La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°76/77
SITES DE STOCKAGE: UN POINT

LES BONNES PAGES: EDF
 

     Voici donc les réponses que EDF entend faire aux questions qu'on lui pose au plan économique. Comme cela sert d'être armé et de connaître l'avis de son ennemi, vous voilà averti.
     Bien sûr, il n'y a rien sur le plan technique mais il y a sûrement d'autres notes sur le sujet.

Réponses à quelques questions concernant la gestion et les tarifs d'E.D.F.

     Les tarifs de l'électricité et, plus généralement la gestion d'E.D.F., font depuis quelques temps l'objet de commentaires de la part de différents interlocuteurs de l'entreprise. Quelques affirmations critiques reviennent souvent. Elles ne sont pas toujours inexactes et peuvent amener à réfléchir. Elles sont parfois très contestables. Il nous a paru utile, en tout cas, de les commenter à notre tour.
     Voici donc quelques-unes des remarques que l'on entend souvent:

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1. Vous êtes une grosse entreprise...

     E.D.F. est effectivement une grosse entreprise. C'est même la première compagnie d'électricité du monde. Est-ce pour autant un monstre?
     La taille peut être à la fois un atout et un risque.
     C'est un atout pour satisfaire la demande nationale d'électricité au moindre coût. La dimension et le fait d'être le seul dans son domaine d'activité évitent les doubles emplois et entraînent des économies (interconnexion, par exemple). La meilleure coordination technique renforce la solidité du système et lui permet de s'auto-secourir. Le retour d'expérience y est plus facile et s'applique à grande échelle (prise en compte des conséquences des accidents de Three Mile Island aux U.S.A. et de Tchernobyl en U.R.S.S., par exemple).
     Mais il est vrai qu'il faut veiller aux méfaits du gigantisme, ce qui passe par la décentralisation.
     Celle-ci suppose l'appréciation de l'efficacité des différentes composantes de l'entreprise. Dans cette optique, les tarifs jouent un rôle essentiel. C'est ainsi qu'E.D.F. applique à ses propres centres de distribution les tarifs qu'elle propose à sa clientèle.

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qui coûte à l'Etat, ...

     E.D.F. n'a jamais reçu de subvention d'exploitation. D'autre part, l'Etat actionnaire qui a naguère contribué au financement des investissements n'intervient plus depuis plusieurs années sauf pour garantir les emprunts.
     Aujourd'hui, compte tenu des intérêts versés sur les apports antérieurs, E.D.F. donne chaque année quelque 3 milliards au Trésor public alors qu'elle n'en reçoit rien.

mal gérée, ...

     Un commentaire revient souvent à ce propos: «E.D.F. a des effectifs pléthoriques et peu efficaces». Les salariés, trop nombreux, coûteraient cher à l'entreprise et donc aux consommateurs.
     Qu'en est-il exactement ?
     E.D.F. n'est certes pas une entreprise de main d'oeuvre. L'électricité exige surtout de gros investissements et des combustibles. Les charges de personnel, retraites comprises, ne représentent que 22% des charges. Supprimer 10.000 emplois à E.D.F. diminuerait les coûts de 1% seulement.
     Bien entendu, ce n'est pas pour autant qu'E.D.F. a négligé la productivité de son personnel.
     En 1974, un agent de la distribution assurait la gestion de 315 clients et leur fournissait 1,45 million de kWh. Aujourd'hui, un agent distribue 2,7 millions de kWh à 360 clients.
     A l'échelle européenne, les comparaisons sont également favorables: en 1984, E.D.F. vendait 2.200 MWh par salarié, le V.D.E.W. en R.F.A. 1.970 MWh, l'E.C. en Grande-Bretagne 1.500 MWh et l'E.N.E.L. en Italie 1.290 MWh.
     Le nombre de clients par employé était de 217 en Italie, 200 en France, 186 en R.F.A. et 157 en Grande-Bretagne.
     Les charges de personnel diminuent. Mais ce résultat ne serait pas concluant si, par ailleurs, les autres charges augmentaient. Or le coût économique du kWh, représentatif de l'ensemble des charges de l'entreprise a diminué de près de 25%, hors inflation et à prix constants, en dix ans.

