage géologique réversible ou non, ou encore les types de barrières les plus efficaces pour assurer la sûreté en toute circonstance. Il apparaît cependant que le point sensible du débat ne se situe pas entre ces divers concepts techniques. Ceux-ci sont en effet tous susceptibles de conformité avec la législation existante dans de nombreux pays et ils peuvent donc rencontrer l'accord des autorités de sûreté chargées de son application. La motivation première de la réversibilité émerge essentiellement du débat entre une position "scientifique et technique" et une position "éthique" et donc "politique". Rien ne sera acquis concernant le destin final des déchets nucléaires tant que la conviction de la collectivité sur la qualité et la robustesse des solutions retenues ne sera pas solidement établie.
La mission de médiation menée par Monsieur le député Christian Bataille et Monsieur le préfet Jacques Monestier a œuvré dans ce sens. De son côté, la Commission Nationale d'Évaluation (CNE) s'est efforcée de faire preuve du maximum de transparence, et d'explication, tant lors des présentations publiques de son rapport annuel que lors de ses contacts avec les instances locales d'information établies par la loi. La CNE a présenté une première réflexion sur la réversibilité dans son rapport n°3. C'est dans la continuité de cette démarche que le présent rapport tente de proposer des orientations acceptables par étapes. Nous disposons, aujourd'hui, d'un délai suffisant pour aboutir à une acceptabilité par tous les acteurs concernés et par l'opinion publique autour des options techniques de la gestion ultime des déchets lorsque le Parlement se prononcera sur la réalisation d'ouvrages permanents en 2006. Si cette décision est positive, la réalisation, puis l'exploitation de ces ouvrages représenteront environ 70 ans, offrant un délai supplémentaire à la décision sur les niveaux de réversibilité souhaités.

B. Aspects scientifiques et techniques de la réversibilité
     Les motivations techniques pour assurer une réversibilité, évoquées par un ou plusieurs acteurs de la loi, scientifiques et industriels, portent sur les progrès futurs de la science, la protection de l'homme ou l'évolution de la conjoncture économique.
    Les résultats attendus de la transmutation (axe 1 de la loi de 1991) pourraient justifier une reprise des déchets de haute activité à vie longue pour en diminuer la nocivité. L'évolution de l'économie des diverses énergies primaires, associée à des progrès importants dans le domaine des réacteurs et des cycles correspondants, pourrait conduire à la reprise des combustibles usés non retraités - qui ne sont pas considérés en France comme des déchets ultimes* - pour en extraire le plutonium et l'uranium. Des développements techniques difficilement prévisibles à ce jour, dans les domaines industriel ou médical, pourraient également inciter à rechercher des éléments contenus dans les colis de verres et les combustibles usés (métaux de la mine de platine* pour les piles à combustible qui sont des convertisseurs d'énergie propre, radionucléides pour les applications médicales, etc…). On peut cependant se demander s'il ne vaudrait pas mieux les produire de novo que de reprendre et ouvrir des colis anciens de déchets, avec les risques que cela comporte.

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     Enfin, les motivations techniques n'excluent pas le cas de suspicion de défaillance de la sûreté du stockage, mais il est clair que, s'il existe le moindre doute sur l'évaluation du risque lié à un projet de stockage, il est impératif de ne pas utiliser cet ouvrage pour y déposer des déchets nucléaires.
     Les discussions ont fait clairement apparaître trois éléments essentiels qu'il est nécessaire de connaître pour une gestion raisonnée des déchets selon un mode réversible, et qui nous font largement défaut :
     a - L'inventaire effectif des radionucléides, souvent réclamé par la CNE, dont une première version est promise pour fin 1998; il permettrait de distinguer plus clairement les déchets pour lesquels le concept de réversibilité aurait peu de justification pour des raisons de sûreté, techniques ou économiques. On ne dispose réellement à ce jour que des volumes de déchets produits par catégories de spécification, mais sans référence précise au contenu radioactif et chimique. Il conviendrait d'accélérer le processus d'inventaire.
