La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°143/144
L'expertise scientifique

entre pouvoirs politiques, administrations et opinions publiques [1]
Philippe Roqueplo
(CNRS, France)

Introduction
     La problématique dans laquelle je m'inscrirai m'est imposée par le titre de notre colloque (le rôle de l'expertise scientifique dans le débat public) et par celui de l'atelier qui nous rassemble (le style européen de pratique de l'expertise scientifique). Les mots clés sont: expertise scientifique, débat public, style et européen. Ces mots baliseront mon propos.
     Quitte à y revenir par la suite, je tiendrai d'abord pour acquis que c'est son insertion dans le dynamisme d'une prise de décision qui transforme l'énonciation d'une connaissance scientifique en expertise. Son style dépend donc du type d'interface qui s'instaure dans chaque cas entre le système scientifique et le système décisionnel concernés.
     Ce style dépend évidemment de ce qu'attendent de leur expertise ceux qui font appel aux scientifiques: une information qui les guide? Des éléments pour justifier une décision qu'ils ont déjà prise mais qu'ils ont du mal à imposer? Ou bien au contraire un argumentaire les aidant à asseoir scientifiquement leur opposition à une décision envisagée? Il se peut d'ailleurs que ces diverses demandes soient adressées simultanément par divers acteurs intervenant dans le processus décisionnel et induisent ainsi, dans une seule et même affaire, différents styles d'expertise correspondant à des finalités diverses, consultatives, promotionnelles ou critiques.
     Le style de l'expertise dépend en outre de la figure concrète des demandeurs: instances internationales, gouvernements, administrations, parlementaires, tribunaux, groupes de pression divers, directions d'entreprises, leaders de l'opinion publique, médias, associations, initiatives de citoyens, voire - plus généralement - la population dans son ensemble: le corps électoral, ultime détenteur de la légitimité démocratique.
     Ceci dit, je m'en tiendrai ici à la différence de style qui résulte du fait que l'expertise scientifique est confidentielle ou publique.

I. Nécessité théorique de l'ouverture de l'expertise scientifique aux débats publics
1. Le caractère «public»[2] de l'expertise peut être considéré comme nécessaire à la légitimité des décisions publiques.
     Une expertise est confidentielle lorsqu'elle est destinée à permettre à son destinataire de prendre sa propre décision ou à lui fournir un argumentaire pour imposer sa stratégie au sein d'un processus décisionnel où les débats et conflits sont strictement maintenus à l'intérieur de ce processus lui-même. Dans ces conditions, ceux qui font alors appel aux experts évitent par dessus tout une confrontation directe entre ceux-ci; si conflit il y a, il ne se situera donc pas entre les experts, desquels il peut même être exigé qu'ils demeurent inconnus[3].
     Il en va différemment lorsque le débat relatif à la décision prend la forme d'un débat public, que ce soit au Parlement, au sein des partis politiques, des groupements de citoyens ou de l'opinion publique et de ses leaders. En démocratie, de tels débats constituent une dimension essentielle du processus de décision, surtout lorsqu'il s'agit de politiques publiques. Maints experts seront alors invoqués ou convoqués par les divers acteurs de ce débat; ils interviendront en dehors de tout secret, quitte à s'en trouver confrontés les uns aux autres. Je parlerai à ce sujet d'expertise publique[4].

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     Bien entendu ces deux styles d'expertise - confidentiel et public - sont partout plus ou moins pratiqués. L'équilibre entre eux dépend fondamentalement de la décision envisagée et surtout de la façon dont le processus décisionnel exige la prise en considération des connaissances scientifiques[5]. Mais cette exigence dépend elle-même de la culture politique de chaque pays[6] et plus encore de sa constitution politique. Il existe en effet en régime démocratique deux circuits de légitimation des décisions publiques. L'un correspond à la mise en évidence du caractère rationnel - ou tout au moins raisonnable - des décisions envisagées l'instance justificatrice est alors la raison elle-même et en particulier les sciences; d'où le recours à l'expertise scientifique. L'autre circuit réfère aux conditions de légitimité du pouvoir gouvernemental, lequel, en régime démocratique, est toujours un pouvoir délégué sur la base d'élections nationales et de contrôle parlementaire.
     Toute décision gouvernementale met en jeu cette délégation de pouvoir et le processus de décision doit chaque fois prendre en considération les risques et profits qui en résultent pour l'équipe qui campe provisoirement dans les territoires du pouvoir légitime. En première approximation on peut dire que le premier circuit de légitimation met en oeuvre une multiplicité d'expertises confidentielles (officielles et officieuses) en vue d'un arbitrage au sein du gouvernement lui-même, tandis que le second circuit met en branle l'espace public et l'expertise publique.
     Si l'on considère le recours à l'expertise publique du point de vue politique, il semble donc que sa nécessité résulte de celle où se trouve les tenants actuels du pouvoir de maintenir et de confirmer leur propre légitimité en référant leurs décisions à la «volonté générale» dont ils tiennent cette légitimité, ce que le recours aux seuls experts ne saurait leur assurer.

