La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°52
LA GESTION DES COMBUSTIBLES IRRADIES
I - EXTRAIT DU RAPPORT CASTAING
(1983)



      Devant l'ampleur du dossier Castaing, nous ne vous en présenterons que quelques extraits:
     - Avant-propos
     - Conclusions
     - Annexes 1-2-3, 7-8 et 10.
     Comme vous pouvez le constater, ce groupe de travail comprenait un bon nombre de tenants de l'industrie nucléaire (ne vous y trompez pas, M. Frejacques, aujourd'hui président du CNRS, est un ancien du CEA où il occupait un poste de responsabilité dans la partie chimie...) et seulement quelques rares «contre-experts». Mais il y en avait quand même et c'est là que résidait la nouveauté de ce groupe de travail.
     Le rapport fait le point sur la question des combustibles irradiés. Il présente la situation actuelle et demande en conséquence une série de mesures visant à réduire les nuisances potentielles liées au retraitement et au stockage des déchets. Ce rapport est le résultat d'un consensus obtenu grâce à la fermeté du président du groupe de travail. Les contre-experts, bien que largement minoritaires, purent faire entendre des personnalités extérieures, non liées au lobby nucléaire.
     L'ensemble des documents se divise en trois groupes qui sont le rapport lui-même, signé par tous les membres, les annexes, non signées, rédigées individuellement ou par petit groupe (ou par les services officiels via des membres du groupe), et les documents joints qui sont des documents présentés à la commission, ou des comptes rendus d'auditions. Cette troisième classe est nettement marquée par ses origines procritiques ou franchement contre. Elle ne sera pas publiée, la plupart des documents pouvant être trouvés par ailleurs.
     Quand on constate la qualité du travail effectué par ce groupe, nous ne pouvons que «souhaiter que des commissions de ce type puissent se pencher sur la sûreté des réacteurs PWR, sur les surgénérateurs, sur les problèmes liés à la pollution chimique...»
     Cela permettrait de faire le point des connaissances et de mettre au grand jour les problèmes non résolus. Cela permettrait sûrement de clarifier les questions économiques et donnerait aux décideurs et à la nation une information qui aujourd'hui, est occultée.
     Cela nous éviterait, après avoir détruit l'environnement, d'avoir à payer pour essayer de le rendre à nouveau viable, si toutefois les dégâts ne sont pas irrémédiables.

Conseil Supérieur de la Sûreté Nucléaire
Paris, le 1er décembre 1982
Rapport du Groupe de Travail
sur la gestion des combustibles irradiés

AVANT-PROPOS

     Le Gouvernement ayant décidé, à l'issue du débat parlementaire tenu à l'automne 1981 sur le plan d'indépendance énergétique de la France, de mettre en place une commission scientifique sur la gestion des combustibles irradiés, le ministre de l'industrie a, par lettre du 11 décembre 1981, mandé à M. Neel, président du Conseil supérieur de la sûreté nucléaire, de constituer, auprès de ce conseil, un groupe de travail sur ce sujet. Cette lettre (voir pièces jointes) fixait les grandes lignes de la mission de ce groupe de travail.

suite:
     Le groupe a tenu 45 réunions entre le 22 décembre 1981 et le 30 novembre 1982 dans les locaux de l'Institut de France.
     Il comportait douze membres:
- M. Raymond Castaing, membre de l'Académie des Sciences, président.
- M. Jean Teillac, haut-commissaire à l'Energie atomique, vice-président.
- M. Jacques Ancellin, président de la Société des sciences mathématiques et naturelles de Cherbourg.
- M. Jacques Bénard, membre de l'Académie des sciences.
- M. Jacques Duport, conseiller scientifique à la Société Alsthom Atlantique.
- M. Claude Frejacques, président du CNRS, membre de l'Académie des sciences.
- M. Robert Guillaumont, professeur à l'Université de Paris-Sud.
- M. Jean Lefevre, directeur des Effluents et déchets radioactifs au CEA.
- Mlle Ethel Moustacchi, radiobiologiste à l'Institut Curie.
- M. Jean-Paul Schapira, physicien nucléaire au CNRS.
- M. Jean-Claude Zerbib, chef du Groupe de radio-protection des accélérateurs du Centre d'études nucléaires de Saclay.
- M. Pierre Zettwoog, chef du Service de protection technique du CEA (IPSN).
     Le secrétariat a été assuré par le service central de sûreté des installations nucléaires.
     Le groupe, compte tenu des indications figurant dans la lettre de mission précitée, en particulier quant au calendrier des travaux de modernisation et d'extension de l'établissement de La Hague, a adopté un programme de travail qui visait à disposer pour le mois d'avril 1982 des premières conclusions de l'examen de la situation technique actuelle du retraitement, des perspectives d'évolution et des options actuellement engagées, sous différents aspects.
     Son président a, par l'intermédiaire du président du Conseil supérieur de la sûreté nucléaire, rendu compte au ministre de l'Industrie de ces premières conclusions le 28 avril 1982.
     Le groupe a ensuite approfondi l'examen de la situation technique actuelle du retraitement et a examiné les variantes du retraitement et les options autres que le retraitement immédiat. Il a ensuite procédé à une comparaison du retraitement immédiat et de ces autres options sous l'angle de la finalité de ces opérations et des aspects techniques impliqués ainsi que du point de vue de leur incidence économique. L'examen de ce dernier aspect est apparu indispensable pour apprécier la valorisation du plutonium extrait par retraitement des combustibles irradiés dans la filière des réacteurs à neutrons rapides.
     Le groupe s'est donné pour méthode de travail de demander tout d'abord aux organismes intéressés (administrations, exploitants...) de lui adresser des synthèses sur les points à examiner en vue de les soumettre à une première discussion, sur la base de projets de rapports établis par certains de ses membres désignés à cet effet.
     Les renseignements complémentaires dont le groupe, à l'issue de chaque discussion, jugeait nécessaire de disposer ont fait l'objet de questions adressées aux organismes intéressés et dont certaines ont donné lieu à un entretien entre les rapporteurs et les représentants de ces organismes.
     Le groupe a également entendu des représentants des organismes concernés ou d'organismes intéressés par ces questions, ainsi que quelques personnalités à titre individuel, en leur qualité d'experts dans des domaines particuliers.
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      Outre les déplacements de divers rapporteurs, le groupe dans son ensemble s'est rendu à Marcoule, à l'usine Eurochemic de Mol en Belgique, ainsi qu'à deux reprises à La Hague.
     Il a entendu lors de sa visite du 24 février 1982 à l'établissement de La Hague, en présence de l'exploitant, les représentants des organisations syndicales. Il a également procédé à Cherbourg, le 13 septembre 1982, à un échange de vues avec la commission spéciale permanente près l'établissement de La Hague présidée par M. Darinot.
     Le groupe a en outre procédé à un échange de vues avec le groupe permanent d'experts chargés des installations nucléaires de base autres que les réacteurs nucléaires, le 11 juin 1982.
     Toutes les informations dont le groupe a jugé utile de disposer lui-même ont été transmises par les organismes intéressés, dans des délais compatibles avec le déroulement de ses travaux.
     Cependant, l'attention du groupe a été plusieurs fois attirée sur le caractère confidentiel de certaines informations. Ceci a été le cas pour des informations fournies par le service central de sûreté des installations nucléaires du ministère de la Recherche et de l'Industrie, en particulier les rapports de sûreté et les analyses de ces rapports par l'institut de protection et de sûreté nucléaire du commissariat à l'Energie atomique et par le groupe permanent d'experts placé auprès du chef de ce service. Ceci a également été le cas pour des informations couvertes par le secret-défense qui n'ont pu être fournies de façon détaillée par la COGEMA, en particulier les taux de perte en plutonium dans les déchets lors de chaque campagne de retraitement à l'usine de La Hague.
     La protection de certaines informations est évidemment nécessaire. Le groupe suggère cependant que la justification de l'étendue de cette protection soit périodiquement réexaminée. Il devrait ainsi être possible de rendre publique une partie des rapports de sûreté ainsi que les données détaillées des performances en matière de taux de perte en plutonium dans les déchets des usines de retraitement de La Hague ou de Marcoule. Pour ce qui concerne cette dernière usine, classée secrète pour les besoins de la défense, le goupe souhaite que soit étudiée la possibilité de déclassifier les unités non directement concernées par la fabrication de matières fissiles à usage militaire, telles que celles qui traitent et conditionnent les déchets*.
     Enfin, il faut noter que les travaux du groupe se sont inscrits dans le cadre de la décision prise par le gouvernement de moderniser l'usine actuelle de La Hague et de construire sur ce site une nouvelle usine. Le groupe n'a donc pas examiné la situation actuelle de l'usine de Marcoule. Il souligne cependant que la plupart des recommandations qu'il a été amené à faire peuvent s'appliquer à cette usine, actuellement en cours de modernisation, et dont la disponibilité doit également faire l'objet d'une attention particulière, compte tenu de la nécessité de retraiter dans un délai assez bref après leur sortie de réacteur les combustibles de la filière uranium naturel-graphite-gaz (UNGG).
     Les remarques du groupe ainsi que les recommandations qu'il croit devoir formuler vont être développées dans les chapitres qui suivent.
     Certaines de ces recommandations visent à une amélioration de la technique du retraitement qui permettrait de réduire à un niveau extrêmement bas les nuisances potentielles des déchets de retraitement. Elles pourront paraître à certains égards draconiennes; mais le groupe a considéré que les activités liées à cette partie du cycle nucléaire, qu'il avait la charge d'examiner, se devaient d'être effectuées dans les meilleures conditions possibles, compte tenu de l'état actuel de la technique. Le groupe a le sentiment que toutes les activités industrielles génératrices de nuisances devraient être examinées dans le même esprit.
suite:
INTRODUCTION

     Le présent rapport examine au chapitre I la situation du retraitement dans les usines actuelles (UP2) et futures (UP2-800, UP3 et STE3) de La Hague du point de vue de la disponibilité des installations, de la protection du personnel et de l'environnement, des déchets produits et de la sûreté des opérations.
     Le chapitre II est consacré aux variantes et autres méthodes de retraitement des combustibles irradiés.
     Le chapitre III porte sur les options autres que le retraitement immédiat.
     Enfin, le chapitre IV expose les finalités du retraitement immédiat et de ces autres options et tente une comparaison entre ces différents modes de gestion des combustibles irradiés.
     Les recommandations que le groupe a cru devoir exprimer sont reproduites en italique dans le rapport. Celles d'entre elles que le groupe souhaite particulièrement souligner sont indiquées à nouveau au chapitre V.