     b - Les colis qui seraient mis en place dans un stockage et, éventuellement récupérés après un certain délai : nature des conteneurs et surconteneurs; leur géométrie, épaisseur, hauteur, diamètre, masse et composition sont des caractéristiques essentielles pour évaluer leur durabilité et les manutentions nécessaires pour les reprendre. Là encore, il s'agit, parmi les informations fournies, d'une lacune mise en évidence par les rapports de la CNE; cette lacune est l'un des éléments qui ont amené des instructions spécifiques des pouvoirs publics en 1997 sur l'axe 3 de la loi.
     c - Les concepts d'ingénierie comprenant en particulier l'architecture générale de l'ouvrage, le mode de manutention des charges et de remplissage des fosses, silos ou alvéoles, qui devront l'un et l'autre respecter des contraintes liées à la nature des radionucléides, aux caractéristiques des différentes matrices de conditionnement et de leur conteneur; ce problème s'applique à tout type d'installation d'entreposage ou de stockage (surface, subsurface, profond).
     On voit que l'établissement de l'inventaire et la définition des conteneurs sont, entre autres, des questions qui méritent une réponse aussi rapide que possible, même s'ils sont sans lien immédiat avec les demandes en cours relatives à l'implantation des laboratoires souterrains. Les concepts d'ingénierie auront bien sûr une influence déterminante sur les propositions qui seront présentées en 2006 aux pouvoirs publics pour autoriser un ou des stockages.
     Le stockage réversible devra, en tout état de cause, assurer une sûreté à long terme qui ne peut être d'un niveau moindre que celle d'un stockage irréversible. Les critères à respecter seront les mêmes : absence de dissémination des radionucléides, radioprotection, garanties contre l'intrusion humaine et la malveillance, ainsi que contre la prolifération des armes nucléaires si des quantités importantes de plutonium y étaient placées, puis confinement ultérieur le plus long possible. L'ensemble doit constituer une position équitable vis-à-vis des populations présentes et futures, et maintenir des coûts qui assurent la compétitivité de l'industrie nucléaire. Plusieurs solutions permettent souvent de satisfaire chacun de ces critères, sans que l'optimum pour un critère le soit également pour les autres. L'examen de la réversibilité d'un stockage ne peut être dissocié de considérations sur l'entreposage, ne serait-ce qu'en cas de reprise des colis. on peut alors envisager les situations suivantes qui permettent des optimisations:
 · l'entreposage de longue durée en surface ou en subsurface*, le plus simple, parfaitement réversible, mais se terminant nécessairement par une reprise des dépôts,
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 · l'entreposage géologique convertible en stockage géologique dit "réversible", avec divers degrés de réversibilité, décroissant selon les barrières que l'on établit au niveau du colis de déchet, de l'alvéole, de la galerie secondaire ou principale, et finalement du puits ou de la galerie d'accès depuis l'extérieur, à mesure que des barrières seront mises en place, la réversibilité, aisée pendant la phase de remplissage, devient un exercice de travaux publics s'il faut rouvrir des cavités remblayées et obturées. Si l'ensemble du site a été abandonné, sa reprise, plus complexe, relève de l'exploitation minière,
 · le stockage géologique dit "irréversible" dans lequel la reprise des colis, possible même après fermeture du site, serait cependant très lourde: elle ferait alors appel à des techniques minières classiques tant que l'intégrité des colis serait préservée, et à des techniques avancées si l'intégrité des colis n'était plus assurée. A titre d'exemple d'ingénierie minière, les méthodes d'exploitation, autorisées pour le gisement canadien de Cigar Lake exceptionnellement riche en uranium, montrent que l'on peut extraire des substances hautement radioactives du sous-sol avec des techniques d'exploitation minière automatisées, même dans un milieu où le niveau de radioactivité ne permet pas l'accès direct de l'homme.
     La composante économique de ces options devra être prise en compte et une estimation des coûts des différentes étapes de la réversibilité devra être établie.