2. La confrontation publique des experts, condition de vérification du caractère scientifique de leur expertise.
     Dès lors qu'il se préoccupe d'avoir ainsi l'accord de l'opinion publique, le pouvoir politique est contraint de justifier devant elle ses décisions, en particulier de les justifier en termes de rationalité: donc de rendre plus ou moins publiques les réponses des experts auxquels il a préalablement eu recours. Or la seule éventualité de cette publicité rétroagit sur l'expertise elle-même. On ne saurait donc étudier le rôle de l'expertise scientifique dans les débats publics[7] sans étudier en même temps l'incidence du débat public dans la mise en oeuvre de l'expertise scientifique. Ces deux aspects sont indissociables l'un de l'autre.
     Cette incidence du débat public sur la mise en oeuvre de l'expertise scientifique est ambiguë: s'il convient en effet de souligner - comme je vais m'attacher à le faire - l'importance des débats et de leur publicité pour assurer et contrôler la scientificité de l'expertise[8], il n'en reste pas moins que cette publicité risque fort d'égarer les scientifiques et de les conduire à des affirmations scientifiquement mal fondées. Cependant - et là est le point essentiel - ce n'est pas tant la publicité de l'expertise qui risque d'égarer le scientifique que le fait même que celui-ci accepte de fonctionner comme expert.

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     Ceci oblige à préciser en quoi la formulation d'une expertise scientifique se distingue de l'énoncé d'une connaissance scientifique. Cette distinction ne tient nullement à la formulation elle-même, mais au contexte immédiat dans lequel elle se situe. Ainsi que je le déclarais au début de cette communication, ce qui transforme l'énonciation d'une connaissance scientifique en expertise, c'est son insertion dans le dynamisme d' une prise de décision. Or cette insertion - du moins lorsqu'il s'agit de questions scientifiquement et politiquement complexes - a aussitôt pour conséquence de conduire le scientifique à exprimer des opinions ou convictions qui (si scientifiquement fondées soient-elles) ne s'identifient nullement à un savoir au sens strict que la science a coutume de donner à ce terme.
     J'illustrerai ce point par un bref dialogue qui m'a été rapporté par un scientifique spécialiste des forêts. Celui-ci avait été interrogé en 1986 par un homme politique chargé par le premier ministre français de l'époque de faire le bilan de l'expertise scientifique relative au dépérissement des forêts.
     P - "Qu'en est-il des forêts? Sont-elles ou non malades? Et si oui, cela vient-il de la pollution atmosphérique?"
     S - "Il m'est très difficile de répondre à une telle question. Les scientifiques hésitent. Certains signes vont dans un sens, mais d'autres non. Franchement, à strictement parler, nous ne savons pas"
     P - "Nous avons besoin d'agir en connaissance de cause. Qui sinon vous, qui êtes spécialiste en la matière, peut nous donner cette connaissance?"
     S - "Dans la situation actuelle, la science ne m'autorise pas à prétendre vous donner cette connaissance".
     P - "Eh bien alors, dîtes nous au moins ce que vous pensez, ce dont vous êtes convaincu".
     S - "Ça, c'est une autre affaire! A votre demande je répondrai alors sans hésiter : je suis convaincu - ou en tout cas je pense - que la forêt est effectivement malade et que la pollution atmosphérique y est pour quelque chose; ça, je crois en savoir assez pour avoir le droit de vous le dire en réponse à votre question".
     Dialogue que je commenterai de la façon suivante: l'expert scientifique est quelqu'un qui répond aux questions des politiques en disant ce que sa compétence scientifique l'autorise à répondre, c'est-à-dire ce qu'il pense et dont il est convaincu sur la base de ce qu'il sait. Mais - et là est le point essentiel -cette conviction dépasse la plupart du temps les limites de ce qu'il sait[9], en quel cas l'obligation de répondre le conduit à transgresser les limites de son savoir.
     Cette transgression des limites du savoir objectif ne saurait être effectuée sans qu'intervienne la subjectivité de l'expert (l'ensemble de ses convictions et croyances, ses orientations idéologiques, ses solidarités, son appartenance de classe... )[10] en sorte que celui-ci est la plupart du temps - plus ou moins consciemment - l'avocat d'une cause. D'où les désaccords et conflits entre experts, chacun exploitant les ressources scientifiques disponibles en fonction des choix qui sont les siens et des causes qu'il soutient. D'où surtout l'importance non seulement de la contre-expertise mais de la confrontation directe et publique des experts[11]. Une telle confrontation, effectuée devant le miroir critique qu'évoque le mot de publicité, contrecarre les connivences qui sont souvent à la base du consensus des experts: elle fait apparaître les options plus ou moins consciemment soutenues par chacun d'entre eux ainsi que les forces et faiblesses des argumentations scientifiques invoquées pour justifier ces options. Ainsi s'ouvre un espace au sein duquel devient publiquement manifeste la façon dont s'articulent les reliefs des savoirs, de leurs incertitudes et de leurs ignorances et les reliefs des options éthiques et politiques envisageables sur une question déterminée.
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     C'est par cette dialectique et dans cet espace que s'emboîtent le domaine des connaissances «objectives» et celui de l'agir responsable. C'est la mise en évidence de cet emboîtement qui constitue la "véritable expertise scientifique" dont le politique a besoin pour effectuer ses choix sans abdiquer devant le totalitarisme du savoir: cette "véritable expertise scientifique" est contenue dans l'espace ouvert - et articulé - par le débat public entre experts bien plus que dans les assertions de tel ou tel d'entre eux, si scientifique qu'il soit.