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     Rappelons que la matière de base utilisée dans les réacteurs à neutrons thermiques (ou neutrons lents) est l'uranium mis au préalable sous la forme d'éléments combustibles constitués d'une gaine métallique enveloppant une masse d'uranium constituant la matière nucléaire.
     Dans l'élément combustible, l'uranium peut être utilisé à l'état de métal ou d'oxyde et avec des compositions isotopiques variables.
     Les diverses filières de réacteurs à neutrons thermiques se différencient par la proportion d'uranium 235 contenue dans le combustible qu'elles utilisent.
     Nous citerons dans le rapport les réacteurs de la filière dite à uranium naturel-graphite-gaz (UNGG) tels que ceux de St-Laurent A1 et A2, Chinon A2 et A3 et Bugey 1.
     Nous examinerons surtout le retraitement des combustibles de la filière à eau sous pression (EP) dont le combustible est de l'oxyde d'uranium enrichi en U-235. Cette filière est constituée pour partie des réacteurs à eau pressurisée, type adopté par la France avec les réacteurs de 900 et 1.300 MWe, pour lesquels nous adopterons le sigle américain (PWR). Nous citerons également les combustibles des réacteurs à eau bouillante de la filière EP en adoptant alors le sigle américain «BWR».
     Outre les produits de fission, résultant de la scission des noyaux qui participent directement à la production d'énergie, il se forme dans les réacteurs à neutrons thermiques du plutonium et divers éléments transuraniens (neptunium, americum, curium...) qui constituent des déchets auxquels nous consacrerons une attention particulière. Le plutonium peut servir à son tour de combustible nucléaire dans les réacteurs EP (recyclage), mais surtout dans les réacteurs à neutrons rapides qui présentent l'avantage de reconstituer le plutonium consommé par formation de cet élément à partir de l'uranium 238. Nous désignerons par «NR» les réacteurs de cette filière pour lesquels la France possède une place de premier plan.
     La technique du retraitement des combustibles irradiés consiste à dissoudre le combustible dans de l'acide nitrique et à en extraire successivement les constituants au moyen d'un solvant, le tributylphosphate, pour lequel nous appliquerons la désignation usuelle TBP.
     La difficulté de cette opération réside dans la très forte radioactivité des combustibles irradiés.
     Rappelons à ce sujet que cette activité se traduit par trois types de rayonnements:
· le rayonnement a composé de noyaux d'hélium,
· le rayonnement b composé d'électrons ou de positons,
· le rayonnement g composé de photons.

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Nous soulignons ces points car leur importance n'échappe à personne:
      D'une part, les taux de perte en Pu dans les déchets lors des campagnes de retraitement sont une donnée essentielle pour contrôler si les normes de contamination sont respectées. Comment voulez vous qu'un groupe de travail puisse œuvrer d'une façon rigoureuse s'il doit se contenter des affirmations de l'organisme étudié et si celui-ci, pour éviter d'être contesté, se retranche derrière un prétendu secret-défense. Prétendu, car c'est là le deuxième point important, depuis quand les campagnes de retraitement concernant les PWR et même les UNGG (Marcoule) concernent-elles l'armée? Nous croyions, dans notre innocence, que le parc EDF UNGG (St-Laurent, Bugey 1) et PWR était un parc nucléaire civil et que, bien que non-signataire du traité de non-prolifération et donc n'acceptant pas les contrôles de l'AIEA, la France appliquait une séparation étanche entre le combustible civil et le combustible militaire. Nous savons bien que le nucléaire civil est fils du nucléaire militaire et qu'il n'a jamais renié sa filiation, mais devant un tel mépris des paroles données et des engagements, il va falloir ajouter dans le vocabulaire de la physique nucléaire après la masse critique, la masse de mystification! 
 

CHAPITRE V

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

     La lettre de mission du 11 novembre 1982 (voir pièces jointes) par laquelle le ministre de l'Industrie a demandé au président du Conseil supérieur de la sûreté nucléaire de constituer, auprès de ce conseil, un groupe de travail sur la gestion des combustibles irradiés, fixait les grandes lignes de la mission de ce groupe de travail.
     Le groupe devait examiner les travaux de modernisation et d'agrandissement de l'usine UP2 de l'établissement de La Hague et ceux des nouvelles usines UP2-800 et UP3, notamment quant aux améliorations attendues dans l'exploitation de l'établissement.
     Le groupe devait également, dans le cadre de l'examen des modes de gestion des combustibles irradiés autres que le retraitement immédiat, présenter une analyse des solutions étudiées aujourd'hui, le cas échéant à l'étranger, en l'accompagnant éventuellement de propositions d'études ou de programmes expérimentaux, à conduire en association avec d'autres pays si cela paraissait opportun. Plus généralement, le groupe devait faire toutes propositions utiles pour permettre à la France de maintenir les compétences technologiques de pointe nécessaires pour assurer dans les meilleures conditions la gestion des combustibles irradiés.
     L'examen des travaux en cours dans l'établissement de La Hague, l'analyse des modes de gestion autres que le retraitement immédiat et les propositions qui ont semblé susceptibles de permettre d'assurer dans les meilleures conditions la gestion des combustibles irradiés viennent d'être présentées.
     Le groupe croit utile, au terme de ses travaux, de reprendre et éventuellement d'expliciter ci-dessous celles des recommandations déjà exprimées qu'il pense devoir tout particulièrement souligner. 

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     Les combustibles irradiés provenant des réacteurs à eau sous pression peuvent être:
· soit retraités immédiatement (c'est-à-dire, dans la pratique, après trois ans de «refroidissement») dans les usines comme celles, actuelles et futures, de La Hague; 
· soit entreposés, pendant une ou plusieurs décennies, pour être ensuite, ou bien retraités (l'option est alors celle du retraitement différé), ou bien stockés définitivement en l'état après un conditionnement approprié (il s'agit alors de «non retraitement» ).

V.1. LA SITUATION TECHNIOUE ACTUELLE DU RETRAITEMENT

     Parallèlement à la mise en œuvre d'un très important programme électro-nucléaire, la France s'est résolument engagée sur la voie du retraitement immédiat des combustibles nucléaires irradiés. La réalisation des usines UP2-800 et UP3, comme la notable modernisation en cours des usines actuelles de La Hague et de Marcoule, concrétise cet engagement qui s'appuie sur l'expérience industrielle et les travaux de recherche et développement du Commissariat à l'énergie atomique.

suite:
     Le groupe considère que le Commissariat à l'énergie atomique, après avoir acquis la maîtrise industrielle du retraitement des combustibles irradiés de la filière à l'uranium naturel, possède aujourd'hui celle du retraitement des combustibles de la filière à eau sous pression, dans des conditions de disponibilité et de sûreté, au moins à court et moyen terme, qui n'ont pas été remises en cause.
     Ainsi le groupe estime-t-il que la capacité de l'usine UP2 actuelle de La Hague devrait se rapprocher des 250 tonnes par an annoncées par la COGEMA et que les capacités de retraitement prévues de 800 tonnes par an pour les usines UP2-800 et UP3 devraient, sauf imprévu, pouvoir être respectées.
     L'examen des niveaux d'exposition du personnel aux rayonnements ionisants et de l'impact des rejets d'affluents radioactifs, en fonctionnement normal, de l'usine de La Hague n'a pas fait apparaître de grave sujet d'inquiétude; il reste que d'importants progrès, qui font l'objet de recommandations du groupe, doivent être effectués par les nouvelles usines.
     Au cours de l'examen limité dans le temps qu'il en a fait, le groupe n'a pas relevé d'éléments susceptibles de remettre en cause de façon importante les concepts mis en œuvre pour assurer la protection des populations contre les risques d'accidents; il a cependant recommandé qu'un certain nombre de mesures soient prises et que certaines études soient effectuées ou poursuivies.
     Le groupe a porté une attention particulière aux problèmes posés par les déchets radioactifs provenant du retraitement des combustibles irradiés. Le point de vue du groupe sur ceux de ces problèmes qui sont liés à la sûreté à long terme est rappelé plus loin. Pour la sûreté à court terme (manutention et entreposage pendant plusieurs dizaines d'années), le groupe considère que les modes de conditionnement proposés par la COGEMA pour les nouvelles usines de La Hague sont satisfaisants.
     Le groupe a noté les améliorations continues qui ont été apportées à l'usine actuelle de La Hague et considère que cette capacité d'amélioration doit être maintenue pour les nouvelles usines. Un certain nombre d'améliorations ultérieures des usines ont d'ailleurs été recommandées.
     D'une façon générale le groupe souligne l'importance de l'expérience industrielle qui sert de point d'appui aux travaux de recherche et développement, en orientant ces travaux sur les problèmes réels qui se posent aux opérateurs industriels et en offrant aux chercheurs des perspectives stimulantes.

V.2. LA SURETÉ A LONG TERME DES DECHETS PROVENANT DES COMBUSTIBLES IRRADIES

     Le groupe a été confronté aux problèmes résultant de l'existence de conséquences à moyen et surtout à long et très long terme, à associer aux décisions concernant les stratégies de gestion des combustibles irradiés.
     Certaines de ces conséquences sont bénéfiques; elles nous concernent directement, ainsi que nos descendants les plus proches; d'autres sont des détriments qui peuvent se prolonger sur de longues périodes, s'étendant pour certaines sur plus d'un million d'années. Le groupe a été d'avis qu'un impératif moral est d'accorder des importances comparables à toutes ces conséquences, indépendamment de leur éloignement respectif dans le temps.


Nous soulignons ces points...
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      Dans l'état actuel des connaissances, toutes les stratégies de gestion des combustibles irradiés présentent des incertitudes pour la sûreté à long terme du stockage des déchets, du fait de l'insuffisance des données sur lesquelles peut s'appuyer la prévision du comportement, sur un laps de temps se mesurant en milliers de siècles, des déchets radioactifs en situation d'enfouissement profond. Il convient que tout soit fait pour lever, dans la mesure du possible, ces incertitudes; en conséquence le groupe recommande:
1 - que les études de caractérisation de tous les déchets contaminés a, y compris l'oxyde d'uranium irradié qui constituerait le principal déchet d'une option non-retraitement, soit activement poursuivies et que soient créés un ou plusieurs laboratoires souterrains expérimentaux pour étudier notamment, dans le cas des déchets de haute activité, les effets du dégagement thermique en situation d'enfouissement profond. En tout état de cause, tout stockage expérimental devra être réversible, les déchets stockés devant pouvoir être repris pour un nouveau conditionnement si cela apparaissait nécessaire.
     Le groupe considère en effet que, tant que les incertitudes ci-dessus évoquées n'auront pas été levées, rien d'irréversible ne doit être fait en matière de gestion de déchets; c'est dans ce souci qu'il a recommandé qu'en ce qui concerne les déchets a de faible ou moyenne activité, l'on n'adopte pas dès à présent des conditionnements dont la reprise ultérieure, si elle s'avérait nécessaire au vu des résultats des études actuellement en cours, serait impossible pour des raisons techniques ou économiques.
     Il tient, d'autre part, à souligner qu'un enfouissement définitif de déchets à haute activité, de déchets a ou de combustibles irradiés en l'état ne lui apparaît pas, pour l'instant, pouvoir être effectué. Pour les mêmes raisons, le groupe considère que toute décision de principe prévoyant à terme un tel enfouissement irréversible serait, en l'état actuel de nos connaissances, prématurée.
     Le groupe a noté par ailleurs l'absence de consensus international sur la limite de contamination en émetteurs a acceptable pour les déchets destinés au stockage en surface. Il recommande, tant que des éléments n'auront pas été dégagés pour fixer de façon indiscutable cette limite et afin qu'on ne se trouve pas devant une irréversibilité de fait due au volume des stockages:
2 - que l'on se fixe comme objectif, en ce qui concerne la nocivité évaluée pour les population futures que présenteront les centres de stockage en surface après leur banalisation, une nocivité qui ne dépasse pas celle que l'on peut rencontrer pour des terrains naturels.
     Le groupe considère d'autre part que toute mesure qui, sans remettre en cause la sûreté à court et moyen terme, permettrait, dans l'attente des données ci-dessus évoquées et dont l'obtention pourrait demander plusieurs décennies, de réduire le volume et la nuisance potentielle des déchets produits, ne pourrait être que bénéfique. 
En conséquence le groupe recommande:
3 - que l'on s'oriente, pour le retraitement pratiqué dans les nouvelles usines de La Hague, vers la mise en œuvre, dans l'avenir le plus rapproché possible, de techniques de traitement et de conditionnement des déchets rendant a priori ces déchets plus aptes au stockage à très long terme (extraction de l'essentiel des émetteurs a, céramisation, fusion de déchets métalliques) et réduisant leur volume.
suite:
4 - que pour le retraitement tel qu'il pourra ultérieurement être pratiqué, soit étudiée avec la volonté de tout mettre en œuvre pour qu'elle puisse être effectivement appliquée avant la fin du siècle, la technique mise au point par le CEA en laboratoire, de retraitement poussé avec séparation des actinides mineurs qui permettrait d'extraire des déchets les émetteurs a de très longue période et les éléments susceptibles de les produire par filiation; ces éléments pourraient alors être conditionnés séparément de façon très efficace, incinérés par bombardement neutronique ou, dans un avenir plus lointain, évacués dans l'espace, ce qui n'apparaît pas impossible compte tenu des faibles volumes correspondants. Il apparaît d'ores et déjà très vraisemblable que les déchets restants, dont la période de nuisance potentielle serait alors inférieure à un millénaire, pourraient en toute sûreté être entreposés ou stockés à faible profondeur. Ce retraitement poussé devrait bien entendu s'accompagner de l'ensemble des améliorations évoquées plus haut en ce qui concerne le traitement et le conditionnement de tous les déchets.
V.3. LE RETRAITEMENT IMMEDIAT ET LES AUTRES OPTIONS