C. Perception et représentation du rôle de la réversibilité
     La protection de l'homme et les droits des générations futures sont au coeur des préoccupations exprimées par une partie du public en faveur de la réversibilité. Le souci de laisser à ces générations le libre choix de placer les déchets en stockage définitif ou de les reprendre est associé à la volonté de ne pas reporter toute la charge du problème sur ces générations, c'est-à-dire de leur fournir une solution acceptable, s'ils n'en ont pas trouvé de meilleure, sans la leur imposer de façon définitive. Les motivations techniques, évoquées plus haut, sont considérées par certains points de vue extrêmes comme dérisoires. Selon la parole d'un des intervenants, lors d'une audition, la réversibilité vise à éviter "le jugement de Dieu: vous avez commis une grave erreur, et elle est irréversible!"... L'expérience du stockage de surface du Centre de la Manche met également en évidence que la réversibilité n'est effectivement mise en oeuvre que si elle est définie au départ, notamment dans le cas de la reprise de déchets "hors normes" décrits dans le rapport de la Commission TURPIN*, déchets pour lesquels on a renoncé à la reprise suite à une analyse coût-bénéfice;
     En face de ces positions, la motivation principale de la réversibilité change de nature. Il s'agit avant tout de conserver la possibilité d'une éventuelle action de réparation si l'évolution observée des déchets ou du milieu montrait que les ingénieurs avaient fait fausse route, suite à une mauvaise évaluation du risque. Dans ce schéma, l'analyse ne se borne plus à un enchaînement déchets/mécanismes physiques et chimiques/action sur la biosphère et l'homme/coût-efficacité des solutions/décisions, mais fait intervenir une rétroaction qui prend en compte la perception du danger par le public et la représentation qu'il s'en fait ainsi que diverses exigences concernant la gestion à long terme des déchets qui en résultent. Contrairement aux stratégies dites de communication, la circulation d'une information honnête, transparente et accessible joue alors un rôle de premier plan. Le retour de la représentation du danger et de ses conséquences depuis le public jusqu'aux décideurs s'opère tant par les élus locaux et les instances locales de concertation que par les associations. Il devrait permettre, de fait, l'amélioration des projets techniques.

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     Le souci des générations futures est une préoccupation d'éthique qui s'impose certainement à tous et est indépendante de la situation économique ou même des choix de société. Il faut cependant être conscient de divers aspects souvent oubliés. C'est ainsi que l'accumulation des mesures destinées à assurer la sûreté à long terme d'un stockage représente autant d'obstacles supplémentaires à la réversibilité. De son côté, un stockage irréversible impose de garder la mémoire de celui-ci, pour éviter tout incident malencontreux tel un forage qui viendrait à le traverser. En dernier lieu, il faut prendre garde au fait qu'en cas de changement profond dans la société, il faut éviter qu'un stockage, dont la fermeture aurait été retardée, ne constitue une source accrue de risque, pour une société qui aurait pu perdre le savoir-faire permettant d'y porter remède.
     L'une des propositions émises concerne un entreposage en profondeur convertible en stockage (stockage géologique réversible) : l'architecture est celle d'un ouvrage permanent, les fermetures partielles, puis totales, interviennent après un temps suffisamment long d'observations. A tout moment, on peut interrompre le processus et reprendre les colis de manière relativement aisée. Cette approche incrémentale permet une phase probatoire pour une opération qui n'a encore jamais été faite, c'est-à-dire assure certaines garanties. Aujourd'hui, dans cette hypothèse, il est seulement nécessaire de décider les expériences à mener dans des laboratoires souterrains et d'organiser le débat pour préparer une décision difficile qui devra être prise par l'une des générations suivantes. Dans cette solution, la durée de la réversibilité, et donc le délai de décision, ne saurait se prolonger trop longtemps (tenue des colis en milieu oxydant, maintenance et surveillance prolongées, tenue mécanique des ouvrages et soutènement, exhaure, aléas politiques ou sociaux imprévisibles sur une longue période).
     A l'inverse, l'entreposage de longue durée en surface ou subsurface de déchets présente l'avantage de la simplicité, ne nécessite pas de décision immédiate sur l'avenir, mais oblige à traiter un jour le problème du stockage permanent; il présente un surcoût évident puisqu'il faut un second investissement, et renvoie la charge de la décision aux générations futures.