     Il convient ici de ne pas confondre la confrontation directe et publique des experts (comparable à celle des avocats plaidant publiquement devant un tribunal) avec le recours à la contre-expertise, du moins lorsque celle-ci demeure confidentielle. Dans le cas de cette dernière, en effet, l'administration s'arroge la charge de fermer elle-même l'espace potentiellement ouvert par les experts en évitant que cet espace ne s'élargisse et surtout qu'il ne devienne public. Le Prince a peut-être besoin de conseils, mais le Conseil du Prince se réunit dans le secret.
     L'objectif de l'administration est ici de donner forme à la décision du gouvernement, en ayant certes recours à l'expertise et éventuellement à la contre-expertise, mais en empêchant systématiquement le surgissement de tout débat public afin d'éviter que le Prince - le Gouvernement - puisse être politiquement débordé et dessaisi par la publicité qui serait faite aux débats entre experts. D'où la pratique du secret administratif, lequel secret peut être étendu aux experts eux-mêmes.

II. Difficultés pratiques de mener de front expertises et débats
     Bien entendu la distance est grande de la théorie à la pratique. On pourrait, certes, en déduire que l'approche théorique ne parvient qu'à proposer un idéal irréalisable et par conséquent inutile. Il n'en est rien car la distance ainsi mise en évidence n'est que le fruit d'une distanciation critique opérée par l'approche théorique. C'est précisément le mérite de celle-ci que d'opérer cette distanciation et de fournir l'appareillage conceptuel nécessaire pour effectuer une analyse critique des pratiques mises en oeuvre. Or une telle analyse est nécessaire pour rendre manifeste d'une part l'ensemble des contraintes qui pèsent sur les processus de décisions en matière de politiques publiques et d'autre part le risque de voir ces processus s'écarter soit du respect des exigences démocratiques soit - comme l'ont dénoncé les signataires de l'appel de l'Appel de Heidelberg - de la conformité aux exigences des sciences.
     J'illustrerai ce point en proposant deux exemples: l'énergie nucléaire et la voiture propre. Pour chaque exemple j'effectuerai une brève comparaison des structures décisionnelles et des styles d'expertise scientifique mis en oeuvre en France, en République Fédérale d'Allemagne[l2] et - au moins pour le second - au niveau de la Communauté Européenne.

1. L'exemple de l'énergie nucléaire
     La facilité avec laquelle le programme électronucléaire a été imposé à la nation française a de quoi étonner. Or cette facilité est à rapprocher du style d'expertise scientifique mise en oeuvre. Les scientifiques consultés par la puissance publique étaient tous plus ou moins statutairement liés aux entreprises concernées qui, du fait de leur monopole en la matière et de leur caractère d'entreprises publiques, s'auto-investirent du pouvoir de parler au nom de l'intérêt général en sorte qu'il apparùt à la fois opportun et légitime d'éviter tout véritable débat au parlement et a fortiori tout débat public contradictoire: le secret de l'expertise fut donc vigoureusement imposé.

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     C'est le prototype d'une expertise à finalité promotionnelle excluant au nom de l'intérêt général tout débat public et par conséquent toute expertise externe au processus direct et secret de décision l'expertise publique[13] fut jugée non seulement inutile mais illégitime et dénoncée comme irresponsable.
     Ce phénomène de monopolisation de l'expertise par les promoteurs de la technologie considérée demande à être expliqué.
     1er élément d'explication: la mission originelle du CEA a été de construire la bombe atomique, ce qui eut deux conséquences: d'une part une super-légitimation de cet organisme impliquant que la nation fasse confiance à son expertise; d'autre part une exigence de secret s'imposant, sous peine de trahison, à tous ceux qui auront à participer à cette expertise. Cette mission originelle du CEA aura de profonds effets lorsque celui-ci passera au nucléaire civil. Non seulement elle explique le choix initial de la filière à uranium naturel, mais elle s'imprime dans la culture de l'entreprise: mentalité d'arsenal (problématique scientifico-technique sans prise en compte sérieuse des considérations économiques), projection sur cette activité civile de la légitimation nationale, du secret et du monopole de l'expertise acquis à propos du nucléaire militaire, avec adhésion à l'idéologie correspondante d'indépendance nationale et de condamnation de toute critique considérée comme "trahison".
     2ème élément d'explication: la Constitution de la 5ème République donne une force considérable à l'exécutif au dépens du pouvoir législatif, ce qui, dans le domaine qui nous concerne ici, se traduit par l'absence de toute "loi nucléaire". Cette situation se surajoute à une tradition colbertiste séculaire donnant à l'État une capacité d'initiative directe au sein du monde économique, tradition qui se traduit, entre autres, par l'existence des Grands Corps de l'État établissant une connivence et une mobilité permanente entre la haute administration, les cadres de l'armée et ceux du monde économique, en particulier de l'industrie.