     La justification de toute opération de retraitement est d'une part d'extraire les produits de fission et les actinides mineurs contenus dans les combustibles irradiés, d'autre part de récupérer, en vue de leur valorisation, les matières fissiles contenues dans ces mêmes combustibles, uranium et surtout plutonium qui permet le développement industriel de la filière à neutrons rapides.
     C'est ce double aspect:
     a) séparation des produits de fission et de la quasi-totalité du plutonium conduisant à une gestion de la fin du cycle nucléaire jugée plus sûre que celle qui consiste à stocker les combustibles irradiés en l'état,
     b) récupération de matières énergétiques, qui a conduit les autorités responsables de notre pays à s'engager dans la voie du retraitement immédiat des combustibles irradiés.
      Le groupe considère que la technique ci-avant évoquée de séparation des actinides mineurs, incluant le traitement et le conditionnement séparé de tous les déchets, constituerait le meilleur mode de gestion des déchets issus du retraitement. Il estime que, dans l'état actuel de nos connaissances, seul ce retraitement poussé trouverait une finalité complètement indépendante de la possibilité qu'il offre de produire du plutonium utilisable dans une éventuelle filière rapide.
     Le groupe a examiné d'autre part les conditions suivant lesquelles pourrait être effectué un entreposage de longue durée des combustibles irradiés, suivi ou non d'un retraitement ultérieur. Il a estimé qu'un tel entreposage pouvait être mis en œuvre dans de bonnes conditions de sûreté à court et moyen terme et à des coûts annuels relativement modérés.
     Nous ne sommes donc pas confrontés, à court et moyen terme, à une alternative: le retraitement immédiat et l'entreposage des combustibles irradiés ne sont pas des options entre lesquelles il faudrait faire d'urgence un choix. Ce ne sont même pas des options incompatibles, le retraitement immédiat pouvant ne porter que sur une partie des combustibles.


Nous soulignons ces points...
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     Le groupe a jugé utile que cet éventail de choix demeure ouvert. En conséquence, il recommande:
5 - que d'une part des études allant jusqu'à l'acquisition du savoir-faire industriel soient engagées sur les options autres que le retraitement immédiat, notamment le stockage définitif des combustibles irradiés, et que d'autre part soit maintenu l'acquis industriel et le potentiel de recherche du Commissariat à l'énergie atomique sans lesquels ne pourrait être maîtrisé industriellement avant la fin du siècle le retraitement poussé, avec séparation des actinides et conditionnement amélioré de tous les déchets, ci-avant évoqué.
      Pour les combustibles qui ne pourront être retraités dans les usines UP3 et UP2-800, en l'occurrence ceux qui proviendraient, dans l'hypothèse d'un accroissement important du parc électronucléaire, des réacteurs à eau sous pression mis en service après 1992, le choix devra être fait entre un retraitement immédiat, qui supposerait la mise en place d'une usine supplémentaire, et un entreposage qui permettrait de parachever les études concernant la qualification des divers modes de gestion au regard de la sûreté à long terme des déchets produits, compte tenu des besoins en plutonium pour le développement éventuel d'une filière à neutrons rapides.
     A ce sujet, le groupe a jugé utile d'examiner brièvement, sous le seul angle de la valorisation des matières énergétiques qu'elle permet, la filière à neutrons rapides. Si un important développement de cette filière était envisagé, le groupe incline à penser qu'un programme de démonstration, incluant une unité de retraitement de taille significative sur le plan industriel, devrait être lancé afin que puisse être acquise l'expérience nécessaire en matière de techniques et de coûts.
     Cette expérience sera d'autant plus utile que les recommandations qui ont été faites sur l'étude de la séparation des actinides dans le retraitement s'appliquent à plus forte raison au retraitement des combustibles rapides, compte tenu de très nombreux recyclages de matière fissile que permet cette filière.
     Le groupe a enfin examiné l'incidence que pourraient avoir sur la valorisation de l'uranium des mesures d'amélioration technique de la filière à eau sous pression qui, tout en n'apportant que des économies modestes, présenteraient l'avantage d'être réalisables à court terme. La mise en œuvre de ces mesures pourrait être facilitée par l'entreposage des combustibles irradiés.

V.4. ELARGISSEMENT DU CHAMP DES PERSONNES INFORMEES OU CONSULTEES SUR LES DONNEES TECHNIOUES DE LA GESTION DES COMBUSTIBLES IRRADIES

     L'existence d'une gamme étendue de modes de gestion possibles des combustibles irradiés est de nature à permettre des choix. Il est hautement souhaitable que ces choix fassent l'objet d'un large consensus. Cela suppose que le champ des personnes informées ou consultées sur les données techniques de la gestion des combustibles irradiés soit élargi.


Nous soulignons ces points...
suite:
     Un tel élargissement apparaît d'abord utile pour la définition d'un plan général de recherche et développement en matière de gestion à long terme des déchets radioactifs, et pour l'évaluation de l'avancement du programme qui en découlerait.
    Le groupe recommande:
6 - que l'élaboration de ce plan de recherche et développement et l'évaluation de l'avancement du programme qui en découlerait soient confiées à une structure pleinement représentative des différentes compétences nécessaires, scientifiques, technologiques, économiques ou autres. Cette structure devra être autonome vis-à-vis des divers opérateurs, industriels ou non, concernés par ce programme. 
     Par ailleurs les chercheurs, plus complètement informés de ces problèmes, pourraient y trouver des sujets de recherches stimulants et participer à l'effort nécessaire. Le groupe recommande donc:
7 - que la communauté scientifique et technique soit invitée à s'intéresser aux problèmes que pose la gestion des combustibles irradiés.
8 - que corrélativement un effort soit fait pour rendre publique l'essentiel des données techniques relatives à la sûreté de la gestion des combustibles irradiés; la protection de certaines informations est nécessaire, mais le groupe estime qu'il devrait être possible, par exemple, de rendre publique une partie des rapports de sûreté des installations de retraitement. Le groupe suggère également que soit étudiée la possibilité de déclassifier les parties de l'usine de Marcoule non directement concernées par la fabrication de matières fissiles à usage militaire. 
     Enfin, le groupe a recommandé que soient prises les dispositions nécessaires pour faciliter l'accès aux dossiers techniques et aux expérimentations de prototypes des représentants des travailleurs des usines de retraitement et des personnels concernés, afin que les propositions d'amélioration technique qu'ils pourraient formuler soient mieux prises en compte.

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     Pour conclure, le groupe, se référant à l'une des missions qui lui ont été confiées, a le sentiment que les recommandations qu'il a présentées sont de nature à permettre à notre pays de maintenir les compétences technologiques de pointe nécessaires pour assurer dans les meilleures conditions la gestion des combustibles irradiés et que, d'une façon plus générale, elles sont de nature à lui permettre de conserver et d'affermir encore sa position internationale dans un secteur d'activité industrielle que les travaux de ses chercheurs l'ont incité à développer en lui donnant des bases solides pour le faire, secteur d'activité auquel il a consacré de grands efforts et où il a connu d'incontestables succès.

Paris, le 1er décembre 1982
p.7

 

ANNEXE 1

Note au lecteur

     L'analyse de la capacité du UP2 montre à quel point les propos officiels sont faux.
     Tout d'abord, vous avez pu constater que les caractéristiques de la cisaille conduisent à un calcul en nombre d'assemblages traité par jour, et non en poids.
     Or, la capacité de l'usine a été établie et annoncée dès 1976 à 400 t/an sur la base de combustible provenant des réacteurs 1.300 MWe.
     Le premier déchargement d'un réacteur de 1.300 MWe n'interviendra pas avant 1984 (Paluel doit diverger en 83). Ce qui fait que jusqu'en 1987 la capacité maximale de l'usine sera atteinte avec des assemblages de 900 MWe, c'est-à-dire 260 t/an. Mais alors tous les coûts annoncés sont faux d'un facteur deux.
     C'est un peu facile de dire que La Hague remplit son contrat. C'est la déformation institutionnelle de nos technocrates; ce sont des matheux. Une belle formule qui justifie grâce à des calculs des résultats décevants, leur permet, par une pirouette de prouver qu'ils ne se sont pas trompés. Et pourtant UP2-800 et UP3, même s'ils fonctionnaient bien, ne retraiteraient que 1.600 t/ an et ce, pas avant 1988 ou 1990. A ce moment, les quantités stockées à La Hague seront dans la fourchette de 8.000 à 13.000 tonnes. Ce sera donc de toute façon une impasse. Comme se profile le fiasco économique du non-fonctionnement des centrales, peut-être on évitera les déchets... Il faut se consoler comme on peut...
     L'analyse du rendement en uranium et plutonium de UP2 nous a laissés rêveurs.
     Tout d'abord, dans les bilans globaux on peut lire et comprendre qu'il faudra faire attention au tableau 3, que le «pourcentage de récupération Pu» (98,02% UNGG et 98,75% LWR), c'est-à-dire «les rendements globaux de récupération de U et Pu... ne tiennent pas compte des pertes dues aux opérations de dégainage ou de cisaillage-dissolution-clarification ... lesquelles peuvent toutefois être estimées».
     C'est fort intéressant, compte tenu que dans le rapport (et nous l'avions souligné), il était indiqué que les taux de perte en Pu dans les déchets étaient couverts par le secret-défense et n'avaient pu être fournis par la COGEMA.
     Nous n'allons pas reprendre en détail ces analyses que vous trouverez dans la Gazette Nucléaire N°43 ou dans le rapport présenté par M. Fensch en octobre 82 (pièce jointe cote C.IV.6), mais nous vous rappelons seulement que toutes les analyses autres que COGEMA conduisent à des pertes globales comprises entre 6 et 11% et que si la COGEMA minimise autant ses «estimations» et cache les vrais chiffres derrière le secret-défense, c'est parce qu'à partir d'un taux de perte de 6% il est exclu de parler de surgénération, ce qui tue ce mythe auquel tiennent par-dessus tout nos nucléocrates.

suite:
ANNEXE 2

CAPACITE DE RETRAITEMENT DE UP2 (EAU SOUS PRESSION) ET DU HAO: PASSE, PRESENT, AVENIR

     La capacité de retraitement de UP2 pour ce qui concerne les combustibles EP dépend essentiellement de la capacité de l'atelier HAO.