... et trop endettée.

     Aujourd'hui, la dette d'E.D.F. est de 230 milliards de francs. Elle représente 1,6 fois le chiffre d'affaires. C'est beaucoup. Mais c'est un niveau bas dans l'histoire de l'entreprise; la dette a représenté jusqu'à 3,5 fois le chiffre d'affaires lors du programme d'équipement hydraulique dans les années 1950. Enfin, il ne s'agit pas d'un ratio inhabituel pour une grande société d'électricité. Il est de 1 aux U.S.A., 1,4 au Japon (TEPCO), 2,5 en Suisse (U.C.S.), 4,5 au Canada (Hydroquébec).
     Il est vrai que cet endettement coûte cher. Mais l'excédent des recettes sur les dépenses courantes (excédent brut d'exploitation), qui s'élève à 59 milliards de francs en 1985, permet à l'entreprise à la fois, de payer les intérêts, de rembourser le capital et de financer en grande partie les investissements nouveaux (à hauteur de 55% en 1985).
     Cet endettement est donc lourd mais pas inquiétant.

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2. Vous êtes un état dans l'état. Vous dictez votre loi en nous faisant la morale

     L'électricité n'est pas gratuite. Comme dans toute entreprise, le premier rôle des tarifs est pour E.D.F. de faire payer le service rendu.
     Mais la question se pose immédiatement de savoir comment le faire payer. E. D.F. peut-elle choisir, dans une optique commerciale, de facturer à perte des usages soumis à la concurrence (fours électriques industriels ou chauffage des locaux par exemple) au détriment des usages «captifs» (éclairage par exemple)?
     Pour aller dans le sens de l'efficacité économique, E.D.F., en accord avec les pouvoirs publics, a choisi de faire connaître à ses clients par l'intermédiaire de ses tarifs le coût réel de l'énergie qu'elle met à leur disposition.
     Ce coût est en fait un coût marginal qui indique au client la dépense supplémentaire qu'engendre pour le système électrique sa décision de consommer ou l'économie que procure sa décision de ne pas consommer.
     Comme pour la location d'une voiture, ce coût se compose de deux parties:
     - un coût de mise à disposition, ici coût de développement des capacités (centrales, réseaux)
     - un coût de fonctionnement, ici essentiellement un coût de combustible (fuel, charbon, uranium).
     Il s'agit donc d'une réelle vérité des prix.
     Le client reste alors pleinement responsable des choix qu'il peut faire en toute connaissance de cause.

Votre système tarifaire assure-t-il une véritable égalité de traitement entre clients?

     Une tarification fondée sur la vérité des coûts garantit que chaque client ne paie que ce que coûte sa consommation. Deux clients, s'ils ont les mêmes caractéristiques de consommation, bénéficieront du même prix, ce qui est la définition de l'égalité de traitement.
     C'est pourquoi, sauf directive précise de l'Etat, l'E.D.F. ne peut se reconnaître le droit de pratiquer des tarifs préférentiels.
     En revanche E.D.F., entreprise nationale, ne peut évidemment contester les décisions d'un gouvernement faisant prévaloir des considérations politiques (péréquation des prix du kWh entre zones rurales et zones urbaines...).

Vous dites que votre logique tarifaire est la plus satisfaisante. Mais pourquoi n'est-elle pas adoptée dans d'autres pays?

     Le principe de la tarification au coût marginal n'est pas seulement un principe propre à E.D.F. Les tarifs bleu blanc rouge d'Air France, de la S.N.C.F. ou du téléphone en sont un reflet. Il est également recommandé par des instances aussi variées que la C.E.E. et la Banque Mondiale.
     Il n'est cependant pas toujours respecté dans les pays de la Communauté Européenne pour l'ensemble des consommateurs car, souvent des arbitrages politiques conduisent à modifier les prix pour certains consommateurs (généralement les plus gros) au détriment des autres.