     Ceci aboutit à une conséquence paradoxale: l'impossibilité où se trouve la Puissance Publique de disposer d'une expertise scientifique officielle indépendante, et ceci quelle que soit la couleur du pouvoir politique en place. La prétendue intervention de l'Etat s'inverse donc en fait en une instrumentalisation de l'État par le système porteur de la véritable capacité décisionnelle (les "nucléocrates"[14]): d'où la quasi-autonomie de ce système, ses réussites... et aussi ses échecs.
     3ème élément d'explication: l'impuissance du système judiciaire en matière d'énergie nucléaire. Pour deux motifs d'abord à cause de l'absence de toute loi nucléaire autorisant les juges à intervenir sur le fond (sur le bien fondé de telle implantation, sur la sécurité de telle installation, etc.) et par conséquent à faire appel à des expertises échappant au pouvoir exécutif: dans ces conditions les tribunaux ne peuvent - selon la tradition du droit romain - que juger sur le respect des procédures, ce qui, au mieux, ne peut que retarder un projet (Flamanville) ou le remplacer par un autre plus ou moins équivalent. Quant au second motif de l'impuissance du système judiciaire, il est constitué par l'absence d'une juridiction administrative intermédiaire au niveau régional: il en résulte que tout procès renvoie à un seul et même tribunal, le Conseil d'Etat, qui, intervenant lui-même comme conseiller judiciaire des pouvoirs publics, est en ce domaine intégralement acquis à l'idéologie de l'intérêt public dont les seuls porte-parole "légitimes" sont à ses yeux en ce domaine l'EDF, le CEA et le gouvernement, c'est-à-dire "les nucléocrates"!
     4ème élément d'explication: la faiblesse du mouvement écologiste français au cours des années de développement du programme nucléaire. Cette faiblesse, réelle, s'explique en partie par des motifs culturels (culture "cartésienne"...), mais elle résultait surtout de l'impossibilité où s'est alors trouvée toute action mobilisatrice - et il y en eut d'importantes - de parvenir à quelque succès que ce soit: les considérations qui précèdent suffisent à expliquer qu'il pouvait difficilement en être autrement.
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     L'opposition anti-nucléaire a été forte en France, mais elle a inéluctablement pris la forme d'une opposition à la main-mise du lobby nucléaire sur l'appareil d'État. Ce fut une contestation de la monopolisation de l'expertise et de l'interdit de toute expertise contradictoire. De nombreux scientifiques y jouèrent un rôle important, luttant pour se faire reconnaître le droit à la parole. Il en résulta un sorte de "conflit de prestance" mené par des experts scientifiques opposés aux experts officiels, c'est-à-dire un conflit se situant au niveau même de l'expertise. D'une certaine façon ce conflit s'autonomisait par rapport au mouvement écologiste. Il est même probable que cette inéluctable polarisation - d'une part du mouvement écologiste français sur la lutte anti-nucléaire et d'autre part de cette lutte sur la revendication d'une contre-expertise - a eu pour résultat une certaine dévitalisation du mouvement écologiste lui-même.
     Tel ne fut pas le cas en Allemagne: la dimension militaire du nucléaire ne pouvait être mise en avant pour servir de légitimation à qui que ce soit ni imposer le "secret-défense"; la structure fédérale ne confère pas au pouvoir exécutif central le poids qu'il a en France: d'une part les Länder ont leur mot à dire, ce qui implique une capacité autonome de recourir à l'expertise; d'autre part non seulement le parlement a pu et su imposer une "loi nucléaire", mais celle-ci étend le domaine d'intervention du pouvoir judiciaire, au delà des seules questions formelles de respect des procédures, aux problèmes de fond comme l'opportunité d'une installation et sa sécurité, ce qui constitue une source de demande d'expertise radicalement différente de celle du pouvoir exécutif.
     A cela s'ajoute le fait qu'il existe trois niveaux d'intervention des tribunaux avec, là encore, un registre spécifique au niveau des Länder: ceci donnera lieu à des procès dont l'issue sera souvent favorable aux opposants, ce qui constituera une source d'énergie considérable pour le mouvement écologiste anti-nucléaire. Enfin la presse jouera bien plus qu'en France sur le double niveau national et régional, la presse régionale ayant d'ailleurs souvent une audience nationale, ce qui est extrêmement favorable à la constitution d'un espace public assurant aux événements locaux une signification nationale et favorable à un phénomène de retour sur la vie politique et parlementaire.
     On ajoutera qu'il n'existe en R.F.A. ni l'équivalent des Grandes Écoles françaises et des Grands Corps de l'État, ni des monopoles publics analogues à l'EDF ou au CEA, articulés à une tradition du colbertisme autorisant la stratégie d'arsenal adoptée en France. Tout ceci explique l'importance qu'a pu prendre en R.F.A. en matière d'énergie nucléaire ce que j 'ai appelé l'expertise publique directement articulée à la constitution d'un espace public.
     Toutes ces caractéristiques favorables au débat public et à la démocratie ne vont cependant pas sans certaines ambiguïtés. C'est ce que je montrerai à propos de l'affaire des pluies acides et de la voiture propre.

2. L'exemple de l'affaire des pluies acides en Allemagne et en France[15]
     Chargé en 1984 de faire en France une enquête sur la question des pluies acides il me fut partout répondu: "c'est une affaire qui nous vient d'Allemagne".