     Le choix sur la réversibilité et sur les processus retenus devra être fait pour l'élaboration de l'avant-projet qui sera soumis au Parlement en 2006. Le stockage définitif présente les meilleures garanties techniques de sûreté initiales, dans l'état actuel des connaissances; il évolue, après fermeture comme le milieu géologique. Mais la sûreté technique n'est pas suffisante, si la confiance et l'adhésion du public manquent. La crainte d'une "décision irréversible immédiate" conduirait plutôt à consacrer plus de temps à mieux établir la qualité du site par une observation de fonctionnement sur une longue période et, ainsi, à mieux établir la crédibilité des solutions techniques retenues. Pour cela, le délai de la décision cruciale doit être assez long, mais limité à quelques décennies. Augmenter la durée de l'observation, tenir le public informé des résultats et améliorer ainsi la perception du problème, développer une approche pas à pas qui, au vu des résultats de chaque étape, peut entraîner progressivement l'acceptation sociale semble la meilleure voie. La réversibilité ainsi prolongée, même si la reprise des colis devient de moins en moins probable, permettrait néanmoins une intervention si un élément essentiel (technique ou non technique) avait été oublié.

D. Propositions de la CNE
     Le demande du Gouvernement du 2 février 1998 adressée à la CNE vise non seulement une évaluation mais surtout une réflexion sur la réversibilité. Dans ce cas particulier, la Commission estime souhaitable d'inclure dans sa conclusion des propositions concernant les diverses catégories de déchets et les études générales à mener.

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     La loi du 13 juillet 1992 sur le stockage des déchets industriels indique que l'élimination des déchets par abandon en stockage ne peut concerner que des déchets ultimes*. A contrario, toute matière valorisable doit aller en entreposage. Tout doit être fait pour diminuer le caractère polluant et dangereux des déchets ultimes*.
     La CNE rappelle que les dispositions prises pour assurer la réversibilité ne doivent pas diminuer la sûreté du stockage et que la mise en oeuvre de la réversibilité ne peut être envisagée de manière indéfinie mais doit être reconduite par périodes bien définies.
     Dans cette perspective :
     1 - Les combustibles nucléaires usés sont clairement un matériau potentiellement valorisable, donc justifiables d'un entreposage; l'entreposage de longue durée en surface ou en galerie de subsurface semble le mieux adapté à la volonté de préserver la possibilité de reprendre ces matières pour les valoriser ou les transformer.
     2 - Les déchets B* sont clairement des déchets ultimes : les chances d'en tirer une substance valorisable ou d'en diminuer la nocivité par transmutation paraissent nulles; leur activité est modérée; ils sont donc justiciables d'un stockage définitif en profondeur*, s'ils sont conformes aux spécifications, tel que le prévoit la loi de 1991. Les conditions techniques sont simples puisque ces déchets ne posent pas de problème thermique. Ceci implique que les colis de déchets mais surtout les barrières ouvragées et la barrières géologique assurent la sûreté à long terme. En surface, par contre, les risques de retour rapide à la biosphère et l'intrusion humaine n'apportent pas les mêmes garanties de sûreté à long terme. Les déchets B hors spécifications devront être remis aux normes après une entreposage approprié, si nécessaire.
     3 - Les verres, très fortement radioactifs, renferment des substances potentiellement valorisables, ou transmutables (actinides mineurs, produits de fission à vie longue); mais leur reprise est loin d'être facile. Quelle que soit l'issue des études sur la faisabilité et l'intérêt d'une telle reprise, une assez longue période d'entreposage en surface est requise pour leur "refroidissement", période qui devrait être mise à profit pour des investigations supplémentaires de nature scientifique et économique. Les verres actuellement entreposés dans l'enceinte des usines de retraitement pourraient le rester pendant des périodes définies éventuellement reconductibles; à ce jour la période est de 50 ans pour l'usine de La Hague. A l'issue de ces périodes, ou bien les recherches sur l'axe 1 seront en voie de succès et la décision de reprise se posera surtout en termes économiques, ou bien, si elles n'ont pas abouti, le stockage définitif deviendra la solution de référence pour leur élimination.