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     Enfin, au niveau international, E.D.F. exporte ses principes de tarification tant en Afrique qu'en Amérique du Sud ou en Chine. Donc, si la France est le seul pays à avoir une tarification fondée sur les coûts aussi complète, nombreux sont les pays qui souhaitent suivre cette voie nécessaire à un développement harmonieux de leur secteur électrique.

3. Vous ne suivez pas l'évolution du marché... vous êtes rigides
Pourquoi les tarifs de l'électricité ne suivent-ils pas les prix des autres énergies?

     Bien au contraire, une entreprise rigide serait une entreprise qui répercuterait intégralement dans ses prix les évolutions de prix des autres énergies. Un amortisseur fonctionne si les passagers du véhicule ressentent le moins possible les chocs de la route. C'est exactement le rôle qu'E.D.F. a toujours cherché à jouer.
     Ainsi, l'entreprise a-t-elle eu le souci constant de rechercher les sources d'énergie les moins chères pour satisfaire la demande d'électricité. Sa souplesse d'évolution lui a permis de restructurer totalement, au moins 3 fois, son parc de production de 50 ans:
     - 1960: l'hydraulique représente plus de la moitié de la production;
     - 1973: le fuel* et l'hydraulique représentent les deux tiers de la production;
     - 1985: le nucléaire** représente les deux tiers de la production.
     Aujourd'hui, les tarifs de l'électricité sont fondés sur un parc structuré essentiellement autour du nucléaire. Ils sont donc très peu sensibles à une hausse, mais aussi à une baisse des prix du fuel. Leur stabilité est la conséquence de la souplesse d'adaptation de l'entreprise à un environnement énergétique changeant.

* D'où le choc pétrolier car dépendance trop grande.
** Idem pour le nucléaire.

Pourquoi les prix de l'électricité baissent-ils dans certains pays étrangers et pas en France?

     Bien sûr, vous l'avez compris, si les prix de l'électricité fluctuent dans certains pays étrangers et suivent les prix du fuel, c'est parce que ces pays n'ont pas restructuré leur parc.
     Les entreprises de ces pays n'ont donc pas joué le rôle d'amortisseur dont nous parlions tout à l'heure. Leurs prix baissent en partant d'un niveau plus élevé.
     D'ailleurs, l'électricité produite en France est aujourd'hui la moins chère d'Europe pour la grande majorité des clients industriels. Les statistiques de la C.E.E. montrent que pour une base 100 en France, la moyenne européenne des prix atteint 130 pour les P.M.E. et 140 pour la haute tension. Seuls le Danemark pour des raisons tout à fait particulières et les Pays-Bas sont aujourd'hui moins chers.
     Ce dernier pays dispose de ressources naturelles et bon marché en gaz qui l'ont conduit à assurer 65% de la production d'électricité à partir de ce combustible.
     Si l'électricité produite en France est la moins chère pour la majorité des industriels, il est vrai que certains très gros clients peuvent trouver une électricité moins chère dans quelques pays.

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     Deux cas se présentent: soit ces pays disposent d'une électricité d'origine hydraulique importante et à bon marché, compte tenu de leur cadre naturel, soit quelques compagnies étrangères, fréquemment sous la pression des Pouvoirs Publics, consentent des rabais particuliers aux gros clients au détriment, bien sûr, des autres consommateurs.

Quand vos tarifs vont-ils baisser?

     C'est déjà fait. En 1986, les tarifs de l'électricité ont baissé de près de 2% en francs courants. En tenant compte de l'inflation la baisse, en francs constants, est supérieure à 5% depuis 1985.
     Le contrat de plan, signé entre l'entreprise et l'état, garantit jusqu'en 1988 un réajustement annuel des tarifs inférieur de 1% à l'inflation. Le principe de cette décote par rapport à l'évolution moyenne des prix devrait pou¬voir être prolongé pendant au moins dix ans.