     Effectivement l'affaire explosa en R.F.A. en Novembre 1982 à la suite d'un tonitruant numéro du SPIEGEL. Me plaçant du point de vue de l'expertise scientifique, je distinguerai plusieurs périodes où le "style" de cette expertise fut très différent.
     2.1. Avant l'explosion de l'affaire, la question d'un éventuel dépérissement des forêts fut traitée dans le cadre de commissions rassemblant sous la direction de l'administration de la R.F.A. différents acteurs sociaux (en particulier des industriels) avec des scientifiques intervenant comme experts "officiels": les industriels s'opposèrent toujours à toute décision contraignante en invoquant le manque de preuves suffisantes, ce qui renvoyait en permanence à un effort accru de recherche. 

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     D'où enlisement jusqu'à ce que, à la suite des déclarations publiques de certains scientifiques, le Spiegel - pour des raisons que je n'envisagerai pas ici - lance sa campagne. Du point de vue du style de l'expertise, on peut dire que celle-ci est alors passée du style "confidentiel-officiel" au style "public" et que c'est précisément cette publicité, orchestrée par les médias, qui déclencha l'affaire. Quant au contenu de cette expertise, il consistait dans l'affirmation que les forêts allemandes étaient partout gravement malades et que cette maladie provenait de la même cause que pour les lacs, c'est-à-dire d'une pollution de fond de l'atmosphère provenant d'émissions lointaines - en particulier de SO2 - transportées par les nuages et provoquant des précipitations fortement acides.
     2.2. A la suite de cette campagne médiatique - et surtout de la diffusion de photos montrant toutes les étapes de la maladie des arbres - la population allemande vit partout, de ses propres yeux, ses forêts en train de dépérir. D'où une formidable prise de conscience débouchant sur une véritable bourrasque politique qui mit le gouvernement devant la nécessité de prendre rapidement un certain nombre de décisions. Bien que certains scientifiques missent en doute la responsabilité de la seule pollution atmosphérique en cette affaire, une sorte d'évidence s'imposa publiquement sur la nécessité - pour sauver les forêts - d'agir sur les émissions dans l'atmosphère. Afin de diminuer les émissions de SO2 le gouvernement de RFA prit d'importantes mesures concernant les gros foyers de combustion. Cependant ses décisions politiquement les plus spectaculaires portèrent sur la voiture propre, les pots catalytiques et l'essence sans plomb (le plomb constituant un poison pour les catalyseurs). Décisions étonnantes, puisque les gaz d'échappement des voitures ne sont pas responsables de cette acidité des pluies qui fut à la base de tout ce tohu-bohu. Cela demande explication.
     2.3. Il semble que le changement de problématique ait ici résulté d'une recherche de consensus politique mené par l'administration allemande autour d'un très ancien projet qui s'est avéré arranger tout le monde et ceci sans qu'il soit directement fait appel à l'expertise des scientifiques. Est-ce à dire qu'un tel consensus eut été possible s'il n'avait pas disposé d'une justification scientifique? Certainement pas! Aussi bien une justification fut-elle trouvée: dans une théorie scientifique dite des photo-oxydants et de l'ozone[l6]. Cette théorie fut utilisée pour catalyser le consensus politique recherché en lui fournissant sa justification "experte".
     2.4. Les conditions dans lesquelles furent prises ces décisions dérogeaient au traité de Rome et il devenait inéluctable que l'affaire fut portée au niveau européen. Ces décisions furent très mal accueillies en France où nul ne se préoccupait alors de l'état de forêts qui ne paraissaient nullement menacées. Si un risque fut ressenti, ce ne fut donc pas le risque pesant sur les forêts françaises du fait des pollutions dues à l'industrie ou aux automobiles, mais le risque pesant sur l'industrie française de l'automobile du fait des décisions allemandes. Quant aux scientifiques français, ils donnèrent l'impression d'être pris de court par cette affaire: surpris, hésitants et divisés. Sauf exception, ils demeurèrent donc prudents[l7], tant auprès du gouvernement qu'au sein des débats publics. Ils se montrèrent surtout soucieux de canaliser le discours des "écolos" afin d'éviter un emballement semblable à celui qui s'était produit en R.F.A.. Le mot d'ordre semblait être de "garder raison".
     Le conflit n'en fut pas moins violent au sein du gouvernement français comme au sein des instances européennes. Il fut tranché en France par le Président de la République lui-même et, en ce qui concerne l'Allemagne et la France par Helmut Kohl et François Mitterrand: donc, dans l'un et l'autre cas, par les plus hautes autorités politiques.
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III. L'affaire des pluies acides à Bruxelles
     J'en viens alors au rôle de la Commission Européenne, à sa propre expertise et à la façon dont, en cette affaire, elle eu recours à l'expertise scientifique. J'ai rencontré cette question de deux façons: d'une part à travers ce que m'en ont dit les scientifiques que j'ai interviewés au cours de mes enquêtes, d'autre part sur la base de ma participation directe à certaines manifestations européennes en ce domaine.