1. MISSIONS ET FONCTIONNEMENT DU HAO
     UP2 a pour priorité le retraitement des combustibles UNGG. Elle doit assurer obligatoirement celui des combustibles à alliage UMo (Chinon, St-Laurent et Bugey). Cela a conduit jusqu'en 1979 à des campagnes UNGG longues. L'atelier HAO, construit sans être précédé de prototype, a pour mission de traiter une gamme très étendue de combustibles BWR, PWR, français et étrangers (correspondant à différents contrats) jusqu'à hauteur d'environ 1.900 t (cisaille, dissolution, clarification) et de cisailler les étuis des combustibles Phénix. Il a été opérationnel en 1976 et adapté aux étuis Phénix en 1978-79. La solution nitrique obtenue est ensuite traitée dans les ateliers de l'usine UP2.
     Le fonctionnement du HAO a été constamment amélioré compte tenu de la nature extrêmement variée des combustibles (huit types différents) et de sa conception initiale expérimentale. Depuis 1979, il fonctionne plus de cent jours par an pour les combustibles Ep[1]. Le reste du temps de travail de UP2 est partagé entre le traitement des combustibles UNGG (et NR)[2], les arrêts programmés et les arrêts aléatoires. UP2 doit traiter des combustibles UNGG jusqu'en 1984 (compris). A partir de 1985 le HAO pourra fonctionner toute l'année.

2. CALCUL DE LA CAPACITÉ THÉORIQUE NOMINALE DU HAO
     Pour bien comprendre les performances du HAO, il convient d'expliciter comment est calculée sa capacité théorique à traiter des combustibles EP. On suppose que le poids de combustible par assemblage est de 500 kg (poids maximum que l'on peut dissoudre en une fois dans chacun des quatre paniers de dissolveurs), que la cisaille peut couper 4 assemblages par jour, que le nombre de jours de travail annuel possible est 300, mais qu'en fait, il est réduit compte tenu des arrêts programmés et aléatoires par un facteur 0,66. La capacité théorique nominale est donc:

300 x 0,66 x 4 x 0,5 = 400 t

3. CALCUL DE LA CAPACITÉ RÉELLE DU HAO
     Elle dépend:
     - de la nature des assemblages qui ne contiennent pas le même poids de combustible, lequel est souvent inférieur (PWR) ou très inférieur (BWR) à 500 kg et du temps de cisaillage qui est proportionnel à la longueur des assemblages,
     - de la nature de la cisaille à magasin vertical: tout assemblage que l'on a commencé à cisailler doit être terminé,

p.8
N.D.L.R.:
Combustibles EP: combustibles réacteur à eau pressurisée
Combustibles NR: combustibles à réacteur à neutrons rapides. (appellation moins optimiste que surgénérateurs!)

     - de la nature discontinue de la dissolution, d'où il résulte qu'un cycle cisaillage-dissolution-vidange du panier peut demander 3,5 à 4 heures pour les gros combustibles et 8 à 9 heures pour les plus petits.
     Il s'ensuit que la capacité théorique réelle du UP2, limitée par celle du HAO, pour des combustibles PWR de poids moyen, de 0,33 t par exemple, devrait être:
jusqu'en 1983: 150 x 0,66 x 4 x 0,33 = 130 t
après:              300 x 0,66 x 4 x 0,33 = 260 t 
et pour les combustibles BWR de poids moyen, 0,16 t par exemple:
jusqu'en 1983: 150 x 0,66 x 4 x 0,16 = 65 t
après:              300 x 0,66 x 4 x 0,16 = 130 t 
     Ces considérations, qui n'ont que des valeurs d'illustration montrent bien qu'en tout état de cause UP2 ne peut pas retraiter 400 t/an et que le tonnage annuel dépend des combustibles à retraiter selon les livraisons et les contrats à respecter.

4. EXAMEN DES RESULTATS ET PREVISIONS
     Cet examen peut être fait compte tenu des documents fournis par la COGEMA, qui permettent d'établir, entre autres, le tableau 1 (page suivante) où l'on voit une estimation de la capacité annuelle calculée d'après les résultats des différentes campagnes. Il est clair que cette estimation n'est valable que si la durée des campagnes est significative devant 300 j. Cela conduit à envisager deux périodes:
     1976-1978: C'est la période du démarrage du HAO.
     Les campagnes ont été courtes. L'estimation de la capacité à environ 150 t/an n'a pas grande signification.
     1979-1981: C'est la période de fonctionnement normal du HAO. Les campagnes se sont déroulées sur environ 150 j. La capacité de UP2 a été de l'ordre de 200 t/an en PWR et un peu plus faible en BWR.
     Le tableau 1 fait apparaître une augmentation des capacités de retraitement de 1976 à 1981. Il faut rappeler que les combustibles du réacteur de Chooz (SENA) sont d'une conception particulière qui a demandé des aménagements spéciaux.
     Voyons maintenant ce que l'on peut penser des capacités de UP2 pour les années à venir.
     Les combustibles qui restent à retraiter dans UP2 sont essentiellement des combustibles PWR de poids moyen égal à 400 kg, c'est-à-dire plus lourds d'environ 20% que ceux qui ont été traités jusqu'en 1981. Seuls les combustibles BWR de 200 kg (25% de plus que le poids moyen) seront retraités.
     La capacité de retraitement de UP2 ne peut qu'augmenter, sauf incidents majeurs, compte tenu des améliorations constantes et importantes réalisées, de sorte que l'on peut raisonnablement prévoir que UP2 retraitera plus de 200 t de combustibles par an. Sa capacité devrait être proche des 250 t annoncées par la COGEMA à partir de 1985, date à laquelle UP2 sera définitivement consacrée au traitement des combustibles EP. Le transfert progressif des UNGG vers Marcoule s'accompagnera d'une augmentation concomitante de la capacité de UP2.
     En conséquence, en maintenant les efforts au moins au niveau actueL les prévisions COGEMA:
1982:             135 t
1983:             190 t
1984:             220 t
1985 à 1987: 250 t
1988:             200 t devraient être réalisées.

5. CAPACITÉ DE RETRAITEMENT DE UP2 (UNGG)
     Les perfonnances de UP2 pour le retraitement des combustibles de la filière graphite-gaz en parallèle avec des combustibles BWR et PWR apparaissent dans le tableau 2. Son examen montre essentiellement qu'en régime de fonctionnement normal, la capacité d'UP2 est de l'ordre de 550 t/ an. On constate d'ailleurs une augmentation normale des capacités de retraitement de 1976 à 1981.

6. RENDEMENT EN URANIUM ET PLUTONIUM DE UP2
6.1. Bilans globaux
     Les données fournies par la COGEMA permettent d'établir le tableau 3. A la fin 1981, 4.113 tonnes de combustibles UNGG, 345 tonnes de combustibles EP et 5,8 tonnes de combustibles Phénix avaient été retraitées. Les rendements globaux de récupération de U et Pu indiqués dans ce tableau sont établis en prenant comme référence les liqueurs de dissolution des combustibles et sur la base de divers dosages et du bilan gravimétrique continuel de U et Pu, depuis le début de fonctionnement des ateliers concernés.

suite:
Ces rendements ne tiennent pas compte des pertes dues aux opérations de dégainage (UNGG) ou de cisaillage-dissolution-darification (BWR et PWR), lesquelles peuvent parfois être estimées (voir paragr. 2). L'examen des pourcentages de récupération du plutonium donnés par la COGEMA fait apparaître que pour la période de 1976-1980 le pourcentage a été meilleur, 98,7% pour UNGG et EP, que pour la période 1966-1975, 97,4% pour UNGG.

6.2. Dosages de U et Pu et bilans
    On examinera seulement les principes sur lesquels reposent les bilans U et Pu, bilans dont l'importance est capitale à divers égards.

6.2.1. Bilans d'entrée pour un assemblage
     Soient:
     - U0 le poids et NU0 le nombre de noyaux d'uranium contenu dans un assemblage avant irradiation,
     - Ui , Pui, PF1, TUi, les poids d'uranium, de plutonium, des produits de fission et d'éléments transuraniens autres que Pu (Np, Am, Cm) contenus dans un assemblage après irradiation et M le poids d'éléments lourds (U, Pu, etc.) ayant fissionné,
      - NUi, NPui, NTUi, les nombres de noyaux d'uranium, de plutonium et d'éléments transuraniens autres que Pu (Np, Am, Cm) contenus dans un assemblage après irradiation et N le nombre de noyaux d'éléments lourds (U, Pu, etc.) ayant fissionné,
     - U, Pu, TU les poids d'uranium, de plutonium et d'éléments transuraniens autres que Pu contenus dans la solution d'ajustage avant le premier cycle d'extraction.
     Les bilans d'entrée consistent à déterminer U et Pu, mais aucune mesure directe sur l'assemblage ne permet de le faire. Ces quantités sont donc en théorie inaccessibles directement. On les atteint indirectement à partir de mesures réalisées sur la première solution homogène contenant des éléments présents dans le combustible irradié, c'est-à-dire la liqueur de dissolution clarifiée (solution d 'ajustage).
     Pour cette solution de volume important (3.000 l), on sait mesurer avec une grande précision les concentrations en U (= CU) en Pu (= CPU) (deux méthodes indépendantes) et les rapports isotopiques de U et Pu. Ces dernières mesures conduisent par corrélation isotopique aux rapports Pu/U et 1 = M/Uo (égal, à la perte de masse transformée en énergie près, à PF /Uo) liés au taux de combustion et à l'enrichissement initial du combustible.

     Pour calculer Ui et Pui, il suffit de considérer le bilan des éléments formés ou disparus qui est traduit par:

NU0 = NUi + NPui + N + NTUi
d'où l'on tire:
NU0 (1 - N/NU0) = NUi (1 + NPui/NUi + NTUi/NUi)
soit la relation:
NUi/NU0 =  (1 - NPui/NU0) / (1 + NPUi/NUi + NTUi/NUi)

     Les ordres de grandeur des termes du deuxième membre de cette relation sont nettement différents. En particulier, le rapport NTUi/NUi égal à environ 6,10- 4 est très faible devant les autres. Il est d'autant plus légitime de le négliger que lorsqu'on exprime les rapports de nombre de noyaux en rapport de masses l'erreur introduite compense celle que l'on fait en négligeant NTUi/NUi. L'erreur résiduelle est inférieure à 1,5 10-4.

     On obtient ainsi:

Ui = U0 x (1-I / 1 - Pui / Ui)

     Si on admet que les pertes en U et en Pu lors des opérations en amont de l'obtention de la solution clarifiée sont telles que:

PUi/Ui = Pu/U
     on peut calculer Ui et Pui à partir des valeurs de U0, I et Pu d'après:
Ui = U0 x (1-I ) / 1 + Pu/U
p.9


     La précision de I influe peu sur Ui; par contre, celle de Pu/U influe beaucoup sur Pui. Ce rapport Pu/U doit être connu avec le maximum de précision.
     Les précisions (reproductibilité + exactitude) sont de:
     - 0,1% sur CU
     - 0,1 à 0,2% sur CPu
     - 0,3% sur Pu/U
     - quelques % sur I
     Ui est couramment obtenu avec une précision de 0,15%. 
     Compte tenu de ces calculs, la perte de Pu dans les coques et les fines de dissolution peut être déduite d'après: DPu = Pui - VCPu.
     D'après la COGEMA, la perte est très faible, de sorte que Pui serait sensiblement égal à Pu et Ui égal à U.
6.2.2. Bilan de sortie
     Les bilans de sortie sont établis par mesure gravimétrique directe sur le nitrate d'uranyle et l'oxyde de plutonium. On mesure les quantités finales Uf et Puf.
6.2.3. Bilans divers
      Des dosages de U et Pu sont effectuées à partir de parties aliquotes prélevées dans les cuves d'ajustage avant chaque cycle (partition cycle U, cycle Pu) et avant la précipitation de l'oxalate de plutonium.
     Par ailleurs, U et Pu accompagnant les PF et les effluents envoyés à la STE sont aussi dosés; les pertes dans les déchets solides divers sont également évaluées avec la meilleure précision possible.
6.2.4. Bilans globaux
     Les bilans gravimétriques globaux, l'estimation des quantités de matières contenues dans les déchets et l'évaluation de l'écart d'inventaire permettent de comptabiliser l'uranium et surtout le plutonium ayant transité dans l'usine.
6.2.5. Écart d'inventaire
      Pour une campagne donnée, on définit l'écart d'inventaire D (appelé "MUF" par les anglo-saxons) pour l'uranium ou le plutonium en tenant compte des quantités Ui, Uf (Pui, Puf) déjà définies, de la quantité mesurée qui part aux déchets UD (PuD) et de la charge en œuvre (ou «en cours» ou «hold up») correspondant à cette campagne.