     4 - Enfin, il convient de considérer aussi le cas des calcinats de produits de fission* (La Commission fait sienne l'idée émise ici par le professeur CASTAING lors de la dernière réunion à laquelle il a participé (audition du 26 février 1998) qui sont produits lors de la première phase de vitrification. Des études devront être menées pour déterminer dans quelles conditions et sous quelles formes, plus faciles à reprendre que les verres, ils seraient susceptibles d'un entreposage dans l'attente d'une mise en oeuvre éventuelle de la séparation et de la transmutation (axe 1). A condition de ne pas amoindrir le niveau de sûreté pendant la période d'entreposage, cette voie pourrait apporter une contribution significative au caractère de réversibilité de la gestion de l'aval du cycle.
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     Selon les choix de dispositifs d'entreposage ou de stockage, deux barrières de sûreté jouent un rôle très différent :
     En entreposage de surface ou subsurface, la barrière géologique n'a plus de rôle, si ce n'est d'offrir dans le cas de la subsurface un matériau peu coûteux pour parer aux intrusions humaines, chutes d'avion, voire séismes : les formations géologiques jouent alors le rôle de "béton gratuit". Le confinement est uniquement assuré par le conteneur qui doit être de haute qualité. Compte tenu des faibles quantités concernées (quelques milliers de tonnes), cette situation nous paraît la meilleure pour les combustibles irradiés -hors piscine- et éventuellement les colis de verre (déchets C*). On peut raisonnablement penser que le conteneurage de haute qualité est réalisable, sans obstacle majeur. Ceci n'est pas le cas pour les déchets B*.
     Une préférence est exprimée en faveur de galeries souterraines, à flanc de colline ou de montagne, comme dans le projet d'ouvrage préparé par la NAGRA-CEDRA* pour Wellenberg* (Suisse) : les camions ou les wagons peuvent pénétrer de niveau dans la galerie principale, la présence d'un environnement géologique permet de disposer des protections passives évoquées ci-dessus. La réversibilité est simple puisque les véhicules et engins de manutention peuvent pénétrer jusqu'au lieu de l'entreposage.
     en profondeur, la barrière géologique joue un rôle spécifique autour du stockage supposé réversible pendant sa phase d'exploitation (50 à 70 ans) et irréversible après la fermeture définitive. Aux termes de la RFS III.2f*, elle doit pouvoir constituer par elle-même une barrière empêchant le retour des radionucléides vers l'homme et la biosphère. Cette situation nous paraît la meilleure pour les déchets B* : ceux-ci représentent des volumes très importants, avec des conditionnements très divers, ou même en attente de conditionnement. Au total, leur évaluation (audition du 8 janvier 1998 et inventaire ANDRA transmis le 14 mai 1998) pour le dimensionnement du stockage est de 135 000 m3 dont environ 50 000 m3 sont prévus en 2020. L'abondance et la diversité des déchets B laisse peu d'espoir de las voir placer dans des conteneurs de longue durée de vie pour les installer de façon sûre en surface ou subsurface. En profondeur, la barrière géologique (par exemple une argile) est amenée à jouer ici le rôle le plus important.
     On pourrait, de plus, penser à un revêtement des conteneurs susceptibles de prolonger leur durée de vie en retardant les interactions entre d'éventuelles eaux souterraines et les bétons ou les bitumes de la matrice.
     Comme il a été indiqué précédemment, la Commission considère que la réversibilité d'un tel stockage restera toujours possible mais elle recommande que sa conception facilite au maximum la mise en oeuvre éventuelle de la réversibilité sans réduire en aucune façon la sûreté intrinsèque du stockage.
     Dans tous les cas envisagés, la simulation numérique va jouer un rôle central, à cause de l'impossibilité d'expérimenter sur des périodes longues. Il conviendra donc d'accorder une attention toute particulière aux modèles, à leur domaine de validité, à leurs performances et à leur validation.