     Ainsi un scientifique que j'interviewais me déclarait-il: "J' ai assisté au congrès de Karlsruhe sur le dépérissement des forêts. Techniquement, c'était très intéressant, mais cela a été exploité au point de vue diplomatico-politique d'une façon parfaitement indécente, surtout par les fonctionnaires de la Communauté. Ainsi quelqu'un a dit "les conclusions du congrès montrent clairement que..." C'était tout à fait abusif: le congrès n'a dégagé aucune conclusion et on ne peut même pas parler d'un "sentiment général". Par exemple, je ne vois pas que qui que ce soit ait dit qu'il fallait réduire les émissions de SO2 de x% et c'est pourtant ce qu'on a fait dire àce congrès."
     J'ai moi-même participé à plusieurs colloques de ce type dont un à Strasbourg en octobre 1985 qui m'a laissé un souvenir inoubliable! Première journée: une série d'interventions faites par des scientifiques, sans qu'il soit possible, faute de temps, d'en discuter si peu que ce soit. Le lendemain un haut fonctionnaire de Bruxelles ouvre la journée en déclarant: "considérant..., considérant..., considérant..., nous proposons ceci et cela". Un membre de l'assistance s'est alors levé pour déclarer qu'on ne pouvait déduire de la journée de la veille aucune "considération", qu'il était grand temps d'ouvrir un débat et qu'il refusait que les scientifiques servent de caution à des "considérations" élaborées par des fonctionnaires avant le colloque et indépendamment de son déroulement.
     Si je soulève ce point, c'est parce que le style d'expertise scientifique qu'il évoque (si on peut appeler cela une expertise!) me paraît poser un problème de fond qui nous renvoie aux deux formes de légitimation des décisions gouvernementales: l'une en termes de rationalité "objective" (donc d'expertise scientifique), l'autre par référence au fondement même de la légitimité du pouvoir (c'est-à-dire en régime démocratique aux élections et à ce qu'il est convenu d'appeler l'opinion publique). Or, la constitution communautaire européenne a ici une forme paradoxale: elle confère un pouvoir considérable à la Commission dans l'élaboration des décisions communautaires, mais d'une certaine façon la question de la légitimité démocratique de ces décisions ne lui incombe pas. Seule lui incombe le soin de déterminer ce sur quoi il convient de faire converger le pouvoir décisionnel dispersé entre les États membres. Ceci me parait expliquer le ton à la fois convaincu et normatif dont j'ai été le témoin de la part des hauts fonctionnaires de Bruxelles dans l'affaire des pluies acides.
     Dans cette affaire j 'ai en effet, comme la plupart des gens que j'ai interviewés, été impressionné par la vigueur quasi-militante dont faisaient preuves les membres de la Direction Générale concernée: ils furent rapidement convaincus du bien-fondé de la croisade menée par la R.F.A. et les pays d'Europe de Nord[18]. J'ai été également témoin de l'énergie avec laquelle ils défendaient "scientifiquement" cette prise de position. Ceci n'était pas sans rappeler le comportement des nucléocrates français dans l'affaire de l'énergie nucléaire, mais la situation était cependant très différente: il ne s'agissait ni de secret ni d'interdit, mais de la violence d'une évidence devenue d'abord "pubhque" en R.F.A. puis sacralisée et acceptée comme une sorte de dogme - y compris par les autorités bruxelloises - au point que tout argument contraire en venait à prendre le statut d'hérésie.
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     Dès lors l'expertise à la fois publique et contradictoire devenait impossible. Résultat: aucun débat public entre experts ne me paraît avoir été véritablement mis en place en cette affaire au niveau européen. La question qui se pose est alors la suivante: pourquoi en fut-il ainsi? S'agit-il d'une exception ou bien cela correspond-il à un problème structurel? En un mot: une véritable expertise publique est-elle structurellement possible au niveau de la Communauté Européenne?
Cela me semble très difficile. Comme je l'ai déjà suggéré, la raison majeure me paraît résider dans le caractère intergouvernemental du processus décisionnel: celui-ci s'identifie dès lors à une négociation entre des ministres de gouvernements différents, chacun étant responsable devant son propre gouvernement (et éventuellement devant le parlement et l'opinion publique de son propre pays).
     L'opinion publique européenne ne constitue donc pas une instance de légitimation des décisions suffisamment pertinente pour que la Commission ait à en tenir compte.
On évoquera, certes, l'existence du Parlement européen, le fonctionnement de ses commissions et les débats qui s'y déroulent. Mais du fait meme de la structure intergouvernementale de l'exécutif européen, celui-ci échappe au contrôle parlementaire (et par conséquent populaire) direct. Dans ces conditions il n'est guère possible que se constitue sur chaque question importante concernant l'Europe un espace public traversant les frontières. Du point de vue de l'expertise, cela signifie que celle-ci a toutes chances de fonctionner soit au niveau national (pour asseoir les stratégies négociatrices de chaque membre de l'exécutif communautaire), soit pour le compte de la Commission dont le premier souci n'est évidemment pas de susciter quelque débat public que ce soit: ce dont il s'agit pour elle, c'est avant tout de faire des propositions sur lesquelles la négociation au sein de l'exécutif parvienne à converger. Sa stratégie va donc à la convergence et non aux débats.