4. D'accord, j'ai compris vos raisonnements économiques mais vous ne les appliquez pas.
E.D.F. favorise les clients domestiques aux dépens des entreprises

     Les principes de vente au coût marginal qu'a retenus E.D.F. pour le calcul de ses tarifs ne peuvent conduire à favoriser une catégorie de clientèle au détriment d'une autre.
     Le prix payé est, comme nous l'avons indiqué, le reflet des coûts. Ceux-ci ont évolué différemment selon les étapes du processus de production d'électricité: après l'augmentation des prix du pétrole, les coûts de production ont augmenté - le nucléaire français, même s'il est le meilleur au monde (souligné par la Gazette) est malgré tout plus cher que le pétrole d'avant 1973 - tandis que les coûts de distribution continuaient à baisser.
     A l'inverse de ce que l'on constate en production, il y a eu en distribution des substitutions importantes d'équipements moins onéreux (postes sur poteaux) à d'autres plus coûteux. Les économies d'échelle, caractéristiques de toute activité utilisant des réseaux se sont également manifestées et continuent de le faire.
     Or, le prix payé par un client haute tension comprend essentiellement des coûts de production tandis que celui payé par un petit client basse tension comprend, en plus, une forte part de coûts de distribution*.

* Et pourtant le réseau de distribution est toujours inadapté. Par exemple, à Paris cet hiver... il y a eu des pannes dues à ce réseau

     Le résultat est donc une hausse en francs constants pour les clients haute tension et une baisse pour les clients basse tension à l'exception des gros clients basse tension ayant un chauffage électrique qui, engageant une part plus importante de coûts de production en particulier pendant les pointes d'hiver, ont vu leur tarif augmenter autant que les clients haute tension.

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     L'augmentation du prix de ces fournitures d'électricité était nécessaire pour refléter leur coût dans le système électrique. Aujourd'hui, et pour quelques années encore, leur prix devrait rester stable à francs constants puis, au-delà de cette période, s'orienter à la baisse, comme pour l'ensemble des fournitures.

Le programme nucléaire n'a donc pas permis de faire baisser les coûts de production?

     L'augmentation du prix du fuel a rendu impératif le recours au nucléaire. Mais le prix actuel du nucléaire rend vain tout espoir de retour à des niveaux de coûts de production comparables à ceux de 1973. La substitution du nucléaire au fuel permet de limiter la hausse des coûts de production, elle ne les fait pas baisser.

Pourquoi continuer à payer une prime fixe dans les périodes où je ne consomme pas?

     Dans une chaîne énergétique lourde en investissements comme la chaîne électrique, la sobriété consiste à économiser non seulement l'énergie consommée mais aussi la puissance. En basse tension, par exemple les quatre cinquièmes des charges supportées par le producteur distributeur n'ont pas de lien direct avec la consommation effective d'énergie et s'expliquent principalement par la puissance mise à la disposition des clients.

     Sans doute est-il vrai qu'une puissance jamais appelée n'engendre pas les mêmes coûts qu'une puissance effectivement appelée - c'est la raison pour laquelle une partie des frais de puissance est incorporée à la part «consommation» et non à la part «abonnement» de la facture -. Mais cette considération est loin d'avoir un poids suffisant pour qu'on puisse se satisfaire d'une tarification sans prime fixe.

Pourquoi continuer à demander des effacements quand vous n'en avez pas besoin?

     La pénétration de l'électricité a conduit à substituer du nucléaire et du charbon aux centrales fuel existantes, sauf dans des périodes de courte durée: les jours de pointe mobiles.
     Pour faire face à la demande élevée de ces périodes, E.D.F. a développé ou développera des moyens spécifiques de pointe brûlant du fuel.
     Dès lors, le message transmis par l'option Effacement Jour de Pointe (EJP) est clair: tous les équipements que peuvent mettre en oeuvre les clients pour réduire leur demande durant ces jours de pointe ont une valeur qui correspond à l'économie d'investissement qu'E.D.F. réalisera pour autant que ces équipements (dispositifs biénergie, groupes de secours...) restent en état de fonctionnement. Les vingt-deux jours de pointe annuels apportent cette garantie et sont porteurs d'économies futures pour la collectivité.
 

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