     De même, il sera nécessaire de conduire des évaluations de risque et de sûreté ainsi que des études d'ingénierie, associées à tout projet de conception d'un stockage, pour démontrer que les moyens techniques nécessaires à la réversibilité sur plusieurs décennies existent avec la robustesse requise à chaque étape et à chaque niveau. Ces études permettraient de s'assurer que le projet de stockage ne possède aucune caractéristique critique qui pourrait s'opposer à la réversibilité. Menées avec toute la transparence souhaitable, elles permettraient au public de disposer d'une présentation claire des moyens disponibles pour protéger l'homme et son environnement.
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Glossaire

     Mines du platine: Désigne trois métaux qui sont le ruthénium (Ru), le rhodium (Rh) et le palladium (Pd).
     Subsurface: le mot est utilisé dans ce texte pour désigner des ouvrages situés à une faible profondeur (quelques dizaines de mètres sous la surface du sol), galeries creusées à flanc de colline ou de montagne par exemple, permettant l'accès par une voie horizontale ou peu pentue.
     TURPIN: Commission présidée par Michel TURPIN, mise en place le 2 février 1996 pour donner un avis sur l'impact du Centre de Stockage de la Manche, sur l'environnement et les dispositions prévues par l'ANDRA afin d'assurer la surveillance du site. Cette commission a rendu son rapport le 16 juillet 1996.
     Déchets ultimes (loi 75.663 du 17/07/75 et 92.646 du 13/07/92): "Est ultime au sens de la présente loi (92.646) un déchet, résultant ou non du traitement d'un déchet, qui n'est pas susceptible d'être traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux".
     "A compter du 1er juillet 2002, les installations d'élimination des déchets par stockage ne seront autorisées à accueillir que des déchets ultimes".
     Calcinats de produits de fission: Les solutions de produits de fission renferment les actinides mineurs et de faibles traces de plutonium et d'uranium (environ 0,1%), issues du retraitement; elles sont calcinées après ajout de divers composés (première étape du procédé de vitrification), puis le calcinat est mélangé à de la fritte de verre et le mélange est porté en fusion (deuxième étape du procédé de vitrification). Les calcinats de produits de fission dont il est question ici désignent les résidus que l'on obtiendrait à l'issue de la première étape de vitrification avec ou sans ajouts des composés.
     NAGRA-CEDRA: Nationale Genosssenschaft für die Lagerung radioaktiver Abfälle. (Coopérative nationale pour l'Entreposage des Déchets Radioactifs - CEDRA ) - Suisse;
     RFS III.2f: règle Fondamentale de Sûreté définissant les objectifs et critères de sûreté pour le stockage géologique publiée par la DSIN en juin 1991;
     WELLENBERG: Site retenu par la CEDRA/NAGRA (Suisse) dans le canton de Nidwald ,pour le dépôt final des déchets de faible et moyenne activité. La roche hôte est une marne valanginienne. L'accès du dépôt est à flanc de montagne à environ 550m d'altitude; le sommet de la montagne se situe entre 1200 et 1300m.
     Types de déchets radioactifs, leurs activités et leur gestion:
     Activité, nature et période radioactive des radionucléides présents dans les déchets déterminent trois catégories :
     Catégorie A: Déchets de faible et moyenne activité ne renfermant principalement que les émetteurs bg à vie courte ou moyenne (période £ 30 ans) et des émetteurs a en faible quantité (£ 3,7 GBq/t ou 0,1 Ci/t limite de l'activité a après 300 ans).
     Catégorie B: Déchets de faible et moyenne activité renfermant des émetteurs de longue période et notamment des émetteurs a en quantité importante (>3,7 GBq/t ou 0,1 Ci/t en activité a et en moyenne excepté pour des radionucléides spécifiques, <370 GBq/t ou 10Ci/t en activité bg).
     Catégorie C: Déchets de haute activité renfermant des quantité importantes de produits de fission, d'activation et d'actinides. Il génèrent souvent une énergie thermique notable. Ce sont principalement les déchets vitrifiés. Le combustible irradié appelé à être non retraité peut être également considéré comme un déchet de haute activité.
     Les déchets de catégorie A sont normalement stockés en site de surface (Centre de stockage de la Manche, Centre de Stockage de l'Aube); les déchets de catégorie B et C sont placés en entreposage et relèvent de recherches que l'on doit conduire dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991.

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