     Par définition:
D = Ui - (charge en cours + Uf + UD

     Comme la charge en cours est difficile à mesurer ou à calculer, les bilans sont effectués, à l'issue de chaque campagne après rinçage de l'installation.
     Les rinçages sont recyclés. Il est admis que la quantité restante dans l'installation est constante. On exprime le "MUF"  en pourcentage de la quantité initiale.
     La quantité PuD, évaluée en pourcentage de Pui, comporte deux parties distinctes ainsi constituées dans le cas du plutonium issu du retraitement de combustibles EP:
     - le Pu contenu dans les déchets irrécupérables, soit:
     - Pu contenu:
· dans les boues de traitement des effluents et les PF: 0,75%
· dans les déchets solides irrécupérables: 0,34%
· dans les rejets contrôlés dans l'environnement: inférieur à 0,01%.
· Pu contenu dans les déchets récupérables: 0,36%.

     Sur une période assez longue, l'écart d'inventaire est globalement positif: l'écart cumulé d'année en année pendant la vie d'UP2 a décru, du fait de l'amélioration des méthodes d'évaluation des bilans et de l'augmentation des tonnages traités.
     Pour le plutonium EP, l'écart d'inventaire cumulé sur plusieurs années est, pour La Hague, de 0,15% des quantités reconnues à l'entrée de l'usine.
     L'écart d'inventaire calculé pour l'uranium est toujours beaucoup plus faible (moins de dix fois moins que par le plutonium).
     L'écart d'inventaire correspond pour la plus grande part à de la matière «virtuelle», dont l'existence apparente est liée aux performances des méthodes d'évaluation utilisées qui, aussi précises et évolutives qu'elles soient, sont et seront toujours entachées d'une certaine incertitude.
     Cette fraction n'a pas d'existence réelle, elle résulte d'une erreur aléatoire qui peut avoir pour conséquence une surestimation des quantités de matière entrant dans l'usine, surestimation qui tendra à s'atténuer avec 1'«affinage» des méthodes d'évaluation.

p.10
Tableau 1
Données sur les tonnages de combustibles BWR et PWR traités à UP2
BWR
PWR
 
1
2
3
4
5
1
2
3
4
5
Année
t
p
j
t/jour
t/an
t
p
j
t/jour
t/an
1976
14,6
188
28
0,521
156
 
 
 
 
 
1977
 
 
 
 
 
17,3
350
37
0,467
140
1978
 
 
 
 
 
38,9
350
75
0,518
155
1979
48,0
155
87
0,551
165
32,2
300
42
0,766
230
1980
33,4
 148
50
0,668
200
70,7
315
102
0,693
207
1981
 
 
 
 
 
89,9
340
146
0,615
184
1. Tonnage traité en tonnes
2. Poids moyen des assemblages en kg
3. Nombre de jours de campagne, y compris les arrêts programmés et les arrêts aléatoires.
4. Capacité journalière moyenne.
5. Capacité reconstituée
Note GSIEN: Les arrêts aléatoires sont vraisemblablement les pannes et les arrêts programmés, la maintenance et les réparations. Dans cette partie, la part des pannes est difficile à déterminer.


      Une petite fraction de l'écart d'inventaire pourrait être attribuée à l'imprécision des méthodes d'évaluation (dans le cas du Pu) des quantités présentes dans les déchets produits à la conversion en Pu02 et dans les effluents carbonatés. 
L'incertitude d'évaluation des quantités de Pu contenues dans les déchets n'explique pas du tout l'écart d'inventaire. En effet, ces quantités et l'écart d'inventaire sont du même ordre de grandeur ; il faudrait donc que l'incertitude sur l'évaluation du Pu dans les déchets soit de 100 % environ; or, on sait que ces évaluations sont faites avec une bien meilleure précision. 
Enfin, une dernière fraction de l'écart d'inventaire peut être représentée par de la matière fissile réellement accumulée dans les installations. 
 L'expérience du rinçage d'usines, telles EUROCHEMIC et AT. 1, a bien montré qu'il existe effectivement une rétention de matière fissile sur la surface des tuyauteries et des appareils dont la valeur, en raison de la taille des installations, n'a rien de surprenant. 
 Néanmoins, les lavages poussés auxquels ces usines ont été soumises n'ont permis de récupérer que des quantités de matières inférieures à l'écart d'inventaire cumulé, alors que les contrôles effectués après les lavages ont montré que les quantités résiduelles étaient négligeables. 
 L'analyse ci-dessus conduit dans ces conditions à penser que la moyenne de l'erreur aléatoire au niveau du bilan d'entrée correspond en fait à une légère surestimation des quantités de plutonium entrant dans l'usine.

Tableau 2
Données sur les tonnages de combustibles UNGG traités à UP2 à partir de 1976

 
 1
3 4
 
 Année
 t
j
t/jour
t/an 
 1976
 218
 270 
 0,81
242 
 1977
 351
 260
 1,35
 405
 1978
 372
 220
 1,69
 507
 1979
 261
 140
 1,86
 560
 1980
 253
 130
 1,94
 583
 1981
 251
 150
 1,67
 502
1 - Tonnage traité en tonne
2 - Nombre de jours de campagne y compris les arrêts programmés et les arrêts aléatoires.
3. Capacité journalière moyenne.
4. Capacité annuelle reconstituée.

Note GSIEN: Il faut regarder avec prudence les chiffres officiels car, par exemple en 1976 l'usine de La Hague a été arrêtée par fait de grève du 16 sept. 76 jusqu'à la fin de l'année. Or, on annonce (Tbx 1 et 2) 298 jours de campagne. La grève qui a fait passer la capacité annuelle reconstituée à 242 t/an en UN66 au lieu des 5 à 600 t/an des autres années était-elle comptabilisée comme arrêt aléatoire ou comme arrêt programmé?

Tableau 3

 Quantité de:
UNGG
BWR et PWR
 Combustible retraité (t)
 4.113
 345
 U contenu (t)
 4.113
 304
 Pu entrant (kg)
 6.169
 2.736
 Pourcentage de récupération Pu (**)
 95,02
 98,75
Quantité de: 
 Pu récupéré (kg)
 6.047
2.702 
 Pu no récupéré (kg)
 122
 34
1 kg U UNGG = 1,5 g Pu
1 kg U EL = 9 g Pu
(**) Il s'agit de pourcentages cumulés:
- de 1966 à 1981 pour les UNGG
- de 1976 à 1981 pour les EL
suite:
ANNEXE 2

CAPACITE DES USINES UP3, UP2-800 ET DE LA STATION DE TRAITEMENT DES EFFLUENTS (STE 3)

I - UP3
1. Mission de UP3
     UP3 a pour première mission de retraiter 6.000 tonnes de combustibles issus des réacteurs EP (livrés avant 1990) correspondant aux contrats-types 1981-90 passés avec l'étranger, puis des combustibles EDF des tranches 900 et 1.300 MWe (livrés à partir de 1990).
2. Nature des assemblages
     Les assemblages provenant des réacteurs étrangers sont divers mais on peut estimer que leur poids moyen se situe autour de 350 kg pour les PWR et 180 kg pour les BWR. Les assemblages des PWR français sont standardisés à 450 kg, (900 MWe) et 540 kg (1.300 MWe).
3. Capacité de UP3
     La conception de la tête de UP3 (cisaille-dissolution-clarification) est telle qu'elle ne peut constituer, comme HAO dans UP2, un goulot d'étranglement. Elle est en effet équipée de deux chaînes, cisaille-dissolution, capables de traiter chacune 800 t/an de combustible nominal. Le magasin horizontal des cisailles offre une souplesse supplémentaire. Par ailleurs, la contrainte due au cisaillage disparaît du fait de la mise en place d'une dissolution continue.
     Ce sont les ateliers en aval qui pourraient limiter la capacité. Les documents fournis par la COGEMA montrent que ce ne sera pas le cas pour les opérations du procédé qui pourront éventuellement être réalisées même en temps masqué, compte tenu des capacités tampons importantes dont sera pourvue l'usine. Il convient toutefois de noter que UP3 retraitera en moyenne 4 t/jour de combustible (300 x 0,66 x 4 = 800 t/an), ce qui correspond environ à 40 kg de Pu par jour. Cela conduit, compte tenu de la limite de concentration admissible en Pu des solutions aqueuses (6 g/l), à traiter à certaines étapes du procédé des volumes très importants de phases organiques et aqueuses. Il n'y aura pas de grandes possibilités d'augmenter la capacité journalière, en cas de besoin.
     Quant aux opérations en ligne (cimentation des coques et embouts, bitumage des boues), l'absence de capacité tampon peut être une cause d'arrêt de l'ensemble de l'usine en cas de mauvais fonctionnement de ces ateliers. La vitrification des PF, qui est différée d'un an, bénéficiera d'une capacité tampon suffisante pour éviter une telle répercussion sur l'exploitation de l'usine.

II- UP2-800
1. Mission de UP2-800
     UP2-800 est appelée à retraiter en premier 4.850 t de combustibles correspondant à la différence entre les 6.800 tonnes des contrats passés entre la COGEMA et EDF, plus Chooz, plus étrangers, et les 1.950 tonnes, déjà traités (315 t) ou à traiter (1.635 t), jusqu'à la transformation d'UP2 en UP2-800. Ensuite, elle retraitera des combustibles EDF des tranches 900 et 1.300 MWe livrés à partir de 1990.
2. Nature des assemblages
     Les caractéristiques des assemblages étrangers sont proches de celles des assemblages de UP3. Toutefois, il y en a relativement peu (1.220 t) en comparaison des assemblages EDF (5.300 t) mieux standardisés (460 à 540 kg) et proches des assemblages nominaux.
3. Capacité de UP2-800
     La conception de l'usine UP2-800 est très proche de celle de l'usine UP3, en particulier pour les ateliers en tête. Il y a quelques différences dans certaines étapes du procédé, mais qui n'impliquent pas de limitations supplémentaires par rapport à celles qui ont été discutées pour UP3. Enfin, les étapes en ligne sont les mêmes.
     En conséquence, il n'apparaît pas de raisons majeures de craindre que la capacité de UP2-800 soit inférieure à 800 t/an.