Conclusion
     Au niveau de l'exécutif de la Communauté européenne, le corps électoral est remplacé par le théâtre des négociations intergouvernementales. Cela met l'expertise dans l'impossibilité de devenir véritablement publique: elle reste donc nécessairement "greffée" sur le pouvoir administratif de la Commission.
     Il conviendrait d'ailleurs d'analyser ce greffage. Comment les consultants et experts sont-ils choisis? Dans quel vivier et sur quels critères? Qui contrôle leur indépendance? A qui les textes qu'ils produisent sont-ils soumis et qui en débat? Ne se forrne-t-il pas au cours des ans un "monde bruxellois" au sein duquel se tissent des connivences multiples et s'établissent des rapports de clientèle?[19]
     En disant cela je ne porte accusation sur personne: il s'agit à mes yeux d'un phénomène inéluctable. L'objectivité est un leurre tant que les résultats prétendument objectifs ne sont pas systématiquement soumis à une critique ouverte tant que l'expertise, si officielle soit-elle, ne devient pas véritablement "publique", obligeant ainsi ceux qui y participent à sortir de leurs alcôves pour se voir publiquement confrontés les uns aux autres.

suite:
     Il n'est point ici question du trop fameux "déficit démocratique" de la Communauté. Ce dont il s'agit, c'est de la fiabilité des expertises scientifiques auxquelles il est fait recours. Nous avons d'ailleurs vu que cette même question s'est posée, pour des raisons différentes, tant en France à propos de l'énergie nucléaire qu'en R.F.A. lors de l'affaire du Waldsterben. Pour arracher l'expertise scientifique aux risques de la confidentialité, il convient de l'arracher à cette confidentialité elle-même en ouvrant publiquement l'espace de l'expertise, mais comment ouvrir publiquement cet espace sans courir les risques résultant de la publicité ainsi donnée à l'expertise envisagée? Telle est la question posée. Je n'entreprendrai pas ici de lui répondre de façon détaillée. Je me contenterai de suggérer que la réponse peut être mise sous deux rubriques: "institutionnaliser" et "bannir l'urgence".
     Il convient d'institutionnaliser - tant au niveau international que national - l'espace de l'expertise scientifique en y intégrant non seulement les apports individuels mais surtout ceux des organismes scientifiques. Avec la montée en puissance des questions de sécurité, de santé et d'environnement, le partenaire privilégié du monde scientifique sera de plus en plus le monde politique. Ce partenariat doit être organisé et légiféré comme le fut le partenariat du monde scientifique et du monde économique (que l'on pense, par exemple, à la législation sur les brevets) ou comme le fut le fonctionnement de la justice: il ne s'agit certes pas de juger telle ou telle personne, mais d'énoncer un jugement sur telle ou telle situation (par exemple environnementale) ou sur les conséquences pour la santé de telle ou telle décision susceptible d'affecter à plus ou moins longue échéance un grand nombre de personnes. Les avocats capables de plaider pour la nature ou pour les victimes potentielles des décisions et réglementations sont ici les scientifiques dans la mesure où ils interviennent comme experts. Les conditions de ces interventions doivent être institutionnalisées: telle est la première conclusion de cette communication.
     La seconde est de souligner à quel point les processus démocratiques exigent qu'on leur accorde le temps indispensable à la maturation collective des décisions. Il en va d'ailleurs de même du temps nécessaire aux scientifiques-experts pour se former un jugement sur des situations complexes. A quoi l'on objectera que les gouvernements sont bien obligés de faire rapidement face aux événements auxquels ils sont confrontés. L'affaire des pluies acides suffit à le montrer. C'est vrai! Mais elle montre aussi les abus que l'on peut faire de l'argument de l'urgence[20]: non seulement la précipitation s'oppose à la sagesse et à la prudence, mais elle constitue en outre une source considérable de perte de temps. Les exemples sont ici innombrables. L'urgence est d'ailleurs souvent fallacieusement invoquée pour imposer des décisions de façon technocratique et par la force en les soustrayant au processus démocratique.
     Probablement cette question de l'urgence est-elle celle qui pèse le plus lourd sur les processus d'expertise. Elle mériterait à elle seule qu'on lui consacre un colloque analogue à celui qui nous rassemble ici[21].
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1. Ce texte reprend un article publié dans le numéro spécial de Science and Public Policy intitulé «Scientfic expertise, political power and public opinion» par les soins de Tom Horlick-Jones and Bruna de Marchi en juin 1995, publication qui rassemble diverses communications faites lors de la conférence «L'Expertise Scientifîque dans le Débat Public en Europe» organisée à Londres les 14-15 septembre 1994 par le Forum Européen de la Science et de la Technologie mis sur pied par la Commission Européenne en 1993. Je remercie les éditeurs de SPP de m'avoir autorisé à publier dans la Gazette Nucléaire la version française de ce texte.
2. Considéré par opposition à «confidentiel», le mot «public» renvoie à l'acte de publication, à la publicité donnée, à l'accessibilité à tous les citoyens décidés à en connaître. Il caractérise une procédure. Il en va de même lorsqu'il s'agit de «débat public» cela ne signifie pas que toute la population prenne effectivement part au débat, mais au fait qu'elle puisse - directement ou indirectement - y prendre part, et ceci du fait même qu'un tel débat est public et non confidentiel. Ceci dit, un débat public peut, du fait même de sa non-confidentialité, être porté à la connaissance d'un «public» considérable. Mais la notion de public, telle que je l'utiliserai ici, ne concerne directement ni ce public ni son extension.