III - STE 3
     La station de traitement de STE 3 sera une version améliorée de la station actuellement en fonctionnement à La Hague. Ses performances qualitatives seront intrinsèquement meilleures (de l'ordre de 4 à 5 fois mieux en a et b, g que la STE actuelle). Comme les effluents de UP3 et UP2-800 seront moins actifs en a que ceux de UP2 en raison des améliorations apportées au procédé, STE 3 aura un bon pouvoir de rétention. Au plan quantitatif, la capacité de traitement des effluents ne semble pas poser de problème particulier. Il en est de même de la capacité de bitumage des boues, hors la remarque faite précédemment concernant l'absence de capacité tampon. 

p.11

 

ANNEXE 3

CAPACITES D'ENTREPOSAGE NECESSAIRES POUR UP3 ET UP2-800 
ET RESORPTION DU STOCK - EXAMEN DE QUELQUES SCENARIOS

     La capacité d'entreposage à mettre en œuvre pour les combustibles en attente de retraitement dépend de trois facteurs principaux:
     - le flux de réception des combustibles à La Hague,
     - les dates de démarrage des usines et de leur montée en puissance,
     - la capacité des nouvelles usines à retraiter effectivement chacune 800 t/an (et de celle de UP2 à retraiter 250 t/an).
Scénario 1:
     Le scénario présenté par la COGEMA en 1981 admet que UP3 commencera à retraiter 100 t en 1987 et que UP2-800 commencera à retraiter 100 t en 1988. Compte tenu des calendriers des livraisons correspondant aux différents contrats de ces usines et des prévisions de leur montée en puissance jusqu'à 800 t/an en 4 ans (1991 pour UP3, 1992 pour UP2-800) ainsi que des performances de UP2, on peut établir l'évolution de la capacité de stockage nécessaire. Cette évolution (scénario 1) apparaît sur le tableau 1.
     A partir de ce scénario, on peut en imaginer d'autres, par exemple les trois suivants qui ne mettent en jeu que les paramètres dates de démarrage et quantités retraitées.
Scénario 2:
     Les usines démarrent aux dates indiquées. UP2 ne retraite que 200 t/an, UP3 et UP2-800 ne traitent que 700 t/ an chacune.
Scénario 3:
     Les usines démarrent avec deux ans de retard. UP2 retraite 250 t/an, UP3 et UP2-800 traitent 800 t/an chacune.
Scénario 4:
     Les usines démarrent avec trois ans de retard. UP2 ne retraite que 200 t/an, UP3 et UP2-800 ne traitent que 700 t/an chacune.
     Ces scénarios assez pessimistes sont néanmoins envisageables. On sait déjà qu'il y aura un glissement des dates de démarrage d'au moins 6 mois pour UP3 et peut-être un an pour UP2-800. Les évolutions des stocks correspondant à ces scénarios sont données dans les colonnes 2, 3 et 4 du tableau 1 jusqu'en 1996, date au-delà de laquelle il est difficile de faire aujourd'hui des prévisions. 

suite:
On constate que:
     - dans les scénarios 1 et 3, les quantités stockées passent par un maximum, respectivement 8700 t en 1991 et 11.800 t en 1992, puis décroissent très lentement;
     - dans les scénarios 2 et 4, les quantités stockées augmentent continuellement jusqu'en 1996;
     - dans le scénario 4, le plus pénalisant, un stock de 12.000 tonnes est atteint dès 1991.
     Bien entendu, ces évolutions peuvent être largement tempérées par une diminution du flux d'arrivée des combustibles ou une modification de leur nature. Par exemple les programmes d'EDF seront peut-être tels qu'une quantité très inférieure à 1.600 t de combustibles sera déchargée des réacteurs à partir de 1990, si les combustibles sont enrichis à 4,5% et déchargés tous les 18 mois, ou si le parc de centrales est trop important pour la demande de base en électricité. Elles montrent néanmoins qu'il convient de se préoccuper de deux problèmes:
· la capacité d'accueil des piscines dont la construction est programmée,
· la résorption du stock qui pourrait être de 9 à 12.000 t vers 1991-1992.

SOUPLESSE DES CAPACITÉS DES PISCINES D'ENTREPOSAGE

     Il est prévu de construire, sur le site de La Hague, trois piscines C, D, E en plus de la piscine NPH déjà en fonction (1981), selon le calendrier suivant: 
· Piscine C: septembre 1983 
· Piscine D: mi-1985 
· Piscine E: début 1987. 
     Chaque piscine de La Hague a une capacité nominale de 2.000 t. En fait, selon l'arrangement des paniers, la nature des assemblages BWR ou PWR et selon leur poids, les capacités d'accueil pourraient être beaucoup plus importantes. La COGEMA indique que pour une configuration à 600 paniers, une piscine peut accepter de 2.160 à 2.860 t et que pour une configuration un peu plus dense à 720 paniers, elle peut accepter 2.600 à 3.400 t. En configuration très compacte à 850 paniers, la capacité nominale pourrait même être doublée sous réserve de vérification de tenue aux séismes.
     En conséquence, dès 1987, la capacité de stockage peut osciller selon les besoins comme il est indiqué sur le tableau 2.

 p.12

 

CONCLUSION

     L'examen des demandes d'entreposage et des capacités d'accueil montre qu'il n'apparaît pas de problème majeur de stockage pour les dix années à venir. Il suffit de faire les choix de configuration en temps voulu.
     Dans le cas où un retard de réalisation des usines interviendrait, des capacités supplémentaires d'entreposage seraient nécessaires: il conviendrait de les programmer vers 1986.
     L'accroissement du stock de combustibles a pour conséquence de prolonger leur durée de refroidissement avant retraitement. Dès 1986, même dans l'hypothèse du scénario 1, tous les combustibles retraités auront au moins 5 ans de refroidissement.
     Le décalage de cinq ans environ existant entre les dates de mise en service de la plus grande partie du parc de réacteurs EDF et les dates de mise en actif des usines UP2-800 et UP3 explique l'existence d'un stock important de combustibles en piscine à La Hague en 1990-1991.
     En supposant égales les durées de vie des réacteurs et des usines de retraitement, les usines UP2-800 et UP3 seront mises à l'arrêt en moyenne cinq ans plus tard que les réacteurs EDF dont elles doivent retraiter les combustibles (c'est-à-dire les réacteurs EDF à eau sous pression mis en service avant 1992-1993).
     Les derrières années d'exploitation des usines devront être mises à profit pour résorber le stock de combustibles constitué d'une quantité de combustibles correspondant à celle accumulée en piscine à La Hague avant le démarrage d'UP2-800 et d'UP3.
     Il est clair dans ces conditions que les combustibles issus des réacteurs EDF dont les premiers déchargements surviendraient après 1995 ne pourront être retraités dans UP2-800 et UP3.

Prévisions des quantités en tonnes de combustibles irradiés à stocker selon divers scénarios 1 à 4 (voir texte)

 Années
 1
2
1980
 
 
 
 
 1981
     808 
     808 
     808 
     808 
 1982
 1.676
  1.676 
 1.676
 1.676
 1983
 2.514
 2.514
 2.514
 2.514
 1984
 3.448
 3.448
 3.448
 3.468
 1985
 4.493
  4.563 
 4.493
 4.563
 1986
 5.748
 5.868
 5.748
 5.868
 1987
 7.035
 7.205 
 7.135
 7.305
 1988
 8.084
 8.234
 8.634
 8.804
 1989
 8.688
 8.838
 10.188
 10.258
 1990
 8.609
 8.750
 11.109
 11.429
 1991
 8.759
 8.959
 11.659
 12.479
 1992
 8.689
 9.089
 11.839
 12.859
 1993
 8.659
 9.219
 11.819
 13.238
 1994
 8.549
 9.349
 11.749
 13.269
 1995
 8.479
 9.479
 11.679
 13.399
 1996
 8.409
 9.609
 11.609
 13.529
suite:
Tableau 2
 Configuration (paniers)
600
720
808 
 
8.500 à 11.400 
10.400 à 13.600
12.000 à 16.000* 
* sous réserve

     Enfin, en cas d'accident majeur non prévu dans les scénarios, qui entraînerait un blocage complet d'une usine, il existerait des solutions de secours: l'entreposage des combustibles dans les piscines existantes de la COGEMA avec empoisonnement neutronique, l'utilisation des piscines EDF; un stockage à sec pourrait être également envisagé.


ANNEXE 7

IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT DES REJETS RADIOACTIFS

1 - BILAN DES REJETS

     Actuellement, l'établissement de La Hague retraite annuellement 100 à 150 tonnes de combustible EP et 200 à 300 tonnes additionnelles de combustible UNGG. La capacité de retraitement prévue dans les deux nouvelles installations est de 1.600 t/an de combustible.
     Les rejets de l'établissement de La Hague dans l'environnement comprennent:
     -  les effluents gazeux rejetés dans l'atmosphère,
     -  les effluents liquides rejetés en mer après épuration à la station de traitement des effluents(STE).
     Le contrôle des rejets de gaz et aérosols est assuré par la mesure effectuée en continu dans la cheminée de l'usine.
     A ceci s'ajoute le contrôle in situ, réalisé par prélèvement des végétaux, d'aérosols obtenus par filtration de l'air et par dosimètres intégrateurs disposés autour et à l'intérieur du site.
     Jusqu'ici, le contrôle des rejets liquides était effectué à partir d'échantillons prélevés en points haut, médian et bas du bassin de stockage temporaire, puis mélangés de façon homogène en vue de la mesure.
     Cependant, le point « haut» ne permet pas de prélever la nappe supérieure de la cuve sur laquelle du solvant contaminé ou non peut se trouver, compte tenu de sa densité. Par ailleurs, le point «bas» ne permet pas le prélèvement de précipités s'il s'en forme. Or, l'activité spécifique de ces précipités est supérieure à celle du liquide et leur comportement physico-chimique dans l'eau de mer peut être un obstacle à la dilution recherchée.
     Un brassage avant l'échantillonnage des eaux résiduaires à rejeter ainsi qu'une infiltration préalable sont prévus par l'arrêté du 22 octobre 1980. Ces dispositions devraient améliorer la représentativité des échantillons; par voie de conséquence elles permettront de mieux connaître qualitativement et quantitativement les rejets effectués.
     Le tableau 1 regroupe les paramètres relatifs aux rejets liquides.
     On observe pour les rejets liquides opérés dans les années 1977-80 les valeurs moyennes:
· activité annuelle moyenne: 27.270 Ci/an
· fraction de l'autorisation de rejet: 60,6%
· nombre moyen de rejets: 403
· durée moyenne de rejet: 5,4 h
· volume moyen d'un rejet: 214 m3

p.13


   Le tableau 2 donne le bilan des rejets tritium dans les effluents liquides.
     En ce qui concerne les prévisions de rejets des nouvelles installations (UP2-800 et UP3), plusieurs points doivent être soulignés:
     1. Le krypton 85, gaz rare radioactif, est rejeté dans sa totalité (environ 11.000 Ci/t, pour un combustible EP) par la cheminée de l'usine. Sa libération s'effectue lors du cisaillage et de la dissolution du combustible.
     2. Le tritium liquide, qui ne peut être piégé chimiquement, est principalement rejeté en mer avec les effluents radioactifs liquides. En pratique, les trois quarts du tritium restent piégés en se combinant chimiquement avec le zirconium dans les «coques». Cette fraction sera libérés dans l'hypothèse d'une fusion de coques. Le tonnage de combustible à retraiter prévu a conduit à multiplier par un facteur 16,7 les autorisations de rejets de tritium qui sont passées de 60.000 Ci à 1.000.000 Ci. 
     3. Les autorisations de rejets de radionucléides émetteurs de rayonnements b, g en phase liquide ne seront pas modifiées. La COGEMA s'est engagée en s'appuyant principalement sur une gestion améliorée des effluents (recyclage des effluents trop actifs, avant envoi à la STE, ("barrages" a) à ne pas dépasser les valeurs actuelles d'autorisation de rejet, soit 45.000 Ci/an (hors tritium). 
Tableau 1
Rejets liquides à La Hague
Année
Activité traitée (Ci)
Activité rejetée (Ci)
Fraction (%)
Activité stockée
(Ci)
Facteur de décontamination
1966
  3.667
501
13,63
  3.166
7,34
1967
16.463
2.440
14,82
14.023
6,74
1968
22.345
3.715
16,63
18.630
6,01
1969
21.385
2.060
9,65
19.325
10,38
1970
52.000
9.000
17,30
43.000
5,77
1971
145.850
17.785
17,20
128.065
 
1972
459.155
11.430
2,80
397.725
 
1973
258.870
13.490
5,21
245.380
 
1974
961.240
24.951
2,59
926.289
 
1975
1.015.106
31.924
3,14
953.182
 
1976
221.550
19.298
8,71
202.252
 
1977
363.921
19.968
5,69
343.953
 
1978
615.610
29.503
4,79
586.107
 
1979
485.618
26.956
5,54
458.662
 
1980
399.571
25.355
6,34
374.216
 
Nota - Le «Facteur de décontamination» est égal au rapport de l'activité reçue sur l'activité rejetée.

     Le SCRPI s'est engagé pour ce qui le concerne à ne pas augmenter dans l'avenir les limites réglementaires qui figurent dans l'arrêté du 22 octobre 1980. Sachant que la capacité maximale de l'usine actuelle est de 250 tonnes environ et que les usines futures retraiteront 1.600 tonnes de combustible EP, la gestion des effluents radioactifs liquides devra permettre de gagner un facteur 1.600/250 = 6,4 pour un même taux d'utilisation de la limite de rejet.

II - CONSÉQUENCES SANITAIRES DES REJETS

     Les conséquences pour l'homme qu'occasionnent les rejets radioactifs, liquides et gazeux, en période de fonctionnement normal des installations de retraitement sont exprimées en fractions de limites d'équivalents de doses maximales admissibles dans l'étude d'impact relative au site de La Hague.
     Cette étude s'applique aux conditions actuelles de fonctionnement de l'usine UP2 (situation de référence) puis, par extrapolation, au cas des futures installations UP2-800 et UP3.

Situation de référence (UP2 actuel)

     En ce qui concerne cette usine, la méthode de calcul des doses reposant sur une appréciation de la répartition moyenne de la radioactivité rejetée dans le milieu, tient essentiellement compte de résultats expérimentaux et de l'élaboration de modèles mathématiques.
     1. Milieu marin: les données de base concernant les niveaux de radioactivité de l'eau de mer sont celles obtenues au moyen de rejets de colorant simulant les rejets radioactifs et effectués lors de l'étude prévisionnelle en 1963-64. A partir de ces données permettant une évaluation de la radioactivité artificielle moyenne de l'eau de mer dans le secteur des rejets (aire de 30 x 30 km), les calculs font intervenir les facteurs de concentration des radionucléides dans les différents constituants du milieu dont les niveaux de radioactivité sont appelés à entraîner soit une irradiation interne (consommation de produits marins), soit une irradiation externe (au contact des sédiments, notamment).
     2. Milieu terrestre: le calcul des nuisances (irradiation interne) repose sur une évaluation des teneurs radioactives moyennes dans l'air, dans un rayon de 10 km autour des installations. Cette évaluation est faite en utilisant des modèles mathématiques mis au point à partir de simulations de rejets effectués à l'aide de traceurs artificiels et en tenant compte du grand nombre de données relatives à des mesures effectuées sur des installations nucléaires existantes. Sont ensuite pris en considération des dépôts au sol et enfin les transferts dans la chaîne alimentaire (consommation par la population concernée de végétaux et des produits d'élevage).

p.14
Tableau 2
Rejets tritium dans les effluents liquides
   
Tonnage (t)
Energie thermique (GWj)
Ci/GWj
Année
Acivité 3H rejetée (Ci)
Oxyde
UNGG
Oxyde
UNGG
Oxyde
UNGG
1970
1.657
-
244,7
-
264,0
-
6,28
1971
2.113
-
126,3
-
288,8
-
7,32
1072
2.280
-
250,4
-
541,9
-
4,21
1973
2.967
-
212,9
-
507,8
-
5,84
1974
7.598
-
634,5
-
1.479,0
-
5,14
1975
11.121
-
442,7
-
1.342,8
-
8,28
1976
7.132
14,62
217,8
231,0
606,1
14,4
6,27*
1977
8.958
18,02
354,7
505,9
1.045,3
13,0
6,27*
1978
19.683
38,22
371;4
1.042,3
1.042,3
11,41
6,27*
1979
14.571
79,41
240,0
1.618,0
1.618,0
5,66
6,27*
1980
14.580
104,86
252,0
2.200,0
2.200,0
4,24
6,27*
*Nota -- De 1970 à 1975 la valeur moyenne est de 6,27 Ci/GWj. Nous utilisons cette valeur pour déduire la quantité de tritium rejetée relative au combustible oxyde.


Situation future (UP2-800 et UP3)
     Connaissant les nuisances consécutives au fonctionnement de UP2, l'évaluation des nuisances appelées à résulter du fonctionnement de UP2-800 et UP3 se présente comme une reconduction de la méthode appliquée pour UP2. Par rapport à la situation de référence, la seule différence notable quant à la composition des effluents tient à l'augmentation des rejets en tritium et krypton 85.
     En ce qui concerne les rejets liquides, s'il se confirme que la puissance additionnelle due au tritium n'est pas appelée, en raison de la faible radioactivité de ce nucléide, à modifier sensiblement le bilan des nuisances, on pourra admettre que l'irradiation interne résultant du fonctionnement des nouvelles installations demeurera du même ordre de grandeur et de même nature que celle due au fonctionnement de l'usine UP2.

III- REMARQUES
     S'agissant de la méthodologie adoptée pour l'évaluation des conséquences sanitaires des rejets, il est permis de penser que les valeurs de dilution obtenues à partir de colorants solubles ne reflètent pas nécessairement la répartition réelle des radionucléides dans le milieu aqueux, en raison de comportements physico-chimiques différents: certains radionucléides demeurent en effet sous une forme soluble dans l'eau de mer, d'autres évoluent vers des formes particulaires, ce qui entraîne pour ces derniers une modification du facteur de dilution par rapport à ceux établis pour des éléments solubles.
     A défaut de pouvoir se référer à un maillage suffisant de valeurs sur la teneur de l'eau de mer en radionucléides artificiels dans l'aire de répartition des rejets de La Hague, on peut néanmoins relever que les activités massiques d'espèces vivantes côtières, prélevées à des distances croissantes du point de rejet, ne diminuent pas toujours en conformité avec les valeurs de dilution observées pour un colorant.
     Tel est le cas du plutonium entre autres, pour lequel on constate chez les espèces sédentaires étudiées, une diminution des activités massiques d'un facteur 2 à 4 à 30 km du point de rejet (fig. 1) au lieu du facteur de l'ordre de 100 auquel on devrait s'attendre d'après le modèle expérimental fondé sur le seul comportement d'un colorant (fig. 2).
     Ces résultats montrent l'importance qu'auraient des mesures systémtiques de la radioactivité de l'eau de mer dans le secteur de La Hague, en vue d'obtenir une présentation cartographique sous forme de courbe d'isoconcentration pouvant être comparées à celles retenues pour l'étude d'impact.

suite:
Figure 1
Radioactivité massique en plutonium des différentes espèces en fonction de la position géographique des stations de prélèvement

Figure 2
Opération «Rhodolea beta»
Carte des concentrations moyennes pour un rejet de 1 curie/jour (échelle: 1/700.000e)
(cité par Lapicque 1974)

     En ce qui concerne l'évaluation des doses individuelles relatives aux «groupes critiques», le groupe de travail n'a pas pu obtenir de précisions lui permettant de connaître les paramètres et les bases chiffrées sur lesquels reposent les valeurs d'engagement de dose qui figurent dans l'étude d'impact. Cependant, d'autres évaluations publiées montrent que les doses individuelles moyennes sont voisines du centième de la dose maximale admissible pour les personnes du public.
     Par ailleurs, nous ne disposons pas d'évaluation de la dose collective du public. Notons qu'en ce qui concerne l'usine de Windscale dont les rejets sont huit fois plus importants que ceux de La Hague et dans un milieu dont les possibilités de dilution sont sensiblement moins bonnes, la dose collective des personnes du public a atteint 13.400 homme.rems en 1978 (trois fois plus que la dose collective des travailleurs de l'usine - voir annexe 8).

p.15

 

ANNEXE 7

Note sur l'annexe

     Si en 1965 il était normal de faire une étude d'impact avec des colorants solubles, il n'en est plus de même en 1983. Compte tenu des mesures qui sont faites sur le site chaque année, il devrait être possible au moins de vérifier les modèles et de refaire les courbes d'isodose. Ce qui est souligné dans cette annexe, c'est que, compte tenu de certains résultats (concentration en plutonium par exemple), des mesures systématiques sont nécessaires.
     Nous posons donc la question: pourquoi le modèle n'a-t-il pas été confronté aux données mesurées à l'aide de prélèvements?
     Quant aux évaluations de doses, nous soulignons que le groupe de travail n'a pas pu obtenir les paramètres et les bases chiffrées permettant de les calculer. Ceci est tout à fait anormal. L'information des populations exige des dossiers clairs. Connaissant les rejets de Windscale et les calculs faits par les Anglais, il est facile de revenir aux valeurs de La Hague. Mais c'est un moyen détourné et qui n'est pas le chemin le plus court. Quand donc nos industriels comprendront-ils que la confiance s'use à force de toujours masquer les dossiers?
     Par ailleurs, comment le dossier d'impact a-t-il pu être présenté sans ces nouvelles données et surtout comment a-t-il pu être accepté? Qui donc vérifie les données? Si la Commission n'en avait pas parlé, ce point aurait-il été soulevé par d'autres personnes que ces fameux "Verts" dont on dit tant de mal? La Gazette Nucléaire souligne leur importance car ils examinent les dossiers, et leurs questions, même mal formulées, sont pertinentes et ne méritent pas le mépris avec lequel on les traite.

 

ANNEXE 8

LES REJETS DE WINDSCALE

Information du public sur les rejets d'effluents radioactifs liquides et gazeux

     Les données dosimétriques relatives à l'exposition du public par les rejets liquides et gazeux font l'objet, en Grande-Bretagne, de publications annuelles qui émanent du ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation[1] ou du Bureau national de radioprotection.(NRPB) [2].
     Ces publications font état des données de base suivantes:
     1. activité des radionucléides principaux et activités globales rejetées. Ces données sont aussi publiées par les exploitants[3].
     2. concentrations radioactives moyennes en émetteurs g mesurées en différents lieux pour des poissons (Cs-137 principalement) crustacés et coquillages (Co-60, Zr-95 plus Nb-95, Tc-99, Ru-106, Ag-110m, Cs-134, Cs-137, Ce-144). Ces concentrations radioactives moyennes sont aussi mesurées, pour les émetteurs a (Pu-238, Pu-239 plus Pu-240, Am-241, Cm-243 plus Cm-244), dans les coquillages et crustacés.
     3. hypothèses de consommation de produits de la mer pour trois catégories de consommateurs accompagnées des résultats de calculs d'équivalent de dose relatifs aux radionucléides principaux.
     Ces calculs de dose engagée sont donnés en tenant compte des anciens concepts de calcul (CIPR 9) et des nouveaux (CIPR 26).

p.16
Doses individuelles relatives à la consommation de poissons, crustacés et coquillages de la mer d'Irlande, 1978
(d'après [1])
Table individual radiation exposures due to consumption of Irish Sea and shelfish, 1978
Consumers in local fishing community
170 g/d fish,
15 g/d crustaceans,
6 g/d molluscs
90Sr                   2,8
106Ru              0,02
134Cs                3,4
137Cs               16,8
239Pu+240Pu   0,05
241Am                0,1
Total              23
90Sr                   0,6
106Ru                1,5
134Cs                2,0
137Cs               16,8
239Pu+240Pu     0,9
241Am                3,7
Total              26
Consumers associated with commercial fishering (Whitehaven, Fleetwood,, Morecambe Bay)
360 g/d fish,
70 g/d crustaceans,
50 g/d molluscs
90Sr                 4,5
106Ru             0,005
134Cs               2,4
137Cs               12,1
239Pu+240Pu   0,002
241Am              0,008
Total          19
90Sr                  0,9
106Ru               0,4
134Cs               1,4
137Cs               12,1
239Pu+240Pu   0,04
241Am               0,2
Total             15
Typical member of the fish-eating public consuming fish landed at Whitehaven/Fleetwood)
40 g/d fish
134Cs               0,2
137Cs               1,0
Total           1,3
134Cs               0,1
137Cs               1,0
Total            1,2

 

I - REJETS LIQUIDES DE L'USINE DE WINDSCALE

     Les autorisations de rejets d'effluents radioactifs liquides sont bien plus élevées que celles de La Hague:
     - activité totale b: 300.000 Ci/an au lieu de 45.000 Ci/an pour l'usine de La Hague (rapport 7,7),
     - activité totale a: 6.000 Ci/an au lieu de 90 Ci/an (rapport 67); les rejets réels sont voisins de 200.000 Ci/an en b à Windscale (25.000 Ci/an à La Hague) et de 2.000 Ci/an en émetteurs a (15 Ci/an à La Hague).