3. Je parlerai alors soit d'expertise officielle (si elle répond à une demande gouvemementale), soit d'expertise officieuse (si son destinataire est un groupe de pression désirant agir directement sur le processus décisionnel en dehors de toute publicité).
4. Les medias jouent ici un rôle essentiel et la façon dont ils l'exerceront constitue l'un des facteurs primordiaux conditionnant le style de cette expertise publique: ce style dépendra considérablement des formes d'alliances et de conflits qui, par l'intermédiaire des médias, articuleront l'espace public.
5. Connaissances d'ailleurs plus ou moins disponibles dans le domaine de la décision envisagée.
6. Par exemple ses exigences en matière de risque et de sécurité.
7. Ce qui - je le rappelle - constituait l'objet du colloque au cours duquel cette communication a pris place.
8. Etant entendu qu'il s'agit ici de décisions en matière de politiques publiques, comme par exemple dans les domaines de l'environnement ou de la sécurité industrielle.
9. N'en déplaise aux rédacteurs et signataires de l'Appel de Heidelberg...
10. Certes, cette subjectivité intervient nécessairement dans la construction du savoir objectif, mais de façon totalement différente du fait des procédures qui structurent l'élaboration collective de ce savoir et qui permettent, précisément, de le déclarer objectif, si provisoire et partiel soit-il.
11. Comme, en matière de justice, la confrontation directe et publique des avocats en présence des juges.
12. Je tiens à préciser que, en ce qui concerne tant l'énergie nucléaire en France que la voiture propre en R.F.A., il s'agira essentiellement de la période de lancement des grands programmes: donc d'une part avant la promulgation en 1982 de la loi française sur la liberté d'accès aux documents administratifs et d'autre part avant la réunification allemande.
13. Tel fut en particulier le cas pour les scientifiques membres du GSIEN (Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Énergie Nucléaire) qui publie régulièrement la Gazette Nucléaire dont le premier numéro est sorti en juin 1976.
14. Cf. Philippe Simonnot «Les nucléocrates». Presses universitaires de Grenoble, 1978.
15. Sur cette affaire, cf. «Acidification today and tomorrow», ministère suédois de l'agriculture, 1982. Georg Meister, Christian Schütze & Georg Sperber «Die Lage des Waldes», GEO im Verlag, Hamburg, 1984. «Acid Rain  economic assessment», edited by Paulette Mandelbaum, Plenum Press, 1985. «Acid deposition: long-term trends». National Academy Press, Washington D.C. 1986. Ph. ROQUEPLO «Pluies acides: menaces pour l'Europe», Paris, Economica, 1987 et «Climats sous surveillance: limites et conditions de 1'expertise scientfique», ibid, 1993, ch. 1.
16. Il s'agit ici d'ozone se trouvant dans les basses couches de l'atmosphère et non pas de celui dont il est question à propos du fameux "trou" d'ozone.
17. Comme le montre d'ailleurs le dialogue que j'ai précédemment reproduit.
18. «En 1982-83, alors que le débat sur le «mal des forêts» se développait rapidement en Allemagne et sur un ton dépourvu de sérénité, le gouvernement fédéral fit savoir à la Communauté européenne qu'il s'apprêtait à introduire dans sa réglementation interne des dispositions beaucoup plus rigoureuses que celles existantes alors: le décret sur les grandes installations de combustion parut effectivement le 23 juin 1983. Dans des délais particulièrement brefs, surtout pour un domaine aussi complexe, un projet de directive communautaire ayant le même objet que le décret allemand fut élaboré puis modifié à deux reprises et présenté le 15 décembre 1983. Cette fois-ci, il ne s'agissait plus d'établir comme pour le dioxyde de soufre des normes de qualité de l'air ambiant, mais de limiter et de contrôlerd l'émission les polluants (SO2, poussières, NOx). La rapidité d'élaboration de cette proposition s'explique par le fait qu'elle est fortement inspirée du décret allemand, ce que son exposé des motifs souligne d'ailleurs». Rapport sur les formes de pollution atmosphérique à longue distance dites «pluies acides», de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, décembre 1985), p. 103.
19. J'ai personnellement connu plusieurs cas où l'un ou l'autre expert a dû, sous menace de voir son contrat résilié et de n'être point payé, refaire une, deux ou trois fois sa copie pour correspondre à l'attente des autorités qui lui avaient passé commande de son expertise.
20. Sur ce point, cf. Ph. ROQUEPLO «Regards sur la complexité du pouvoir. Enquête dans les cabinets ministériels», Annales des Mines, juin 1990 et «Urgence et raisons d'Etat», Annales des Mines, série Gérer et Comprendre, juin 1991,pp. 65-71. Cl. Riveline «De l'urgence en gestion», ibid. mars 1991.
21. Cf. «L'urgence dans les organisations ou Comment et pourquoi?» Colloque tenu à Paris par le Centre de Recherche en Gestion les 1 et 2 décembre 1994 (actes à paraître).

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