II - CALCULS DES DOSES

     La publication [1] donne le résultat des calculs de dose effective engagée pour trois catégories de consommateurs. Les résultats sont rassemblés dans le tableau ci-dessus.
     L'équivalent de dose effective engagée varie entre 1,3% et 23% des limites maximales admissibles pour le public.
     L'application des CIPR 26 et 30 ne modifie pas ces fractions dans la mesure où la diminution de l'équivalent de dose relatif au strontium 90 est compensée par l'augmentation de celui qui est relatif aux transuraniens.
     On notera que le calcul de l'équivalent de dose collectif est important. Il représente environ trois fois la dose collective des travailleurs de l'usine de Windscale. La contribution des autres installations nucléaires de base à la dose collective est négligeable devant celle de Windscale.

Equivalent de dose collective effective engagée:
134 hommes.sieverts (13.400 hommes.rems)
 (d'après [2])
Collective effective dose equivalent commiment 134 man.Sv

Bibliographie

1. HUNT. G.J. - «Radioactivity in surface and coastal waters of the british isles, 1978». Aquatic environment monitoring report. Number 4. ISSN 0142 6 2499 LOWESTOFT (1980).
2. CLARK. M.J. - Collective doses from liquid effluents, Radiological protection bulletin (NRPB) n. 47, july 1982.
3. LARKIN. MJ. - Liquid and airborn effluents from Windscale nuclear fuel reprocessing plant, Séminaire des communautés européennes 25.11.77 - Karlsruhe.

suite:
ANNEXE 10

Note sur l'annexe

     Voici un exemple de scénario accidentel que le groupe de travail a étudié. Il semblerait qu'il n'aurait pas été envisagé jusqu'à ce jour. Le groupe formule donc des questions et des recommandations. suite:
 
 

CONSEQUENCES POSSIBLES D'UN ENLISEMENT ACCIDENTEL D'UN CHATEAU DE TRANSPORT DE COMBUSTIBLES IRRADIES

     A la suite d'un accident en cours de transport, un château peut se retrouver en dehors de la plateforme de la route ou de la voie ferrée, sur un terrain meuble, submergé ou non, incapable de supporter sans enlisement, total ou partiel, la forte charge au sol que représente le château.L'enlisement peut réduire probablement la capacité d'évacuation thermique vers l'extérieur du fait d'une dessication locale du milieu environnant.
     La réduction d'évacuation thermique, si elle dépasse un certain seuil, entraîne à terme la détérioration du joint d'étanchéité par échauffement excessif. En effet, dans le cas de TN 12 par exemple, le joint fonctionne normalement à une température de 155°C et l'étanchéité n'est plus assurée à partir d'une température de 316°; la perte totale d'évacuation thermique entraîne une élévation de température de 4° par heure. Dans une telle circonstance, on ne disposerait donc que d'un délai de 40 heures avant la perte d'étanchéité. Même avec une perte seulement partielle de l'évacuation thermique, ce délai peut n'être que de quelques jours.
     Or, les conditions de terrain et l'enlisement du château rendent a priori plus difficiles et plus longues les opérations de récupération, qui nécessitent éventuellement des moyens autres que ceux utilisables en terrain compact.
     Il convient de se donner pour objectif la récupération avant perte d'étanchéité car les éléments combustibles peuvent avoir été détériorés par l'accident (et/ou par l'échauffement) et l'on assisterait alors, après la perte d'étanchéité, à un dégagement extérieur de gaz radioactifs rendant encore plus difficile la suite des opérations.
     C'est la raison pour laquelle le groupe recommande que les itinéraires routiers et ferroviaires fassent l'objet d'une analyse de la probabilité de ce type de risque, et que l'on s'assure, si nécessaire, de la possibilité de désenliser et de récupérer les châteaux, dans les délais compatibles avec le maintien de l'étanchéité, et ce, même dans les conditions les plus difficiles pouvant être rencontrées le long de ces itinéraires quant à la nature des terrains.
     Dans la formulation de cette dernière recommandation, le groupe fait l'hypothèse que les moyens d'intervention existent, soit parmi les moyens civils, soit parmi les moyens militaires, et que ces moyens peuvent être mobilisés en tant que de besoin.

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II - LES PROJETS DE L'ANDRA

     L'ANDRA, est-il besoin de le préciser, est l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs - du moins c'est la traduction que nous en donnons, tant en France nous utilisons des sigles en se figurant que tout le monde en connaît la signification (Si ce n'est pas la traduction exacte, nous nous ferons un plaisir de corriger...).
      Cette agence s'est hâtée de préparer un dossier avec son programme à long, moyen et court terme, de gestion des déchets. Ce programme, soumis pour avis au Conseil Supérieur de Sûreté Nucléaire, sera l'objet de la séance du 19 avril 1983. Lors de sa précédente séance, le Conseil a demandé au groupe Castaing d'étudier le programme de l'ANDRA dans l'optique des recornmandations de son rapport. La séance du 19 avril fut particulièrement mouvementtée et au lieu d'examiner le programme de gestion des déchets proposé par le CEA à la lumière du rapport du groupe Castaing, ce sont la forme et le fond de ce rapport que les nucléocrates ont attaqué avec une virulence et un manque de retenue difficilement admissible. Disant cela nous ne trahissons aucun secret de séance puisque le mercredi 20 avril J.F .A. écrivait dans le Monde (daté du 21 avril). « La sévérité du propos a bien évidemment succité les passions et donné lieu à trois heures et demie de débats qualifié par les témoins, d'orageux.». Le conseil supérieur de Sureté nucléaire ayant décidé que le programme de gestion du CEA et le rapport du groupe Castaing seraient rendus public et diffusé à la presse dès le 21 avril (diffusion effectuée malgré une tentative de blocage de dernière minute qui obligea les journalistes à faire le siège de tous les niveaux de décision du ministre de l'industrie et de la recherche) nous vous présentons le rapport de travail du groupe Castaing à l'exclusion des annexes (pour raison de place comme vous le comprendrez bien).
     Mais dès à présent nous voulons attirer votre attention sur le problème de l'immersion en mer des déchets.
     En 1972 avait été créée la Convention de Londres pour la Prévention de la pollution marine.
     Cette année, à l'initiative de l'Espagne, la Convention a examiné une résolution tendant à interdire l'immersion des déchets radioactifs. Souvenez-vous de la campagne menée par Greenpeace et les marins-pêcheurs espagnols pendant l'été 1982, pour essayer d'empêcher que des ftits de déchets soient immergés au large des côtes espagnoles. L'action, à défaut d'aboutir sur le terrain, obligea le gouvernement espagnol à protester officiellement, puis à déposer cette recommandation.
     Cette recommandation d'interdiction fut transformée en une suspension et ne fut pas votée avec une majorité suffisante pour ne pas être autre chose qu'une recommandation morale.
     La France s'est abstenue, pour la raison officielle qu'elle ne procède plus à des immersions depuis 1969, mais vraisemblablement pour une raison plus simple, c'est qu'en étudiant les dossiers de l'ANDRA, on y trouve que:
     «La France ne doit pas exclure de se joindre aux opérations d'immersion à partir de 1983 ou 1984. Les quantités à immerger, de l'ordre de quelques centaines de mètres cubes par an les premières années, seraient susceptibles d'une augmentation ultérieure, à la suite de l'examen des conditions dans lesquelles se seraient déroulées les premières campagnes.».
     Nous vous donnerons d'abord des extraits des rapports de l'ANDRA, puis le dossier de Greenpeace faisant le point de la situation.
suite:
Extrait (pages 43-44) du «Programme général de gestion des déchets radioactifs»
ANDRA, octobre 1982

IV.4 IMMERSION

IV.4.1. Objectifs de l'ANDRA
     La Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers par les immersions de déchets, convention que la France a signée et ratijïée, prévoit les conditions dans lesquelles peuvent être immergés des déchets radioactifs. C'est l'Agence Nationale de l'Energie Atomique qui, dans le cadre de cette convention, fixe les limites et établit des normes et des directives.
     Les opérations d'immersion effectuées actuellement se font dans le cadre d'un mécanisme multilatéral de consultation et de surveillance mis au point par l'Agence pour l'Énergie Nucléaire (AEN) de l'OCDE. 
 Dans le cadre de ce mécanisme, différents pays (GrandeBretagne, Belgique, Pays-Bas, Suisse) procèdent régulièrement, sous leur propre responsabilité et sous le contrôle de l'AEN, à l'immersion de leurs déchets de faible activité.
     Le Conseil Scientifique et Technique de l'ANDRA considère que l'immersion de certaines catégories de déchets de faible et moyenne activité doit être considérée comme l'un des moyens qui, associé aux stockages terrestres, permet d'élargir la gamme des solutions destinées à optimiser la gestion à long terme des déchets.
     En effet, il apparaît que pour certains d'entre eux, en particulier ceux contenant du tritium, l'immersion présente un avantage certain par rapport au stockage à long terme à terre, en tenant compte des aspects de sûreté et de l'économie de gestion.
     La France ne doit pas exclure de se joindre aux opérations d'immersion à partir de 1983 ou 1984. Les quantités à immerger, de l'ordre de quelques centaines de mètres cubes par an les premières années, seraient susceptibles d'une augmentation ultérieure, à la suite de l'examen des conditions dans lesquelles se seraient déroulées les premières campagnes.
IV .4.2. Études
     Le concept d'une telle opération est basé sur l'analyse des conditions de retour éventuel de la radioactivité contenue dans les déchets. Sans tenir compte du confinement apporté par le conditionnement (qui cependant, comme l'ont montré les observations américaines[1] faites au début des années 1970 sur les déchets immergés depuis plus de vingt ans, peut certainement être garanti pour plusieurs décennies), les transferts de radioactivité ne se font que lentement, en particulier à cause de l'existence de couches stables d'eau froide entre lesquelles les échanges ne se font que par diffusion. Ces transferts ont été modélisés en tenant compte des possibilités de reconcentration dans les chaines biologiques que les études de radio-écologie marine menées depuis plus de vingt ans ont permis de bien connaître. A partir des résultats obtenus et en prenant des facteurs de sécurité élevés, il a été calculé quelles étaient les quantités de radioactivité qu'il était possible d'immerger annuellement n'entraînant que des niveaux très faibles d'irradiation potentielle des groupes de population les plus exposés.

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NOTA - Que personne ne se trompe: l'ANDRA, c'est le CEA. Les textes officiels ont tous la double appellation. C'est comme pour l'IPSN (Institut de Protection et Sûreté Nucléaire) qui à l'origine devait être un organisme indépendant; s'il semble bien que dans les textes ce soit le cas, dans les faits c'est une excroissance du CEA sans aucune indépendance de pensée!
1. La concentration sur un même site apparaît comme un facteur aggravant (voir l'appréciation du Pt. W. Jakson Davis dans le dossier de Greenpeace) car les immersions tablaient en fait sur une dilution.

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